• Aucun résultat trouvé

Explorations tissulaires :

Dans le document les maladies mitochondriales (Page 90-95)

Chapitre III : Stratégie diagnostique des maladies

III. Stratégie diagnostique des maladies mitochondriales

III.2. Explorations tissulaires :

III.2.1.Exploration enzymologique de la CR :

Le diagnostic des mitochondriopathies repose sur l’étude enzymatique des différents complexes de la chaîne respiratoire à partir de mitochondries isolées d’un tissu cliniquement atteint.

L’étude de la chaîne respiratoire mitochondriale se fait par des techniques de polarographie et de spectrophotométrie, à partir de mitochondries isolées de muscle, de lymphocytes entiers et de fibroblastes. Grâce à une miniaturisation poussée des techniques d’analyse, l’étude spectrophotométrique est également possible à partir de microbiopsies de tissus myocardique, hépatique, rénal et intestinal. [30]

III.2.1.1.La Polarographie :

Les études polarographiques permettent de mesurer la consommation d’oxygène par des fractions enrichies en mitochondries Ces études sont réalisées sur des préparations enrichies en mitochondries à partir de petites biopsies musculaires (100-200 mg de muscle), à l’aide d’une électrode de Clark en présence de différents substrats (malate + pyruvate, malate + glutamate, succinate, palmitate…).[59]

Un déficit du complexe I se traduira par une oxydation diminuée du NADH, tandis que l’oxydation de substrats produisant du FADH (succinate) sera normale. La situation opposée s’observera dans le cas d’un déficit du complexe II, alors qu’un déficit du complexe III ou du complexe IV affectera l’oxydation de tous les substrats. De façon similaire, dans le cas d’un déficit du complexe V,

l’oxydation de tous les substrats, en présence d’ADP, sera déficitaire. Cependant, dans ce dernier cas, l’addition d’un agent découplant tel que le cyanure de carbonyle m-chlorophényl-hydrazone (m-Cl-CCP) stimulera fortement les oxydations, indiquant que la phosphorylation de l’ADP en ATP est l’étape limitante.

Les études polarographiques permettent de détecter non seulement des déficits de la phosphorylation oxydative, mais aussi des déficits en pyruvate déshydrogénase, en enzyme du cycle de Krebs, des défauts des transporteurs, de cofacteurs d’oxydation (coenzyme A, NAD+), puisque toutes ces anomalies conduisent également à une diminution de la production des équivalents réduits utilisés par la mitochondrie. [60]

La polarographie nécessite de travailler sur un prélèvement tissulaire "vivant" et doit donc être faite immédiatement après la biopsie, Comparée aux dosages spectrophotométriques, cette analyse est plus proche des conditions physiologiques, mais moins sensible pour des déficits partiels. Elle permet en outre l’étude d'étapes enzymatiques d'utilisation des substrats situées en amont de la chaîne des OXPHOS. [57]

III.2.1.2.La Spectrophotométrie :

Les études spectrophotométriques consistent à déterminer l’activité enzymatique des différents complexes de la chaîne respiratoire, isolés ou combinésen utilisant des donneurs ou des accepteurs d’électrons spécifiques [2]. Ces analyses, effectuées sur des homogénats de tissus, peuvent être réalisées à partir d’une petite quantité de matériel (1-20 mg), obtenue à partir de biopsies hépatique, rénale, endomyocardique ou de fibroblastes en culture. Les

échantillons doivent être immédiatement congelés en azote liquide et conservés à – 80 °C. Le tissu à étudier est celui qui exprime cliniquement la maladie mais, en général, le muscle et la peau sont les tissus les plus accessibles.

Le foie doit être prélevé en cas d’atteinte hépatique ou d’atteinte neurologique avec épilepsie associée. Pour le foie, un fragment de biopsie à l’aiguille de 0,5 cm est suffisant).

Le tissu à étudier doit être dans la mesure du possible le tissu cliniquement atteint. Cependant, quand des organes d'accès difficile sont touchés les investigations ne pourront se faire que sur des tissus périphériques (muscle squelettique, lymphocytes, fibroblastes).

