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2.2. Les facteurs motivant l’adoption de l’éco-conception

2.2.2. Les facteurs externes

Les facteurs externes à l’entreprise exercent des pressions que les responsables ne peuvent ignorer. Ces pressions sur l’entreprise sont émises principalement par des acteurs sociaux ayant une influence quasi directe sur l’organisation [LAVILLE, 2002]. La mondialisation des marchés et l’accès toujours plus grand à l’information ont amplifié le potentiel d’action des acteurs sociaux. Les revendications sociales, qui s’exprimaient autrefois par des manifestations publiques, ont maintenant un outil de communication très puissant, Internet, qui permet de transmettre plus d’information, plus rapidement, et cela, à l’échelle internationale. Beaucoup de grandes entreprises sont maintenant conscientes qu’à peu près 45 % de leur valeur est basée sur leur réputation [LAVILLE, 2002].

> Les pouvoirs publics et la réglementation

La réglementation est considérée par plusieurs chercheurs comme étant l’un des incitatifs les plus forts à l’intégration de contraintes environnementales dans le développement de produit [CSMOE, 1999; JANIN, 2000; FCEI5, 2001; LAVILLE, 2002; LE

POCHAT, 2005; WILLARD, 2005]. Elle concerne de manière plus ou moins exigeante tous les secteurs d'activité. L’instauration de réglementations relatives à l’environnement peut venir perturber la logique du marché [JANIN, 2000]. Par exemple, un règlement sur les impacts environnementaux des entreprises a comme objectif de réduire la pression environnementale des activités industrielles et prévoit des sanctions en cas de non respect des règles. Un exemple en serait la directive européenne sur les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) qui est entrée en vigueur à l’été 2006. Peu de chefs d’entreprise prennent le risque de s’attirer des poursuites pour ne pas avoir respecté les lois [WILLARD, 2005]. Les entreprises qui ont une stratégie réactive vont principalement chercher à se conformer aux lois et à la réglementation existantes [GENDRON, 2004]. Les entreprises plus proactives vont quant à elles chercher à devancer l’entrée en vigueur des règlements pour éviter d’être contraintes à

5 « La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), organisme sans but lucratif, regroupe plus de 21 000 petites et moyennes entreprises. Ses membres sont situés dans toutes les régions du Québec et œuvrent dans tous les secteurs d’activités économiques » [FCEI, 2001].

changer leurs façons de faire au moment de l’instauration de ces lois [WILLARD, 2005]. D'autres vont établir à l’interne des normes plus exigeantes que les législations les plus fortes au niveau international, dans le but d’augmenter la qualité environnementale de leurs produits par rapport à la concurrence. Cette stratégie permet aussi aux entreprises présentes sur les marchés internationaux de répondre aux exigences réglementaires de tous les pays où elles veulent offrir leurs produits [LAVILLE, 2002; WILLARD, 2005].

> Les choix des clients et des utilisateurs

L’opinion publique est progressivement sensibilisée par les médias à la cause environnementale [JANIN, 2000]. Dans le contexte du développement durable, de plus en plus de personnes assument leur responsabilité de consommateurs et tentent de faire des achats plus responsables. Dans son ouvrage, Bob Willard [2005] utilise les données d’une enquête menée par GlobeScan6qui montre que 22 % des personnes qui

habitent dans les pays du G7 sont des consommateurs responsables (greenconsumers) prêts à payer un peu plus cher pour des produits éco-conçus, mais qui, pour le moment, ne trouvent pas suffisamment de produits plus durables sur le marché de grande consommation. Un autre type de clients sont les clients institutionnels. Ces derniers sont considérés par Janin [2000, p. 61] comme étant les plus sensibles à la prise en compte de l’environnement dans les produits. Par leur pouvoir d’achat, ils sont les clients les plus influents. Certaines institutions ont instauré une politique d’achats verts, laquelle impose d’ajouter aux critères habituels de sélection le respect de l’environnement. D’après le Bureau de l’écologisation des opérations gouvernementales du Canada, plus les grandes institutions, comme le gouvernement, feront la promotion d’un environnement durable en intégrant des critères de performance environnementale dans les processus d’achat, plus elles auront une influence sur la demande pour des biens éco-conçus. Nous pouvons citer en exemple les conditions d’achat du gouvernement du Canada :

« Les biens et services à privilégier du point de vue environnemental sont ceux qui ont une incidence moindre ou réduite sur l'environnement pendant le cycle de vie du bien ou du service, lorsqu'on les compare aux biens et services concurrentiels servant aux mêmes fins » [GOUVERNEMENT DU CANADA7, 2007].

