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Facteurs influençant le processus de gestion d'un EPR

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Chapitre 6 -Mécanismes de détection et de récupération d'événements anticipés

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4.4 Facteurs influençant le processus de gestion d'un EPR

Notre première hypothèse était relative à l'expérience de l'anesthésiste et à l'existence de protocoles qui devraient améliorer la gestion d'une intubation difficile imprévue. Pour vérifier l'effet de l'expertise de l'anesthésiste sur le processus de gestion de l'intubation, les anesthésistes ont été regroupés en 3 classes : de 6 à 17 ans d'expérience : les anesthésistes « juniors » (M=13,53, SD=2,8) ; de 17 à 28 ans d'expérience : les anesthésistes « expérimentés » (M=23,55, SD=2,94) et enfin, de 28 à 39 années d'expérience : les anesthésistes « seniors » (M=32,48, SD=2,52).

Le tableau 7 reprend les moyennes et écarts-types des différents facteurs selon le niveau d'expérience des différents anesthésistes. Si l'on s'en réfère à ce tableau, on constate que seuls les temps de récupération et le nombre de techniques diffèrent significativement selon le niveau d'expérience des anesthésistes.

Tableau 7: Moyennes (écart-types) des différents facteurs lié au processus de gestion selon la classe de partition de l'expérience.

Juniors

(N=19) Experts

(N=54) Seniors

(N=25) Résultats Temps de

détection 1.21 (1.08) 1.91 (2.56) 1.48 (1.42) F(2,92)=0.9, NS, f=0.14 Temps

d'identification 1.37 (1.16) 1.69 (1.74) 1.44 (1.26) F(2,92)=0.4, NS, f=0.09 Temps de

récupération 11.42 (14.31) 5.93 (6.03) 6.8 (9.38) F(2,92)=2.59, p=0.08, f=0.24 Nombre de

techniques 4.47 (1.71) 3.72 (0.94) 3.88 (0.97) F(2,92)=3.03, p=0.05, f=0.26 Les anesthésistes « expérimentés » mettent moins de temps à récupérer le problème (M=5.93, σ=6.03) que les deux autres groupes (MJuniors=11.42, σ=14.31 ;

Mseniors=6.8, σ=9.38). L'Anova montre d'ailleurs un effet à la limite de significativité du

niveau d'expertise de l'anesthésiste sur le temps de récupération (F(2,92)=2.59, p=0.08,

f=0.24). La correction de Bonferroni indique que deux comparaisons sont significatives.

Ainsi, les anesthésistes « juniors » mettent plus de temps à récupérer le problème que les anesthésistes « expérimentés » (t=9.81, p<0.05) et que les anesthésistes seniors (t=7.24, p<0.05). Les anesthésistes « expérimentés » et les anesthésistes « seniors » ne se différencient pas sur le temps de récupération (t=1.72, NS).

Enfin, on remarque que les anesthésistes « expérimentés » utilisent moins de techniques (M=3.72, σ=0.94) que les anesthésistes « seniors » (M=3.88, σ=0.97) et surtout que les anesthésistes « juniors » (M=4.47, σ=1.71). L'Anova confirme cette différence significative (F(2,92)=3.03, p=0.05, f=0.26), il y a bien un effet significatif de l'expérience sur le nombre de techniques utilisées pour récupérer le problème. La correction de Bonferonni indique que les anesthésistes « juniors » se différencient significativement des anesthésistes « expérimentés » en regard du nombre de techniques utilisées (t=2.45, p<0.05), les « juniors » utilisant plus de techniques que les

« expérimentés ».

La seconde sous-partie de cette première hypothèse était relative à l'existence du protocole de gestion des intubations au sein de l'établissement. Nous supposions que lorsque l'anesthésiste disposait d'un protocole, la gestion de l'intubation ne pouvait en être que meilleure. Le tableau 8 présente les moyennes et écart-types des différents facteurs selon l'existence ou non d'un protocole. Cependant, les différentes ANOVA réalisées ne montrent pas d'effet significatif de l'existence de protocole sur la gestion du problème.

