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2.3 Elaboration de deux indicateurs n´ ´ ecessaires ` a la fiabilit´ e

2.3.4 Extrapolation ` a un syst` eme r´ eel

Jusqu’`a maintenant, nous avons ´etudi´e la sensibilit´e du comportement dynamique d’un syst`eme en fonction des valeurs de Hcinet Hmag, mais nous ne les avons pas reli´ees pr´ecis´ement

aux valeurs prises par un syst`eme ´electrique r´eel. Or, au del`a du circuit `a une maille, nous cherchons `a ´evaluer la fiabilit´e d’un syst`eme r´eel. Pour cela, nous d´eterminons les valeurs prises par Hcinet Hmag pour un syst`eme de production r´eel agr´eg´e en un circuit `a une maille.

Agr´egation d’un syst`eme r´eel en un circuit `a une maille

Les valeurs des indicateurs d´ependent de la structure du mix de production. Hcin et Hmag

se calculent `a partir des valeurs agr´eg´ees en un syst`eme ´equivalent `a une maille des stocks d’´energie cin´etique et magn´etique emmagasin´es et de la puissance apparente.

L’ensemble des moyens connect´es au syst`eme est une information essentielle pour en ´evaluer la fiabilit´e. Une centrale est connect´ee `a un instant donn´e du moment qu’elle participe `

aux stocks d’´energie magn´etique et cin´etique de chaque moyen de production est ind´ependante de la puissance d´elivr´ee par la centrale.

Chaque unit´e de production p est caract´eris´ee par : – la capacit´e install´ee Pp, i.e. sa puissance nominale ;

– son facteur de puissance nominale cos ϕn,p;

– sa puissance apparente nominale Sn,p (cf. ´equation (2.95)) ;

– sa constante d’inertie Hp (cf. ´equation (2.94)) ; et donc

– son ´energie cin´etique Ecin,p :

Ecin,p= HpSn,p (2.143)

– sa r´eactance synchrone xd,t.

Les valeurs des autres param`etres du circuit `a une maille sont susceptibles d’´evoluer avec la structure du mix de production, mais on consid`ere en premi`ere approximation qu’ils conservent les valeurs fix´ees dans le tableau 2.5.

Ainsi, connaissant la structure du mix de production `a un instant donn´e, i.e. l’ensemble des moyens connect´es, on peut calculer :

– la puissance connect´ee au syst`eme :

Pconnect´ee,t =

X

p∈prod(t)

Pn,p (2.144)

o`u prod(t) d´esigne l’ensemble des moyens fonctionnant `a l’instant t ; – la puissance apparente du circuit :

Sn,t= X p∈prod(t) Sn,p= X p∈prod(t) Pn,p cos ϕn,p (2.145)

– l’´energie cin´etique du syst`eme :

Ecin,t= X p∈prod(t) Ecin,p= X p∈prod(t) HpSn,p (2.146)

– l’´energie magn´etique du circuit Ft donn´ee par l’´equation (2.88). L’´energie magn´etique

d´epend des param`etres du circuit `a une maille, et en particulier de la r´eactance syn- chrone ´equivalente `a un instant donn´e xd,t, comme exhib´e `a la figure 2.20.

Quand plusieurs alternateurs d´elivrent de la puissance au syst`eme, on fait l’hypoth`ese qu’ils sont tous connect´es au niveau de tension |U|. Cette hypoth`ese conduit `a une vision hyper-centralis´ee du r´eseau, o`u tous les moyens de production sont connect´es au mˆeme point U, i.e. en amont du syst`eme de transport et distribution. Cette hypoth`ese est n´ecessaire pour agr´eger plusieurs moyens de production et traiter de la fiabilit´e du mix de production, mais la repr´esentation du syst`eme devient alors insuffisante pour ´etudier la fiabilit´e d’un syst`eme d´ecentralis´e18.

