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Introduction du chapitre 3

I. Fabriquer des parcs éoliens citoyens

L’expérience de la fabrique des parcs éoliens citoyens a inspiré toutes les questions traitées dans cette thèse. Elle est ici racontée comme une perspective sur les perspectives des enquêtés, très divers.81 Les récits de sept pionniers de l’éolien ont été privilégiés mais l’ambition dans cette reconstitution d’une perspective, est de mettre au même niveau les différentes sources. Il s’agit de dépasser la fausse alternative visions subjectives/faits objectifs pour ouvrir des perspectives qui « se donnent à travers l’épreuve qu’en font des acteurs, pris dans des situations, et dans des dynamiques d’interaction. » (Cefaï 2010).

Cette perspective revêt deux dimensions liées l’une à l’autre : l’une plus narrative (x.1), l’autre plus analytique (x.2). Il s’agit de faire progresser les lecteurs dans l’expérience des parcs éoliens citoyens en enquêtant avec les enquêtés sur les questions que leurs situations posent. Huit fils d’enquête ont ainsi émergé au fur et à mesure que les questions se posaient dans l’écriture de la thèse. Tous n’ont pu être investigués également dans le temps imparti mais suggèrent des pistes de recherches diverses qui pourront être explorées plus tard. Leur dénomination s’inspire largement du vocabulaire employé par John Dewey et ses

successeurs, pour interroger la reconstruction politique de l’expérience, dans le temps et dans l’espace, dans ses dimensions individuelles et collectives, dans les matérialités et les imaginaires qu’elle propose. Nous aborderons ainsi les questions de la préoccupation, la connaissance, le faire ensemble, la mémoire, le nous, les formes d’auto-organisation, les formes de partage et celle des représentations.

Il est possible pour les lecteurs de lire d’une traite tous les x.1 pour obtenir une vue d’ensemble de l’expérience des enquêtés de 1991 à 2017, puis de lire tous les x.2 pour se saisir des étapes rétroactives de réflexion sur cette expérience, proposées par l’enquêtrice (moi). Pour autant, aucune des deux expériences n’est présentée de manière strictement chronologique. Plusieurs des points soulevés pourraient être discutés à d’autres moments ou en lien avec d’autres récits. Certains des enquêtés n’entrent d’ailleurs dans cette restitution que pour une partie de la perspective donnée ici. Il ne s’agit donc pas de suivre leur expérience au pied de la lettre, mais de mettre en exergue les questions qu’elle pose.

      

81 Les enquêtés sont les personnes rencontrées sur le terrain entre 2014 et 2017. Pour le détail se reporter à l’introduction et à l’annexe.

La perspective proposée est résolument pragmatiste. Comme indiqué dans l’introduction générale, il s’agit de proposer une ‘histoire naturelle’ de l’expérience des enquêtés, c’est-à-dire « s’efforcer de rendre compte d’une transformation de l’expérience telle que cette dernière en vient à intégrer, par des synthèses passives, des indices de

problématicité. »(Cefaï et Terzi 2012, 20), pour montrer l’opérativité de l’enquête qui « partant d’un trouble indéterminé, élabore progressivement une situation problématique, en déterminant à la fois les éléments qui la composent et les relations entre ces éléments » (Cefaï et Terzi 2012, 32).

Le parti pris est de suivre en même temps les dynamiques de problématisation et de publicisation de l’éolien pour saisir leurs dimensions politiques : « parler de l’expérience publique c’est souligner que la publicité revêt une dimension concrète qui se décline dans des formes de rapport au monde, aux autres et à soi, caractéristiques de certaines formes de vie, et dont nous pouvons faire l’expérience dans notre vie courante. La publicité a un caractère phénoménal : elle s’éprouve au fil de nos discussions, de nos enquêtes, et de nos expérimentations, lorsque nous participons, en tant qu’acteurs ou spectateurs, au travail de définition ou de résolution d’une situation problématique. La publicité se joue dans notre expérience sensible et pratique » (ibid. p19-20).