Tableau 8: Moyennes et écart-types des variables de gestion du processus d'intubation en fonction de l'existence ou non d'un protocole au sein de l'établissement

Existence d'un Nombre de 3,86 (1,14) 4,09 (1,23) F(1,92)=0.72, NS,

techniques

Tableau 9: Répartition des moyennes et écart-types selon l'expertise de l'anesthésiste et selon l'existence ou non de protocole Les ANOVA 2x2 ne montrent, cependant, pas d'effet significatif de l'interaction entre le niveau d'expérience et l'existence ou non d'un protocole de gestion au sein de l'établissement sur le temps de détection (F(2,92)=1.29, NS, f=0.17), le temps d'identification (F(2,92)=0.78, NS, f=0.46), le temps de récupération (F(2,92)=0, NS, f=0) et sur le nombre de techniques utilisées (F(2,92)=0.1, NS, f=0.05).

Ainsi, notre première hypothèse relative à l'effet de l'expérience et de l'existence de protocole sur la gestion du problème n'est validée que partiellement. On note généralement un effet de l'expérience sur la gestion du problème. Cet effet est principalement significatif en regard du temps de récupération et du nombre de techniques utilisées par les anesthésistes. Les anesthésistes « expérimentés » mettent moins de temps et utilisent ainsi moins de techniques que les anesthésistes « juniors », les anesthésistes « seniors » ne se différenciant pas significativement des deux autres groupes. En revanche, nous n'avons pas noté d'effet significatif de l'existence d'un protocole sur la gestion du problème. On peut alors supposer que les anesthésistes,

même s'ils ne disposent pas de protocole de gestion, connaissent parfaitement l'algorithme de décision diffusé par la SFAR. Ainsi, même si la structure ne dispose pas d'un protocole, les anesthésistes se réfèrent au protocole établi par leur spécialité. Cette supposition est confirmée par les analyses descriptives des questionnaires qui attestent que les anesthésistes utilisent les techniques recommandées dans la majorité des cas.

Enfin, aucun effet d'interaction n'a pu être mis en évidence malgré l'existence de différences entre les différents niveaux d'expérience et l'existence ou non de protocole, celles-ci n'ont pas montré d'effet significatif sur le processus de gestion du problème.

Notre seconde hypothèse était relative à l'effet des informations à la disposition des anesthésistes sur la gestion du problème. Nous supposions qu'un patient catégorisé comme patient potentiellement à risque d'intubation difficile serait géré plus efficacement qu'un patient où l'estimation du risque d'intubation difficile est nulle. Nous supposions également que l'indication d'une stratégie de prise en charge aurait une influence positive sur le processus de gestion du problème. Le tableau 10 reprend toutes les moyennes et écart-types des temps de détection, d'identification, de récupération ainsi que le nombre de techniques utilisées selon l'indication d'une conclusion sur le risque d'intubation difficile dans le dossier pré-anesthésique (qui peut être soit positive lorsque le risque d'intubation est avéré, nulle lorsque l'anesthésiste estime à la consultation qu'il n'y a pas de risque d'intubation et, non renseignée dans le dossier lorsque rien n'est indiqué concernant le risque d'intubation). La deuxième partie du tableau reprend les moyennes et écart-types de ces mêmes facteurs selon la proposition d'une stratégie de prise en charge des voies aériennes (qui peut être de deux ordres : une stratégie est proposée ou aucune stratégie n'est indiquée dans le dossier préanesthésique).

La première sous-partie de l'hypothèse visait à vérifier l'effet de l'indication d'une conclusion sur le processus de gestion du problème. Les Anova réalisées ne montrent pas d'effet significatif du type de conclusion contenue dans le dossier sur le temps de détection du problème (F(2,92)=0.39, NS, f=0.09) sur le temps d'identification (F(2,92)=0.12, NS, f=0.05) et sur le temps de récupération (F(2,92)=0.12, NS, f=0.05).

