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Les facteurs influençant la probabilité de connaître un changement de discipline

Philippe Cordazzo *

4. Des transitions entre inflexion et bifurcation

4.2. Les facteurs influençant la probabilité de connaître un changement de discipline

Les résultats observés précédemment ont permis de mesurer la fréquence des changements de formation dans les transitions selon différentes caractéristiques sociodémographiques, en fonction du parcours antérieur en licence et selon les disciplines en licence et master. Ces disparités dans les formes de transition selon différentes caractéristiques peuvent cacher des effets de structure. La mise en place de régressions logistiques permet d’affiner les résultats en contrôlant d’éventuels effets de structures. Trois modèles sont présentés ici : le premier évalue la probabilité de connaître un changement de discipline pour l’ensemble des répondants, le deuxième ne porte que sur les hommes et le dernier, que sur les femmes (Tableau 2).

L’analyse au sein de sous-groupes selon le sexe présente des résultats différenciés qui seront étudiés simultanément.

Pour les facteurs liés aux choix d’orientation, l’importance accordée aux débouchés professionnels influence la probabilité de connaître un changement de discipline. Ainsi, les étudiants qui accordent une très forte importance aux débouchés professionnels ont une probabilité plus forte de connaître un changement d’orientation dans leur parcours. Ce facteur est plus discriminant chez les femmes que chez les hommes. En effet, chez les hommes, seul le fait de ne pas accorder d’importance aux débouchés professionnels influence négativement la probabilité de connaître une inflexion de leur parcours (odds ratio = 0,53) tandis que pour les femmes c’est non seulement le fait de ne pas accorder d’importance (odds ratio = 0,41) mais aussi celui d’accorder un peu d’importance (odds ratio = 0,63).

La mobilité géographique entre la licence et le master influence positivement la probabilité de connaître un changement d’orientation entre la licence et le master (odds ratio =1,87). Intuitivement, cela laisserait à penser que les étudiants, plutôt les étudiantes d’ailleurs, puisque ce facteur n’est discriminant que pour les femmes (odds ratio = 2,35), sont plus fréquemment disposées à changer d’académie si cela facilite leur réorientation. De même, un changement disciplinaire entre la première et la troisième année de licence influence positivement la probabilité de connaître à nouveau un changement entre la licence et le master (odds ratio = 1,99). Là encore, ce facteur est plus discriminant chez les femmes que chez les hommes. Il est fort intéressant de noter que 21 % des étudiant-e-s qui connaissent un double changement de discipline reviennent en 1re année de master dans leur domaine de formation de 1re année de licence. Cependant, compte tenu de la diversité des trajectoires de cette population et de leur faible effectif, il est impossible d’en extraire, même qualitativement des profils.

À l’instar des travaux de Nathalie Jacob sur les étudiants lillois (2008), c’est le type de discipline en 3ème année de licence qui influence le plus fortement la probabilité de connaître un changement d’orientation dans la transition. L’inscription en licence droit, sciences politiques, par rapport à la filière sciences humaines et sociales, exerce une influence importante sur la probabilité de connaître une continuité disciplinaire dans la transition (odds ratio=0,37). Ce facteur n’est discriminant significativement que pour les

femmes. À l’opposé, toutes les autres filières (sauf STAPS où les résultats ne sont pas significatifs) influencent positivement la probabilité de connaître un changement de discipline dans le passage de la licence au master. Les probabilités sont plus élevées, pour les étudiant-e-s inscrits en sciences et technologie – sciences pour l’ingénieur et en langues. Comme précédemment, ce facteur est plus discriminant chez les femmes que chez les hommes. Ainsi, les résultats obtenus en éliminant un certain nombre d’effets de structure confirment les observations faites à partir de l’analyse statistique descriptive et bivariée.

