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Facteurs liés à la synchronisation affectant le « rhizosphere priming effect »

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION GENERALE

2. État de l’art

2.4. Le « rhizosphere priming effect »

2.4.2. Facteurs liés à la synchronisation affectant le « rhizosphere priming effect »

Le changement du taux de décomposition des MOS en présence de plantes vivantes peut être

positif ou négatif bien qu’il soit la plupart du temps positif, impliquant une accélération de la

décomposition de la MOS induite par la présence de plantes (Fig. 1.12). Les estimations du

RPE varient entre une diminution de 50% et une augmentation de 380% de la respiration du sol

comparée au témoin sans plante (Cheng et al., 2003, 2014). La compréhension de cette

variabilité importante de la magnitude du RPE fait l'objet de recherches actuelles sur différents

facteurs (Kuzyakov, 2002; Cheng et al., 2014; Huo et al., 2017) dont certains pourraient être

déterminants de la synchronisation sol-plantes.

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1) Le rôle de la photosynthèse

Certaines études, au travers de la manipulation de la photosynthèse (coupe et obscurité) et

par des corrélations entre biomasse des végétaux et RPE, ont suggéré que la photosynthèse joue

un rôle prépondérant dans la magnitude du RPE (Fig. 1.13) (Kuzyakov and Cheng, 2001a,

2004; Dijkstra et al., 2006; Shahzad et al., 2015; Huo et al., 2017). En effet, il a été estimé que

7% à 17% du C assimilé par photosynthèse est perdu dans le sol sous forme de rhizodépôts

(Nguyen, 2003; Pausch and Kuzyakov, 2018). Ces rhizodépôts, composés facilement

assimilables (MOF), agissent comme une amorce pour minéraliser la MOS en alimentant les

Figure 1. 12 : Schématisation du « rhizosphere priming effect » (RPE) : accélération (RPE

positif) ou diminution (RPE négatif) de la décomposition de la matière organique du sol (MOS)

due à la présence de racines vivantes. Source : inspiré de Kuzyakov, 2002

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microorganismes. Ainsi une baisse ou une augmentation de la photosynthèse module la quantité

de MOF disponible pour les microorganismes ; ce qui pourrait moduler le RPE.

Étant donné que la photosynthèse est un indicateur de la demande de la plante en

nutriments, la supposée corrélation positive entre photosynthèse et RPE témoignerait

d’une synchronisation entre la demande de la plante en nutriments et l’offre du sol au

travers de la destruction des MOS.

Figure 1. 13 Effet de la photosynthèse sur l’induction du « rhizosphere priming effect. »

(RPE) : (a) estimation du RPE induit dans des pots contenant de la végétation coupée ou non,

à 1 et 30 jours après la date de coupe. Source : Shahzad et al., 2012 ; et (b) relation entre RPE

et biomasse aérienne d’une méta-analyse. Source : Huo et al., 2017.

Comprendre l’influence de l’activité photosynthétique sur le RPE est primordial dans le

contexte actuel d'augmentation de la concentration en CO2 dans l’atmosphère. Une

concentration élevée en CO2 atmosphérique conduit à une stimulation de la fixation de C par

photosynthèse mais ne s’accompagne pas forcement d’une augmentation du stock de C dans le

sol (van Groenigen et al., 2017) et pourrait même aboutir à un déstockage de C selon un modèle

(Perveen et al., 2014). Certaines études montrent que l’augmentation du CO2 atmosphérique

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induit une limitation de l’N dans le sol (Reich et al., 2006; Reich and Hobbie, 2013; Perveen et

al., 2014) puisque la demande de la plante en N augmenterait pour maintenir son ratio C : N.

Cet épuisement en N du sol pourrait aboutir à une accélération de la décomposition des MOS

(RPE) (Carney et al., 2007; Heimann and Reichstein, 2008; Vestergård et al., 2016).

Cependant, la stimulation du RPE en CO2 élevé liée à une augmentation de la demande

en N de la plante n’a jamais été montrée par l’expérience sur des sols plantés. Cela

nécessite plus d’attention puisqu’une accélération de la décomposition des MOS pourrait

conduire à une rétroaction positive sur la concentration en CO2 atmosphérique et par

conséquent sur l'effet de serre.

2) Le rôle de la disponibilité en azote minéral

La concentration en N minéral disponible dans le sol pour les microorganismes contrôle le

RPE de telle manière qu’une faible disponibilité en N minéral dans la solution du sol stimulerait

la décomposition de la MOS (Fig. 1.14, encadré orange) et pourrait conduire à un bilan négatif

de C de l’écosystème (i.e. RPE) (Fontaine et al., 2004; Fontaine and Barot, 2005). Ainsi, un

apport de fertilisant azoté dans le sol conduirait à une diminution du RPE voire à un RPE négatif

(Fig. 1.14, encadré vert) (Liljeroth et al., 1994; Fontaine and Barot, 2005; Blagodatskaya et

al., 2007; Fontaine et al., 2011; Chen et al., 2014; Kumar et al., 2016). En présence d’une grande

quantité d’N minéral dans le sol, les microorganismes ralentissent ou stoppent leurs activités de

dégradation de la MOS afin d’économiser leurs enzymes et leur énergie. De plus, dans ces

conditions, un changement de communautés de microorganismes est observé, favorisant les

microorganismes à croissance rapide (stratégies r) incapables de minéraliser la MOS (Schmidt

et al., 2007; Chen et al., 2014; Bell et al., 2015).

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Figure 1. 14 : Hypothèses de la magnitude du « rhizosphere priming effect » (RPE) en fonction

de la disponibilité en C facilement assimilable (C dec) et en azote minéral dans la solution du

sol (Nmin). MO= microorganismes, SOM= matière organique du sol. Source : Kuzyakov et al.,

2002

3) Le rôle des espèces végétales

Les espèces végétales peuvent induire des RPE différents, même si elles sont cultivées dans

les mêmes conditions physico-chimiques (Dijkstra et al., 2010; Pausch et al., 2013; Wang et

al., 2016). Par exemple, Shahzad et al. (2015) et Cheng et al. (2003) ont montré qu’en prairie

ou en culture annuelle, le RPE est plus élevé pour des légumineuses (i.e. trèfle blanc et soja)

que pour des graminées (i.e. raygrass anglais et blé). De plus, la méta-analyse réalisée par Huo

et al. (2017) montre que les arbres induisent un RPE plus important que les espèces prairiales,

qui elles-mêmes induisent un RPE plus élevé que les espèces en sol cultivé. L’aptitude des

espèces à produire des rhizodépôts peut varier tant en qualité qu’en quantité et induire une large

variation de RPE (Wang et al., 2016; Liu et al., 2017). En effet, chez les légumineuses, la

quantité de rhizodépôts serait supérieure aux non légumineuses (Jones et al.,

2009) suggérant une photosynthèse plus importante ; ce qui expliquerait les hautes

valeurs de RPE en lien avec une demande en nutriments de la plante plus importante.

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