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2. TERMINOLOGIE DE LA PROTECTION DES DONNÉES

2.4. Consentement

3.1.1. Les exigences d’une ingérence justifiée en vertu de la CEDH

Le traitement de données à caractère personnel peut constituer une ingérence dans le droit au respect de la vie privée de la personne concernée. Le droit au respect de la vie privée n’est toutefois pas une prérogative absolue, mais doit être mis en balance et concilié avec d’autres intérêts légitimes, que ce soit ceux d’autres per-sonnes (intérêts privés) ou de la société dans son ensemble (intérêts publics).

Les conditions qui justifient l’ingérence de l’État sont les suivantes :

Ingérence prévue par la loi

Selon la jurisprudence de la CouEDH, l’ingérence est prévue par la loi si elle repose sur un article du droit national qui présente certaines caractéristiques. La loi doit être

« accessible aux personnes concernées et prévisible quant à ses répercussions »108. Une règle est prévisible « si elle est formulée avec une précision suffisante pour per-mettre à toute personne – bénéficiant éventuellement d’une assistance appropriée – d’adapter son comportement »109. « Le degré de précision requis de la “loi” à cet égard dépendra du sujet en question. »110

Exemple : dans l’affaire Rotaru c. Roumanie111, la CouEDH a conclu à une viola-tion de l’article 8 de la CEDH au motif que le droit roumain permettait la collecte, l’enregistrement et l’archivage, dans des dossiers secrets, d’informations affec-tant la sécurité nationale, sans poser les limites de l’exercice de ces pouvoirs, laissées à la discrétion des autorités. Par exemple, le droit national ne définissait pas le type d’informations qui pouvaient être traitées, les catégories de per-sonnes à l’égard desquelles des mesures de surveillance pouvaient être prises, les circonstances dans lesquelles de telles mesures pouvaient être prises ou la procédure à suivre. En raison de ces irrégularités, la CouEDH a conclu que le droit national n’était pas conforme à l’exigence de prévisibilité visée à l’article 8 de la CEDH et que cet article avait été violé.

Exemple : dans l’affaire Taylor-Sabori c. Royaume-Uni112, le requérant avait fait l’objet d’une surveillance policière. Utilisant un « clone » du téléavertisseur du requérant, la police avait pu intercepter des messages qui lui étaient adres-sés. Le requérant avait ensuite été arrêté et inculpé pour conspiration en vue

108 CouEDH, Amann c. Suisse [GC], n° 27798/95, 16 février 2000, para. 50 ; voir également CouEDH, Kopp c. Suisse, n° 23224/94, 25 mars 1998, para. 55 et CouEDH, Iordachi et autres c. Moldavie, n° 25198/02, 10 février 2009, para. 50.

109 CouEDH, Amann c. Suisse [GC], n° 27798/95, 16 février 2000, para. 56 ; voir également CouEDH, Malone c. Royaume-Uni, n° 8691/79, 26 avril 1985, para. 66 ; CouEDH, Silver et autres c. Royaume-Uni, n° 5947/72, 6205/73, 7052/75, 7061/75, 7107/75, 7113/75, 25 mars 1983, para. 88.

110 CouEDH, The Sunday Times c. Royaume-Uni, n° 6538/74, 26 avril 1979, para. 49 ; voir également CouEHD, Silver et autres c. Royaume-Uni, n° 5947/72, 6205/73, 7052/75, 7061/75, 7107/75, 7113/75, 25 mars 1983, para. 88.

111 CouEDH, Rotaru c. Roumanie [GC], n° 28341/95, 4 avril 2000, para. 57 ; voir également CouEDH, Association pour l’intégration européenne et les droits de l’homme et Ekimdzhiev c. Bulgarie, n° 62540/00, 28 juin 2007 ; CouEDH, Shimovolos c. Russie, n° 30194/09, 21 juin 2011 ; et CouEDH, Vetter c. France, n° 59842/00, 31 mai 2005.

