• Aucun résultat trouvé

69 La problématique du temps de l’homme dans la Bible est d’une complexité rare. En effet, il n’existe pas une seule conception biblique du temps, mais bien plusieurs. Cependant, on ne peut ignorer l’une d’entre elles, car toutes concourent à la prise de contact de l’atmosphère dans laquelle Israël a vécu ses relations avec Dieu. Pour l’homme biblique justement, la conception qu’il a du temps explique le processus de la formation de sa foi et la ténacité de son espérance.149 A propos du Psaume 90, la question du temps de l’homme s’exprime à travers la récurrence des indications temporelles que le psalmiste utilise dans ce poème. Celles-ci se superposent et s’emboîtent les unes sur les autres de telle manière qu’on ne pourrait décortiquer le message du Psaume qu’en les déliant les unes après les autres. Aussi, l’objectif de cette première partie de notre étude sera de repérer d’abord les différentes indications temporelles présentes dans le Psaume 90. Ensuite, d’étudier les multiples rapports mutuels qu’elles entretiennent entre elles, et enfin de dégager sa conception particulière et leurs implications pour l’homme par rapport à sa foi en Dieu.

Eu égard à ce qui vient d’être dit, la première partie de notre étude comportera trois chapitres. En effet, si le premier se penche sur les problèmes de critique textuelle, le deuxième chapitre pourra déterminer alors la question de la structure du texte, et le troisième enfin, à travers le défilement des versets et l’analyse de toutes les indications et expressions temporelles, dégagera le sens et le message du Psaume 90.

149

70 1. Les données textuelles et critiques.

a. Introduction.

L’étude du Psaume 90 que nous nous proposons de faire, se fonde sur le texte hébreu massorétique.150 Cette version pourtant, loin d’être facile à lire et à interpréter, génèrent d’énormes discussions auprès des interprètes à cause de ses nombreuses altérations.151 Cependant sans chercher à mélanger les conjectures, ni de recourir aux leçons de l’une pour comprendre l’autre, notre critique textuelle dans cette première partie de l’étude, cherchera d’une part à démontrer que les deux versions, avec leurs leçons originales, s’éloignent considérablement l’une de l’autre.152

Toutefois, il ne sera nullement question dans cette critique textuelle de déduire dans le détail les particularités de la technique de traduction de la LXX adoptée par le traducteur alexandrin,153 ni à montrer comment il a rendu l’ensemble des mots et des phénomènes syntaxiques, encore moins, à faire ressortir systématiquement son travail d’interprétation. La traduction de la LXX du Psaume 90, en marge de cette étude, aura pour objectif de cibler uniquement les écarts majeurs qui affectent les deux versions, dans le but de faire ressortir leur profil spécifique, et l’orientation que suggère leur interprétation différente du même texte.

150

R. KITTEL, Biblia Hebraica Stuttgartensia.

151

J. SCHNOCKS, « Ehe die Berge », p. 163, résume mieux les difficultés textuelles que pose le texte du Psaume 90 : « Ps 90 ist in mancher Hinsicht ein ungewöhnlicher Psalm, dessen Auslegung große Schwierigkeiten bereitet. Es fällt nicht immer leicht, in seiner Zusammenstellung ungewöhnlicher Sprachbilder die innere Logik zu entdecken. So stellen sich schon der Übersetzung Hindernisse bei der Bestimmung der Wortbedeutungen, Verbformen und Satzstrukturen in den Weg. Man hat daher seit dem Altertum bis in jüngste Zeit immer wieder erfolglos versucht, vermeintliche Überlieferungsfehler im hebräischen Text rückgängig zu machen und so einen ursprünglichen Psalm wiederherzustellen». Voir aussi J. SCHNOCKS, Vergänglichkeit und Gottesherrschaft, pp. 22-35.

152

A ce sujet, on peut lire pour une orientation générale E. ZENGER (éd), Der Septuagint-Psalter.

