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manière générale, les AOB contribuent à la nitrification dans des gammes de pH neutres et basiques, et les AOA contribuent à la nitrification dans des gammes de pH acide. De plus, les plantes, via leurs exsudats racinaires (Hinsinger et al., 2009), contribuent à la modification de plusieurs paramètres physico-chimiques, dont la diminution du pH, ce qui devrait en théorie favoriser les AOA dans la rhizosphère.

Concentration en ammonium

La principale source d'énergie pour l'AOA et l'AOB est l’oxydation de l'ammonium, la seule source d'énergie connue dans des conditions aérobies. La concentration en ammonium est l’un des facteurs majeurs influençant la répartition des niches entre AOA et AOB, tout comme le pH.

Cette différenciation de niche peut être due à plusieurs mécanismes : différences dans l'affinité de l’enzyme pour l’ammonium, tolérance à une forte concentration d'ammonium ou encore hétérogénéité des concentrations en ammonium dans les sols. De plus, d'autres facteurs, comme l’origine de la source de l'ammonium, peuvent entrer en compte sur ces différenciations de niches (Prosser & Nicol, 2012).

Les AOB semblent prédominantes dans des milieux riches en ammonium, alors que les AOA le sont dans des milieux pauvres en ammonium (Prosser & Nicol, 2012). Une concentration en ammonium inférieure à 1000 mgN.L-1 semble avoir un effet inhibiteur sur les AOB (Guo et al., 2013). De plus, les AOA ont donc une affinité pour l’ammonium plus important que les bactéries en général : il a été démontré que « Candidatus N.maritimus » (AOA) a un Km7 = 133 nM pour le NH4+ (Martens-Habbena et al., 2009).. Ces résultats concordent avec les abondances et activités des AOA et AOB trouvées dans les environnements naturels. En effet, l’abondance et l’activité des AOB augmentent dans les sols fertilisés (Ma et al., 2016; Meyer et al., 2013; Simonin et al., 2015; Verhamme et al., 2011).

Autres facteurs

La liste des paramètres cités précédemment n’est pas exhaustive, car d’autres paramètres peuvent également favoriser l’une des communautés de nitrifiants, telle que la présence de métaux lourds. Cao et al. (2011) et Li et al. (2009) rapportent par exemple que les AOA sont en quantités plus

7 Km (constante de Michaelis) : concentration en substrat pour laquelle la vitesse initiale de la réaction est à la moitié de la vitesse initiale maximale

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33 importantes que les AOB en présence de métaux lourds, et que les AOA sembleraient donc être plus tolérantes aux métaux lourds. Enfin, la présence d’inhibiteurs de la nitrification pourrait également impacter différemment l’activité des AOA et AOB, que ces inhibiteurs soient d’origine synthétique ou biologique.

1.1.1.4 Inhibition de la nitrification

De nombreuses molécules qu’elles soient d’origine synthétique ou biologique sont connues pour inhiber la nitrification, soit au niveau de la première étape de la nitrification (enzyme AMO), et/ou la seconde étape (enzyme HAO).

1.1.1.4.1 Les inhibiteurs de la nitrification

Le phénomène de l’inhibition biologique de la nitrification par les plantes a été attesté pour la première fois dans une savane de l’Afrique de l’Ouest, située en Côte-d’Ivoire (la station écologique historique de Lamto – voir § Chapitre 2) par Lata et al. (1999) chez l’espèce de Poacée pérenne,

Hyparrhenia diplandra. Le mécanisme de l’inhibition biologique de la nitrification (ou BNI : Biological Nitrification Inhibition) par les plantes a ensuite été démontré par Subbarao et al. (2009) sur l’espèce Brachiaria pastures. Les molécules inhibitrices de la nitrification sont émises via des exsudats

racinaires. Ces molécules, comme le sorgoleone issu de Sorghum bicolor (ou sorgo commun), bloquent la voie enzymatique de AMO et de HAO (Subbarao et al., 2013). D’autres molécules extraites des racines ou de jeunes pousses, comme le méthyl férulate ou l’acide linoléique, bloquent les voies enzymatiques de la nitrification (Gopalakrishnan et al., 2007; Subbarao et al., 2008). Une liste des inhibiteurs biologiques de la nitrification est présentée dans le Tableau 1-1 ci-dessous.

Les inhibiteurs de la nitrification démontrés jusqu’ici uniquement sur les bactéries, les inhibiteurs biologiques de la nitrification sembleraient finalement impacter aussi bien les communautés d’archées et de bactéries nitrifiantes. Subbarao et al. (2009b) avaient constaté une diminution des AOA et AOB dans des sols cultivés en présence de plantes inhibitrices. Enfin, ces résultats ont très récemment été confirmés par l’étude de Nuñez et al. (2018) qui compare l’impact de différentes plantes inhibitrices de la nitrification ayant des taux d’inhibitions différents. Dans cette expérience, plus les plantes inhibent, plus l’abondance des AOA et AOB diminue. Ce présent travail participe également de cette avancée (voir Chapitres suivants).

