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Faciliter le prêt de main d’œuvre, instrument gagnant-gagnant pour les entreprises, les employés et les finances publiques

4. Des propositions pour la sortie de crise et des orientations de plus long terme pour le soutien aux territoires en déclin

4.1. Pour le rebond des territoires en sortie de crise : des propositions et initiatives de terrain

4.1.1. Le renforcement de la coopération entre les acteurs économiques locaux sera un facteur essentiel de la reprise dans les territoires fragiles

4.1.1.1. Faciliter le prêt de main d’œuvre, instrument gagnant-gagnant pour les entreprises, les employés et les finances publiques

Les baisses d’activité liées à la crise sanitaire ont entraîné pour les entreprises un fort recours à l’activité partielle comme dispositif de flexibilité interne : un million d’entreprises a bénéficié de l’activité partielle entre mars et septembre 202074. Ce dispositif permet d’amortir la fermeture administrative ou la baisse conjoncturelle des carnets de commandes et d’éviter les licenciements, ce qui assure la préservation des compétences au sein des entreprises. L’activité partielle a joué un rôle particulièrement fort dans l’industrie manufacturière : tous secteurs confondus, le deuxième secteur recourant le plus intensément à l’activité partielle en France concerne la fabrication de matériel de transport (jusqu’à 21 % des salariés de ce secteur auraient été placés en activité partielle en août 202075). Pour le secteur de la métallurgie, l’activité partielle représente 20 % du montant total des aides reçues dans le cadre du déploiement des mesures de soutien76.

Toutefois, un tel niveau de recours à l’activité partielle n’est pas viable sur le long terme pour les employeurs. Le dispositif d’activité partielle va être progressivement resserré avec la fin des restrictions sanitaires (jusqu’au 30 juin 2021 l’État assure une prise en charge à 100 % de l’activité partielle pour les entreprises des secteurs protégés et celles fermées administrativement, ce taux va diminuer progressivement à partir du 1er juillet 2021). Le relai sera progressivement pris par l’activité partielle de longue durée (APLD), en vigueur en France depuis le 1er juillet 2020. Si l’APLD prévoit une diminution du temps de travail des salariés sur une période plus étalée (dans la limite de 24 mois, consécutifs ou non, sur une période de 36 mois consécutifs), les formalités sont plus lourdes car l’APLD nécessite de signer un accord collectif au sein de l’établissement, de l’entreprise ou de la branche. Aussi, les entreprises bénéficient d’un plus faible reste à charge par rapport au dispositif de droit commun (ou d’un reste à charge au moins aussi favorable dans les cas où le droit commun est particulièrement généreux)77 mais la part maximale du temps de travail pouvant être chômée pour les salariés placés en activité partielle de longue durée n’est que de 40 % (50 % en cas exceptionnels, soumis à l’appréciation des DREETS). En outre, ce dispositif ne peut être individualisé par salarié, ce qui le rend inopérant pour certaines activités où le roulement de salariés n’est pas possible (activités de conseil notamment). Enfin, les accords de branche peuvent introduire des distorsions importantes, comme la mission a pu le constater entre des entreprises du secteur aéronautique et leurs sous-traitants78.

74 Comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien aux entreprises confrontées à l’épidémie de Covid-19, France Stratégie/ IGF, 2 février 2021.

75 Situation sur le marché du travail durant la crise sanitaire, DARES et Pôle emploi, 13 octobre 2020.

76 Comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien aux entreprises confrontées à l’épidémie de Covid-19, France Stratégie/ IGF, 2 février 2021.

77 S’agissant de l’activité partielle de droit commun (hors secteurs protégés), jusqu’au 31 mai 2021, le taux de l’allocation versée à l’employeur était de 60 % du salaire brut antérieur du salarié, dans la limite de 60 % de 4,5 SMIC, avec un plancher à 8,11 €. Depuis le 1er juin 2021, le taux de l’allocation horaire versée à l’employeur est de 52 % du salaire brut antérieur du salarié, dans la limite de 52 % de 4,5 SMIC, avec un plancher de 8,11 €. A compter du 1er juillet, ce même taux d’allocation horaire sera de 36 % du salaire brut antérieur du salarié, dans la limite de 36 % de 4,5 SMIC, avec un plancher de 7,30 €. Dans le même temps, le taux horaire de l’indemnité versée au salarié par son employeur était de 70 % du salaire brut antérieur, dans la limite de 70 % de 4,5 SMIC, et de 60 % minimum depuis le 1er juillet 2021 (dans la limite de 60 % de 4,5 SMIC). S’agissant de l’APLD, le taux d’allocation versée à l’employeur est de 60 % du salaire brut antérieur du salarié, dans la limite de 60 % de 4,5 SMIC, avec un plancher à 8,11 €. Dans le même temps, le taux horaire de l’indemnité versée au salarié par son employeur est de 70 % du salaire brut antérieur, dans la limite de 70 % de 4,5 SMIC. Pour les secteurs protégés et les établissements recevant du public faisant l’objet d’une fermeture administrative, qui bénéficient d’un barème d’activité partielle de droit commun plus favorable, le barème le plus favorable s’applique dans le cas de l’APLD.