L’hypothèse sous-jacente est que penser avec le paysage permette très bien de parler de l’expérience publique. Ce chapitre essaie de penser avec le paysage des enquêtés, celui qu’il convoque dans leur récit sans presque jamais le nommer directement. Il propose que l’expérience sensible, pratique et politique de l’éolien se tient tout du long avec le paysage. En ce sens le paysage devient à la fois le lieu de la communauté d’expérience des problèmes publics et le lieu de la participation, telles que nous les avons décrites précédemment.

1- La préoccupation des habitants

« Ça faisait dix ans qu’on savait qu’il allait se passer quelque chose avec le vent mais on ne savait pas quoi ! Avant 90 tout était endormi ici, mais tout le monde savait que quelque chose se tramait avec l’éolien. Les gens étaient prêts !»

[Notes carnet de terrain 24.04.2015]

Comment les gens étaient-ils prêts ? Prêts pour quoi ? Comment pouvaient-ils avoir été préparés à faire l’expérience de l’éolien citoyen ? À vivre avec des dizaines d’éoliennes chez eux ? En écoutant le récit de leurs expériences, on peut comprendre ce qui les préoccupait. C’est dans l’observation paysagère des interstices entre leurs habitudes, c’est-à-dire dans leurs attentions portées à leur milieu environnant, à la ligne d’horizon, à leur « Terre-Ciel », que les indices du changement pourront être découverts.

« Un monde de terre et de ciel – ou de terre et de ciel en devenir- où percevoir c’est accorder ses mouvements en contrepoint aux modulations du jour et de la nuit, de la lumière et du soleil, du vent et du climat. » (Ingold 2013)

 

1.1 Etre concerné

H-D.Fsen n’avait que quelques mois lorsque ses parents se sont installés dans le tout nouveau polder de Friedrich-Wilhelm-Lübke-Koog (FWLK) dans les années 1960. Il se souvient que la digue, fraîchement construite pour parer les marées de la mer du Nord, constituait un terrain de jeu favori pour les enfants de la commune. Du haut de ses 7m, elle permet, outre la luge en hiver, d’observer à l’Ouest sur la mer des Wadden, les îles de Sylt et de Föhr. On ne peut pas voir les Halligen de Oland et Langeneß plus au sud, car ils se trouvent cachés par Dagebüll, Hallig endigué en 1704.

Les Halligen sont des îles sans digues géologiques. Elles dépassent à peine du niveau de la mer. Elles sont issues d’effondrement du sol ou de territoires réchappés des raz-de-marée de 1362, ou de 1634, qui recouvrirent d’eau une large partie des côtes. Tous deux

appartiennent aux plus grandes catastrophes naturelles de l’histoire de l’Europe et restent gravés dans la mémoire collective sous le nom de « Grande Noyade ». Celle-ci est

régulièrement ravivée par de nouveaux épisodes tempétueux, comme les inondations de 1962, qui avaient surtout touché Hambourg. Ainsi, malgré l’amélioration des techniques de construction des digues, les habitants de Frise ne se sentent pas vraiment à l’abri : la crainte de la mer reste omniprésente.

„ die Nordfriesen haben eben diese Kooperationskultur sehr früh entwickelt. weil unsere Küste hier auch immer eine Erosionsküste ist. als das Meer hat immer eher genommen als gegeben. und südlich vom Nordfriesland kommen Sie nach Dithmarschen. da hat das Meer mehr gegeben als genommen. da ist immer Land dazu

gekommen, weil die Elbe in der Nordsee fließt […], da ist immer Land dazu gewachsen. während hier das Land immer weniger geworden ist. von daher haben die Leute eben recht früh schon gelernt miteinander zu kooperieren. und das ist hier oben besonders ausgeprägt.

[Extrait entretien H.H., Husum, 24.04.2015]

TEC « les Nord Frisons ont très tôt développé cette culture de la

coopération. parce que notre côte ici, a toujours été une côte d'érosion. Parce que la mer a toujours pris plutôt que donné. et au sud de la Frise du Nord, on arrive en Dithmarschen. Là, la mer a donné plus que pris. Là il y a toujours eu plus de terres, parce que l'Elbe se jette dans la mer du Nord […], la terre s’est toujours agrandie. tandis qu'ici la terre a toujours diminué. C'est pourquoi les gens ont appris à coopérer très tôt. et cela est

particulièrement prononcé ici haut.»