Cette absence de résultats significatifs sur les temps de gestion d'un problème en fonction du type de conclusion posée pourrait être relative aux problèmes liés à l'estimation a posteriori du temps mis à chaque étape. Même si l'anesthésiste a normalement du remplir la feuille per-opératoire lors de l'incident, on peut supposer que la reconstruction des durées des événements s'est basée sur une durée typique moyenne.

Tableau 10: Présentation des moyennes et écart-types des différentes variables du processus de gestion de l'incident en fonction de la conclusion d'un risque d'intubation difficile et de la proposition d'une stratégie de prise en charge

Temps utilisées. En effet, les anesthésistes utilisent moins de techniques lorsque la conclusion indique qu'il n'y a pas de risque d'intubation difficile (M=3.71, σ=1) que lorsqu'aucune conclusion n'est indiquée dans le dossier (M=4.17, σ=1.24) ou lorsque celle-ci indique un risque d'intubation difficile (M=4.67, σ=1.66). L'Anova montre d'ailleurs que le type de conclusion a un effet significatif sur le nombre de techniques utilisées (F(2,92)=3.97, p=0.02, f=0.28). La correction de Bonferroni appliquée aux données montre que les anesthésistes confrontés aux dossiers où la conclusion atteste d'une difficulté d'intubation difficile utilisent plus de techniques que ceux confrontés à des dossiers où la conclusion indique qu'il n'y a pas de risque d'intubation (t=2.49, p<0.05).

La seconde sous-partie de l'hypothèse visait à vérifier l'effet des stratégies proposées suite à la consultation préanesthésique sur la gestion du problème.

Cependant, les Anova réalisées ne montrent pas d'effet significatif de la proposition de stratégies sur le temps de détection du problème (F(1,92)=0.63, NS, f=0.08), sur le temps d'identification (F(1,92)=1.1, NS, f=0.11) et sur le temps de récupération du problème (F(1,92)=0.12, NS, f=0.04). La même raison qu'évoquée précédemment peut

également expliquer ce manque de différence significative.

Enfin, l'indication de stratégies en consultation préanesthésique semble influencer le nombre de techniques utilisées. Les anesthésistes auxquels une stratégie de prise en charge a été conseillée utilisent plus de techniques (M=4.37, σ=1.38) que lorsqu'aucune stratégie de prise en charge n'a été indiquée (M=3.8, σ=1.08). L'Anova montre d'ailleurs un effet significatif de la proposition de stratégies sur le nombre de techniques utilisées (F(1,92)=4.22, p<0.05, f=0.2).

Pour répondre totalement à notre hypothèse, nous avons testé l'effet d'interaction entre le type de conclusion posée et la proposition de stratégies sur la gestion du problème (Cf. Tableau 11). Les Anova réalisées montrent que cette interaction n'a d'effet que sur les temps de détection (F(2,92)=3.11, p<0.05, f=0.26) et sur le nombre de techniques utilisées (F(2,92)=2.93, p=0.06, f=0.24).

Tableau 11: Moyennes et écart-types des interactions entre la conclusion posée sur le risque d'intubation et les stratégies proposées face à ce risque sur le processus de Bonferroni montre que 4 groupes se distinguent significativement. En effet, les anesthésistes mettent plus de temps à détecter le problème lorsque la conclusion n'indique pas d'intubation difficile mais qu'une stratégie est proposée (M=3.10) que lorsqu'il ne semble pas y avoir de risque selon la conclusion posée et qu'aucune stratégie n'est proposée (1.55) (t=1.93, p=0.06). La seconde comparaison significativement différente montre que les anesthésistes mettent plus de temps lorsque la conclusion

