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L'anesthésie

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Chapitre 3 - le Domaine d'étude

1 L'anesthésie

La situation d'anesthésie est communément perçue comme la suppression momentanée de la sensibilité générale induite par certaines substances en vue d'un acte chirurgical. Cette perte de la sensibilité est soit totale, on parlera alors d'anesthésie générale, soit partielle, il s'agit alors d'une anesthésie loco-régionale. Néanmoins, Chung et Lam (1990) précisent que l'anesthésiste ne doit plus seulement être considéré comme un acteur permettant d'éviter et de supprimer la douleur induite par un acte chirurgical

mais qu'il endosse à présent un triple rôle. Il travaille tout d'abord main dans la main avec le chirurgien pour évaluer et préparer les patients avant tout acte nécessitant sa présence, il fournit ensuite les premiers soins aux patients durant la période opératoire, et enfin, il est directement impliqué dans la gestion du patient après l'intervention.

Son triple rôle détermine les trois grandes phases composant le processus anesthésique (cf. figure 4) : la phase pré-opératoire, per-opératoire et post-opératoire. La particularité du système français au niveau de la tâche de l'anesthésiste fait que la première phase est scindée en deux grandes étapes : la consultation et la visite pré-opératoires. Ces deux étapes permettent à l'anesthésiste de se préparer à l'intervention et de mettre en évidence des éléments importants à prendre en considération en phase per-opératoire (Anceaux & Beuscart-Zéphir, 2002).

La première étape se situe au maximum deux semaines avant l'intervention.

Durant cette consultation, l'anesthésiste recherche les informations sur les médicaments pris par le patient, les maladies dont il souffre et a souffert, ses allergies éventuelles ainsi que l'anamnèse familiale et tente de le rassurer par rapport à l'opération et à l'anesthésie. Cette consultation permet également à l'anesthésiste, s'il le juge nécessaire, de prescrire des examens complémentaires, d'adapter le traitement, ou encore d'optimiser l'état du patient. La seconde étape intervient la veille ou, au plus tard, le jour Figure 4: Organisation du processus anesthésique en France

même de l'intervention et a pour objectif majeur de vérifier l'absence d'éléments interférents survenus entre la consultation et ce jour-là.

La seconde phase débute par la prise en charge du patient au bloc opératoire et est composée de l'induction de l'anesthésie et de la maintenance de celle-ci durant toute l'intervention. L'étape de l'induction constitue la période de l'anesthésie la plus intense sous deux aspects (McDonald & Dzwonczyk, 1988 ; McDonald, Dzwonczyk, Gupta &

Dahl, 1990 ; Gaba & Lee, 1990). Tout d'abord, différentes observations en situation de l'activité d'un anesthésiste montrent une augmentation de l'activité physique de celui-ci durant l'induction (e.g. Xiao, 1994). Dans un espace-temps restreint, l'anesthésiste va non seulement devoir injecter différentes drogues mais également intuber le patient, brancher le circuit respiratoire et programmer une ventilation mécanique précise (actions spécifiques à une anesthésie générale). Enfin, cette phase est également intense au niveau cognitif. En effet, sur ce même laps de temps, l'état physiologique du patient va se modifier très rapidement. Ces variations de paramètres sont relayées et strictement contrôlées par différents monitoring1. Durant l'induction, chaque individu a ses particularités et les réactions aux drogues injectées sont très variables d'un individu à l'autre. Les constantes vitales d'un patient peuvent alors se trouver dans des limites critiques pour sa santé mais elles peuvent également constituer de fausses alarmes induites par l'état artificiel et l'activité des différents membres de la salle d'opération.

Pour pouvoir interpréter ces différentes informations et agir adéquatement, l'anesthésiste doit dans un premier temps établir un profil de base spécifique à chaque patient en utilisant différentes sources d'informations (les données issues des appareils de surveillance telles que le rythme cardiaque, les auscultations telles que le réflexe pupillaire, le toucher et la couleur du patient). Il doit ensuite vérifier constamment l'évolution de ces données en fonction du profil qu'il s'est construit. Il faut également préciser que les différentes procédures chirurgicales requièrent des doses d'agents anesthésiques dans des proportions différentes. Les anesthésistes doivent alors combiner une connaissance de la maladie du patient, des drogues injectées, des demandes de l'opération et des préférences du patient pour arriver à un choix personnel de techniques.

Ainsi la procédure d'anesthésie varie largement en terme de durée, de méthode d'anesthésie, d'équipement utilisé, etc. Il n'y a pas de procédure de base établie que l'on

1 Le monitoring est l'ensemble des appareils de surveillance utilisé pour contrôler les paramètres vitaux durant l'anesthésie. Il permet de surveiller le cœur, la respiration, le contrôle de certains réflexes et la température.

doit suivre. Cependant, il existe certaines similarités générales à la majorité des cas.