Il y a toutefois une sorte de fascination pour les efforts inlassables des humains pour habiter cette mer menaçante qui s’exprime particulièrement dans la vie sur les Hallig. On la

retrouve aussi dans toutes les maquettes de baleiniers suspendues aux plafonds des églises. Elle est entretenue lors de la fête de Biikebrennen chaque année en février, où de grands feux sont allumés sur les plages pour se rappeler le départ en mer et ceux qui ne reviennent pas. Les dix Halligen de Frise sont habitées à l’année par deux centaines de personnes et

accueillent de nombreux touristes en été. Les maisons sont construites sur des Warften, des jetées de terre qui permettent d’élever le niveau des maisons de 1m. Les bords des Halligen

sont en effet inondés presque quotidiennement. En hiver, la mer atteint parfois les

habitations. C’est pourquoi chaque maison comporte une ‘pièce de sauvetage’ sous le toit, où les habitants peuvent se réfugier le temps que la mer se calme. Dans les cas extrêmes, la liaison avec le continent peut être coupée pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. A marée basse, les Halligen sont accessibles à pieds depuis les côtes. Si la plupart d’entre elles sont accessibles en bateau, ou en rail des îles, ‘Halligbahn’, la marche dans les Wadden (Wattwanderung) reste le moyen le plus fort de faire l’expérience des Halligen. Elle n’est pas seulement une attraction pour les touristes –certaines sont proposées autour de thématiques ‘bien-être’ ou ‘méditatives’ ; mais beaucoup d’habitants de Frise la pratiquent comme un loisir qui entretient la mémoire. Elle permet de prendre une autre dimension du temps, de l’espace et de la relation à la nature. Elle s’effectue pieds nus et en général avec un guide

expérimenté, car une mauvaise gestion du trajet ou du temps peut être fatale. Il faut éviter les pièges des courants marins. A chaque pas qui s’enfonce dans la boue des Wadden, l’effort humain pour habiter le monde est remémoré, ou mémorisé. C’est l’expérience de la vulnérabilité, que chacun peut faire ici, habitant ou visiteur.

Si H-D.Fsen n’a pas grandi sur une Hallig, il pouvait aussi faire l’expérience de la boue des Wadden, juste en bas de la digue. Les marais boueux recouverts par la mer deux fois par jour, qui abritent profusion de vers et de mollusques, servent aussi d’aire de jeu aux enfants de Frise. Les Utlande (Out-of-Land), les bottes dans le Watt, les cheveux dans le vent, constituent une des expériences fondamentales de l’habiter en Frise. Les va-et-vient quotidiens de la mer rythment les saisons et le temps d’accès à cet espace. C’est un terrain d’expérience très particulier pour les personnes qui grandissent juste au bord, protégées dans leurs maisons basses derrière la digue, mais aussi pour les visiteurs qui empruntent les routes d’accès à la digue comme piste cyclable, lorsque le temps le permet. Nombreux moutons passent aussi leurs journées sur la digue et ses abords pour tondre l’herbe et déguster quelques plantes savoureuses qui ne poussent que dans cette zone, de prés salés. Debout sur la digue de FWLK on peut très bien observer au Nord les trains circulant sur la digue de Hindenburgdamm qui mène à Sylt. Juste derrière c’est le Danemark, avec une réserve naturelle pour les oiseaux (Naturschutzgebiet Riecksbüllerkoog) qui marque la frontière. A l’Est et au Sud s’étendent les polders agricoles de Frise et ses 130 communes jusqu’à la capitale Husum, située à 59km avec 20000 habitants. Le polder de FWLK n’en compte que 170. Les zones de protection de la nature sont très nombreuses en Frise du Nord, les oiseaux migrateurs, qui font souvent escale dans les riches marais avant leurs grands voyages, sont particulièrement choyés. L’établissement de la mer des Wadden comme parc national se construit dans les années 80. En Frise, comme souvent en Allemagne, ce sont également les associations de protection de la nature qui se sont en premier opposées à l’énergie nucléaire (voir chapitre 1). En 1988, R.Csen alors président de l’antenne locale de Bund, fonde un groupe de travail sur l’énergie.

