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Avant de présenter dans les paragraphes suivants l’expérience d’apprentissage, il convient d’examiner les termes « apprentissage » et « expérience ». Nous avons déjà défini dans la section précédente le premier terme dans un contexte générale puis dans le contexte de musée. Nous allons donc définir ici le terme « expérience ».

2.3.1 L’expérience

Si l’on se réfère à la psychologie, l’expérience comme vue par Jodelet [Jodelet 06] renvoie à un phénomène et à un concept dont la signification change d’une dis- cipline à l’autre. Elle distingue deux définitions. La première se rapporte à la psychologie sociale, où l’expérience s’apparente au sens commun se formant par le biais des situations concrètes auxquelles se trouve confronté le sujet tout le long

2.3 L’expérience d’apprentissage au musée du flux de son vécu. En ce sens, l’expérience renvoie à une attitude naturelle qui se déploie dans l’espace-temps de vie de l’individu.

La deuxième définition de l’expérience se rapporte à la psychologie expérimen- tale ou cognitive où l’expérience se situe comme un cadre empirique de la relation du sujet à son monde d’objets, elle détermine la connaissance en tant qu’elle pour- voie les informations qui font l’objet d’un processus de traitement aboutissant à des structures ou des réseaux de conservation de ces informations en mémoire. Ces structures et réseaux (que certains qualifient de représentations mentales), seront réactivés pour traiter les nouvelles informations.

Dans son étude des représentations sociales8, Jodelet [Jodelet 06] souligne que

l’expérience ne peut être étudiée en indépendamment de la notion du vécu, qui renvoie à un état que le sujet éprouve et ressent de manière émotionnelle. À côté de cette dimension vécue, l’expérience comporte une dimension cognitive dans la mesure où elle favorise une expérimentation du/et sur le monde et concourt à la construction de la réalité et des connaissances. Jodelet [Jodelet 06] met ainsi l’ac- cent sur l’utilité de recourir à l’analyse de l’expérience, comme connaissance et comme vécu, pour comprendre comment du sens se produit, dans des situations et contextes sociaux et spatio-temporels particuliers.

Dans un contexte spatio-temporel particulier qu’est la visite du musée, c’est l’expérience en sa signification donnée par Jodelet [Jodelet 06] que nous cherchons à étudier. Cette manière d’aborder l’expérience est non seulement pertinente mais susceptible de contribuer à un enrichissement de l’approche de l’expérience vi- siteur. Effectivement, la définition de l’expérience que nous avons adoptée s’ac- corde avec les études effectuées sur les visiteurs des musées. En effet, Chamber- land [Chamberland 91] grâce à une étude empirique réalisée au musée de sciences naturelles Georges-Préfontaine de Montréal, a démontré que des aspects cognitifs et affectifs interviennent dans le contact du visiteur avec les objets exposés au musée. Ces aspects se réunissent pour donner un sens à ce que ce dernier voit. L’expérience qu’a le visiteur des objets met donc en jeu deux dimensions : une dimension de connaissance et une dimension qui est de l’ordre de l’éprouvé, de l’implication psychologique de l’individu et qui a un effet de résonance directe agissant essentiellement au niveau du ressenti.

8. constituent un patrimoine commun à la culture d’appartenance, et se présentent comme un savoir que chacun des membres partage [Cavallo 93].

Chapitre 2 Le visiteur, la visite guidée au musée et la réalité augmentée

2.3.2 L’expérience d’apprentissage

Dans cette section, nous allons faire le point sur le concept de l’expérience d’ap- prentissage tel que défini par Falk et al. [Falk 00]. Comme nous avons pu le voir dans les sections précédentes, l’apprentissage dans un musée présente un caractère volontaire, libre et dirigé par les propres choix du visiteur. Partant de ce constat, Falk et al. [Falk 00] ont fixé les facteurs qui influencent l’apprentissage au musée. En effet, après avoir examiné plusieurs travaux de recherche, Falk et al. [Falk 00] ont proposé un modèle incluant douze facteurs qu’ils appellent le modèle contextuel d’apprentissage. Ce modèle est fondé essentiellement sur la théorie constructiviste de l’apprentissage à savoir :

Le contexte personnel

1. Motivations et attentes du visiteur 2. Connaissances préalables

3. Expériences préalables 4. Intérêts préalables 5. Choix et contrôle

Le contexte socioculturel

6. Médiation sociale au sein du groupe

7. Médiation assurée par les gens en dehors du groupe social

Le contexte physique

8. Organisateurs à l’avance

9. Orientation dans l’espace physique

10. Architecture et environnent à grande échelle 11. Conception et exposition aux objets exposés

12. Evénements ultérieurs et expériences de renforcement à l’extérieur du musée

Le contexte physique :il signifie que l’apprentissage se produit dans l’environ-

nement physique du musée. Il se traduit par un dialogue entre cet environnement physique et le visiteur. Ainsi, il faut s’attendre à une réaction des visiteurs au contexte physique du musée. Ce dernier comprend à la fois des propriétés appelés « à grande échelle » (l’éclairage, le bruit, affluence) et les propriétés à petite échelle (expositions et autres objets).