Pour les alternateurs connect´es `a l’instant t, la loi des nœuds donne l’expression de l’im-

18. En r´ealit´e, l’approche thermodynamique permet aussi d’´etudier les syst`emes d´ecentralis´es, mais il fau- drait consid´erer que les deux actionneurs Θ1et Θ2fournissent de la puissance m´ecanique (cf. figure 2.1), tandis

p´edance ´equivalente du syst`eme Zs,t : 1 Zs,t = X p∈prod(t) 1 Zs,p (2.147) o`u :

– Zs,p est l’imp´edance synchrone du process p. – Zs,t celle ´equivalente du circuit `a une maille.

D’apr`es l’´equation (2.103), Zs,p et Zs,t peuvent se mettre sous la forme :

Zs,p= xd,p(αs,p+ j)Zn,p= xd,p(αs,p+ j) |U0|2 Sn,p (2.148) Zs,t= xd,t(αs,t+ j)Zn,t= xd,t(αs,t+ j) |U0|2 Sn,t (2.149)

Les ´equations (2.148) `a (2.149) permettent de d´eterminer xd,t, `a partir des r´eactances

synchrones des diff´erents moyens de production xd,p.

Pour ce calcul, on consid`ere que αs,p est n´egligeable (cf. ´equation (2.104)), on d´etermine

xd,t `a partir des expressions suivantes :

Zs,p≈ xd,p|U0| 2 Sn,p (2.150) Zs,t≈ xd,t |U0|2 Sn,t (2.151)

La tension de sortie ´etant la mˆeme pour tous les alternateurs, on trouve alors :

Sn,t xd,t = X p∈prod(t) Sn,p xd,p (2.152) xd,t= Sn,t/   X p∈prod(t) Sn,p xd,p  =   X p∈prod(t) Sn,p  /   X p∈prod(t) Sn,p xd,p   (2.153)

Dans le cas particulier de m alternateurs identiques connect´es au syst`eme `a l’instant t, l’expression pr´ec´edente devient :

xd,t=

mSn,p

mSn,p

xd,p

= xd,p (2.154)

Grˆace `a xd,t, nous pouvons trouver l’´energie magn´etique emmagasin´ee dans le circuit.

Connaissant Sn,t, Ecin,t, Ft, les valeurs agr´eg´ees `a un instant t, on d´etermine les valeurs

des indicateurs de fiabilit´e `a partir des ´equations (2.131) et (2.140). Ainsi, pour un mix de production r´eel, le poids relatif des capacit´es install´ees modifie les valeurs de Hcin et Hmag.

Des param`etres diff´erenci´es selon les moyens de production

Pour agr´eger un syst`eme r´eel en un circuit `a une maille, il faut connaˆıtre les valeurs des param`etres techniques de chaque unit´e. Pour les machines synchrones, les param`etres techniques d´ependent des dimensions de l’alternateur et de la turbine, et varient en fonction de la technologie de production ou de la puissance nominale du groupe. Le document [5] fournit des tables de donn´ees pour les param`etres des centrales hydrauliques, des centrales thermiques `a combustibles et des centrales nucl´eaires et pour une large gamme de puissances. Les tables sont report´ees `a l’annexe D. `A partir de ces donn´ees, nous pouvons attribuer des valeurs de param`etres plausibles aux moyens de production du syst`eme ´etudi´e.

Cependant, les moyens de production raccord´es au r´eseau par ´electronique de puissance sont de plus en plus nombreux : il s’agit d’une partie des ´eoliennes, des ´energies marines, en particulier les hydroliennes ou ´energies des vagues. En effet, toute l’´electricit´e produite n’est pas raccord´ee au r´eseau par des machines synchrones, mais elle peut ˆetre produite `a partir de panneaux photovolta¨ıques, de machines tournantes raccord´ees au r´eseau par ´electronique de puissance (convertisseurs : redresseurs, onduleurs) ou de machines asynchrones.

