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De la structure à l’usage thérapeutique dans la Thrombasthénie de Glanzmann

II. Facteur VII activé recombinant

Les fondements de la découverte et du développement du facteur VII activé remontent à la fin des années 1970 : à cette époque, le problème majeur posé par le traitement de l’hémophilie était celui de la prise en charge des accidents hémorragiques chez les patients ayant développé un allo-anticorps (Ac) contre le facteur VIII (hémophilie A) ou le facteur IX (hémophilie B) après perfusion de concentrés plasmatiques de ces facteurs de la coagulation.

Les seules procédures disponibles dans ces indications étaient soit l’apport de quantités massives de concentrés de FVIII/FIX pour saturer l’Ac, soit l’utilisation de plasmaphérèses pour épurer l’Ac. Ces traitements lourds et coûteux étaient, en outre, difficilement utilisables dans des situations d’urgence. Un traitement hémostatique capable de court-circuiter le facteur VIII et le facteur IX est donc apparu comme une alternative très intéressante à ces procédures [47].

II-1.Mode d’obtention et fonction :

Le FVII est une sérine protéase de 406 acides aminés. La molécule comporte 4 domaines : un domaine N-terminal impliqué dans la liaison avec le FT et les phospholipides, 2 domaines EGF like (epidermalgrowth factor) de liaison avec le FT et 1 domaine sérine protéase qui comprend le site catalytique.

Le FVIIa recombinant est issu du génie génétique et reproduit à l’identique (glycosylations comprises) la séquence d’acides aminés humaine du facteur VII sous sa forme activée. Sa production se fait à partir de l’ADNc codant le FVII, issu d’une banque génétique de foie. L’ADNc est ensuite transcrit et l’ARNm traduit en FVII dans une lignée cellulaire eucaryote de rein de bébé hamster [48].

L’activation du FVII se fait par hydrolyse entre les acides aminés 152 et 153 qui le clive en deux chaînes. Le facteur VII dans sa forme activée n’est physiologiquement présent qu’à

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l’état de traces dans la circulation sanguine (~ 1 % du FVII circulant ; soit 2-2,5 µg/L). Son mode d’action se développerait selon deux voies distinctes, dépendantes ou non du FT (Fig.6) [48].

D’après le modèle cellulaire de la coagulation, le FVIIa est un facteur clef dans les deux premières phases de la coagulation :

L’initiation (activation du FX qui génère la petite quantité de thrombine nécessaire à l’activation des facteurs V, VIII, XI et des plaquettes) et l’amplification (activation du IX). Le principal inhibiteur physiologique du complexe FTFVIIa est le TFPI ; l’AT est considérée comme ayant un faible effet inhibiteur. Il existe un inhibiteur artificiel, conçu comme médicament : un rFVIIa inactivé [48].

Enfin, le rFVIIa possède une activité anti-fibrinolytique indirecte via l’activation du Thrombin Activable Fibrinolysis Inhibitor (TAFI). Cela a été montré par Lisman et coll. avec du plasma déficient en FVIII. Ainsi, le caillot de fibrine formé plus rapidement peut résister à une fibrinolyse prématurée et assurer une hémostase durable permettant la cicatrisation tissulaire.

Figure 6: Mécanismes d’action du facteur VII recombinant

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 La voie FT dépendante

Le rFVIIa déplace le FVII endogène inactif de sa liaison avec le FT et forme le complexe enzymatique FT-rFVIIa qui génère le Xa. Le calcium est un cofacteur du complexe FVIIa-FT. Les premières molécules de thrombine générée activent les facteurs VIII, V et les plaquettes (phase d’initiation de la coagulation). Ainsi les complexes ‘ténase’ intrinsèque (FIXa/FVIIIa)et prothrombinase (FXa/FVa) assemblés à la surface des plaquettes activées entraînent la génération explosive de thrombine. Ce processus n’est pas systémique mais localisé au site de la lésion vasculaire où est exposé le FT et où sont accumulées les plaquettes activées [48,49].

La « concentration » locale atteinte en FT-rFVIIa peut être telle que l’effet du TFPI est diminué et que la boucle de Josso (impliquant les facteurs anti-hémophiliques - complexe ‘ténase’) est moins utile [50, 51].