Quel que soit l'organe atteint, il est essentiel de prélever une biopsie de peau des patients (même en post-mortem immédiat) pour de futures investigations enzymologiques ou moléculaires sur fibroblastes en culture. En effet, cette étude sur fibroblastes en culture dépendra de la possibilité d'un futur diagnostic prénatal pour les grossesses suivantes. Il faut cependant rappeler que dans la moitié des cas environ les déficits de la chaîne respiratoire ne s'expriment pas dans les fibroblastes. [59]

III.2.1.3.Interprétation des résultats :

Si les investigations de la chaîne respiratoire sont délicates techniquement, leur interprétation pose également des problèmes. Une activité normale de la chaîne respiratoire ne permet pas totalement d’exclure un déficit, même si le tissu étudié est celui qui exprime la maladie. Il est possible d’être en présence d’une anomalie touchant les propriétés cinétiques d’une enzyme, non décelables par les techniques utilisées, ou d’une hétérogénéité tissulaire. [30]

Ainsi ,les valeurs normales sont très dispersées expliquant le très petit nombre de déficits significatifs et aussi la possibilité de passer à côté d’un déficit partiel. Il existe en outre de nombreux facteurs confondants dont les principaux pour le foie sont la qualité de la préparation et de la congélation des fragments au moment de la biopsie puis lors de leur conservation et de leur acheminement vers le laboratoire. [57]

Les déficits peuvent être isolés ou combinés. Le déficit en complexe I est le plus fréquemment observé (30 % des patients). Un déficit combiné en complexes I, III et IV peut orienter vers une déplétion de l’ADNmt ou une mutation sur un gène ARNt de l’ADNmt. Une même présentation clinique peut résulter d’un déficit en différents complexes et, inversement, un même déficit peut être à l’origine de présentations cliniques très différentes. Par exemple, le syndrome de Leigh peut être associé à un déficit isolé ou combiné de différents complexes de la CR et lié à des mutations dans des gènes mitochondriaux ou nucléaires.[2] L’expression des déficits de la chaîne respiratoire dans des cellules en culture est instable et les activités reviennent à la normale quand les cellules sont cultivées dans des conditions classiques. La présence d’uridine (200 µM) et de pyruvate (5 mM) dans le milieu de culture empêche une contre-sélection des cellules déficitaires et leur permet donc de pousser normalement. Il y a alors stabilisation du phénotype mutant où l’uridine indispensable à la synthèse des acides nucléiques serait en quantité insuffisante en raison d’un déficit secondaire de la dihydro-orotate déshydrogénase couplée à la chaîne respiratoire. [30]

III.2.2.Etudes anatomopathologiques et histochimiques :

L’étude anatomopathologique et histochimique permet d’orienter le diagnostic en objectivant sur la biopsie musculaire une surcharge lipidique, des agrégats mitochondriaux sous-sarcolemniques et des fibres COX-négatives à la coloration COX-SDH [2]. La caractéristique histologique des myopathies mitochondriales est la présence de fibres rouges déchiquetées (Ragged Red Fibers, ou RRF), mises en évidence par coloration au trichrome de Gomori qui montre l’accumulation de mitochondries anormales à la périphérie des fibres musculaires[30]. Cependant, l’absence de RRF n’élimine pas le diagnostic et, inversement, la présence de RRF ne semble pas spécifique d’un déficit de la chaîne respiratoire mitochondriale. Par ailleurs, des études histo-enzymologiques du tissu atteint au moyen d’anticorps dirigés contre des sous-unités de la succinate déshydrogénase ou du cytochrome oxydase constituent un critère diagnostique de mitochondriopathie plus fiable que la présence de RRF (Ragged Red Fibers). [21]

Des anomalies ultrastructurales sont également observées en microscopie électronique (mitochondries globulaires, inclusions paracristallines et crêtes mitochondriales anormales). Une stéatose, une cirrhose, une fibrose, une hémosidérose, une prolifération des canaux biliaires, voire un effondrement de l’architecture lobulaire peuvent être observé sur la biopsie hépatique. Ces anomalies sont évocatrices mais non spécifiques. De plus, l’absence de toute anomalie histologique ne doit pas faire réfuter le diagnostic. [2]

Toutefois, la morphologie musculaire peut être normale dans d’authentiques maladies mitochondriales en particulier chez l’enfant et faussement évocatrice dans les myosites inflammatoires. [61]

Dans le document les maladies mitochondriales (Page 90-95)

Documents relatifs