R.Csen vient de Ellhöft, un village situé à la frontière avec le Danemark. Là c’est le Geest, un type de marais moins fertile mais moins exposé au vent et à la mer. Entre Ellhöft et FWLK se trouvent différentes digues dont certaines très anciennes. Chacune marque une avancée des terres sur la mer. J.Jsen a grandi à la même époque que H-D.Fsen dans le polder de Galmsbüll à une dizaine de kilomètres, endigué d’abord au XIIIème siècle puis jusqu’à Dagebüll au XVIIIème. La famille de J.Jsen occupe la même ferme depuis neuf générations, ce qui est également le cas de R.Csen et de W.Psen à Bohmstedt et de beaucoup d’agriculteurs dans tout le Jutland. ‘Wir sind bodenständig’ – nous sommes des

gens ancrés- est une phrase régulièrement utilisée pour décrire l’attachement à la terre construite par les ancêtres. La volonté de continuer l’effort qu’ils ont fourni, de prendre la suite de l’écriture de la relation avec la mer, en découle directement.

Plus l’on se rapproche de la ligne de côte, plus les digues sont récentes et le vent violent. L’altitude des polders varie autour de zéro. Les points culminants de Frise du Nord sont à 54m (Ostenfeld) pour le continent et 52m pour les îles (à Sylt), certains marais restent situés en deçà du niveau de la mer. Dans ce très plat paysage, tout est repérable. On dit d’ailleurs qu’en Frise il est possible de savoir deux jours à l’avance qui nous rend visite, puisqu’on le voit arriver. La vie dans les marais (Marsch) est souvent distinguée de la vie dans les terres (Geest). On pourrait dire que la proximité de la mer ne se mesure pas seulement en mètres mais en intensité relationnelle. Même le ciel semble différent lorsque l’on se rapproche. La dernière digue n’est pas seulement un perchoir d’observation, elle est ce qui permet de vivre avec le vent et la mer. Sans cette digue de 7m, la vie ne serait pas possible dans les marais. Les parents de H-D.Fsen n’auraient jamais pu construire leur ferme à FWLK. Les éoliennes n’auraient pas pu être érigées.

„Meine Güte, das ist eine ganze Menge, 50 WKA wollten Sie bauen! Das ist inzwischen eine ganze Reihe von Bildern die das so eine Reihe gezeigt haben... wie später geworden ist... diese 50 Anlage, die dann direkt am Deichfuß errichtet wurden…, wir haben damals das

Gemeindevertreten das Nachdenken gebracht:

Wir wissen nicht wie das aussieht, das Werk, wir wissen nicht was die Bürger dazu sagen, wir wissen auch nicht wie laut das wird, und wir könnten auch uns das irgendwo anschauen wie das wirkt. Das einzelne Projekt mit Anlage in diese Größen klasse gab es damals in Kalifornien! da fahren wir jetzt nicht hin um eine Entscheidung zu treffen... haha!

Diese Gemeindevertretung hat eigentlich, fast mehr aus ideellen Gründen gesagt gut, wenn ihr [HSW] hier Windmühlen baut, dann gibt's für uns an der Stelle noch ein Weg, der im Falle von Sturmflut für uns nutzbar ist, es ist sehr wertvoll und im Übrigen glauben wir, wenn wir, die so dicht an der Nordsee wohnen - das Thema

Klimawandel und CO2 Treibhauseffekt ist ja auch schon da ein Thema gewesen

TEC « mon Dieu, c'est beaucoup, 50 éoliennes qu’ils voulaient construire! Bon, entre temps, comme on l’a vu plus tard... toute une série d'images ont montré de telles rangées... Ces 50 éoliennes, qui ont finalement été construites directement sur le pied de la digue... [à l’époque ndt]Nous avons amené les représentants de la commune à réfléchir [en leur disant

ndt] :

Nous ne savons pas à quoi ça va ressembler, cette construction, nous ne savons pas ce que les citoyens en disent, nous ne savons pas non plus à quel point cela sera bruyant, et nous aurions pu regarder ailleurs comment cela fonctionnait. Mais le seul projet de cette taille était à l'époque en Californie ! Alors là nous ne pouvions pas y aller pour prendre une décision ... haha !