78 La branche des cabinets d’ingénieurs-conseil (Syntec) impose par exemple une indemnisation des salariés supérieure aux 70 % de la rémunération brute prévus par les textes, tandis que l’accord de l’UIMM qui couvre les entreprises aéronautiques ne prévoit pas de garanties spécifiques.

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Pour les salariés, l’activité partielle peut entraîner une perte de compétences et freiner leur réallocation vers d’autres secteurs plus porteurs. Le placement en activité partielle est en effet souvent mal vécu par les salariés, pour qui le risque est de ne pas entretenir leurs compétences. Aussi, la crise actuelle est caractérisée par une forte asymétrie entre secteurs et certaines entreprises recherchent en cette période de nouvelles compétences et du personnel directement opérationnel.

Outil de complément voire de relai de l’activité partielle, le prêt de main d’œuvre connaît une montée en puissance dans certains territoires. Parce qu’il permet à une entreprise de prêter un de ses salariés à une autre entreprise, il a cet avantage de maintenir les compétences et la rémunération du salarié tout en apportant une flexibilité importante aux entreprises connaissant une baisse temporaire d’activité. Certains acteurs essaient aussi d’accompagner à l’échelle nationale le dispositif, à l’image de la plateforme Mobiliwork, qui vise à fluidifier la mise en relation entre entreprises et à les accompagner dans le déploiement du prêt de main d’œuvre. Des formes territorialisées de mise en relation existent aussi : à titre d’exemple, un système de prêt de main d’œuvre (appelé Sharing) - mis en place dans le Lot-et-Garonne à la suite de la crise du 737 Max de Boeing en 201979 - est monté en puissance depuis le début de la crise sanitaire. Il permet à la filière agroalimentaire du département de faire appel à des ingénieurs issus du secteur aéronautique pour améliorer la productivité de ses circuits de production. Ce transfert de compétences concernait au mois de mars 50 salariés issus d’une vingtaine d’entreprises, permettant la sauvegarde d’une quinzaine d’emplois.

En réponse à la crise sanitaire, un assouplissement du cadre juridique du prêt de main d’œuvre a été introduit pour une période limitée80 (une partie des dispositions ont été prolongées jusqu’au 30 septembre 202181). L’article L. 8241-2 du code du travail vise en effet à éviter les abus et les dérives : le prêt de main d’œuvre entre entreprises est à but non lucratif et ne peut se faire sans l’accord du salarié. Les dérogations temporaires ouvrent notamment la possibilité de conclure une seule convention de mise à disposition en cas de prêt de plusieurs salariés, ou encore d’autoriser dans certains secteurs dits essentiels une entreprise prêteuse ayant recours à l’activité partielle de facturer l’entreprise utilisatrice d’un montant inférieur au coût total du prêt, sans que cette dernière n’y trouve de but lucratif. Ces assouplissements ont contribué à faire émerger des initiatives régionales en la matière : en novembre 2020, dix branches industrielles de la région Occitanie ont ainsi lancé un dispositif inter-filières dénommé « Passerelle Industrie ». Piloté par France Industrie Occitanie et en collaboration avec la région et la DREETS, il compte entre 300 et 400 entreprises participantes et a déjà servi de support au prêt de main d’œuvre pour 50 salariés.

Dans la mesure où le prêt de main d’œuvre est plus vertueux et moins coûteux pour l’État que l’activité partielle, il apparaît pertinent de lever les quelques freins à la généralisation de son développement. Son essor est pour le moment entravé par trois principaux obstacles :

le possible cumul de l’activité partielle et du CDD : il est plus rémunérateur pour un salarié de cumuler activité partielle et CDD, ce qui le désincite à accepter le prêt de main d’œuvre et fait supporter un reste à charge à l’employeur. Cependant, il semble impossible juridiquement d’interdire ce cumul dans la mesure où l’activité partielle suspend le contrat de travail pour les heures chômées à l’exception des contrats comportant une clause d’exclusivité82 ;

79 Baisse de production de l’avion 737 Max de Boeing de 20 % entre avril et décembre 2019 suite aux crashs de deux avions en octobre 2018 (Lion Air) et mars 2019 (Ethiopian Airlines).

