• Aucun résultat trouvé

Trois explications concurrentes à l'affaiblissement des effets du prix du pétrole

3.2.1 Les variations du prix du pétrole ont un effet asymétrique.

Empiriquement, plusieurs articles notamment Mork (1989), Hamilton (1996), et Lee et al.1995)) ont mis en évidence sur données américaines que seules les hausses du prix du pétrole ont un impact sur le taux de croissance du PIB. Pour ces auteurs, la baisse du prix du pétrole n'a aucun effet sur l'activité. La prise en compte de la période du contre-choc pétrolier dans les modèles réduit donc la précision des estimations.

D'un point de vue théorique, ces effets asymétriques ont été mis en évidence à trois niveaux :

• Des études sur données américaines et britanniques (Balke et al.(1999), Davis et Haltiwanger (200 1)) montrent que les prix des dérivés pétroliers réagissent plus rapidement en réponse à une hausse du cours du brut qu'ils ne baissent avec le prix du brut;

• D'autre part, les fluctuations du prix du pétrole nécessitent une réorganisation de la production. Cette réorganisation entraîne des coûts d'ajustement, qui viennent accentuer l'effet négatif de la hausse du prix du pétrole et qui contrebalancent les effets positifs lors de la chute des cours ;

• Enfin, selon Bernanke et al.(1997), la politique monétaire peut également être un vecteur d'asymétrie dans la transmission des chocs pétroliers. Dans le cas d'une hausse des cours, les autorités monétaires mènent une politique monétaire restrictive pour lutter contre 1 'inflation. Dans le cas d'un choc négatif sur le prix du pétrole, les autorités monétaires ne réagiraient pas. Cette réponse monétaire différente selon le sens des variations du prix du pétrole expliquerait l'asymétrie de la relation.

D'autres travaux empiriques ont contribué au débat sur l'importance de la politique monétaire dans l'impact du choc pétrolier. C'est ainsi que Leduc et Sill (2004) ont examiné l'incidence des chocs pétroliers sur l'économie américaine suivant une variété de règles de politique monétaire. Une plus récente étude (Leduc et Sill (2006)) a permis d'évaluer, à l'aide d'un DSGE, 1 'importance de la politique monétaire dans la baisse de 1 'inflation et de la volatilité

17

du PIB aux Etats-Unis, observée depuis le milieu des années 1980. Le principal résultat de cette étude est le suivant : le changement de la politique monétaire a contribué à hauteur de 45% à la réduction de la volatilité de 1 'inflation, et de 5 à 11% à la baisse de la volatilité du PIB réel. Quant aux chocs pétroliers, les résultats révèlent qu'ils ne jouent aucun rôle dans la volatilité du PIB américain.

3.2.2 Rupture de la relation entre le PIB et le prix du pétrole.

L'alternative proposée dans la littérature à cette hypothèse d'effets asymétriques est la

présence d'une rupture dans la relation entre le PIB et le prix du pétrole. En particulier, pour Hooker (1999) cette hypothèse d'asymétrie n'est pas convaincante sur la période récente.

Selon cet auteur, la relation entre les prix du pétrole et l'économie change qualitativement autour de 1980.

Néanmoins, l'argument selon lequel les chocs pétroliers contribuent directement aux retournements conjoncturels suscite des controverses en ce sens que la corrélation entre le prix du pétrole et l'activité économique paraît plus faible d'après une analyse faite sur la base de données de l'économie américaine, observées depuis 1985 (Hooker, 1996).

Nombreux sont les auteurs ayant imputé cette instabilité de la relation empirique entre prix pétroliers et output à une mauvaise spécification de la forme fonctionnelle. Loungani (1986), Davis (1987), Mork (1989), Lee et al.(1995), Hamilton (1996), Davis et al.(1997), Davis et Haltiwanger (2001), Balke et al.(1999), et Cufi.ado et De Gracia (2000), parmi d'autres, ont défendu la thèse qui voudrait que la relation entre le prix du pétrole et 1 'activité économique soit non linéaire.