Une fois l'anesthésie induite, l'étape de « maintenance » est celle durant laquelle la chirurgie est réalisée. Les actions physiques sont moins nombreuses et peu fréquentes. Selon Xiao (1994), elles seraient de l'ordre d'une action physique toutes les 10 minutes. La tâche principale de l'anesthésiste durant cette période est la surveillance des constantes vitales du patient et l'avancée de la chirurgie. A la fin de l'intervention, l'anesthésiste doit renverser l'effet de l'anesthésie aussi rapidement que possible. Pour ce faire, il doit le planifier suffisamment tôt durant les premières phases du processus.

Comme lors de l'induction, l'état physiologique du patient peut évoluer rapidement et considérablement. Cependant, l'anesthésiste ayant déjà établi un profil de base pour interpréter les différentes informations et les signes cliniques, cette phase est bien moins chargée que l'étape de l'induction, si aucun incident n'interfère dans le processus.

Ainsi, l'anesthésiste doit surveiller, durant ces trois phases, l'état physiologique du patient en poursuivant deux impératifs : maintenir le patient en vie et fournir les conditions nécessaires au bon déroulement de la chirurgie. L'activité de l'anesthésiste n'est donc pas isolée. Celui-ci peut intervenir sur son environnement physique qui comprend plusieurs composantes : (1) le patient, (2) l'anesthésie, (3) les autres membres du bloc opératoire (le chirurgien, les infirmiers, les aides opératoires), (4) les dispositifs d'injection des drogues et les appareils de surveillance, et (5) les dossiers relatifs aux patients et aux médicaments injectés.

Ainsi, l'anesthésie est un environnement de travail dynamique et complexe partageant des caractéristiques communes à d'autres environnements tels que l'aviation, la conduite automobile et la conduite de centrale nucléaire (Woods, 1988 ; Vicente, 1999).

Un dernier point mérite d'être soulevé. Comme signalé précédemment, il existe une grande variabilité dans l'organisation du processus anesthésique. Nous avons principalement vu dans les paragraphes précédents le cas de l'anesthésie en France où l'anesthésiste est impliqué dans toutes les phases du processus et dispose d'une phase entièrement dévolue à la planification. Il n'en est pas de même dans d'autres pays.

Prenons par exemple deux pays francophones : la Belgique (du côté wallon) et le Canada (du côté québecois). En Belgique, même si l'on retrouve les 3 grandes phases du processus anesthésique, la première phase ne comprend que la visite pré-anesthésique

qui se déroule la veille ou le jour-même de l'intervention. De ce fait, l'anesthésiste devra à ce moment-là se construire une représentation mentale de l'état de santé du patient sur base d'un questionnaire écrit que le patient aura au préalable rempli et sur base d'un entretien verbal très rapide. Cependant, l'organisation s'oriente de plus en plus vers la mise en place de consultations d'anesthésie directement associées aux consultations chirurgicales. Au Canada, la situation est encore différente. L'organisation du processus anesthésique est similaire à la situation française avec la présence d'une consultation 15 jours avant l'intervention et une visite pré-anesthésique qui n'est réalisée que le jour même de l'intervention avant l'entrée en salle d'opération. L'unique différence est l'implication de l'anesthésiste. En effet, la consultation d'anesthésie est à la charge des infirmières, des internistes2 et parfois des anesthésistes n'intervenant plus au sein du bloc opératoire. Ainsi, l'activité de l'anesthésiste au Québec est centrée sur la prise en charge du patient au bloc opératoire. Il devra alors utiliser les notes d'autres collègues du corps médical pour pouvoir procéder à l'anesthésie. Ces différentes organisations du processus anesthésique soulèvent plusieurs questions : (1) Comment les anesthésistes gèrent-ils et maîtrisent-ils une situation selon leur implication ? (2) Quel est l'intérêt d'impliquer (ou de ne pas impliquer) l'anesthésiste dés le début du processus anesthésique ? (3) Quel effet l'organisation d'une activité peut-elle avoir sur la sécurité ? Un premier élément de réponse peut être trouvé suite à la mise en place d'une véritable culture de la sécurité en France. En effet, l'anesthésiste n'est impliqué en France dans la totalité du processus que depuis 1994. Dans la partie qui va suivre, nous présenterons les résultats d'études épidémiologiques sur la sécurité anesthésique mettant en évidence l'influence de l'implication de l'anesthésiste sur la gestion des risques.

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