Les grandes entreprises peuvent aussi exercer une forte pression sur leurs fournisseurs. Ces donneurs d’ordre intègrent de plus en plus d’exigences à caractère environnemental dans leurs cahiers des charges. C’est le cas par exemple des constructeurs d’automobiles qui imposent à leurs fournisseurs (équipementiers pour véhicules) un « reporting substances » très détaillé de leurs produits [AFNOR, 2005, p. 57]. Réciproquement, les fournisseurs peuvent aussi influencer le marché, par exemple dans des cas de pénurie de matières premières où ils peuvent faire varier les prix [MILLER, 2000]. Mais ils peuvent aussi être à l’origine d’innovation dans les produits, par exemple proposer de nouvelles solutions ou de nouveaux produits plus éco-efficients. La relation entre client et fournisseur est certainement un aspect important à considérer lorsqu’une entreprise veut réduire ses impacts. Si les deux partenaires s’entendent sur le développement de nouvelles solutions pour améliorer le produit final, les deux pourront bénéficier des effets de l’innovation, en plus d’obtenir une bonne cote environnementale [LAVILLE, 2002].

> Les pressions du marché et la concurrence

Ne pas prendre acte des problèmes environnementaux créés par ses activités peut empêcher une entreprise de pénétrer certains marchés ou de se démarquer de la concurrence [JANIN, 2000, LAVILLE, 2002]. La concurrence exerce sur l’entreprise une pression qui peut en compromettre la survie [MILLER, 2000]. Dans certains pays, la réglementation est plus stricte et certains clients sont plus exigeants en ce qui concerne les impacts des produits sur l’environnement. Les concurrents les plus dangereux sont des entreprises nouvellement créées qui entrent sur le marché avec des produits très innovants. Ce type de concurrence est très difficile à anticiper [MILLER, 2000; WILLARD, 2005]. À noter aussi la réduction des impacts sur l’environnement qui permet à des entreprises d’affermir leur place sur le marché et d’assurer des partenariats avec certains clients. L’exemple de Tembec est intéressant : une gestion améliorée des

forêts où elle s’approvisionne a permis à l’entreprise de signer des contrats avec des distributeurs et de se démarquer des autres compagnies du secteur du bois [GOUVERNEMENT DU CANADA, 2006].

> Les choix des investisseurs et des actionnaires

De plus en plus sensibilisés à la question du développement durable, les investisseurs et les actionnaires deviennent eux-mêmes des « propriétaires responsables » [WILLARD, 2005]. En effet, un nombre croissant d’investisseurs s’intéressent aux entreprises qui ont intégré les stratégies de RSE, car celles-ci démontrent par là une meilleure gestion des risques et jouissent d’une bonne image. Les institutions financières démontrent aussi un intérêt grandissant pour la responsabilité sociale et environnementale, et il est prouvé que 35 % des informations justifiant l’investissement ne sont pas financières [WILLARD, 2005]. De plus, les actionnaires, détenteurs d’actions de l’entreprise, ont aussi un droit de vote en assemblée générale. Qu’il s’agisse d’organismes non gouvernementaux, de gestionnaires de fonds socialement responsables, d’actionnaires individuels ou d’associations d'actionnaires, le droit de regard sur les décisions prises par l’entreprise leur donne la possibilité d’influencer le conseil d'administration. On parle alors d’activisme actionnarial (traduction libre de shareholder activism) [LAVILLE, 2002].