• Aucun résultat trouvé

Un examen de régularité simplement influencé par des conditions procédurales

régularité d’un acte juridique

Section 2 Un examen de régularité simplement influencé par des conditions procédurales

159. L’examen de régularité auquel procèdent les juges constitutionnel et administratif

français est simplement influencé par des conditions procédurales. Cette simple influence ne revêt pas la même signification pour les conditions procédurales dont dépend l’existence de l’examen de régularité que pour celles dont dépend sa teneur. Les premières, qui influent « quantitativement » sur la mesure dans laquelle les juges constitutionnel et administratif français peuvent remplir leur mission de garant de la hiérarchie des normes, sont celles qui sont susceptibles d’empêcher l’examen de régularité de l’acte juridique-objet du contrôle. Tel est le cas du désistement, de l’incompétence, du non-lieu à statuer et de l’irrecevabilité. Les secondes sont, quant à elles, les conditions procédurales qui influent sur la qualité d’un tel examen. Quel que soit leur domaine d’influence, ces conditions procédurales sont toutes les deux favorables à l’examen de légalité des règlements auquel procède le juge administratif par rapport au contrôle de constitutionnalité des lois. Alors que les premières l’ouvrent davantage (§ 1), les secondes contribuent à le bonifier (§ 2).

§ 1 – Des conditions procédurales ouvrant davantage l’examen de légalité des règlements

160. L’examen de légalité des règlements est plus ouvert que celui de constitutionnalité des

lois. En effet, la stricte délimitation par les textes du mode d’introduction de la procédure en contentieux constitutionnel empêche davantage le juge constitutionnel de se prononcer sur la constitutionnalité d’une loi qu’il n’empêche le juge administratif de statuer sur la légalité d’un acte réglementaire (A). L’acceptation supérieure des « incidents de procédure » en contentieux administratif n’affecte pas cette tendance générale (B).

A – Une ouverture supérieure en raison du mode d’introduction de la procédure

161. Le recours pour excès de pouvoir dirigé contre les actes réglementaires est plus ouvert

que le contrôle de constitutionnalité des lois en raison du mode d’introduction de la procédure. Comme le soulignait déjà Hans Kelsen, « la question du mode d’introduction de la procédure devant le tribunal constitutionnel a une importance primordiale », car « c’est de sa

113

solution que dépend principalement la mesure dans laquelle le tribunal constitutionnel pourra remplir sa mission de garant de la Constitution »429.

162. Ce mode d’introduction d’une procédure devant une juridiction résulte du rapport

entre, d’une part, sa détermination par les textes attributifs de compétence, et, d’autre part, sa régulation par le juge lui-même. De la teneur de ce rapport dépend le degré d’ouverture de la procédure concernée et la mesure dans laquelle le juge pourra remplir sa mission de garant du principe de régularité. C’est précisément ce qui différencie les juges constitutionnel et administratif français. Si le mode d’introduction du recours pour excès de pouvoir dirigé contre les actes réglementaires est ouvert et fait l’objet d’une véritable régulation par le juge administratif, celui du contrôle de constitutionnalité des lois est fermé et strictement délimité par la Constitution. Une telle différence se vérifie tant s’agissant de la compétence du juge (1), que de la recevabilité de la demande (2).

1 – La compétence du juge

163. La compétence du juge a une signification particulière dans le cadre de la théorie

réaliste de l’interprétation au sens strict que vise à compléter la théorie des contraintes juridiques dans le cadre de laquelle nous avons choisi de nous situer. En effet, dans la mesure où elle est attribuée à la juridiction par un texte indéterminé, elle participe à l’extension du pouvoir du juge, en ce que c’est lui qui détermine la norme qui fonde sa compétence430. « Ensemble des affaires dont cette juridiction a vocation à connaître »431, la compétence du juge fait l’objet d’une véritable régulation de la part du juge administratif, alors même qu’elle est strictement délimitée par la Constitution pour le juge constitutionnel.

164. S’étant fondé sur la mention faite par l’article 3 de la loi des 7-14 octobre 1790 aux

« réclamations d’incompétence à l’égard des corps administratifs » pour sortir le recours pour excès de pouvoir dirigé contre les actes réglementaires des limbes de l’histoire432, le juge

429 KELSEN (H.), « La garantie juridictionnelle de la Constitution (La Justice constitutionnelle) »,

R.D.P., 1928, pp. 197-257 (p. 245).

430 Voir, notamment, TROPER (M.), « Interprétation », in ALLAND (D.), RIALS (S.), Dictionnaire de la

culture juridique, Lamy-P.U.F., 2003, pp. 843-847 (p. 846) ; TROPER (M.), « Réplique à Otto

Pfersmann », R.F.D.C., 2002, pp. 335-353 (p. 337) : « au nombre des normes ainsi créées par les interprètes figurent celles qui fondent leurs compétences. Ils sont donc maîtres de leur propres compétences ».

