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Les voies de signalisation impliquées dans la cancérogénèse font désormais l’objet de traitements ciblés par de petites molécules disponibles par voie orale dans de multiples cancers.

La tolérance et l’efficacité de ces molécules ont parfois été étudiées dans des populations « âgées », le plus souvent avec des données issues d’analyses en sous-groupe d’essais cliniques de phase II et III, et parfois quelques données de « vraie vie ». Les essais cliniques spécifiques pour les populations âgées sont cependant rares. Dans ces études, l’âge de la population dite « âgée » est hétérogène et varie de >65 ans, >70 ans et >75 ans.

De façon globale, les patients âgés ou très âgés sont souvent sous représentés dans les essais cliniques impliquant des thérapies ciblées, avec uniquement 32% de patients âgés de plus de 65 ans dans des essais cliniques135.

Cette problématique des thérapies ciblées dans la population âgée a récemment fait l’objet d’une revue de la littérature136.

1.

Cancer du poumon

Plus de 30% des cancers pulmonaires non à petites cellules sont diagnostiqués chez des patients de plus de 70 ans, mais peu d’informations sont disponibles concernant l’efficacité des thérapies ciblées dans cette population.

Les inhibiteurs de tyrosine kinase (TKI) ont montré leur efficacité dans le traitement des adénocarcinomes pulmonaires non à petite cellules chez des patients présentant une mutation EGFR (Epidermal Growth Factor Receptor) et sont désormais utilisés en première ligne de traitement.

a. Erlotinib

Dans une étude de phase IV137, chez des patients non sélectionné, récusés pour la

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première ligne, a montré une augmentation du taux de contrôle de la maladie dans la population âgée par rapport à la population générale (79% versus 69%). La survie globale et la survie sans progression médianes étaient similaires dans les 2 groupes. La toxicité était plus fréquente (18% chez les plus de 70 ans versus 12%) et plus importante (7% et 4%) chez les patients âgés. Les arrêts de traitement en lien avec des effets secondaires étaient plus fréquents dans la population âgée (10% versus 5%).

Une étude observationnelle japonaise de 307 patients138 (dont 74 patients d’âge supérieur à 75 ans), a rapporté une efficacité et une toxicité similaire de l’erlotinib chez les patients âgés de plus de 75 ans. Il y était aussi fait mention d’un sous-groupe de patients très âgés (≥80 ans, n=20), avec une toxicité et un contrôle de la maladie similaires (60% vs 45%) au reste de la population.

Une autre étude japonaise139 de patients non sélectionnés prenant de l’erlotinib, avec

une analyse stratifiée en groupes d’âge ( ≤75 ans, >75 ans, et ≥85 ans (n=148)) a montré une efficacité et une tolérance comparables aux données de la population générale, y compris pour les patients d’âge supérieur à 85 ans (survie sans progression médiane de 72 jours versus 65 jours chez les patients d’âge inférieur à 75 ans). La toxicité à type de pneumopathie interstitielle était identique entre les groupes d’âge.

Un essai clinique spécifique évaluant l’erlotinib dans une population âgée de plus de 75 ans, ayant déjà été traité antérieurement par chimiothérapie, a été réalisé 140. La survie sans progression médiane était de 5 mois (IC95% = 2,3-7,6 mois), et la survie globale médiane était de 12,2 mois (IC95% = 6,1-24,7 mois). Les effets secondaires les plus fréquents étaient les troubles cutanés, l’asthénie et l’anorexie. 32.5% des patients ont eu une réduction de dose. Les toxicités aigues étaient plus fréquentes que dans la population générale et les auteurs émettent l’hypothèse d’une modification des propriétés pharmacocinétiques avec l’âge, étant donné les résultats d’une étude pharmacocinétique monocentrique qui mettait en évidence une concentration moyenne d’erlotinib 1,5 fois plus importante chez les patients de plus de 75 ans et doublée chez les plus de 80 ans.

b. Gefitinib

Dans une étude observationnelle de 55 patients de plus de 75 ans traités par gefitinib en première ligne et présentant une mutation EGFR, Tateishi et al. 141, ont montré un taux de réponse de 72% et une PFS et une OS médiane de 13,8 et 29,1 mois, respectivement, avec une toxicité similaire à la population plus jeune.

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L’étude INVITE 142 , cohorte de patients âgés non sélectionnés ( âge ≥70 ans, n=196)

comparant le gefitinib avec une chimiothérapie par vinorelbine, a montré une survie globale, une survie sans progression et un taux de réponse comparable, avec une meilleur tolérance du gefitinib. Une autre étude rétrospective143 chez 62 patients de plus de 75 ans, a montré une survie sans progression de 13mois et une survie globale médiane de 19 mois.

c. Afatinib

Les données concernant l’afatinib, TKI de seconde génération, sont issues d’analyses en sous-groupe (chez les plus de 65 ans) des essais randomisés contre chimiothérapie, avec des résultats comparables à la population plus jeune en termes d’efficacité144. Aucune étude

spécifique pour la population âgée n’a été publiée, un essai clinique de phase IV chez les plus de 70 ans est actuellement en cours.

2.