indique qu'il n'y a pas de risque d'intubation difficile mais qu'une stratégie est proposée (M=3.1) que lorsqu'il n'a à sa disposition ni conclusion ni stratégie (1.55) (t=2.01, p=0.05). La troisième comparaison montre que l'anesthésiste met significativement plus de temps lorsque la conclusion le renseigne sur une intubation difficile mais qu'il n'a pas de stratégie proposée (3) que lorsque la conclusion relate une intubation difficile et qu'une stratégie est proposée (M=0.71) (t=2.46, p<0.05). Enfin, l'anesthésiste passe plus de temps à détecter le problème lorsque la conclusion indique une intubation facile mais qu'une stratégie est proposée (M=3.1) que lorsque la conclusion atteste d'une intubation difficile et qu'une stratégie de prise en charge est proposée (M=0.71) (t=2.02, p=0.06).

Concernant l'effet de l'interaction sur le nombre de techniques utilisées, La correction de Bonferroni indique que l'anesthésiste utilise plus de techniques lorsque la conclusion est positive concernant le risque d'intubation et que des stratégies sont proposées (M=5.14) que lorsque la conclusion indique qu'il n'y a pas de risque d'intubation difficile et qu'aucune stratégie n'est proposée (M=3.64) (t=3.44, p<0.05).

Enfin, l'interaction de ces deux facteurs (type de conclusion et proposition de stratégies) ne montre pas d'effet significatif sur le temps d'identification du problème (F(2,92)=0.82, NS, f=0.13) ni sur le temps de récupération du problème (F(2,92)=0.57, NS, f=0.11).

Ainsi, nos résultats mettent dans un premier temps en exergue que le fait de statuer sur la qualité de l'intubation en consultation préanesthésique peut principalement influencer le nombre de techniques que l'anesthésiste va utiliser. En effet, nous avons vu que lorsque l'anesthésiste se trouve face à un patient diagnostiqué par son collègue comme difficile à intuber, le nombre de techniques qu'il va utiliser est significativement supérieur au nombre de techniques utilisées quand le patient est diagnostiqué comme n'étant pas difficile à intuber. Ce résultat laisse alors penser que l'anticipation du risque d'intubation par la mise en évidence du problème aurait un effet sur le processus de gestion du problème en cours d'intervention. Le fait de signaler un problème d'intubation ne permettrait donc pas de gérer le problème directement en utilisant la technique recommandée pour faire face à ce genre de problème mais aurait pour conséquence d'augmenter le nombre de techniques utilisées pour récupérer le problème.

Dans un second temps, nos résultats montrent que l'indication de stratégies lors de la consultation préanesthésique joue également un rôle dans la gestion du problème. En effet, l'anesthésiste utilise de nouveau plus de techniques d'intubation lorsqu'il est

confronté à une situation où son collègue suggère une technique spécifique à utiliser.

Enfin, nos résultats mettent en évidence que la combinaison d'une stratégie de prise en charge et la mise en évidence du risque jouent un rôle dans le temps de détection du problème et dans le nombre de techniques utilisées. Le premier effet est positif étant donné que l'anesthésiste déjà prévenu d'une difficulté d'intubation et ayant connaissance des techniques préconisées par son collègue mettra moins de temps à détecter le problème que dans les autres conditions. En revanche, le deuxième effet de cette combinaison est d'augmenter le nombre de techniques à utiliser pour récupérer l'incident. Cela signifie qu'une intubation difficile imprévue nécessitera moins de techniques lorsque l'anesthésiste aura à sa disposition un dossier indiquant que le patient est facile à intuber et lorsqu'aucune stratégie de prise en charge ne sera proposée. Ceci tend à montrer une bonne capacité d'adaptation aux situations imprévues. Néanmoins, nos résultats posent la question de l'effet de l'anticipation des risques dans la prise en charge en temps réel.

Dans la dernière partie de ce chapitre, nous reprendrons et discuterons ces résultats en regard des connaissances sur la cognition.

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