Sprachliche und theologische Aspekte; R. J. V. HIEBERT/ J.C. COX/P.J. GENTRY (éd), The Old Greek

Psalter Studies in Honour of Albert Pietersma; cf., pour l’analyse d’un psaume particulier, E. BONS, « Le Psaume 7 dans la version de la Septante », pp. 512-518.

153

A. SCHENKER, « Les initiatives de la Septante et de l’édition protomassorétique à la fin du 3e ou au 2e siècle », pp. 112-130, spéc. p. 113s, fixe quelques règles à suivre pour des études comparatives entre les deux versions : « Si on veut comparer le TM et la LXX, il est indispensable de distinguer entre la traduction grecque et le texte hébreu qui lui a servi de base (Vorlage). Qu’est-ce qui relève du travail du traducteur et qu’est ce qui vient de sa Vorlage ? Tout ce qui doit être attribué au traducteur est secondaire du point de vue de l’histoire du texte. En revanche ce qui vient de son modèle hébreu peut-être originel. En général, la Vorlage hébraïque du Psautier correspond au TM. Mais il y a des endroits où ils diffèrent. Ils soulèvent la question du rapport des deux formes textuelles. La Vorlage de la LXX dépend-t-elle du TM ou est-ce le contraire ? Ou sont-elles mêmes indépendantes l’une de

l’autre suivant chacune sa propre voie parce qu’elles ont toutes les deux remplacé une forme plus ancienne aujourd’hui disparue »?

71 D’autre part, notre critique textuelle aura pour objectif de démontrer que, malgré les prétendues altérations du texte hébreu massorétique, le sens des mots utilisés dans le texte hébreu massorétique, n’occulte nullement le message que le psalmiste cherche à transmettre. Par conséquent, nous nous proposons de comprendre le texte hébreu massorétique, avec ses prétendues leçons défectueuses, à partir des mots parallèles qu’il contient dans le contexte de la Bible hébraïque, et à les expliquer à partir de la grammaire et de la syntaxe hébraïque. Un tel choix légitime le texte hébreu massorétique du Psaume 90 comme un témoin privilégié d’une époque et d’une tradition textuelle capable de communiquer un message original.

b. Le texte hébreu du Psaume 90 et sa traduction opératoire :

La traduction opératoire suivante est le résultat des recherches conduites dans le présent chapitre. A cet effet, les notes exégétiques qui suivront dans ces pages révélèront entre autres le profil du texte retenu.

1. ~yhiîl{ña/h'-vyai( hv,çmol. éhL'piT. WnL'ª t'yyIïh' hT'a;â !A[åm' yn"©doa] `rdo*w" rdoæB.

Supplication de Moïse, l’homme de Dieu, Seigneur, un lieu de refuge tu as été pour nous de génération en génération

2. WdL'ªyU ~yrIÜh'« ~r<j,ÛB. lbe_tew> #r<a,ä lle(AxåT.w: `lae( hT'îa; ~l'ªA[÷-d[; ~l'îA[meW¥

Avant que les montagnes soient enfantées, et que tu aies mis au monde la terre et le monde, et que d’éternité jusqu'à l’éternité, tu [es] Dieu.

3. aK'_D:-d[; vAna/â bveäT' `~d"(a'-ynEb. WbWvå rm,aToªw:÷

Tu fais revenir le mortel jusqu’à l’émiettement et tu dis, revenez, fils de l’homme.

4. ^yn<©y[eB.( ~ynI³v' @l,a,ç yKiÛ rbo=[]y: yKiä lAmt.a,â ~AyæK. `hl'y>L")b; hr"îWmv.a;w>

Car mille années devant tes yeux,

[sont] comme le jour d’hier, une fois emporté Et [comme] une veille dans la nuit.

5. hn"åve ~T'm.r:z>â `@l{*x]y: ryciîx'K, rq,BoªB;÷ Wy=h.yI

Tu les submerges de sommeil,

ils sont au matin, comme l’herbe [qui] passe.

6. @l"+x'w> #yciäy" rq,BoB;â `vbe(y"w> lleîAmy> br<[,ªl'÷

Au matin, elle brille et elle passe Au soir, elle se fane, et elle sèche.