112 CouEDH, Taylor-Sabori c. Royaume-Uni, n° 47114/99, 22 octobre 2002.

de la vente d’une substance réglementée. Une partie des éléments à charge du ministère public était des notes manuscrites récentes sur les messages du téléavertisseur qui avaient été transcrites par la police. Toutefois, au moment du procès du requérant, le droit britannique n’était pas doté de dispositions régis-sant l’interception de communications transmises par un système de télécom-munications privé. L’ingérence dans ses droits n’était donc pas « prévue par la loi ». La CouEDH a conclu à une violation de l’article 8 de la CEDH.

Poursuite d’un but légitime

Le but légitime peut être celui des intérêts publics précités ou celui des droits et libertés d’autrui.

Exemple : dans l’affaire Peck c. Royaume-Uni113, le requérant a tenté de se suici-der dans la rue en se taillant les poignets, sans savoir qu’une caméra de surveil-lance avait filmé toute la scène. Après avoir été sauvé par la police, qui regar-dait les caméras de surveillance, la police a diffusé la séquence dans les médias, qui l’ont publiée sans masquer le visage du requérant. La CouEDH a constaté l’absence de motifs pertinents ou suffisants pour justifier la divulgation directe de la séquence par les autorités au public sans obtenir préalablement le consen-tement du requérant ou sans masquer son identité. La CouEDH a conclu à une violation de l’article 8 de la CEDH.

Ingérence nécessaire dans une société démocratique

La CouEDH a précisé que « la notion de nécessité implique une ingérence fon-dée sur un besoin social impérieux et notamment proportionnée au but légitime recherché114 ».

Exemple : dans l’affaire Khelili c. Suisse115, la police a découvert lors d’un contrôle que la requérante transportait des cartes de visite indiquant : « Femme belle et charmante, la trentaine, cherche à rencontrer un homme pour boire un verre ou sortir de temps en temps. Tél. : [...] ». Selon la requérante, suite à cette découverte, les policiers l’ont enregistrée dans leurs dossiers comme prostituée,

113 CouEDH, Peck c. Royaume-Uni, n° 44647/98, 28 janvier 2003, en particulier para. 85.

114 CouEDH, Leander c. Suède, n° 9248/81, 11 juillet 1985, para. 58.

115 CouEDH, Khelili c. Suisse, n° 16188/07, 18 octobre 2011.

une profession qu’elle a toujours niée. La requérante a demandé que le terme

« prostituée » soit supprimé des dossiers informatiques de la police. La CouEDH a reconnu que la conservation des données à caractère personnel de certains individus, au motif que l’individu pourrait commettre une autre infraction, peut en principe être proportionnée dans certaines circonstances. Toutefois, dans le cas de la requérante, l’allégation de prostitution illégale semblait trop vague et générale, n’était étayée par aucun élément concret, celle-ci n’ayant jamais été condamnée pour prostitution illicite, et ne pouvait donc pas être considé-rée comme fondée sur un « besoin social impérieux » au sens de l’article 8 de la CEDH. Considérant qu’il appartenait aux autorités de démontrer l’exactitude des données enregistrées sur la requérante, et compte tenu de la gravité de l’ingérence dans les droits de la requérante, la CouEDH a conclu que la conserva-tion du terme « prostituée » dans les dossiers de la police pendant des années n’était pas nécessaire dans une société démocratique. La CouEDH a conclu à une violation de l’article 8 de la CEDH.

Exemple : dans l’affaire Leander c. Suède116, la CouEDH a retenu que l’observa-tion secrète de personnes postulant à un emploi à des foncl’observa-tions importantes pour la sécurité nationale n’est pas, en soi, contraire à l’exigence de démocratie.

Les garanties spéciales prévues par la législation nationale dans le but de pro-téger les intérêts de la personne concernée (par exemple : contrôles exercés par le parlement et le ministre de la Justice) ont amené la CouEDH à conclure que le système suédois de contrôle du personnel est conforme à l’exigence de l’article 8, paragraphe 2, de la CEDH. Eu égard à la grande marge d’appréciation dont il disposait, l’État défendeur était habilité à considérer que, dans le cas du requérant, les intérêts de la sécurité nationale prévalaient sur les intérêts indivi-duels. La CouEDH a exclu la violation de l’article 8 de la CEDH.

3.1.2. Les conditions des limitations licites en vertu