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L’association entre troubles psychotiques et violence a longtemps été débattue. La violence est définie par l’Organisation Mondiale de la Santé comme « l'utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même,

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contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d'entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès » (Organisation mondiale de la Santé, 2002). Les comportements violents regroupent donc une grande variété d’actes, comme frapper une personne, casser des objets, menacer avec une arme, etc. Plusieurs études ont tenté d’évaluer le risque de violence des patients souffrant de schizophrénie par rapport à la population générale, mettant en évidence des résultats hétérogènes (Fazel et al., 2009b; Hodgins, 2001; Joyal et al., 2007). S’il semble aujourd’hui admis que les patients présentant des syndromes délirants sont plus à risque de commettre des gestes violents, la dangerosité des patients souffrant de schizophrénie reste majoritairement attribuable aux abus ou dépendances aux substances psychoactives (Fazel et al., 2009b) et principalement l’alcool, le cannabis et les benzodiazépines (Fazel et al., 2009a; Thomas et al., 2016). D’autres facteurs de risque de violence ont été identifiés (voir

tableau 3). Cependant, à l’exception des abus et dépendances, les recherches concernant les

relations entre facteurs de risque cliniques et violence n’ont pas toujours abouti à des résultats concordants (Haute Autorité de Santé, 2011). De plus, ces facteurs de risque doivent coexister pour être associés à un accroissement significatif de l’incidence de la violence. Ainsi, le diagnostic de schizophrénie est associé à un risque légèrement plus important de comportement violent par rapport à la population générale, mais ce risque reste bien moins important que celui associé aux consommations de substances psychoactives.

Plusieurs cas de patients ayant réalisé des gestes de violence dans des contextes de SDI sont décrits dans la littérature internationale (par exemple, Carabellese et al., 2014; Comparelli et al., 2014; Reeves and Liberto, 2006), suggérant une relation potentielle entre SDI et comportements violents (Bourget and Whitehurst, 2004; Klein and Hirachan, 2014). Pour autant, aucune revue systématique de la littérature ne s’est attachée à explorer le lien entre SDI et antécédent judiciaire ou type d’agression (Klein and Hirachan, 2014). Nous nous proposons ici d’étudier les cas de patients ayant commis des gestes de violence associés à des SDI afin d’en dégager des caractéristiques communes. L’objectif est d’identifier les principaux facteurs de risques de violence qui peuvent être associés aux comportements de violence dans les situations de SDI.

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Tableau 3 : Résumé des facteurs de risque et signes d’alerte de passage à l’acte violent chez un patient souffrant de troubles psychiatriques (adapté de l’HAS)

Facteurs généraux Facteurs spécifiques

Facteurs sociodémographiques Diagnostic actuel

- Âge jeune < 40 ans - Genre masculin

- Statut économique précaire - Faible niveau d’éducation - Célibat

- Schizophrénies de forme paranoïde

- Comorbidité type abus ou dépendance aux substances psychoactives

- Comorbidité type personnalité antisociale

Antécédents Symptômes

- Antécédents personnels et familiaux judiciaires, de violence envers autrui ou d’incarcération - Antécédents d’abus ou de dépendance à l’alcool - Antécédents de « troubles des conduites » dans l’enfance ou à l’adolescence

- Antécédents de victimisation - Retard mental

- Idées délirantes fixées sur des tiers (ex: persécution) plus ou moins associées à des injonctions hallucinatoires

- Idées hétéro-agressives avec menaces de passage à l’acte

- Fascination pour les armes - Méfiance et réticence

- Participation émotionnelle intense - Impulsivité

Facteurs contextuels Facteurs liés aux soins

- Être victime de violence dans l’année - Divorce ou séparation dans l’année - Sans emploi dans l’année

- Défaut d’accès aux soins

- Déni des troubles et faiblesse de l’insight - Longue durée de psychose non traitée - Rupture du suivi psychiatrique

- Non-observance médicamenteuse

- Insuffisance du suivi au décours immédiat d’une hospitalisation

MÉTHODE

Nous avons réalisé en janvier 2017 une recherche bibliographique des études de cas de patients ayant commis un geste violent dans un contexte de SDI. Les articles ont été sélectionnés à partir d'une recherche systématique sur mots-clés « misidentification » et « violence » dans la base de données électronique PubMed. Nous avons ensuite appliqués les critères d’exclusion suivants : articles rédigés en langue autre qu’anglaise, articles portant sur un sujet autre que les DMS, articles n’incluant pas de description de cas de patient, articles non disponibles après tentative de contact de l’auteur.

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La recherche à partir de la base de données PubMed selon les critères de sélection a permis de retenir 26 articles. L’application des critères d’exclusion a abouti à la sélection de 9 articles, portant sur 15 descriptions de patients. Nous avons collecté les informations issues de ces descriptions afin de caractériser le plus précisément ces patients (voir tableau

4). Parallèlement aux articles portant sur des cas cliniques de geste violent commis dans des

contextes de SDI, 2 articles proposaient des synthèses de la littérature sur le sujet (Bourget and Whitehurst, 2004; Klein and Hirachan, 2014), 1 article intégrait la comparaison de 2 groupes de patients avec et sans SDI (Silva et al., 1995). Il est à noter que plus des 2/3 des articles ont été publiés avant l’année 2000.

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Tableau 4 : Articles inclus portant sur des descriptions de cas de gestes violents commis dans des contextes de syndrome délirant d’identification

TITTRE D’ARTICLE AUTEURS ET DATES SYNDORME DELIRANT GESTE VIOLENT COMMIS

Capgras Syndrome and Dangerousness Silva et al. 1989 4 cas syndrome de Capgras 3 agressions par arme sur membre de la famille 1 agression sur membre de la famille

The dangerousness of persons with misidentification syndromes.

Silva et al. 1992 1 cas syndrome de Capgras 1 cas syndrome de Frégoli

Agression par arme sur membre de la famille Agression par arme sur un voisin

A Cognitive Model of Dangerous Delusional Misidentification Syndromes

Silva et al. 1994 2 cas syndrome de Capgras Agression sur membre de la famille Psychiatric factors associated with

dangerous misidentification delusions

Silva et al. 1995 1 cas syndrome de Capgras Agression sur membre de la famille 'Alice in Wonderland' syndrome as a

precursor of delusional misidentification syndromes

Takaoka et al. 2001 1 cas syndrome de Capgras Matricide

Suicide Associated With the Antichrist Delusion

Reeves et al. 2006 1 cas syndrome de Capgras inversé (étrangeté pour soi-même)

Suicide par arme blanche A case of rapid conversion to psychosis

of delusional misidentification […]

Comparelli et al. 2014 1 cas syndrome des doubles subjectifs

Violence dans un contexte de déréalisation Mental illness, violence and delusional

misidentifications: The role of Capgras' syndrome in matricide

Carabellese et al. 2014 2 cas syndrome de Capgras Agressions par arme sur membre de la famille

Fregoli Syndrome: An Underrecognized Risk Factor for Aggression in Treatment Settings

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RÉSULTATS