Cancer du rein

a. Inhibiteurs de tyrosine kinase multicibles (TKI)

Des analyses en sous-groupes chez des patients >70 ans sont disponibles dans des essais cliniques pour le sunitinib et le sorafenib, 2 traitements angiogéniques approuvés dans le cancer du rein. D’après une méta-analyse portant sur 6 essais cliniques comparant l’efficacité et la tolérance du sunitinib de patients âgés de >70 ans (n=202) et de <70 ans (n=857), l’efficacité était identique dans les 2 populations. Concernant les effets secondaires, certaines toxicités étaient plus fréquentes dans la population âgée, tels que la fatigue (69% vs 60%), la toux (29% vs 20%), les œdèmes périphériques (27% vs 17%), l'anémie (25% vs 18%) ou la perte d’appétit (29% vs 13%). Les patients présentaient plus d’effets secondaires de grade 3145.

Les résultats sont identiques avec des données de vraie vie. Brunello et al.146, ont analysé 68 patients d’âge médian 74 ans (70-88), traités par sunitinib dans six centres italiens. La moitié des patients avaient eu une évaluation oncogériatrique (CGA) : 13 patients étaient considérés comme « en forme », 14 comme « vulnérables » et 7 comme « fragiles. Aucune corrélation n’était démontrée entre la fragilité évaluée par les test oncogériatriques et la survenue d’effets secondaires graves. Une réduction de dose ou un schéma adapté ( 2

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semaines de traitements pour une semaine de pause) semblaient intéressants en terme de réduction de toxicité avec une efficacité conservée dans la population agée147.

Les données concernant le sorafenib sont aussi issues d’analyse en sous-groupe. Dans un essai rétrospectif148, les patients âgés de >70 ans présentaient plus d’effets secondaires de grade 3. (45,7% versus 36,7%). En dépit d’une réduction de dose plus importante dans le groupe des patients âgés (21,4% versus 11,3%), l’efficacité était similaire avec une survie sans progression médiane de 26,3 versus 23,9 semaines, respectivement.

Concernant le pazopanib, autre ITK, les essais cliniques publiés impliquaient 33% de patients de plus de 65ans, et 6% de sujets de plus de 75 ans. Aucune différence significative n’était observée chez ces patients en terme d’efficacité ou tolérance149.

b. Inhibiteurs de m TOR

L’évérolimus est un inhibiteur de m-TOR (mammalian target of rapamycine) utilisé en seconde ligne dans le cancer du rein métastatique. Dans une analyse de sous-groupe de patients âgés (>70ans), Porta et al.150, ont rapporté une augmentation similaire de l’efficacité à

la population plus jeune comparé à un placebo (5,1 versus 1,9 mois, HR : 0,19; IC95%, 0,09- 0,37; p < 0,001). Les toxicités étaient similaires à celle de la population plus jeune, notamment en termes de dyslipidémie et d’intolérance au glucose.

3.

Leucémie myéloïde chronique et GIST

Deux études ont rapporté l’efficacité de l’imatinib dans la leucémie myéloïde chronique dans une population âgée ( >60 ans et >65 ans), avec des taux de réponse au traitement et de survie similaires à ceux des patients plus jeunes151,152. De plus, les patients âgés (>65ans) traités par imatinib ont montré des taux de réponse cytogénétiques et moléculaires similaires aux patients plus jeunes, mais aux dépens d’une plus grande toxicité , entrainant des réductions de dose et des arrêts plus fréquents153,154.

L’imatinib est aussi utilisé dans le traitement des GIST (tumeurs stromales gastro intestinales). Une étude, publiée en 2013, s’est intéressé à son utilisation chez 44 patients de plus de 75 ans. L’âge médian était de 78 ans (75-86). 82% des patients ont eu un effet secondaire, la plupart de grade 1 et 2. Une réduction de dose a eu lieu dans 45% des cas, et était significativement plus fréquente chez les patients ayant un score OMS >2 (33,5 versus

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8,5 %, p = 0,04.). 18% des patients ont eu une interruption de traitement pour intolérance. Un score OMS <2 était le seul facteur pré thérapeutique associé à une meilleur survie globale. Aucune corrélation n’a été démontrée entre comorbidités, tolérance ou devenir. La concentration plasmatique résiduelle était augmentée avec l’âge155.

4.

Importance des données de vie réelle

La plupart des données disponibles concernant les thérapies ciblées dans la population âgée sont donc issus des essais cliniques, ou les patients sont souvent très sélectionnés et ne reflètent pas la population âgée générale. Ainsi, les données de « vraie vie » où les études sur des patients non sélectionnés ont parfois mis en évidence des effets secondaires plus importants du fait de certaines comorbidités plus fréquentes dans la population âgée. Ainsi, Kozloff et al156ont montré que les antécédents artériels, la prise d’antihypertenseur ou d’un traitement anticoagulant et le statut OMS étaient des facteurs de risque d’évènements thromboemboliques artériels sous bevacizumab. De la même façon, l’âge et les comorbidités cardiovasculaires étaient associés avec la cardiotoxicité du sunitinib ou du sorafenib chez les patients âgés traités pour cancer du rein157.

De plus, les mêmes effets secondaires n’ont pas forcément les mêmes conséquences chez les patients les plus âgés. Ainsi, une diarrhée de grade 2, avec 5 selles par jour peut diminuer la mobilité et l’état général d’une personne âgée, alors qu’elle a moins de conséquence chez un sujet jeune.

Il est donc important dans ces populations âgées, de considérer, plus que la sévérité (donc le grade selon la classification actuelle CTC-AE), le retentissement général sur la qualité de vie du patient.

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IV.

Mélanome et sujet âgé

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