Tableau -1-1: Inhibiteurs biologiques de la nitrification, leur provenance et leur mode d’action (adapté d’après Coskun et al., 2017a). Catégorie Molécules Source Commentaires BNIs provenant d’exsudats racinaires

Sorgoleone Sorghum bicolor Bloque AMO et HAO; composé allelopathique

Sakuranetin, Sorghum bicolor Bloque AMO et HAO; BNI non-effecase dans les sols

Methyl 3-(4- hydroxyphenyl) propionate (MHPP)

Sorghum bicolor Bloque AMO; influence le systheme architecturale des racines

Brachialactone Brachiaria humidicola

Bloque AMO et HAO; réduit le niveau de nitrification au champ et l’émission de N2O 1,9-Decanediol Oryza sativa Caffeic Bloque AMO

BNIs provenant d’extraits de tissus

Acide cafféique Ambrosia psilostachya, Andropogon

spp., Sorghastrum nutans, Quercus spp., Pinus ponderosa

Inhibition complète de la nitrification (avec 1 mM) dans la suspension de sol (avec Nitrosomonas) Acide chlorogénique Ambrosia psilostachya, Haplopappus ciliates, Andropogon spp., Panicum virgatum, Sorghastrum nutans, Pinus echinata, Quercus spp., Pinus ponderosa Inhibition complète de la nitrification (avec 100 nM) dans la suspension de sol (avec Nitrosomonas)

Acide ferulique Pinus echinata, Quercus spp. Inhibition complète de la nitrification (avec 10 nM) dans la suspension de sol (avec Nitrosomonas)

Methyl ferulate Racines de B. humidicola Emise via la décomposition de la racine Methyl p-coumarate Racines de B. humidicola Emise via la décomposition de la racine Acide linoleicque Pousses de B. humidicola Bloque AMO and HAO; inhibe l’urease Acide linoleicque Pousses de B. humidicola Bloque AMO and HAO Methyl linoleate

Pousses de B. humidicola Les BNI les plus stables dans les sols, extraits de tissus de B. humidicola; inhibe l'uréase

Des molécules synthétiques inhibant la nitrification sont également couramment utilisées en agriculture afin de diminuer la perte en N. Plusieurs molécules (Tableau 1-2) sont utilisées, notamment le dicyandiamide (DCD) ou le 3,4-Diméthylpyrazole phosphate (DMPP). Plusieurs études montrent une

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35 diminution de la nitrification en présence de ces molécules, avec une diminution des AOB en présence de DCD ou du Nitrapyrin (Dai et al., 2013; Di et al., 2010; Guo et al., 2014; Lehtovirta-Morley et al., 2013) ou encore une diminution spécifique des AOB en présence de DMPP et pas d’effet sur les AOA (Kleineidam et al., 2011).

Tableau 1-2 : Inhibiteurs synthétique de la nitrification, leur utilisation et leur mode d’action (adapté d’après Coskun et al., 2017a). Catégorie Molécules Source Commentaire Inhibiteur de la nitrification synthétique (SNIs)

Dicyandiamide (DCD) Synthetique Largement utilisé dans l’agriculture ; bloque AMO ; n'augmente pas les rendements ; risques de dégradation, de lessivage, de contamination des aliments et de l'eau, augmentation de la volatilisation du NH3, émission indirecte de N2O

3,4-Dimethylpyrazole phosphate (DMPP)

Synthetique Largement utilisé dans l’agriculture ; bloque AMO ; plus efficace que le DCD pour réduire les émissions de NH3 et de N2O et la lixiviation NO3- ; effets variables sur le rendement ; risque de volatilisation accrue de NH3 et d'émission indirecte de N2O

2-Chloro-6- (trichloromethyl) pyridine (Nitrapyrin)

Synthetique Bloque AMO ; risqué d’augmentation de la volatilisation du NH3 et indirectement du N2O ; peut aussi inhiber indirectement la dénitrification

1.1.1.4.2 Utilisation des inhibiteurs, leurs avantages et inconvénients

Les inhibiteurs synthétiques sont couramment utilisés dans des systèmes agricoles afin de diminuer les pertes en N (Coskun et al., 2017a). L’ajout des inhibiteurs de la nitrification permet d’inhiber la transformation de l’ammonium en nitrate, sachant que le nitrate peut facilement être perdu pour les sols par dénitrification ou lixiviation. La conservation de l'N sous la forme d’ammonium permet de limiter ces pertes. Tous ces inhibiteurs ont des inconvénients, notamment concernant leur coût, leur dégradation, comme source de pollution ou encore l’entrée dans les aliments cultivés (Coskun et al., 2017b).

La BNI semble quant à elle, avoir un potentiel important d’utilisation pour l’agriculture dans les années à venir, car la présence de cette inhibition permettra d’augmenter le rendement agronomique en réduisant la surexploitation des engrais azotés, et permettra également d’éviter les potentiels risques associés aux inhibiteurs synthétiques. La découverte de ce phénomène dans des lignées modernes de blé et de riz est encourageante dans la perspective d’utiliser ce type de variété

en agronomie (Figure 1-8). Cependant, avant l’utilisation raisonnée de ces variétés/lignées en culture, de nombreuses études sont nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes d’inhibition.