7. ^P<+a;b. Wnyliîk'-yKi( `Wnl.h'(b.nI ^ït.m'x]b;W¥

Car nous avons été consumés dans ta colère Et par ta fureur, nous avons été terrifiés.

72 8. ^D<+g>n<l. WnyteänOwO[] ÎhT'äv;Ð T'v

`^yn<)P' rAaðm.li Wnmeªlu[]÷;

Tu as placés nos iniquités devant toi,

nos fautes cachées, [sont placées] devant la lumière de ta face.

9. ^t<+r"b.[,b. WnæP' Wnymey"â-lk' yKiä `hg<h<)-Amk. WnynEåv' WnyLiÞKi

Oui tous nos jours ont décliné sous ton emportement, Nous avons consumé nos années comme un murmure.

10. hn"³v' ~y[içb.vi ~h,îb' Wnyte’Anv.-yme(y> hn"©v' ~ynIÜAm«v. tro’Wbg>Bi ~aiÛw>

!w<a"+w" lm'ä[' ~B'h.r"w>â `hp'[u(N"w: vyxi÷ª zg"ï-yKi

Les jours de nos années, [sont] soixante dix-années, et si la vigueur y est, quatre-vingts années,

et leur agitation [est] peine et malheur, qui passe vite et nous nous envolons.

11. ^P<+a; z[oå [:dEAyâ-ymi( `^t<)r"b.[, ^ªt.a'r>yIk.W÷

Qui connait la force de ta colère ?

Et [qui] expérimente la violence de ton emportement ?

12. [d:_Ah !KEå Wnymey"â tAnæm.li `hm'(k.x' bb;äl. abiªn"w>÷

Pour bien compter nos jours, enseigne-[nous], et nous obtiendrons un cœur de sagesse.

13. yt'_m'-d[; hw"hy>â hb'äWv `^yd<(b'[]-l[; ~xeªN"hiw>÷

Reviens Seigneur, jusqu’à quand ? Repens-toi en faveur de tes serviteurs.

14. ^D<+s.x; rq,Boåb; Wn[eäB.f; `Wnyme(y"-lk'B. hx'ªm.f.nIw>÷ hn"ïN>r:n>W¥

Rassasie-nous au matin de ta bonté,

et nous crierons et nous nous réjouirons pendant tous nos jours.

15. Wnt'_yNI[i tAmåyKi WnxeM.f;â `h['(r" Wnyaiîr" tAn©v.÷

Fais nous réjouir autant des jours que tu nous as châtiés, [autant] d’années que nous avons vu le malheur.

16. ^l<+[\p' ^yd<äb'[]-la, ha,är"yE `~h,(ynEB.-l[; ^ªr>d"h]w:÷

Que se manifestent sur tes serviteurs, ton œuvre, Et ta splendeur sur leurs enfants.

17. Wnyleî['ñ Wnyheªl{a/ yn"ïdoa] ~[;nOÝ yhiÛywI Wnyle_[' hn"ïn>AK WnydEy"â hfeä[]m;W

`WhnE)n>AK WnydEªy"÷ hfeî[]m;W¥

Que soit la faveur du Seigneur notre Dieu sur nous, et le travail de nos mains, affermis sur nous

[Oui] le travail de nos mains, affermis-le.

c. Commentaire critique du texte hébreu.

v. 1

hvml hlpt

.

