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Quels facteurs influencent les pratiques funéraires, leur récurrence ou leur variabilité ? variabilité ?

2. Cadre théorico-méthodologique

2.1. Antécédents théoriques

2.1.3. L’archéologie funéraire comme proposition méthodologique pour l’analyse des inégalités en archéologie l’analyse des inégalités en archéologie

2.1.3.4. Quels facteurs influencent les pratiques funéraires, leur récurrence ou leur variabilité ? variabilité ?

site ou par rapport à d’autres sites

- une échelle intermédiaire, par exemple la position par rapport à un cimetière - une échelle microspatiale, par exemple la position des objets par rapport au défunt dans une structure

Tableau 1 - Variables pouvant être à l’origine de la variation des pratiques funéraires. D’après Fowler, 2004 : 7, et O’Shea, 1984 : 39. Note : chaque variable peut acter comme une variable indépendante dans les analyses à venir. 

Afin de documenter le mieux possible un registre funéraire, la phase de terrain (la fouille) est primordiale (Chapa Brunet, 1991 : 23-33). Les renseignements recueillis et rassemblés en catégories devront ensuite être croisées au maximum, afin de voir comment elles s’associent (O’Shea, 1984 : 41 ; Fowler, 2004 : 8).

Une fois la documentation rassemblée, le contexte funéraire décrit et des pratiques identifiées, il faudra observer s’il existe une récurrence dans ces pratiques ou au contraire une variabilité, et ensuite se demander quelle(s) pourrai(en)t en être la(es) cause(s).

2.1.3.4. Quels facteurs influencent les pratiques funéraires, leur récurrence ou leur variabilité ?

Les gestes funéraires se définissent selon deux niveaux de décision principaux : le groupe des vivants, c’est-à-dire ceux qui organisent les funérailles et sans qui celles-ci ne pourraient avoir lieu (famille, corporation, etc) et le défunt, récepteur des funérailles (Bonnabel, 2012 : 139).

Gestes et structures funéraires sont le résultat de l’action directe d’une communauté de vivants, celle-ci conduisant les funérailles, et de la manifestation directe ou indirecte du défunt.

Directe, s’il s’est exprimé avant sa mort sur les conditions dans lesquelles il souhaitait être inhumé (testament, dernières volontés, etc) et indirecte car en tant que personne sociale (Binford, 1971) ces funérailles sont mises en place en son nom et donc bien souvent la communauté prendra en

compte son identité au moment d’établir les funérailles, même s’il ne s’est pas exprimé sur ce sujet de son vivant.

Les vivants et le ou les morts sont donc à l’origine des pratiques funéraires, et leurs choix sont généralement motivés par des critères à la fois économiques, idéologiques et biologiques (comme l’âge au décès). Ces critères sont nombreux et peuvent être résumés en une série de variables à l’origine des variations funéraires. K. D. Fowler (2004) en propose plusieurs, qu’il réunit en cinq grandes catégories (tableau 2), et ce d’après le travail de C. Carr (1995 : 106-107).

Sources de variation

Variables présentes dans chaque catégorie Sociale - âge

- genre

- positions sociales verticales et horizontales - identité personnelle

Philosophico-religieuse

- croyances sociales institutionnalisées

- suppositions concernant la maladie, la mort, l’âme, la vie après la mort, le cosmos

Physique - Veiller à la santé des survivants, au traitement du corps, à l'accès au corps après la mort et pour l'inhumation.

Circonstancielle Comment et quand l’individu est décédé : - localisation

- époque

- causes de la mort

Ecologique - la pratique de l’utilisation de cimetières pour marquer un territoire et la variation dans les pratiques mortuaires causée par la variabilité des terres/des ressources.

- l’utilisation de grottes, d’abris sous roche ou de niches quand les terres ne sont pas disponibles ou adaptées pour l’installation d’un cimetière.

Tableau 2 - Sources possibles de variation des pratiques funéraires, d’après C. Carr (1995) et K. D. Fowler (2004).

Selon F. McHugh (1999 : 18), les dimensions structurant le domaine funéraire peuvent se résumer à quatre sources de variation : l’âge, le genre, les relations verticales et les relations horizontales (tableau 3). Il accorde aussi de l’importance à d’autres dimensions que mentionnent K. D. Fowler et C. Carr (circonstances de la mort, contraintes écologiques ; voir tableau 2), mais les dimensions structurantes sont selon lui les quatre précédentes.

