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2.3 Spécificité de la peur de l’avion

2.3.3 Etiologie et facteurs de vulnérabilité à la peur de l’avion

2.3.3.1 Les expériences autour du vol

L’anxiété liée au vol en avion peut trouver son origine dans une situation ou un évène- ment passé désagréable, survenu avant ou pendant un vol. Ainsi, un vol pris alors que la personne ne voulait pas le prendre, ou un vol combiné à une situation déplaisante (présence de fortes turbulences ou dispute avec un passager, par exemple) peut être à l’origine d’un vécu anxieux, voire phobique, lors des vols suivants. Par un phéno- mène d’association, le vol en avion sera alors considéré négativement. Au même titre que l’état de stress post-traumatique est associé à un évènement passé, nous pour- rions supposer que le vécu d’un tel évènement est à l’origine de la majorité des cas de phobie de l’avion. Ce cas de figure existe mais ne semble pas si fréquent. Selon une étude de Nousi, Haringsma, van Gerwen, et Spinhoven (2008) rassemblant un échan- tillon de 2001 personnes, la majorité des participants n’associaient pas d’évènement ou de situation à l’origine de leur peur : seul 0,3% de leur échantillon avait peur de l’avion suite à un évènement traumatique (lié à l’avion ou non), 5,4% avaient vécu un incident non traumatique, tandis que 93,3% n’avaient pas vécu d’évènement trau- matique déclencheur de la peur. Dans le cas d’évènement traumatique à l’origine de la peur, il s’agit principalement d’avoir vécu une expérience désagréable lors d’un vol passé, comme le fait d’avoir vécu un vol avec de fortes turbulences, ou bien un décol- lage ou un atterrissage compliqué. Au delà des évènements directement liés au vol, de nombreuses associations peuvent être faites à l’insu de la personne, ce qui nous invite à relativiser les résultats précédents et à revoir la part accorder aux évène- ments passés dans la peur de l’avion. Comme l’ont montré Wilhelm et Roth (1997), de multiples autres évènements peuvent contribuer au développement et/ou au maintien d’une peur phobique de l’avion. Ainsi, dans leur étude, 25% des participants citaient

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un décès, une naissance ou une journée in-habituellement stressante au moment de l’apparition de leur phobie. Ce type de contexte semble ainsi propice aux associations - du vol en avion et d’émotions négatives - et être à l’origine de l’anxiété ou la peur de l’avion pour un nombre non négligeable de passagers anxieux.

Les manifestations physiologiques

Le vécu de sensations corporelles en vol (voir section II.2.2 et II.4.2.2) peut pour cer- tains passagers être source d’anxiété. La présence de troubles vestibulaires peut en particulier jouer un rôle dans le développement et le maintien de phobies (Oakes & Bor, 2010a). En effet, ce type de trouble est à l’origine de sensations de vertige et d’in- confort liées aux mouvements de l’avion. Le vol en avion et les transports de façon générale sont des situations sources d’inconfort spatio-moteur (ISM). Des personnes ayant développé une sensibilité spatio-motrice peuvent alors vivre des sensations cor- porelles durant un vol (vertiges, tournis). Les symptômes physiques rapportés par les passagers anxieux (étourdissements, vertiges, nausées) (Hinninghofen & Enck, 2006) se révèlent proches des symptômes de l’ISM (vertiges, sensation de tournis) et laissent à penser un lien entre ISM et phobie de l’avion (Bourgoin, Chapelle, & Callahan, 2015 ; Furman & Jacob, 2001 ; Wilhelm & Roth, 1997). Ces auteurs pro- posent la définition suivante de la « phobie spatio-motrice » : « peur marquée et persis- tante qui est excessive ou déraisonnable, déclenchée par l’anticipation ou la présence de situations associées à une stimulation vestibulaire intense, une inadéquation vi- suelle/vestibulaire/somatosensorielle (relative à la perception de la position du corps) ou une insuffisance d’indices spatiaux, visuels ou somato-sensoriels". Cette définition nous invite à considérer les interactions probables entre la phobie de l’avion et l’ISM. Plusieurs études ont mis en évidence une corrélation entre le vécu d’ISM ou le vécu de trouble vestibulaire et les troubles anxieux tels que le trouble panique, l’agorapho- bie ou d’autres phobies spécifiques (Balaban & Thayer, 2001 ; Clark, Hirsch, Smith, Furman, & Jacob, 1994). Théoriquement, le lien entre ces variables a été effectué notamment par Oakes et Bor (2010a) situant l’ISM et les dysfonctions vestibulaires comme facteurs de vulnérabilité à la phobie de l’avion. En effet, compte tenue de la place particulière qu’occupe un passager dans un avion en train de voler, il semble

cohérent de s’attarder sur son rapport à l’espace qui l’entoure et les conditions par- ticulières auxquelles est exposé son corps (Budd, 2011). D’ailleurs, dans l’étude de Wilhelm et Roth (1997), un groupe de phobiques de l’avion a rapporté des symptômes de vertige et d’être malade en voiture, ce qui pourrait suggérer la présence de dysfonc- tions vestibulaires ou d’ISM chez certains passagers phobiques. Le lien entre l’ISM et la peur de l’avion reste à étudier.

McIntosh et al. (1998) ont quant à eux établi un lien entre le vécu d’anxiété en vol et le vécu de problèmes de santé en vol tels que des maux d’oreille, des maux de tête, une sècheresse des yeux ou le nez pris ; les deux variables étant corrélées à plus de 0,5 (rho de Spearman) si bien pour les longs courriers que les courts courriers. Les études portant plus spécifiquement sur le vécu d’attaques de panique ou sur le trouble panique, ont montré que les manifestations physiques et leur interprétation sont parfois motrices du vécu anxieux lors de vol (Van Gerwen et al., 1999 ; Wilhelm & Roth, 1997). Ce vécu anxieux en réaction aux manifestations corporelles est nommé sensibilité à l’anxiété et semble particulièrement impliqué dans l’anxiété de vol (voir paragraphes 1.1.1, p.34 et 2.3.3.3, p.65).

2.3.3.2 Les aspects socio-culturels