 La voie FT indépendante

La seconde voie serait indépendante du FT. Des données suggèrent que le rFVIIa à forte concentration peut activer directement le FX en se liant à la surface des plaquettes activées, sur des plates-formes phosphatidyl serines, et ainsi entraîner une génération explosive de thrombine. Il a également été démontré qu’en cas de Thrombasthénie de Glanzmann (déficit constitutionnel en GPIIb/IIIa) le rFVIIa peut compenser les perturbations de l’hémostase. Le mécanisme proposé par Lisman et coll. implique la thrombine générée après l’activation directe du X par le couple rFVIIa-plaquettes. Cette thrombine augmenterait le recrutement des plaquettes (même déficientes) et augmenterait la formation de fibrine. Cette fibrine permettrait de compenser l’absence relative de plaquettes pour réaliser un clou hémostatique [52,53].

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Il a été démontré que le complexe GPIb-IX-V à la surface des plaquettes activées (exposant des phospholipides anioniques) a une affinité directe pour le rFVIIa et permet une accélération de la génération de Xa. Ces mécanismes nécessitent de fortes concentrations de rFVIIa. Cela peut expliquer la raison des doses administrées ainsi que l’intérêt du rFVIIa pour les patients en syndrome hémorragique hors hémophilie : Thrombasthénie de Glanzmann, thrombopathies médicamenteuses induites (anti GPIIb/IIIa)…

rFVIIa et thrombinographie :

La thrombinographie ou (calibrated automated thrombogram ) (CAT) est l'étude cinétique complète de L’activité thrombinique au cours de la coagulation in vitro en conditions définies et appropriées. Cette approche permet un phénotypage intégratif du système hémostatique en présence de fibrine et de plaquettes. Elle prend en compte deux éléments cruciaux :

(1) plus de 90 % de la thrombine est formée après la gélification détectable du plasma.

(2) les systèmes inhibiteurs stœchiométriques de la thrombine et dynamiques d'inhibition de la génération de thrombine agissent largement au-delà de cette transition d’état physique du sang [54].

A titre d’exemple éloquent, nous présentons sur la figure 11 un thrombinogramme d’un patient présentant un saignement majeur post-Circulation extra corporelle chez qui le rFVIIa a corrigé in vitro l’allongement du temps de latence avant la génération explosive de thrombine. Cet exemple est particulièrement démonstratif de l’effet escompté du FVIIa. En effet, le rFVIIa décale la courbe vers la gauche sans modifier la quantité de thrombine générée (aire sous la courbe) et normalise ainsi le temps de génération de thrombine. La cinétique d’initiation de la coagulation semble dans cette situation la cause du saignement. Les autres acteurs nécessaires à la formation du caillot sont présents en quantité suffisante : aire sous la courbe (= potentiel thrombinique) normale. On ne trouve pas d’effet dépendant de la concentration dans cet exemple avec les concentrations utilisées. La posologie à déterminer dans cette situation devant s’approcher de la dose minimale nécessaire à la production rapide

de thrombine (nécessité de déclencher la cascade de coagulation et non de

de facteur). Dans cette condition, le rFVIIa a permis de normaliser le temps de gélification du sang et de contrôler le saignement post

saignement micro-vasculaire.

Figure 7 : Thrombinogrammes avec rFVIIa in vitro (plas

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té de déclencher la cascade de coagulation et non de

. Dans cette condition, le rFVIIa a permis de normaliser le temps de gélification du sang et de contrôler le saignement post-opératoire. Cela s’applique classiquement au

: Thrombinogrammes avec rFVIIa in vitro (plasma humain)

té de déclencher la cascade de coagulation et non de combler un déficit . Dans cette condition, le rFVIIa a permis de normaliser le temps de gélification du opératoire. Cela s’applique classiquement au

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D’après cet exemple, deux hypothèses ont été formulées sur le mode d’action du rFVIIa : 1-FT dépendante :

L’excès de TFPI induit par la circulation extra corporelle (qui inhibe le complexe FT-FVIIa) peut être surmonté par une dose de rFVIIa telle que la concentration de FVIIa circulant déclenche la coagulation. Ce phénomène peut se produire sur des brèches vasculaires non recouvertes de plaquettes.

2-FT indépendante :

Sur les brèches vasculaires recouvertes de plaquettes, le FT n’est pas accessible et donc la génération de thrombine se produit via l’activation du X par le complexe GPIb-IX-V [48].

II-2. Propriétés pharmacocinétiques

Les paramètres pharmacocinétiques du facteur VIIa recombinant ont été étudiés chez les patients hémophiles A ou B et chez des sujets sains d’origine caucasienne ou japonaise [55-56] et retrouvant une pharmacocinétique linéaire. Le reste des paramètres est détaillé dans le tableau ci-après:

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Tableau I : La pharmacocinétique du rFVIIa.