Source de la variation

Explication

Âge - F. McHugh se base sur les travaux de L. R. Binford (1971) et W. H. Goodenough (1965) pour justifier l’importance de l’âge comme catégorie influençant les pratiques funéraires

- L’âge serait une variable omniprésente et aurait la capacité de modifier de nombreux aspects de l’interprétation des pratiques funéraires

- Il s’agirait d’une dimension importante dans toutes les sociétés, qu’elles soient égalitaires ou non, et peu importe leur degré de complexité.

Genre - Le genre serait aussi une des catégories les plus influentes

- Les travaux de L. R. Binford ont ouvert la voie à ce type d’observations : selon lui, le sexe serait la première ou la deuxième distinction la plus discriminante dans différents types de société qu’il a testé (1971).

- F. McHugh parle de genre, qu’il diffère du sexe (voir la définition qu’il en propose, page 30) - Pour F. McHugh, il est important de déterminer le symbolisme lié aux hommes et aux femmes dans le monde funéraire, afin d’avoir une idée du rôle joué par chacun d’eux dans la société, de l’attitude de cette société envers les différents sexes et genres, et des possibles luttes entre hommes et femmes dans un contexte donné.

Relations verticales

Statut hiérarchique des individus Relations

horizontales

- Souvent mal définies et abordées de façon confuse.

- Ce terme désigne généralement des groupes apparentés, comme des lignées ou des clans, mais peut aussi être utilisé pour désigner des groupes non apparentés, comme des sociétés. La religion peut aussi être un critère définissant des relations horizontales, et les personnes réunies par leur croyance forment alors ce qui peut être appelé un clan ou une tribu.

Tableau 3 - Sources possibles de variation des pratiques funéraires, d’après F. McHugh (1999 : 40).

F. McHugh remarque que bien souvent trois catégories (âge, genre, relations horizontales) ont été délaissées au profit de l’analyse des relations verticales (c’est-à-dire, du statut hiérarchique des individus) et de leurs manifestations dans les pratiques funéraires (1999 : 51). Pour J. M.

O’Shea (1984), ce serait dû au fait que ces relations soient plus visibles dans le registre mortuaire, alors que pour K. D. Fowler (2004 : 14), la raison serait davantage méthodologique qu’archéologique. Selon L. R. Binford (1971) et J. M. O’Shea il y aurait une corrélation entre la fréquence du mobilier funéraire et la dimension verticale, mais K. D. Fowler lui pense que cette dimension est plus souvent perçue dans le travail investi dans le dépôt du défunt (Fowler, 2004 : 14-15). Tous ces facteurs sont difficiles à distinguer les uns des autres au moment de l’analyse, et par exemple dans une même nécropole il est parfois difficile de savoir si les différences de traitement entre deux groupes sont dues à des relations de type vertical ou horizontal.

Les variables définies par C. Carr, K. D. Fowler ou F. McHugh sont ainsi des facteurs qui, en agissant directement sur les individus, conditionneront les pratiques funéraires. Ces facteurs influenceront évidemment les vivants et leurs décisions sur la façon de procéder aux funérailles, mais auront aussi participé à la construction de l’identité de la personne sociale qu’était le défunt, identité qui peut être à l’origine du type de geste funéraire reconnu en archéologie. Deux aspects de cette identité peuvent être identifiés, comme l’explique E. Millet dans le cadre de sa thèse doctorale, où elle cherche à distinguer comment ces deux aspects se manifestent dans le costume des défunts des régions du Rhin moyen et supérieur entre La Tène A et le début de La Tène C1 (Millet, 2008). Ces deux identités sont l’identité individuelle et l’identité collective. L’identité individuelle rassemble l’information définissant un individu au sein d’un groupe, en tenant compte de sa catégorie biologique (sexe/âge) et des catégories sociales auxquelles il appartient (position socio-économique, profession, appartenance à un groupe religieux ou politique, état familial, etc). L’identité collective rassemble les caractéristiques que

partagent les membres d’un même groupe, qui les identifient à ce groupe et les différencient des membres d’autres groupes. Elle est à mettre en relation avec l’origine culturelle, ethnique, régionale et/ou communautaire de l’individu (Millet, 2012 : 423 ; Montón-Subías, 2010 : 125).

Une difficulté réside dans le fait de mesurer l’influence de la communauté dans l’élaboration des pratiques funéraires (cérémonie et structure en soi). S’agit-il d’un hommage représentant fidèlement le défunt ? Ou d’une image idéalisée que la communauté souhaite donner de lui ? Ou même d’un message que certains membres d’une société veulent transmettre à d’autres (dans ou hors du même groupe) et qui s’éloigne de ce qu’était réellement le mort ? Mais alors, comment distinguer en archéologie une réalité sociale d’une idéologie ?