Ces moyens de production n’ont pas les mˆemes param`etres que les machines synchrones et doivent ˆetre agr´eg´es diff´eremment dans le circuit `a une maille. En particulier, l’´electricit´e produite par les panneaux photovolta¨ıques, et g´en´eralement par les sources injectant sur le r´eseau par ´electronique de puissance, sont susceptibles d’ˆetre d´econnect´ees en cas de surcharge et ne participent pas aux stocks d’´energies magn´etique et cin´etique emmagasin´ees sur le syst`eme. L’augmentation de la part d’´electricit´e produite par ces unit´es a donc tendance `a diminuer la fiabilit´e du syst`eme, ce qui se traduit par une baisse des indicateurs de fiabilit´e.

Ces moyens de production injectent de la puissance ´electrique au nœud U en parall`ele des autres moyens de production. Ils sont repr´esent´es par une source id´eale de courant, de sorte que l’ensemble de ces moyens de production peut ˆetre agr´eg´e en une source de courant unique. La valeur du courant de la source ´equivalente d´epend de la puissance connect´ee `a un instant donn´e. La production de ces moyens est caract´eris´ee par :

∀p ∈ P´electronique              Ecin,p = 0 cos ϕp = 1 Sn,p = Pp 1 xd,p = 0 Fp = 0 (2.155)

o`u P´electronique d´esigne l’ensemble de la production raccord´ee par ´electronique de puissance.

Les machines asynchrones sont des machines tournantes, participant de ce fait au stock d’´energie cin´etique. Par ailleurs, certains mod`eles de machines asynchrones incluent une r´e- actance directe, que l’on peut assimiler `a une r´eactance synchrone, si bien que ces machines participent ´egalement au stock d’inertie magn´etique. En premi`ere approximation, les ma- chines asynchrones pourront ˆetre agr´eg´ees dans le circuit `a une maille de la mˆeme fa¸con que les machines synchrones.

Conclusion

Ce chapitre constitue la boˆıte `a outils de notre ´etude. Nous y avons en effet d´evelopp´e les ´etapes essentielles `a l’´evaluation de la fiabilit´e des syst`emes ´electriques, compatible avec les exercices de mod´elisation prospective :

1. Tout d’abord, l’approche thermodynamique, apportant une vision globale des ´echanges de puissance d’un syst`eme ´electrique, a mis en ´evidence le rˆole des r´eserves magn´etique et cin´etique.

2. Ensuite, l’approche thermodynamique nous a conduit au circuit `a une maille permettant de repr´esenter un syst`eme ´electrique de fa¸con agr´eg´ee. Cette ´etape donne les expressions analytiques des r´eserves magn´etique et cin´etique, ce qui permet de quantifier la fiabilit´e d’un syst`eme ´electrique `a partir de ses propri´et´es techniques agr´eg´ees.

3. Enfin, nous avons ´elabor´e les indicateurs Hmag et Hcin relatifs aux r´eserves dynamiques

du syst`eme, et donc de quantifier de fa¸con originale le niveau de fiabilit´e d’un syst`eme ´electrique en fonction du mix de production qui lui est associ´e.

La force des indicateurs de fiabilit´e Hmag et Hcin est qu’ils sont ´elabor´es `a partir des

caract´eristiques techniques du syst`eme ´electrique – ses inerties m´ecanique et magn´etique –, tandis qu’ils refl`etent son comportement dynamique, par des analyses li´ees `a la fluctuation de charge et `a l’´etude du r´egime transitoire, voire de l’asymptotique. Ils permettent alors de rendre compte assez simplement de la fiabilit´e d’un syst`eme ´electrique du moment que les caract´eristiques des moyens de production connect´es au moment de la fluctuation sont connues. Les r´esultats ainsi d´eclin´es sur un mix de production ´electrique permettent de parler de ses qualit´es dynamiques, ce qui, `a notre connaissance, n’est permis par aucune autre m´ethode.

Une telle m´ethode est alors compatible avec la connaissance des syst`emes ´electriques procur´es par la mod´elisation prospective et permet d’analyser l’´evolution de la fiabilit´e sur le long terme. Il est ainsi possible de restreindre les r´esultats prospectifs aux syst`emes ´electriques plausibles, i.e. garantissant un niveau de fiabilit´e suffisant.

