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CHAPITRE 1 : INTRODUCTION GENERALE

2. État de l’art

2.1. Cycle du carbone et de l’azote dans les écosystèmes

La construction des organismes vivants implique environ 25 éléments différents (C, N,

phosphore, soufre...) dans des proportions bien définies (Sterner and Elser, 2002). Les

organismes ont besoin de C, mais aussi d’N pour leurs protéines, de phosphore pour les

molécules portant l’énergie chimique (ATP), de métaux pour leurs enzymes, de sorte que les

rapports d’abondance d’éléments dans les organismes vivants ne peuvent pas varier

énormément. L’existence de ces contraintes dites « stœchiométriques » implique que les

organismes contrôlent les cycles de la plupart des éléments ainsi que leur couplage. Dans le

cadre de cette thèse, le couplage entre le cycle du C et de l’N sera étudié en détail à l’échelle du

système sol-plantes des écosystèmes.

La figure 1.5 représente les processus impliqués dans le couplage des cycles du C et de l’N

applicables à tous les écosystèmes cultivés ou non. Dans les écosystèmes, les végétaux

prélèvent le CO2 de l’atmosphère au travers de la photosynthèse et en rejettent par la respiration.

Dans le même temps, les plantes absorbent de l’N provenant de la solution du sol et de la

fixation symbiotique de l’azote atmosphérique. Les entrées de C et d’N organiques dans le sol

se font au travers de la restitution des litières et de la rhizodéposition des plantes, mais aussi au

travers des déjections animales dans le cas d’écosystèmes pâturés. Les microorganismes du sol

tirent leur énergie de la décomposition du C et de l’N organique provenant des végétaux, mais

aussi de la matière organique déjà présente dans le sol. Une partie du C organique est

minéralisée et libérée sous forme de CO2 et l’autre partie est assimilée par la biomasse

microbienne. Dans le même temps, une partie de l’N organique est minéralisée puis assimilée

par les microorganismes (immobilisation). Lorsque la minéralisation de l'azote est supérieure à

l'immobilisation, l’excédent d'N se retrouve dans la solution du sol et peut être absorbé par les

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plantes ou lixivié. Les microorganismes morts sont consommés par des microorganismes

vivants et les processus d’assimilation et de minéralisation se reproduisent.

Selon la concentration en N dans le substrat en décomposition (litière et rhizodépôts) et le

rapport C : N des microorganismes, l’N disponible pour l’assimilation du C au cours de la

dégradation du substrat sera limitant ou pas (Recous et al., 2017). Par exemple, si le rapport

C : N du substrat est grand (teneur en C élevé en comparaison de l’N) et que de l’N minéral est

disponible dans la solution du sol, il sera prélevé par les microorganismes (i.e. immobilisation)

pour permettre l’assimilation du C. Au contraire, si l’N minéral est peu disponible dans la

solution du sol, la croissance des microorganismes pourrait être limitée. Dans le cas où le ratio

C : N du substrat est petit, l’N disponible lors de la dégradation du substrat sera en excès et

pourra être libéré dans le sol (i.e. minéralisation).

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Figure 1. 5 : Schéma simplifié des principaux processus du carbone (C) et de l’azote (N) dans

les agroécosystèmes tels que les prairies, les forêts ou les sols cultivés. Source : adapté de

Recous et al., 2017

2.1.2. Des flux de matières importants et similaires entre différents modes

d’occupation des terres

Bien qu’il soit impossible de quantifier à l’échelle des écosystèmes la part de chacun des

flux dans les bilans de C et d’N, la quantification du bilan de l’écosystème est possible grâce

aux mesures d’échanges de CO2 fournies par les tours à flux (soustraction entre la somme des

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flux entrants et sortants de l’écosystème) (Reichstein et al., 2005). Ces bilans permettent

d’estimer des services écosystémiques fournis par chacun des écosystèmes (production et

stockage des éléments).

L’étude de Schulze et al. (2009) modélise en Europe les gains et les pertes de C de trois types

d’écosystèmes que sont les forêts, les prairies et les sols cultivés, ainsi que leur bilan net

d’émissions de gaz à effet de serre (indicateur du stockage de C). Cette étude montre que la

production primaire brute (gross primary production, GPP) semble sensiblement supérieure en

prairie avec 13.43 ± 0.27 t C ha-1 an-1 en comparaison des forêts et terres cultivées avec

11.07 ± 0.06 t C ha-1 an-1 et 11.20 ± 0.22 t C ha-1 an-1, respectivement (Fig. 1.6). Le bilan net

d’émission de CO2 est positif pour les sols cultivés et négatif pour les forêts et les prairies. Cela

suggère que les prairies et les forêts sont des puits de C, c’est-à-dire qu’elles permettent de

stocker du C, tandis que les sols cultivés (cultures annuelles) sont des sources de C, impliquant

qu’ils déstockent du C (Schulze et al., 2009). D’autres études portant sur les stocks de C dans

les sols cultivés montrent que le bilan de C des écosystèmes de sols cultivés peut être faiblement

positif (0.16 ± 0.18 t C ha-1 an-1, stockage) mais aussi négatif (1.5 ± 1.1 t C ha-1 an-1,

déstockage) (Ciais et al., 2011; Loubet et al., 2011). De plus, la perte d’N dans ces sols cultivés

est grande (Recous et al., 1996; Tilman et al., 2002; Loubet et al., 2011). Au contraire, les

prairies stockent du C dans le sol quel que soit leur régime de fertilisation (Chang et al., 2016b;

Conant et al., 2017) et la lixiviation est très faible même en cas de fertilisation (Benoit, 2007).

En forêt, le stockage annuel de C peut varier entre 0.7 t C ha-1 an-1 et 3.5 t C ha-1 an-1 (Curtis et

al., 2002).

Comment expliquer que les bilans de ces écosystèmes soient différents alors que les entrées

de C à l’intérieur de chacun sont similaires ? Les lois qui régissent les flux de matière entre

plantes et microorganismes du sol dans les écosystèmes naturels ou peu perturbés (i.e. forêts,

prairies) doivent être différentes de celles régissant les écosystèmes cultivés (i.e. cultures

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annuelles) et doivent être étudiées et comprises plus précisément pour pouvoir améliorer nos

modes de productions actuels.

Figure 1. 6 : Flux de carbone dans différents modes d’occupation des terres présentés en

valeurs absolues et accompagnés de l’incertitude entre parenthèse : (a) Légende des gains et

pertes de carbone à partir de la photosynthèse (GPP : production primaire brute) jusqu’au bilan

net de gaz à effet de serre, (b) gains et pertes dans les forêts, (c) les prairies et (d) les systèmes

cultivés. Unité en g C m-2 an-1. Le bilan est présenté du point de vue de l’atmosphère