La présence du lamed dans la prescription du Psaume 90 rappelle les nombreuses occurrences de cette préposition dans d’autres Psaumes. Cependant l’interprétation que l’on en fait est parfois sujette à de nombreuses discussions.154

En effet, on l’a souvent interprété dans le même sens que la forme

dwdl

se trouvant à la tête de certains psaumes,155 reproduisant ainsi la même ambiguïté que ce que l’on en dit

154 La question de l’interprétation du lamed a fait l’objet d’un débat qui est loin d’être clos. Voir

H. CAZELLES, « Le lamed auctoris », pp. 93-101; L. MONLOUBOU, Les Psaumes et les autres écrits, p.

26. Voir aussi l’état de la question dans M. KLEER, Der liebliche Sänger der Psalmen Israels, p. 108.

155

La valeur primitive de la notice dwdl apparaît 73 fois dans les titres du Psautier hébreu massorétique. Dans la LXX de RAHLFS, le lamed est rendu le plus souvent par tw/| Dauid, mais quelque fois par tou/ Dauid. Cette variation pourrait refléter l’effort de la tradition interprétative pour

73 pour cette forme. Dans ce sens, le lamed hébreu se comprendrait comme une indication du nom de l’auteur présumé.156 Mais l’on peut trouver aussi d’autres

interprétations où le lamed se comprend : soit en rapport avec la collection dans laquelle se trouvent les Psaumes,157 soit en rapport avec les exécutants, ou les chanteurs (cf. les prières d’Asaph ou celles des Fils de Coré).158

Toutefois, la traduction de ce lamed par un génitif grec, ou par un complément d’attribution, ne doit pas faire penser ici à une indication d’auteur, mais plutôt doit être considérée comme une allusion ou une référence au personnage de Moïse, que le Psaume 90 à plusieurs endroits met en exergue. Dans ce sens, il s’interprète à la lumière de Dt 31, 19. 30; 32, 1 d’une part où Moïse est présenté comme auteur ou chantre, et d’autre part, avec le titre de

~yhlah-vya

présent en Dt 33, 1 et Jos 14, 6.

v. 1b.

!w[m

ynda

.

Le mot

!w[m

revient fréquemment dans la Bible hébraïque, cependant toutes ses occurrences ne se prêtent nullement à la même acception. En effet,

!w[m

apparaît, par exemple en Jos 5, 55 pour désigner le nom d’une ville. Dans 1 S 23, 24-25; Jér 31, 33, il indique le désert. Dans Jb 37, 8; 38, 40; Ps 104, 22; Ct 4, 8; Am 3, 4; Jr 9, 10; 10, 22; Na 2, 12, il est question d’un repaire des animaux, et dans 1 S 2, 29. 32; Ps 26, 8, il fait référence au lieu saint ou la demeure de Dieu. Avec tous ces sens, on ne peut nier le fait que la leçon du TM soit parfois considérée comme une lectio difficilior. Dans cette version en effet, le substantif

!w[m

n’apparaît pas comme un qualificatif du nom de Dieu. C’est sans doute pour cette raison que certains auteurs ont privilégié la leçon

zw[m

« forteresse » de la LXX, qui semble être plus apte à

distinguer les psaumes censés avoir été composés par David (tou/ Dauid) et ceux qui peuvent être mis en relation avec la geste davidique (tw/| Dauid), au sens de se rapportant à David. Voir à ce sujet aussi G. DORIVAL, A propos de quelques titres des Psaumes de la Septante dans le Psautier chez les

Pères, pp. 21-36; J. L. VESCO, « Le Psaume 18, lecture davidique », pp. 5-62; J. M. AUWERS, « Le David des Psaumes et les Psaumes de David », pp. 187-224.

156

A ce sujet, le colophon du Ps 72, qui annonce la fin des prières de David ou même l’ajout de notices historiques évoquant des épisodes précis de la vie de David, démontre à coup sûr l’interprétation qu’on en faisait à une certaine époque.

157

E. G. BRIGGS, A critical and exegetical commentary on the Book of Psalms.

158

On note une nuance de J. M. AUWERS, La composition littéraire du Psautier, p. 27« Parler ici des psaumes de David, de psaumes des fils de Coré, et de psaumes d’Asaf ne préjuge pas de la portée exacte du lamed de titulature. Le fait est que, quelle que soit la valeur primitive de ce lamed, il a fini par être compris comme désignant le nom de l’auteur présumé ».