La fiabilit´e oriente-elle les futurs choix ´energ´etiques ?

Introduction

Bien que la fiabilit´e d’un syst`eme ´electrique repose sur les propri´et´es dynamiques de ses moyens de production, la m´ethode propos´ee au chapitre pr´ec´edent permet de d´eterminer le niveau de fiabilit´e d’un syst`eme en s’appuyant uniquement sur les caract´eristiques techniques des moyens de production et en s’affranchissant d’´etudes dynamiques. Cette approche permet alors d’allier ´etudes prospectives et analyse d’´el´ements dynamiques d’un syst`eme ´electrique, pour valider la faisabilit´e technique des mix ´electriques propos´es `a long terme. Une telle d´e- marche se r´ev`ele indispensable quand un fort d´eploiement d’´energies alternatives est envisag´e pour r´epondre aux enjeux environnementaux, car il est possible que ce d´eploiement se fasse au d´etriment de la fiabilit´e de fourniture, si aucune mesure n’est prise pour la renforcer.

Pour exp´erimenter les indicateurs Hmag et Hcin, nous choisissons le cas de l’ˆıle de La

R´eunion. En effet, le syst`eme ´energ´etique de La R´eunion, comme celui de nombreuses ˆıles [44,97], repose paradoxalement sur de fortes importations d’´energies fossiles (86,5 % d’impor- tations de charbon et produits p´etroliers en 2008), alors qu’elle dispose de nombreuses sources d’´energies renouvelables, probablement susceptibles de lui donner l’autonomie ´energ´etique (canne, ´energie solaire, ´energie ´eolienne, ´energies marines, g´eothermie ou autres). S’agissant d’un petit syst`eme, la transition ´energ´etique vers un syst`eme plus autonome et plus vertueux semble `a la fois accessible et rapide `a mettre en œuvre. Dans ce contexte, Paul Verg`es, an- cien pr´esident de la R´egion, a fix´e en 1999 l’objectif d’atteinte de l’autonomie ´energ´etique pour la production d’´electricit´e vers 2025. Cet objectif a ´et´e r´eaffirm´e en 2007 `a l’occasion du Grenelle de l’environnement : l’ˆıle vise l’autonomie ´energ´etique `a l’horizon 20301[19, 87]. D`es lors, un exercice de mod´elisation prospective proposera les chemins technologiques optimaux permettant `a ce territoire d’acqu´erir l’autonomie ´energ´etique.

Cependant, l’´electricit´e produite `a partir des ressources locales n’est pas n´ecessairement en mesure de participer aux stocks d’´energies magn´etique et cin´etique, si bien que l’int´egra- tion d’´energies renouvelables sur le syst`eme peut se faire au d´etriment de la fiabilit´e de la fourniture. Cet aspect est d’autant plus pr´eoccupant que le syst`eme ´electrique de La R´eunion est fragile. Il est en effet :

– petit ;

– peu redondant `a cause du relief au centre de l’ˆıle ; et

– isol´e, i.e. sans interconnexion pour ˆetre secouru en cas d’incidents.

Les contraintes de gestion du r´eseau sont alors exacerb´ees, si bien qu’il est crucial de maintenir un niveau ´elev´e des indicateurs de fiabilit´e.

3.1

Mod´elisation prospective du secteur ´electrique de La R´eunion

Nous pr´esentons d’abord les ´el´ements de la mod´elisation prospective du secteur ´electrique de La R´eunion avec TIMES. `A la section suivante, nous montrerons que l’´evolution de la fiabilit´e est sensible aux choix technologiques, et que son ´evaluation permet de d´eterminer si

1. Article 56 de la loi n°2009-967 du 3 aoˆut 2009 de programmation relative `a la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (1).

Figure 3.1 – Topologie du syst`eme ´electrique de La R´eunion [44].

les r´esultats prospectifs sont plausibles ou non. Enfin, la derni`ere section ´etudie plus particu- li`erement l’impact des ´energies intermittentes sur la fiabilit´e du syst`eme ´electrique.