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Expérience à un émetteur acoustique

4.5 Comparaisons quantitatives

5.1.3 Expérience à un émetteur acoustique

5.1.3.1 Observations expérimentales

La tension de l’émetteur piézoélectrique a donc été augmentée afin d’aug-menter le degré de métastabilité atteint par le cristal. L’amplitude V est augmentée par palier d’une dizaine de Volt, et à chaque palier une mesure interférométrique des variations de densité est réalisée. On peut ensuite étu-dier l’évolution de Pmin et δPmin en fonction de la tension d’excitation V . Pour des raisons de commodité, nous travaillerons principalement avec les

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valeurs de δPmin, car les valeurs dépendent de manière simple de la tension d’excitation.

Les cristaux ont été étudiés à des températures allant de 1.05 à 1.40 K, avec des écarts de la pression d’équilibre P0 à la pression de fusion Pf de 40 à 270 mbar. L’expérience ayant été reproduite en utilisant deux émetteurs piézoélectriques différents (cf. sous-section 3.4.2), la figure 5.4 présente les résultats obtenus de manière séparée.

Pour ces deux expériences, l’évolution de δPmin avec la tension d’excita-tion V a un comportement qui s’écarte d’une évolud’excita-tion linéaire représentée en pointillés sur la figure 5.4. L’évolution linéaire est estimée en ajustant

0 50 100 150 0 1 2 3 4 5 6 Vpzt(V) δP min (bar) emetteur 1 1.06K 80mbar 22mai2012 1.20K 50mbar 23mai2012 1.28K 50mbar 24mai2012 1.22K 120mbar 29mai2012 0 50 100 150 0 1 2 3 4 5 6 Vpzt(V) δP min (bar) emetteur 2 1.11K 50mbar 15jun2011 1.17K 40mbar 20jun2011 1.25K 170mbar 22jun2011 1.33K 270mbar 24jun2011 1.40K 140mbar 27jun2011

Figure 5.4. L’évolution de δPmin en fonction de la tension d’excitation V présente un comportement fortement non-linéaire. La droite en pointillés bleus représenterait l’évo-lution linéaire, obtenue par un ajustement sur les faibles amplitudes de 10 V. Les deux graphiques correspondent aux résultats obtenus avec les émetteurs 1 et 2.

l’ensemble des points pris à une tension d’excitation de 10 V pour chacun des émetteurs 1 et 2. On trouve des pentes respectives telles que :

d(δPmin)

dV = 0.067 bar/V pour l’émetteur 1

d(δPmin)

dV = 0.054 bar/V pour l’émetteur 2

(5.3) La différence entre les résultats de l’émetteur 1 et 2 peut avoir des origines diverses. Une possibilité est que l’efficacité de conversion électromécanique varie à cause d’un kef f différent (à température ambiante les coefficients sont toutefois quasi identiques, cf. partie 3.4.3), ou d’une différence dans l’adap-tation d’impédance entre l’amplificateur et l’émetteur. Une autre possibilité est que la qualité de focalisation de l’onde diffère à cause d’une géométrie imparfaite des surfaces émettrices.

Dans les deux cas, l’effet des nonlinéarités est tel que la valeur de δPmin atteinte est diminuée de moitié à 100 V par rapport au cas idéal où l’évolution serait linéaire. En augmentant la tension au-delà, nous observons un effet de saturation à une valeur d’environ 4.5 bar. Dans ce domaine de tension où la dépression produite sature, la valeur de δPmin mesurée peut devenir irrégulière, et aller jusqu’à présenter des diminutions. En augmentant encore

5.1. Exploration du domaine métastable de l’hélium solide 94

la tension V , on finit par observer une instabilité du cristal sur laquelle nous reviendrons dans la section 5.2.