Le contexte socioculturel : exprime le fait que les êtres humains soient des

créatures extrêmement sociales. Ils sont les produits de leurs cultures et relations sociales. Par conséquent, il faut s’attendre à ce que l’apprentissage au musée soit situé dans le contexte socioculturel du visiteur. Le facteur d’ordre socioculturel qui affecte principalement l’apprentissage au musée est le contexte culturel que représente le musée dans la société. D’un autre côté, les visiteurs de musées sont

2.3 L’expérience d’apprentissage au musée fortement influencés par les interactions et les collaborations avec les individus de leur propre groupe social ainsi qu’avec d’autres individus à l’extérieur de leur propre groupe social comme les guides, les artistes ou même les autres groupes de visiteurs.

Le contexte personnel :implique que l’apprentissage au musée soit fortement

lié aux propres choix du visiteur, ses motivations et ses attentes. De plus, l’expé- rience d’apprentissage du visiteur peut être influencée par ses connaissances et ses expériences antérieures.

Nous pouvons conclure que la conception d’apprentissage incarné par le modèle de Falk et al. [Falk 00] présente une quête à la recherche de sens, une quête à éveiller un dialogue entre le visiteur et son environnement physique et sociocul- turel : “The view of learning embodied in this framework is that learning can be conceptualized as a contextually driven effort to make meaning in order to survive and prosper within the world ; an effort that is best viewed as a continuous, never- ending dialogue between the individual and his other physical and sociocultural environment” ([Falk 05], page 745).

En outre, comme nous avons pu le voir plus haut dans ce chapitre, apprendre au musée consiste à comprendre et à rechercher le sens qu’in- carnent les objets exposés. Cette approche profonde de l’apprentissage [Marton 93] est celle mise en avant par le modèle contextuel de Falk et al. [Falk 00]. Compte tenu de tout cela, c’est sur ce modèle que va se fonder la conception de notre système de réalité augmentée pour la visite guidée au musée.

2.3.3 Mesurer l’expérience d’apprentissage

Essayons maintenant de répondre à la deuxième question : « Comment atteindre l’expérience d’apprentissage au musée ? »

Plusieurs travaux de recherche [Hooper-Greenhill 03][Gammon 03] ont proposés des modèles qui permettent de mesurer l’expérience d’apprentissage du visiteur. Dans le cadre de cette thèse, nous allons nous intéresser au modèle GLO «Generic Learning Outcomes» donné par Hooper-Greenhill et al. [Hooper-Greenhill 03]. En effet, ce modèle conformément aux travaux réalisés par Chamberland [Chamberland 91] met l’accent sur les deux dimensions épistémologique et affective ayant un impact significatif sur l’expérience du visiteur dans son contact avec les objets exposés. GLO a été mis en place par le ministère (MLA) des musées, des librairies et ar- chives au royaume Uni pour démontrer l’impact de ces dernières institutions dans

Chapitre 2 Le visiteur, la visite guidée au musée et la réalité augmentée

l’apprentissage continu. D’un autre côté, le modèle GLO est aujourd’hui largement utilisé par plusieurs musées au Royaume Uni [Graham 13]. Ce modèle est appliqué avec succès par les services de médiation de ces musées dans leurs études des ex- périences d’apprentissage des visiteurs. GLO reconnaît l’apprentissage comme une expérience dont les aboutissements comprennent : une augmentation de la connais- sance et de la compréhension, une augmentation de compétences, un changement dans les valeurs et les attitudes, des sentiments d’amusement, d’inspiration et de créativité et une incitation à l’activité et à la progression.

Figure 2.3.1 – Generic Learning Outcomes (GLO)

Connaissance et Compréhension :la visite au musée permet d’acquérir des

nouvelles connaissances, de comprendre des nouveaux aspects sur des thèmes di- versifiés. Elle permet également de donner du sens aux objets exposés et à faire des liens avec la vie quotidienne ou les connaissances pré-acquises.