74 éclairer le sens qu’il comporte dans le Psaume.159 D’autres ont même tenté de mettre

en avant le sens du substantif à partir de ses multiples racines.160

Toutefois, il apparaît avec évidence que l’attestation de

!w[m

dans ce texte hébreu massorétique du Psaume 90 ne souffre d’aucune ambiguité. En effet, dans ce verset, le substantif masculin

!w[m

est apposé à

ynda

. Aussi, le substantif

zw[m

s’interprète comme une épithète du nom de Dieu. Il relève même l’importance du nom de

ynda

. Le mot

!w[m

précise la fonction de Dieu auprès de son peuple. Aussi on ne peut pas seulement lire

!w[m

comme une métaphore, mais aussi comme une dénomination divine. Il est celui qui assure la protection à son peuple.161 Dès lors, on peut l’inter- préter à la lumière de Dt 33, 27 :

txtmw ~dq yhla hn[m

: « Le Dieu des temps antiques est un refuge », où Dieu est présenté comme celui qui vient au secours de son peuple en temps d’épreuve ou en temps de détresse. Ainsi, s’éclaire le sens de son rattachement à Dt 33, 27 : Dieu est le refuge du peuple, « de génération en génération ». D’après cette interprétation, on peut dire que l’attestation de

!A[åm'

dans ce verset met en évidence l’idée d’une intervention de Dieu auprès de son peuple, en cas de souffrance. On retrouve la même signification du substantif

!w[m

dans Ps 71, 3; 91, 9.162

159

La proposition de lire

zw[m

à la place de

!w[m

a été suggérée entre autres par J. CALES, Le livre

des Psaumes, 150. Voir la discussion autour de cette hypothèse dans D. BARTHELEMY, Critique textuelle. Psaumes IV, p. 636. Voir aussi à ce sujet K. SEYBOLD, « Zu den Zeitvorstellungen in Psalm 90 », p. 108, qui propose la correction

wnl

(

hta

)

twyta !y[m

« Quelle des Kommenden (bist du) für uns ».

160

Voir H. D. PREUSS,

!w[m

, pp. 449-452. On peut aussi trouver d’autres références liées à

l’étymologie du mot. Voir aussi S. D. GOITEIN, « Maon-A Reminder of Sin », pp. 52-53.

161

H. D. PREUSS,

!w[m

, p. 452.

162

Voir M. DAHOOD, Psalms, II, pp. 172. 322; L. KOPF, « Arabische Etymologien und Parallelen zum Bibel-Wörterbuch », p. 187; M. TATE, Psalms, p. 432; H. P. MÜLLER, « Der 90. Psalm : Ein Paradigma exegetischer Aufgaben », p. 269.

75 v. 1c .

rdw rdb

.

Littéralement, l’expression

rdw rdb

se lirait comme : « de génération et géné- ration » La formule répétitive occasionnée par la conjonction

ow

exprime une idée apparentée au pluriel. Elle met en avant le sens d’une succession qui se prolonge dans le temps.163 Dans ce sens l’expression « de génération en génération » pourrait s’entendre comme « chaque génération, ou pendant de long siècles, ou encore pour toujours ».164

v. 2b.

lbtw #ra llwxtw

.

Le verbe

lyx

(ou

lwx

) qui signifie au qal « tournoyer », « se tordre de douleur », ou « danser », s’emploie en des divers sens dans le texte hébreu massorétique. Le contexte d’usage du verbe

lyx

est celui précisément d’un travail d’accouchement, comme on le voit dans Is 45, 10; 51, 2; Dt 32, 18 : avec le sens de « enfanter dans la douleur », ou « se tordre dans les douleurs de l’enfantement ». La présence d’une telle forme rattachée à Dieu dans le texte hébreu a suscité dans l’exégèse du Psaume 90 de vives discussions.165 C’est sans doute pour cette raison que certains manuscrits ont porté des modifications, en considérant le substantif