80 Article 52 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

81 Article 8 de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

82 Circulaire DGEFP n° 2013-12 du 12 juillet 2013 relative à la mise en œuvre de l’activité partielle.

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la différence de salaires : en cas d’écart de rémunérations entre secteurs d’activités, l’entreprise prêteuse doit supporter une partie du salaire à sa charge ;

les problématiques de mobilité : les salariés peuvent se décourager si la hausse du temps de trajet pour aller travailler est trop importante.

Pour faciliter le recours au prêt de main d’œuvre, plusieurs leviers peuvent être empruntés :

prévoir une communication élargie, sur les différents sites consultés par les entreprises cibles, en particulier celui de l’activité partielle83, en y proposant les modèles d’avenants ou de conventions à télécharger. Des solutions pour faciliter le prêt de main d’œuvre pourraient aussi être systématiquement référencées par les préfectures de région sur le site aides-territoires, à l’image de ce qui a été fait en région Bretagne où la plateforme Mobiliwork est proposée pour apporter de l’ingénierie financière, juridique et administrative en ce domaine84 ;

expérimenter pendant la phase de reprise la possibilité pour les salariés de cumuler activité partielle et prêt de main d’œuvre (PMO) sur les heures chômées.

À l’heure actuelle, il n’est pas possible pour une entreprise de prêter ses salariés en activité partielle à une autre entreprise dès lors que le contrat de travail est considéré comme suspendu. L’introduction d’un « droit à l’expérimentation » pourrait par exemple être envisagée pour les salariés placés en APLD pour une durée limitée afin d’accompagner la reprise sans évincer les nouveaux entrants du marché du travail85, ce qui aurait pour avantage de réduire la prise en charge de l’État au titre de l’indemnisation de l’APLD, de réduire le reste à charge employeur au titre du prêt de main d’œuvre, tout en augmentant le taux de remplacement du salarié et en maintenant ses compétences.

Un barème proposé par la direction générale du Trésor se traduirait en effet par (cf. tableau 23) :

 une baisse de la prise en charge publique au titre de l’APLD en cas de cumul avec le PMO à 30 % du salaire brut (au lieu de 60 %) ;

 une rémunération par l’entreprise bénéficiaire du PMO égale à au moins 50 % du salaire horaire brut pour le travail fourni par le salarié en situation de cumul, sur laquelle seraient également perçues des cotisations sociales ;

 une baisse du reste à charge de l’entreprise prêteuse à 0 % ou à 5 % (au lieu de 10 % dans le cas de l’APLD) ;

prolonger durablement les assouplissements apportés au cadre juridique, notamment la possibilité pour une entreprise prêteuse bénéficiant de l’allocation d’activité partielle de refacturer partiellement le coût total du prêt de main d’œuvre à l’entreprise utilisatrice. Ce prolongement devrait idéalement s’étirer jusqu’au retour des barèmes d’activité partielle de droit commun.

Tableau 23 : Barème potentiel d’un cumul APLD-PMO (en pourcentage du salaire horaire brut) APLD Cumul APLD + PMO Rémunération versée par l’entreprise bénéficiaire du PMO - au moins 50 % Indemnisation du salarié prise en charge par l’État (APLD) 60 % 30 %

Reste à charge entreprise prêteuse 10 % 0 % ou 5 %

Source : Direction générale du Trésor.

83 https://activitepartielle.emploi.gouv.fr.

84 Voir la page https://france-relance-bretagne.aides-territoires.beta.gouv.fr/f993-preter-des-salaries-sous-occupes-pour-reduire/.

85 La direction générale du Trésor propose ainsi une durée maximale de 3 mois non renouvelables sur une période glissante de 12 mois.

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Proposition n° 1 : Faciliter le prêt de main d’œuvre en élargissant la communication qui en est faite, en envisageant la possibilité d’un cumul APLD-PMO en sortie de crise et en prolongeant durablement les assouplissements juridiques apportés par la loi du 17 juin 2020.

4.1.1.2. Encourager la réponse groupée aux appels à projets France Relance pour

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