3.2.3 Les effets des variations du prix du pétrole dépendent du cycle conjoncturel.

Une autre théorie proposée dans la littérature pour expliquer la perte de significativité de la relation entre les variations du prix du pétrole et le taux de croissance du PIB est celle de Raymond et Rich ( 1997). Ces auteurs proposent d'étudier l'influence des variations du prix du pétrole en fonction du cycle économique. Pour cela, ils utilisent des modèles à changements de régimes (Markov-Switching).

Ces modèles sont particulièrement intéressants car ils permettent de tester l'existence d'un effet différencié du prix du pétrole en haut et en bas du cycle économique. Notons que, si 1 'on

18

montre que les variations du prix du pétrole n'ont un effet qu'en bas de cycle, alors on peut expliquer 1 'affaiblissement de la relation depuis le milieu des années 1980. Les hausses majeures récentes du prix du pétrole, en particulier celle des années 2000, ont en effet eu lieu lors de périodes d'expansion économique. Comme les défenseurs des effets asymétriques du prix du pétrole ne tiennent pas compte des périodes de baisse du prix dans leurs estimations, il serait logique de ne pas prendre en compte les périodes d'expansion économique si l'on croit à l'effet différencié du prix du pétrole selon la phase du cycle conjoncturel.

D'un point de vue théorique, peu d'articles donnent une justification à cet effet différencié.

Citons tout de même Lescaroux (2006), qui propose la piste suivante fondée sur le partage de la valeur ajoutée. L'idée est qu'en période d'expansion, il y a différentes possibilités pour payer le surplus de la facture pétrolière, alors qu'en période de récession, seule la baisse des salaires réels et/ou la hausse du chômage permettent de compenser les effets de la hausse.

Une autre difficulté se trouve être 1 'univers illimité de spécifications alternatives non linéaires. Une solution est proposée par Hamilton (200 1) qui a développé une méthodologie appelée « approche flexible » qui est une formalisation de cette relation non linéaire entre les variations du prix du baril et le taux de croissance du PIB. Ces approches, si elles ont permis de clarifier la relation entre le choc pétrolier et les fluctuations du PIB, se heurtent toutefois aux critiques de Sims (1980) et de Lucas (1976).

Selon Sims (1980), les modèles macroéconométriques imposent des contraintes sur les variables et des a priori économiques non justifiés du point de vue statistique, et propose à la place les modèles V AR. Lucas, pour sa part, estime que les modèles macroéconométriques ne sont pas invariants à la forme de la politique économique, et propose en lieu et place les modèles d'équilibre général inter temporels stochastiques (MEGIS ou DSGE).

A 1 'aide d'un modèle V AR, l'on peut soutenir que les perturbations dans 1 'économie qui font suite à un choc pétrolier ne sont pas directement dues à celui-ci, mais plutôt à la réaction de la Réserve Fédérale. Ainsi, au moyen du V AR structurel à l'instar de Bemanke et al. (1997), Hamilton montre que cette conclusion erronée tient en partie au nombre insuffisant de retards considéré dans la modélisation.

19

Par ailleurs, Kleibergen et a1.(1999) utilisent un modèle VAR pour analyser les mécanismes par lesquels la hausse du prix du pétrole agit sur le niveau des prix et la demande en biens d'importation.

Rajeew et Jeske (2006) à partir du DSGE10 ont trouvé que les chocs énergétiques n'auraient qu'une influence négligeable sur les fluctuations du PIB. Plus généralement, les résultats auxquels ils ont abouti révèlent que l'impact du choc énergétique reste négligeable. Ce modèle, à l'image de beaucoup d'autres, ne fait pas intervenir la monnaie, et ne tient pas compte de l'imperfection des marchés (Kydland et Prescott (1982) ; King et a1.(1988)).

Rotemberg et Woodford (1996) montrent que l'introduction dans le DSGE du concept d'imperfection de marché permet une meilleure explication des baisses du PIB et du salaire réel consécutives à la hausse du prix du baril de pétrole.

Documents relatifs