#ra

comme le sujet du verbe

llwxtw

.166 Néanmoins, il faudrait reconnaître que l’attestation du verbe

163

P. JOÜON, Grammaire de l’hébreu biblique, §. 135 d.

164

E. J. KISSANE, Psalms, p. 422.

165

On peut lire le résumé que fait D. BARTHELEMY, Critique textuelle. Psaumes IV, p. 636. Il note à ce sujet que « la correction a été demandée par DYSERINCK et BH2. Elle est suggérée par BH3 et BHS. Par ailleurs, la Bible de Halle et GINSBURG ne signalent aucun manuscrit offrant la vocalisation ll;AxT.w. Mais BH3 la mentionne en Ba. En éditant le texte de ce manuscrit (Massoretischer Text 89), KAHLE, notant la présence à la fois d’un séré et d’un patah entre les deux ‘lamed’, se demandait lequel corrigeait l’autre. Puis (60), dans son commentaire, il attribuait le séré à la 1e

main et voyait dans le

patah une surcharge. L’apparence du manuscrit confirme cela : il n’y a aucun grattage, mais, le signe

du patah babylonien étant beaucoup plus visible que celui du séré, on aurait dû sûrement gratter le

patah si on avait voulu le remplacer par le séré. On comprend donc que BHS ait renoncé à faire appel à cet argument qui ne peut se fonder que sur la 2e main de ce manuscrit. D’ailleurs, le seul autre ms babylonien connu pour ce psaume (London BL Or 2373) édité par KAHLE en Massoreten des Ostens 54) porte bien un séré. Sur ce mot, les mss A et F placent une mp le signalant comme hapax. Cela ne suffirait pas pour exclure une graphie avec patah, celle-ci n’étant pas attestée dans la Bible. Mais c’est un appel à l’attention du copiste ». Cet auteur ajoute D. BARTHELEMY, Critique textuelle. Psaumes IV, p. 636 : « c’est de peur de rabaisser le Dieu d’Israël au niveau d’une force de la nature que beaucoup d’exégètes et de traducteurs, inconscients de l’évolution métaphorique de ce verbe, ont remplacé ce

polel par un polal».

166

D. BARTHELEMY, Critique textuelle. Psaumes IV, p. 637, rejette cette proposition : « Faire de ce verbe un inaccompli féminin de la 3ème personne avec la terre pour sujet, se heurterait à une difficulté.

76

lyx

au po., à la deuxième personne du masculin singulier a ici Dieu comme sujet. Il faut y voir comme en Dt 32, 18b,167 un emploi métaphorique de ce verbe au sens de « créer » ou de « produire ». A cet effet d’ailleurs, l’emploi du verbe

lyx

dans Dt 32, 18b :

$llxm la xkvtw yvt $dly rwc

: « Le Rocher qui t'a engendré, tu l'as négligé; tu as oublié le Dieu qui t'a mis au monde », reflète comme ici, avec la présence du tandem

lyx

et

dly

, l’idée de la création comme une action de Dieu.168 Les substantifs

lbt

et

#ra

, sont à lire ici comme un hendiadys.169 (voir aussi Na 1, 5).

v. 3a.

akd-d[ vwna bvt

.

Le substantif masculin

akd

souvent rendu par « poussière » ou « poudre », est un hapax legomenon dans le texte hébreu massorétique. Le sens qu’il renferme dans ce verset, découle de la racine verbale

akd

, qui veut dire « écrasement ».170 Ainsi, l’allusion explicite que le psalmiste fait en recourant à une idée évoquée en Gn 3, 19 ou encore en Jb 4, 19; où l’être humain,

vwna

est considéré comme un être de poussière, est sans doute possible. Dans ce sens, le substantif

akd

se comprendrait dès lors comme le synonyme de

rp[

, traduit souvent par le terme « poussière ».171 Toutefois, l’allusion à Gn 3, 19 pour comprendre le sens de ce substantif ici ne doit nullement faire penser au retour à la poussière, de laquelle l’homme a été tiré, mais plutôt est une allusion à la violence, sinon à la brutalité avec laquelle la vie de l’homme, considérée comme une matière, se brise172 par l’action de Dieu. Ici, le

psalmiste met en exergue l’action de Dieu sur la vie de l’homme. Avec les deux