5. Conclusion

Les résultats des analyses montrent que le changement de discipline entre la licence et le master concerne 17 % des entrants en 1re année de master. L’étude approfondie des changements disciplinaires confirment l’hypothèse qu’un changement disciplinaire peut tout aussi bien correspondre à une réorientation qu’à la poursuite du projet professionnel ou à un parcours de formation construit. Elle montre notamment qu’une grande partie des changements disciplinaires correspondent à des parcours construits ou au plus à des inflexions dans celui-ci. Les résultats montrent aussi qu’en fonction du niveau d’agrégation retenu, même relativement fin, une continuité disciplinaire peut cacher une réorientation ou du moins une inflexion dans le parcours. Ces changements disciplinaires, bifurcations ou inflexion du parcours, entre la licence 3 et le master 1, souvent permis grâce à des prérequis nécessaires sont notamment différenciés selon le sexe et selon que l’étudiant ait déjà connu un changement de discipline dans son parcours entre la 1re et 3e année de licence. Elle est surtout influencée par l’importance accordée aux débouchés professionnels, par la mobilité géographique et par le type de discipline en 3e année de licence.

Si différents travaux ont montré que le rendement est un facteur déterminant de la poursuite d’études (Beaupère N. et al., 2007), l’influence de l’importance accordée aux débouchés professionnels dans la capacité à amener les individus à vouloir changer de discipline entre la licence et le master, versus le peu d’influence, du développement intellectuel paraît caractéristique d’une double évolution. Tout d’abord, elle tend à confirmer un renversement de tendance entre l’influence de ces facteurs dans les choix d’orientation à l’entrée à l’université et au niveau du master. Le choix lié à une discipline ou un développement intellectuel influençant plus fortement les choix à l’entrée à l’université que ceux liés aux débouchés ou à un projet professionnel précis (Cordazzo P, 2011). Deuxièmement, cela suggère un renversement de tendance dans l’importance des facteurs influençant les choix d’orientation en master (Béduwé et Germe, 2003).

C’est principalement le choix de la discipline qui influence la probabilité de connaître un changement entre la licence et le master. La tendance générale est à une fréquence du changement de discipline plus forte pour les étudiants inscrits en licence scientifique ou langue. Si cette étude a permis de mesurer l’intensité des changements entre le niveau licence et le niveau master, ainsi que les disciplines les plus concernées, les données disponibles ne permettent pas d’en comprendre toutes les raisons. Du moins, la part liée aux compétences transversales notamment en langues, aux prérequis nécessaires (intuitivement, mais pas nécessairement vrai plus importants pour les filières scientifiques) ou aux trajectoires individuelles.

81 Tableau 2

FACTEURS INFLUENÇANT LA PROBABILITÉ DE CONNAÎTRE UN CHANGEMENT DISCIPLINE ENTRE LA 3E°ANNÉE DE LICENCE ET LA 1RE ANNÉE DE MASTER VERSUS NE PAS LA CONNAÎTRE (MODÈLE LOGIT, ODDS RATIO)

intellectuel dans le choix du master

Très important réf réf réf

Transition disciplinaire entre la 1re et 3e année de licence

Source : Enquête CDV 2010 - OVE national. Effectifs : 1406 diplômés de licence 3 en 2008-2009, inscrits en M1 en 2009-2010

Tableau 3 Source : Enquête CDV 2010, OVE. – Champ : 1406 diplômés de licence 3 en 2008-2009, inscrits en M1 en 2009-2010

Lecture : 18 % des étudiants inscrits en Langues en licence sont inscrits en Sciences économiques, gestion, AES en master.

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Bibliographie

Beaupere N., Chalumeau L., Gury N., Hugree C. (2007), L'abandon des études supérieures, Ouvrage réalisé pour l'Observatoire de la vie étudiante, La Documentation Française, Paris, Panorama des savoirs, 162 P.

Becquet V. et Bidart C. (2013), « Parcours de vie, réorientations et évolutions des normes sociales.

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Beduwe C. et Germe J.-F. (2003), « poursuivre des études, un choix influencé par le marché du travail », Problèmes économiques, n°2-815.

Belghith F., Verley E., Vourc'h R., Zilloniz S. (2011), « La vie étudiante – Repères - Edition 2011 », Observatoire de la vie étudiante, Paris, Repères, janvier 2011, 24p.

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Choix d’orientation atypique en master