Episodes non hémorragiques Episodes hémorragiques

Volume apparent de distribution à l’état d’équilibre (ml/kg)

103 106

Volume apparent de distribution à la phase d’élimination (ml/kg)

121 122

Clairance médiane (ml/h) 31 32,6

Temps moyen de résidence (h) 3,44 2,97

Demi-vie (h) 2,89 3,30

L’injection de facteur VIIa recombinant, chez des sujets sains et de manière indépendante vis-à-vis du sexe ou de l’ethnie considérée, entraine :

· Un raccourcissement du temps de Quick, · Une élévation de l’activité du facteur VII,

· Un raccourcissement du temps de céphaline activé et · Une élévation modérée du FX et du FIX [57].

Par ailleurs, la modification des paramètres précédents ne s’accompagne pas d’élévation anormale des D-dimères ou de complexe thrombine-antithrombine et reste sans effets sur le nombre de plaquettes circulantes ou le taux de fibrinogène.

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Enfin, à des doses allant jusqu’à 160µg/kg, aucun effet secondaire thromboembolique grave n’est relevé [56, 58].

II-3. Résultats des essais de son utilisation dans la Thrombasthénie de Glanzmann Thrombasthénie de Glanzmann (TG) avec absence de réponse aux transfusions plaquettaires liée à un iso-anticorps anti-GP IIb IIIa ou anti-HLA :

C’est en 1996 que 2 auteurs danois, Tengborn et Petruson rapportaient la 1ère utilisation avec succès du rFVIIa dans laprise en charge d’une épistaxis sévère survenue chez un jeune patient atteint de TG.

Les études qui suivirent rapportèrent cependant des résultats discordants. Plus de 95 % de réponses favorables dans l’expérience canadienne, moins de 50 % de réponses jugées excellentes ou bonnes chez l’enfant pour Almeida et al. en Grande-Bretagne. En2004, les résultats de l’expérience internationale colligée depuis 1999 ont été rapportés.

Une étude internationale menée en 2004 portant sur59 patients atteints de TG (incluant 29 patients allo immunisés et 23 patients réfractaires aux transfusions plaquettaires) a montre´ une efficacité du facteur VII activé recombinant dans 64 % des cas. Le facteur VII activé recombinant est donné à la dose de 90 m/kg toutes les 1,5 à 2 h en bolus intraveineux de 2 à 5 min. Le traitement est poursuivi tant que le saignement persiste. L’intervalle entre les doses peut être progressivement augmenté (de 4 à 12 h) aussi longtemps que nécessaire. Le traitement par facteur VII active´recombinant ne nécessite pas de surveillance biologique particulière [59].

Cinquante-neuf patients atteints de TG avaient été traités par rFVIIa pour 108 épisodes hémorragiques et 34 procédures chirurgicales invasives. Vingt-trois de ces patients avaient des antécédents de transfusions plaquettaires inefficaces. Les meilleurs résultats en termes de contrôle de l’hémorragie avaient été obtenus pour les patients recevant, d’une part, une dose

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unitaire d’au moins80 mg/kg par injection et, d’autre part, des injections répétées à des intervalles de moins de 2,5 h tant que persistait le saignement.

Les patients recevant par ailleurs au moins une injection d’entretien dans les 48 h suivant l’épisode initial présentaient le plus faible risque de récidive.

Une autre étude a été réalisée chez 4 enfants ayant une Thrombasthénie de Glanzmann de type I, dont 1 enfant avec anticorps anti-GPIIb-IIIa et présentant une absence de réponse aux transfusions plaquettaires, ayant pour objectif l’évaluation de l’efficacité et de la sécurité d’emploi du facteur VII activé recombinant pour le traitement des accidents hémorragiques non contrôlés par un traitement non transfusionnel ou pour maintenir l’hémostase lors d’intervention chirurgicale, chez des patients atteints de Thrombasthénie de Glanzmann et ayant présenté . 22 épisodes hémorragiques (11 épistaxis, 7 saignements oro-pharyngés, 3 hémorragies digestives, 1 hématome de la face) ; en prévention, lors d’une chirurgie pour hernie inguinale bilatérale [60]. Les résultats ont été comme suit :

Dans le traitement des épisodes hémorragiques :

- l’arrêt du saignement a été obtenu dans 21 des 22 épisodes, en moins de 24 H dans 16 cas, en p lus de 24 H dans 3 cas et dans un temps non précisé dans 2 cas.

- 1 à 11 doses ont été nécessaires pour arrêter le saignement et 1 à 6 doses de consolidation ont été administrées ensuite.

