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B. La cornée

8. Sensibilité cornéenne

8.3. Facteurs de variation de la sensibilité cornéenne

8.3.4. Facteurs iatrogènes

Chirurgie cornéenne

Les chirurgies cornéennes peuvent être à l’origine d’une baisse de sensibilité secondaire aux lésions nerveuses occasionnées. C’est le cas par exemple lors de chirurgie réfractive,

Laser Assisted Intrastromal Keratomileusis, (LASIK) ou PhotoKératectomie à visée Réfractive (PKR). (CAMPOS 1992; PETZNICK 2013)

Une étude menée chez des patients atteints de myopie a évalué la sensibilité cornéenne suite à une kératectomie photoréfractive (PKR) à l’aide d’un esthésiomètre à jet d’air. Elle conclut que la perte de sensibilité post opératoire est due à l’exérèse d’une portion d’épithélium cornéen et de stroma sous-jacent, s’accompagnant du retrait des fibres sensitives contenu dans cette zone. La sensibilité est ensuite progressivement restaurée mais reste inférieure aux valeurs normales un an après la chirurgie. (MURPHY 1999)

Cependant, une étude comparative des techniques LASIK et PKR utilisant un esthésiomètre de Cochet-Bonnet aboutit à des conclusions différentes. Elle observe en effet un retour à une sensibilité cornéenne normale 1 mois après PKR au niveau de la périphérie cornéenne et 3 mois après au niveau du centre de la cornée. D’autre part, cette étude met en évidence une baisse de sensibilité plus marquée suite à l’utilisation du LASIK que de la PKR, pendant les 3 mois suivants la chirurgie. (PEREZ-SANTONJA 1999)

Plus globalement, toute lésion ou tout dysfonctionnement nerveux peuvent occasionner une dégradation de la sensibilité cornéenne. C’est le cas par exemple lors d’atteinte du nerf trijumeau ou lors de traumatisme cornéen. (BORDERIE 2005)

Topiques

Les collyres ou pommades utilisés en ophtalmologie peuvent avoir un effet sur la sensibilité cornéenne qu’il est intéressant de connaître afin d’en tenir compte lors du suivi thérapeutique. D’autre part, l’usage à long terme d’anesthésiques locaux étant contre-indiqué, on recherche au sein d’autres classes médicamenteuses des molécules présentant des propriétés analgésiques et pouvant représenter une alternative dans la gestion à long terme de la douleur oculaire.

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o Collyres anti-glaucomateux

Une augmentation de la pression intraoculaire étant à l’origine d’une diminution de la sensibilité cornéenne, il est intéressant de suivre ce paramètre chez les patients atteints de glaucome. On comprend alors la nécessité d’estimer l’influence des collyres anti- glaucomateux sur la sensibilité de la cornée, pour évaluer correctement la part de l’augmentation de PIO dans l’hypoesthésie cornéenne. Parmi les anti-glaucomateux couramment utilisés, les β-bloquants ont été étudiés à ce propos. Weissman a conclu que l’instillation de timolol ou de betaxolol n’entrainait pas de baisse significative de la sensibilité cornéenne, sauf chez les sujets les plus âgés. Il préconise donc un suivi accru chez ces patients. (WEISSMAN 1990)

o Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS)

Les molécules de cette famille agissent en interrompant la chaîne de l’inflammation. Elles inhibent une enzyme, la cyclooxygénase, ayant pour rôle la conversion d’acide arachidonique en prostaglandines et bloquent ainsi la synthèse et la libération de ces dernières. Les prostaglandines jouent un rôle essentiel dans l’initiation et le maintien de l’inflammation d’où les propriétés anti-inflammatoires des AINS.

Chez l’Homme de nombreuses études ont montré l’effet analgésique des anti-inflammatoires non-stéroïdiens administrés par voie locale.(GWON 1994; FRY 1995) L’instillation de nepafenac et dans une moindre mesure de diclofenac a par exemple montré son intérêt dans la gestion de la douleur des patients subissant une chirurgie photoréfractive. (COLIN 2006) Acosta a même mis en évidence une baisse de sensibilité cornéenne aux stimuli mécanique, thermique et chimique significative lors d’instillation de diclofenac, mais très limitée avec le flurbiprofène. (ACOSTA 2005)

En médecine vétérinaire, les AINS topiques sont utilisés principalement comme anti- inflammatoires, même si leur intérêt dans la gestion de la douleur cornéenne a été démontré. (RANKIN 2013) En effet, chez le chat, l’instillation d’indométhacine, de diclofenac ou de flurbiprofène inhibe la sensibilité des fibres nociceptrices polymodales à une stimulation chimique. Le même effet est observé lors d’application locale de diltiazem, un inhibiteur calcique. Le caractère analgésique des AINS serait donc dû non seulement au blocage de l’inflammation mais aussi à une action directe sur l’excitabilité des terminaisons nerveuses, par le biais des canaux calciques. (CHEN 1997) L’usage le plus courant des AINS topiques en pratique vétérinaire est la gestion de la douleur du segment antérieur et de la cornée, secondaire à un traumatisme ou à une chirurgie.

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o Morphiniques

La morphine, fameux analgésique par voie systémique, a été étudié pour son action locale sur la cornée du lapin. Cet alcaloïde dérivé de l’opium n’a aucun effet sur la sensibilité d’une cornée saine, cependant lors d’abrasion cornéenne elle possède un effet analgésique rapide et significatif sans retarder la cicatrisation. (PEYMAN 1994)

La nalbuphine, un autre antalgique opiacé, n’entraine pas de modification de la sensibilité lors d’application sur une cornée saine de cheval. (WOTMAN 2010)

o Conservateur

Les analogues des prostaglandines (latanoprost, travoprost, bimatoprost) en collyre entrainent pour leur part une baisse de la sensibilité cornéenne dans les 5 minutes suivant l’instillation, corrélée à une diminution du test de Schirmer et de la rupture du film lacrymal (Break Up Time). Or, cette observation est contradictoire avec l’effet des inhibiteurs de synthèse des prostaglandines, les AINS, qui eux aussi sont à l’origine d’une hypoesthésie cornéenne. Ce phénomène serait en fait dû au conservateur contenu dans les collyres, le chlorure de benzalkonium (BAC). (KOZOBOLIS 2005) Une autre étude a démontré que l’usage de collyres antiglaucomateux contenant du BAC altérait la sensibilité cornéenne. (VAN WENT 2011) Cette molécule semble agir en déstabilisant le film lacrymal précornéen, ainsi que par une action toxique sur l’épithélium cornéen.

9. Innervation sensitive des autres segments du globe et des annexes