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Évolution vers des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION GENERALE

1. Contexte

1.4. Évolution vers des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement

humaine grandissante et les problèmes environnementaux associés. L’ensemble de ces

constatations amène aujourd’hui la communauté scientifique à s’interroger sur la durabilité de

nos activités ainsi que sur le devenir de la planète, si aucun changement n’est fait (Rockström

et al., 2009; Steffen et al., 2015).

Figure 1. 3 : Les services fournis par les écosystèmes, indispensables à la vie sur terre,

permettent le bien-être des Hommes. Source : Millenium ecosystem assesment.

1.4. Évolution vers des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement

La vision du modèle agricole moderne est aujourd’hui remise en cause et un nouveau

paradigme a émergé : l’intensification écologique (Altieri, 1989). Elle a pour but de limiter

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l’impact négatif de l’activité agronomique sur l’environnement et, ainsi, de préserver les

ressources, la diversité et de maintenir des services écosystémiques au travers de la conception

de nouveaux systèmes agricoles. Ces agroécosystèmes sont inspirés des processus écologiques

observés dans les milieux naturels afin d’atteindre des objectifs de production satisfaisants, tout

en respectant l’environnement (Doré et al., 2011). Si les scientifiques s’accordent sur le fait de

faire intervenir des organismes vivants afin de rétablir les régulations biologiques perdues dans

les systèmes de cultures conventionnelles, différents leviers d’actions sont proposés :

diminution des pesticides (insertion de prédateurs naturels des ravageurs), diminution du travail

du sol (semis direct), diminution des engrais fertilisants tout en augmentant la fertilité des sols

(promouvoir la diversité spécifique et la présence d’un couvert permanent). Au cours de ce

travail de thèse, le dernier point a été développé afin d’augmenter l’efficience d’utilisation de

l’N dans des agroécosystèmes en les rendant moins dépendants à la fertilisation.

Les variétés actuelles de céréales ont été sélectionnées pour une forte production dans un

milieu non limitant en nutriments, alors que les variétés plus anciennes ont des capacités

d’acquisition des ressources plus importantes et peuvent survivre dans des milieux pauvres

(Wissuwa, 2003; Hinsinger et al., 2011). Ainsi, certains scientifiques travaillent sur la sélection

de variétés anciennes pérennes (blé, maïs, riz, tournesol) en remplacement des cultures

annuelles classiques ; ce afin d’éviter la perturbation des sols sur plusieurs années (labour), de

diminuer l’utilisation d’intrants et de favoriser le stockage de C, plus important qu’en cultures

conventionnelles (Scheinost et al., 2001; J. D. Glover et al., 2010; Pimentel et al., 2012).

Cependant, de grandes améliorations peuvent encore être mises en place dans l’utilisation de

ces types de cultures afin de permettre un meilleur rendement en grain (Wagoner, 1990; Culman

et al., 2013).

La mise en place d’agroécosystèmes basés sur la mise en culture de différentes espèces sur

une même parcelle est aussi étudiée afin d’augmenter l’efficience d’utilisation des nutriments

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au travers de régulations et d’interactions biologiques (Malézieux et al., 2009). Sur un même

champ, des espèces de grandes cultures, de pâturages, d’arbres ou une combinaison de ceux-ci

peuvent coexister au même moment (culture intercalaire en rang ou en mélange) ou dans le

temps (rotation) (Snapp, 2017). En général, l’espèce associée à la culture d’intérêt possède des

aptitudes particulières de mobilisation des ressources. Différents processus peuvent alors se

mettre en place, conduisant à une meilleure exploitation des ressources : complémentarité de

niche et facilitation (Hinsinger et al., 2011; Li et al., 2014; Duchene et al., 2017). La

complémentarité de niche correspond à une utilisation différentielle d’une même ressource par

partitionnement dans le temps, l’espace ou sous différentes formes, diminuant la compétition

pour cette ressource (i.e. différente profondeur d’enracinement, fixatrice d’N ou non)

(Macarthur and Levins, 1967) (Fig.1.4B). La facilitation se définit par une interaction dans

laquelle une espèce bénéficie de la présence de l’autre, de par la capacité de l’autre espèce à

modifier les conditions biotiques et/ou abiotiques du milieu sans que cela lui nuise (exemple :

transfert via les mycorhizes) (Fig. 1.4C) (Callaway, 1995).

Une des associations végétales les plus étudiées et utilisées consiste en l’association de

céréales et de légumineuses telles que le blé et le pois protéagineux. En effet, les légumineuses

ont l’aptitude de fixer l’N atmosphérique via la symbiose rhizobienne prenant place dans des

nodosités situées sur son système racinaire (Fujita et al., 1992). En association, la légumineuse

pourrait privilégier la fixation d’azote atmosphérique laissant l’N minéral du sol pour la céréale

(complémentarité). Les études s’intéressant à l’association céréales et légumineuses utilisent

soit le semis simultané de deux espèces annuelles d’intérêts pour une récolte au même moment

soit les rotations de cultures. Dans le cas de culture simultanée, l’association permet

d’augmenter le rendement de la céréale à bas niveaux d’intrants en comparaison à une

monoculture. Cette augmentation n’est pas systématiquement observée à plus hauts niveaux

d’intrants, soulignant l’importance de la gestion de la compétition (Fig. 1.4A) (Brooker et al.,

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2005; Hinsinger et al., 2011; Betencourt et al., 2012). De plus, la période de sol nu hivernale

reste présente et ne permet pas de diminuer les risques de lixiviation des nutriments

(Plaza-Bonilla et al., 2015). Dans le cas de rotation, l’utilisation de légumineuses permet de diminuer

les apports d’engrais lors de la culture de la céréale et peut augmenter la production de grain,

mais la lixiviation de l’N bien que diminuée reste présente (Plaza-Bonilla et al., 2015, 2017).

Au vu des services apportés par les prairies (peu de lixiviation, stockage du C et production

à bas niveaux d’intrants) en comparaison aux cultures annuelles de céréales, de nouvelles

orientations ont récemment été proposées mais n’ont pas encore été mises au point. Elles

consistent à favoriser une couverture permanente d’espèces pérennes (e.g prairie :

légumineuses et non légumineuses) tout au long de l’année afin d’imiter la structure des prairies

et de garantir les mêmes fonctions.

S’il semble évident que les pratiques agricoles doivent évoluer afin de pallier aux problèmes

environnementaux provoqués par la production de cultures annuelles, les nouveaux systèmes

actuellement proposés apparaissent encore largement perfectibles ; bien que des mécanismes

clés sur lesquels se focaliser aient été identifiés. Des études complémentaires sont nécessaires

afin d’améliorer notre compréhension du fonctionnement des écosystèmes naturels ou peu

perturbés (e.g. prairie). En effet, les régulations microbiennes et rhizosphériques prenant place

dans ces écosystèmes pourraient être réinjecter dans les systèmes de cultures afin d'améliorer

les services que rendent les agroécosystèmes.

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Figure 1. 4 : (A) Compétition, (B) complémentarité (partitionnement des ressources) et (C)

facilitation entre deux espèces associées. Les compartiments représentent les différentes formes

d’une ressource (i.e. nutriments). Les flèches pleines représentent l’absorption de la ressource

et les flèches en pointillées représentent les mécanismes par lesquels l’espèce B acquiert la

ressource a priori non disponible. Source : Hinsinger et al., 2011.

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