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CHAPITRE II : RESEAUX D’ACCES OPTIQUES

III.5 Fibre micro-structurée

III.5.1 La fabrication

Le premier élément de la fabrication est le matériau utilisé. Il doit être d’une très grande pureté afin de diminuer les pertes, et dans le cas de fibres actives favoriser une distribution homogène de l’amplification. Cette problématique de pureté des matériaux utilisés dans la fabrication des fibres optiques a été initiée à la fin des années 1960 par C.K. Kao, prix Nobel de Physique en 2009. A cette époque, les fibres optiques présentaient des pertes de l’ordre de 1000 dB/km. Depuis, les progrès dans le secteur des matériaux ont profité à toute la communauté scientifique et industrielle des fibres optiques. Aujourd’hui, les pertes en ligne des fibres télécoms se rapprochent des limites théoriques, inférieures à 0,15 dB/km [4]. Les techniques d’élaboration permettant de réaliser des pièces de grand volume avec une grande pureté, sont essentiellement basées sur les méthodes de déposition chimique en phase vapeur modifiées (MCVD : Modified Chemical Vapor Deposition, OVD : Outside Vapor Deposition, VAD : Vapor Axial Deposition). Le dopage de barreaux de silice aux ions terre rare demeure néanmoins une opération délicate. Récemment, l’utilisation de

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poudre de silice dopée [5] est une voie de plus en plus explorée comme alternative à ces méthodes connues. La tendance actuelle dans la fabrication de fibres actives est d’avoir une forte concentration d’ions actifs dans le cœur dopé, afin de réduire les longueurs de fibres utilisées et ainsi augmenter le seuil d’apparition des effets non-linéaires. Comme il est difficile de réaliser des barreaux de grande dimension (pour des surfaces de cœur dopé supérieures à 25 µm de diamètre), la technique la plus couramment utilisée consiste à réaliser plusieurs barreaux assemblés conjointement, afin de réaliser une pseudo-surface dopée. L’homogénéité de cette zone dopée résultante demeure toutefois discutable, et cette technique est très complexe à mettre en œuvre. De plus, une forte concentration de dopant peut par exemple conduire à une agglomération d’ions sur un même site, favorisant des échanges énergétiques nuisibles pour les rendements de conversion à court et moyen terme [6]. Des techniques de co-dopages (aluminium, germanium, bore, phosphore…) permettent de réduire ces effets néfastes. Ainsi, un équilibre est à trouver dans l’adjonction de dopants pour contrôler à la fois l’indice de réfraction et la concentration en ions actifs tout au long de la fibre.

A partir de cette matière première, dont la maîtrise constitue un corps de métier à part entière, différentes méthodes de fabrication sont développées. La plus répandue, dite d’assemblage/étirage (« stack and draw »), est aussi celle utilisée pour réaliser la première fibre micro-structurée à trous d’air [7]. Les étapes successives sont illustrées sur un exemple en Figure III.7. Cela consiste tout d’abord à assembler manuellement des capillaires de diamètres millimétriques selon un motif géométrique précis. Cette étape d’empilement peut devenir très complexe en fonction du nombre de capillaires et de la structure géométrique désirée. Cet assemblage est ensuite inséré dans un tube manchon, en prenant soin de conserver la structure géométrique. L’ensemble ainsi constitué est appelé préforme, et peut être tirée directement en fibre optique à l’aide d’une tour de fibrage conventionnelle. Il s’agit d’un four atteignant des températures de l’ordre de 2000 °C, autour desquelles la silice peut être étirée. A titre d’exemple, une préforme de 40 mm de diamètre et de longueur utile de 1 m, tirée directement en fibre, permet de réaliser plus de 100 km de fibre de 125 µm de diamètre.

UDL-SBA Page 88 Figure III.7 : Illustration de la technique d’assemblage/étirage : (a) assemblage de capillaires millimétriques, (b) formation du motif périodique, (c) un tube manchon permet de contenir cet assemblage, (d) une fois tiré en fibre, seul les trous correspondant à l’intérieur des capillaires sont

maintenus ouverts.

Contrairement aux fibres conventionnelles dont les préformes sont entièrement solides, les préformes de fibres micro-structurées contiennent des trous d’air qui ont naturellement tendance à se déformer (voir se refermer) lors du tirage. Tout le travail consiste donc à contrôler finement la vitesse de tirage, la température et les différences de pression appliquées à la préforme au cours du tirage, afin de réaliser les dimensions finales désirées.

Très versatile, cette méthode est malgré tout coûteuse en temps, notamment en main d’œuvre lors de l’assemblage, et induit de nombreuses interfaces entre les capillaires, ce qui peut être source de pertes en ligne. Pour réduire ces interfaces et tendre vers une industrialisation de ces procédés, d’autres techniques existent pour réaliser les préformes (le perçage, l’extrusion et le moulage), mais elles sont finalement peu utilisées.

D’une façon générale, le savoir-faire en matière de fabrication est une information très protégée et peu répandue aujourd’hui encore. Nous pouvons dénombrer à peine plus d’une vingtaine de laboratoires de recherche possédant leur propre tour de fibrage de fibre micro-structurée dans le monde, concernant des applications très variées. Il est à souligner que durant plusieurs années le marché n’était pas encore assez suffisant pour que plusieurs sociétés lancent ce genre de produit commercialement. Au cours de la thèse, seule la société NKT Photoniques (anciennement Crystal Fibre) était en mesure de commercialiser des fibres micro-structurées LMA (supérieur à 30 µ m de

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diamètre) monomodes dopées Yb. Les progrès dans la maîtrise des matériaux et le fort développement du marché des lasers à fibre permettent aujourd’hui à des sociétés industrielles, comme par exemple Nufern ou Liekki, de commercialiser des fibres LMA monomodes dopées Yb de 20 à 30 µm de diamètre de cœur en fibre à saut d’indice tout solide.