5.1.3.2 Discussion sur l’origine des nonlinéarités

Plusieurs phénomènes pourraient être à l’origine de ce comportement non-linéaire à forte amplitude :

Une détérioration de l’interface hélium solide/émetteur par un échauffement local et/ou une fusion de l’interface ? L’échauffement de la céramique a été étudié dans la partie 3.5.4. Il est de l’ordre de 1 mK à 100 V et ne peut engendrer une fusion. Par ailleurs l’écart à la fusion P0− Pf a toujours été maintenu à une valeur supérieure à l’amplitude de l’onde so-nore à la surface de l’émetteur, de sorte qu’une fusion nucléée à l’interface est peu vraisemblable. Elle ne se traduirait d’ailleurs pas par un effet progressif. Une détérioration progressive du cristal par l’onde sonore ? On pourrait être tenté d’interpréter les irrégularités dans l’évolution de δPmin, par le fait que le cristal est divisé en de nombreux cristallites, ce qui altérerait la bonne focalisation de l’onde. Nous avons donc cherché à détecter une telle modification du cristal. Pour cela, nous avons pris des séries de mesures en augmentant progressivement la tension V . Entre les mesures d’amplitude croissante, des mesures de référence à une tension faible V sont enregistrées. Le résultat est que malgré l’apparition d’une saturation à forte amplitude, les mesures à basse tension ne sont pas modifiées dans la limite des incertitudes de mesures. Dans l’exemple présenté sur la figure 5.5, l’explication par une dégradation de la focalisation devrait réduire le signal mesuré à la tension

V de 30 %. Le signal n’a pas varié de plus de 10 %, ce qui est de l’ordre du bruit de la mesure. 0 50 100 150 0 1 2 3 4 5 Vpzt(V) δP min (bar) 1.22K 120mbar 29mai2012

Figure 5.5.En augmentant la tension jusqu’à ∼ 95 V, on voit apparaître une saturation de δPmin. Si la saturation était liée à une altération de la structure cristalline, les mesures à une tension faible de ∼ 30 V, réalisées après la mesure à ∼ 120 V devraient être affectées et se situer sur la droite rouge. L’amplitude des mesures à 30 V n’est pas modifiée.

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Apparition d’un comportement plastique à forte amplitude ? Un indice permet d’avoir une idée sur l’origine du comportement nonlinéaire ob-servé pour les fortes tensions. La figure 5.6 présente les variations de pression

δP enregistrées au niveau du foyer acoustique et normalisées par la tension

V. On s’intéresse aux instants de 11.5 µs à 18 µs où l’onde acoustique passe

12 13 14 15 16 17 18 −0.06 −0.04 −0.02 0 0.02 0.04 0.06 temps (µs) δ P / V pzt (bar.V −1 ) 30V 30V b 30V a 74V 117V 158V

Figure 5.6.On représente l’évolution temporelle de la pression au foyer acoustique pour la série de mesure présentée sur la figure 5.5. Toutes les traces sont normalisées par la tension V à laquelle la mesure a été effectuée. On constate que pour les deux premières oscillations de l’onde acoustique, les signaux à différentes tensions sont identiques. Pour les plus grandes oscillations de pressions à partir de ∼ 13 µs, un désaccord de plus en plus marqué apparaît, avec un effet de saturation des plus grandes tensions. L’effet pourrait s’expliquer par un seuil de plasticité.

par le foyer. On remarque que pour les premières oscillations de pression, l’ensemble des mesures s’accordent plutôt bien, leur évolution avec la ten-sion V est donc quasi linéaire. Au fur et à mesure que l’amplitude de l’onde croît, un désaccord de plus en plus marqué apparaît entre les mesures à 30 V et celles à plus haute tension. Les oscillations qui devraient être de grande amplitude ont un aspect écrêté. L’amplitude des oscillations semble ne pas pouvoir croître au-delà d’un certain seuil.

La saturation de la réponse de l’hélium solide à grande amplitude sonore a été étudiée par Hikata et.al [127] (bien que dans des conditions de tempé-rature, pression et qualité du cristal différentes des nôtres). Elle est attribuée à la plasticité résultant du mouvement des dislocations et à leur dépiégeage partiel à grande amplitude. Dans un article plus récent, Varoquaux [128] rap-pelle que pour des fortes contraintes de cisaillement, les dislocations peuvent se regrouper en couches qui constituent alors des plans de glissement relatif pour les deux parties voisines du cristal.

En conclusion, la limitation des grandes amplitudes d’oscillation ne semble pas liée à une détérioration irréversible du cristal, mais plutôt à l’apparition de phénomènes plastiques associés à la présence de dislocations dans le cris-tal. Nous avons cherché un modèle qui permettrait de rendre compte, au moins qualitativement, de ces phénomènes de saturation de l’amplitude de

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l’onde acoustique.

5.1.4 Modèle de la saturation de l’amplitude de