Dans la prévention du saignement en chirurgie :

- Le patient a reçu une dose pré-opératoire, suivie, à titre de consolidation, de 12doses en 24 heures

- Il n’a présenté aucune hémorragie per ou post-opératoire [60]. II-4.Schéma posologique :

Le rFVIIa est destiné à être administré par injection IV directe en bolus de deux à cinq minutes (cependant, en pratique, le débit maximal autorisé impose souvent une durée un peu plus longue et l’utilisation d’un pousse-seringue électrique). En cas d’accident hémorragique ou d’intervention chirurgicale, une dose initiale de 90 µg/kg de poids corporel est

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recommandée. Après la dose initiale, une dose de 60 à 120 µg/kg de poids corporel par injection peut être administrée régulièrement en traitement d’entretien en fonction du type et de la sévérité de l’hémorragie ou de l’intervention chirurgicale. L’intervalle entre les doses sera initialement de deux à trois heures pour obtenir l’hémostase. Si la poursuite du traitement est nécessaire, l’intervalle entre les doses peut être progressivement augmenté (de 4 à 12 heures) aussi longtemps que nécessaire. Les doses de première intention ont été codifiées pour les pathologies par hémorragies constitutionnelles et l’hémophilie acquise (Tableau II) [47].

Pathologie Posologie initiale

Déficit congénital en facteur VIIa 15-30µg/kg de poids corporel toutes les quatre à six

heures

Thrombasthénie de Glanzmann 90µg/kg (80-120µg/kg) de poids corporel

toutes les 1,5 à 2,5 heures

Hémophilie constitutionnelle avec

allo-anticorps

90µg/kg de poids corporel toutes les deux à trois heures

Hémophilie acquise 90µg/kg de poids corporel toutes les deux à trois

heures

Tableau II : Posologies recommandées lors de l’utilisation du rFVIIa dans les pathologies ayant l’AMM.

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II-5. Effets indésirables du facteur VII activé recombinant Les effets indésirables sont rares (< 1 pour 1 000 doses standard).

Les réactions indésirables graves rapportées depuis la mise sur le marché du médicament (1976) ont été :

- des thromboses artérielles telles que : infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux et infarctus intestinal. Dans la grande majorité des cas, les patients présentaient une prédisposition aux accidents thrombotiques [61].

- des thromboses veineuses telles que : thrombophlébite, thrombose veineuse profonde et embolie pulmonaire. Dans la grande majorité des cas, les patients présentaient une prédisposition aux thromboses veineuses. Aucune réaction anaphylactique n’a été rapportée depuis la commercialisation [62].

Aucun cas d’apparition d’anticorps anti-facteur VII n‘a été rapporté chez des patients ayant une hémophilie A ou B. Des cas isolés d’apparition d’anticorps anti-facteur VII ont été rapportés chez des patients ayant un déficit congénital en facteur VII. Ces patients avaient reçu précédemment du plasma humain ou un concentré de facteur VII plasmatique [60]. Comme tout médicament, le rFVIIa expose à des événements secondaires considérés comme peu graves à une fréquence de l’ordre de 10%. Cela va des nausées-vomissements au rash cutané en passant par des réactions allergiques ou encore la douleur au point d’injection. L’analyse des événements secondaires non thromboemboliques suite à l’administration de rFVIIa est le plus souvent délaissée au profit de l’étude des événements thromboemboliques veineux ou artériels [63].

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La Thrombasthénie de Glanzmann est une thrombopathie rare de révélation néonatale peu fréquente. Il existe ainsi plusieurs types de la maladie : les types I et II regroupent les déficits quantitatifs avec respectivement des taux d'expression de GPIIbIIIa inférieurs à 5 % et compris entre 5 et 25 % ; le type I est le plus répandu.

Sa prise en charge nécessite des mesures préventives. Le facteur VII activé recombinant pourrait être une alternative thérapeutique en cas de syndrome hémorragique réfractaire ou d’allo-immunisation.

Si actuellement l’AMM restreint l’utilisation de ce médicament aux hémorragies des patients atteints de TG porteurs d’anticorps anti-GP IIb IIIa ou anti-HLA, nombre d’auteurs suggèrent son utilisation dans des indications ciblées, avant toute apparition d’iso-immunisation et d’inefficacité transfusionnelle plaquettaire avec l’idée d’une épargne transfusionnelle et d’une réduction des risques immunologiques. Des études restent nécessaires avant qu’une extension d’AMM dans ce sens puisse être envisagée.

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