Mais finalement ce représentant de la commune a dit [à HSW], plutôt

- wenn wir nicht bereit sind, wenn wir nicht bereit sind so etwas zu unterstützen, eine solche Technologie, von wem ist es dann zu erwarten ?“

[Extrait d’entretien avec H-D.Fsen, FWLK 12.08.2015.]

pour des raisons idéalistes, ‘bien, si vous construisez des moulins à vent* ici, alors laissez-nous encore un accès à la digue en cas de tempête, c’est très utile’. D'ailleurs, nous pensons que si nous qui vivons si près de la mer du Nord - le sujet du changement climatique et des émissions de CO2 était déjà là- si nous ne sommes pas prêts, si nous ne soutenons pas une telle technologie, de qui faut-il l’attendre ? »

* ndtune particularité régionale consiste à parler de ‘moulins à vent’ (Windmühle) plutôt que ‘d’installations éoliennes’(Windanlage).

 

1.2 Le paysage comme révélateur d’indices de problématicité

Ce premier fil d’enquête autour de la préoccupation des habitants, pour comprendre comment ils se sentent concernés par le trouble du changement climatique, soulève une double question : En quoi la perception de l’environnement propose-t-elle des formes de relation comme la préoccupation et la solidarité ? Est-elle caractérisable comme source d’indices pour repérer les changements ou troubles ? Si oui, la qualité des indices et de leur repérage dépend-elle de l’intensité relationnelle entre les individus et leurs environnements ? L’hypothèse proposée est d’appeler les formes de cette relation paysage et de tester ce qu’elles peuvent révéler comme indices de problématicité, notamment pour les changements

climatiques. Le paysage est ici envisagé comme ce qui ancre l’expérience, ce qui attache les sens, ce qui affute l’attention portée à l’environnement, tout en nous préparant à envisager sa « polysémie » et sa « polémique politique » (Besse 2003).

« Lorsque les hommes enquêtent, ils utilisent leurs yeux, leurs oreilles, leurs mains et leurs cerveaux ». (Dewey 1967). Daniel Céfaï et Cédric Terzi appellent ces prémices de l‘enquête les ‘dimensions élémentaires du sentir et du ressentir’, qui comprennent la mémoire,

l’imaginaire et le projet. Elles permettent de rendre compte et « d’intégrer, par des synthèses passives, des indices de problématicité » (Cefaï et Terzi 2012, 20). Ils précisent, en référence aux travaux de Dani Trom (Trom et Zimmermann 2001) que « tel est le cas de l’émergence du paysage. Sitôt qu’un panorama se présente à nos yeux comme paysage, il porte en lui la menace de sa disparition. En ce sens, l’expérience du paysage intègre, dans son organisation

même, des indices de problématicité constitutifs d’une forme particulière de rapport au monde.» (Cefaï et Terzi 2012, 20).

Si la notion d’indice paraît relativement intuitive, celle d’indice de problématicité doit être précisée dans le contexte de la théorie de l’enquête de John Dewey et de ses héritiers. Il s’agit en fait de repérer dans une situation problématique, les éléments qui indiquent la présence d’un trouble. Ils permettent dans le même temps de formuler sa mise en

problème, qui par suite déclenche l’action. Ce repérage nécessite une certaine vigilance, que l’on peut rapprocher des travaux sur l’éducation de l’attention de Tim Ingold, pour qui, en s’appuyant sur Gibson (Gibson 1979), la perception est indissociable de l’action. « Un indice est donc un point de repère qui concentre des éléments disparates de l’expérience en une orientation unificatrice qui, à son tour, ouvre le monde à une expérience d’une plus grande clarté et d’une plus grande profondeur. » (Ingold 2013a, 32 33)

Les indices de problématicité incluent, « les thèmes partagés de préoccupation, de sensibilisation et d’indignation […] ils se forment à travers des activités de vigilance et