431 CORNU (G.) (dir.), Vocabulaire juridique, 12e éd., P.U.F., 2017, p. 213.

432 C.E., 22 mars 1833, Dailly et cons. c. la direction des postes, Rec. p. 174. Voir supra, Introduction, II, B.

114

administratif a progressivement étendu sa compétence à l’ensemble des actes de portée générale de l’administration. Si cette compétence connaît un certain nombre de restrictions lorsque l’acte attaqué ne présente pas un caractère administratif, celles-ci n’ont pas réellement d’impact sur la justiciabilité des actes réglementaires.

165. Déjà, il convient de souligner qu’un tel impact est nul lorsque de telles restrictions

découlent du caractère « privé » ou « non détachable de l’exercice des fonctions juridictionnelles » de l’acte attaqué. De tels actes sont, en effet, dépourvus de caractère général et impersonnel. Inversement, la généralité d’un acte entraîne quasiment systématiquement sa qualification d’acte administratif, qu’il soit édicté par une personne publique433, ou par une personne privée chargée d’une mission de service public, que celui-ci soit administratif434, ou industriel et commercial435.

166. Aussi et surtout, les restrictions à la compétence du juge administratif n’ont pas

réellement d’impact en matière réglementaire lorsqu’elles résultent du caractère « législatif » ou « gouvernemental » de l’acte contesté. À propos des premiers, la question des restrictions qu’une telle théorie apporte à la compétence du juge administratif est sans véritable importance en termes de garantie du principe de régularité, dans la mesure où ces actes sont, dans certaines conditions, « justiciables » devant le Conseil constitutionnel. S’agissant des seconds, de manière générale, le recours pour excès de pouvoir dirigé contre les actes réglementaires est ouvert « sans que les restrictions liées à la théorie des actes de 433 Voir, notamment, C.E., 6 mai 2009, M. Voisin, Rec. Tables pp. 663, 666, 967 et 972 : « Considérant, d'autre part, que les dispositions relatives à l'organisation spéciale de sécurité sociale dont relèvent certains agents de la RATP et aux modalités selon lesquelles les prestations d'assurance maladie leur sont servies revêtent un caractère réglementaire ; que, par suite, la juridiction administrative est compétente pour apprécier la légalité des chapitres 1, 2 et 4 d e l'accord-cadre et du protocole d'accord litigieux relatifs à la structure du régime spécial, qui n'en sont pas détachables, et de la décision implicite du président-directeur général de la RATP refusant de les dénoncer ».

434 Voir, notamment, C.E., Ass., 31 juillet 1942, Monpeurt, Rec. p. 239 ; C.E., Sect., 13 janvier 1961,

Sieur Magnier, Rec. p. 32 ; T.C., 22 avril 1974, Directeur régional de la sécurité sociale d’Orléans c/ Sieur Blanchet, Rec. p. 791 ; C.E., Sect., 22 novembre 1974, Fédération des industries françaises d’articles de sport, Rec. p. 576.

435 Dans l’arrêt Compagnie Air France c/ époux Barbier, le Tribunal des conflits avait considéré que le règlement établi par la Compagnie nationale Air-France pour fixer les conditions de travail du personnel navigant commercial comportait, notamment, « des dispositions qui apparaissent comme des éléments de l’organisation du service public exploité », qui « confèr[ai]ent audit acte dans son intégralité un caractère administratif et rend[ai]ent les juridictions administratives compétentes pour apprécier sa légalité » (T.C., 15 janvier 1968, Compagnie Air France c/ époux Barbier, Rec. p. 789 (p. 790)). Néanmoins, certains actes de portée générale pris par des personnes privées gérant un service public ind ustriel et commercial ne sont pas qualifiés d’actes administratifs et échappent à la compétence du juge administratif. Par exemple, tel est le cas des règlements établis par la Société nationale des chemins de fer français, pour déterminer les modalités du régime de retraite de son personnel, qui « sont étrangers à l’acte de concession et aux mesures prises pour l’application de celui-ci et n’apparaissent pas comme des éléments de l’organisation du service public concédé » (T.C., 12 juin 1961, Sieur Rolland c/ S.N.C.F.,

115

gouvernement n’aient réellement d’impact en la matière »436. Cependant, un certain nombre d’actes échappant à la compétence du juge administratif, qu’ils soient relatifs aux rapports entre les pouvoirs publics constitutionnels ou à la conduite des relations internationales de la France, seraient des actes réglementaires si le juge administratif admettait sa compétence pour en connaître437. D’ailleurs, l’évolution de la jurisprudence du Conseil d’État en matière d’actes législatifs témoigne du fait que certains actes, initialement « injusticiables » du fait de leur caractère législatif, furent requalifiés d’actes administratifs réglementaires susceptibles de recours438.

167. Le constat est inverse pour le juge constitutionnel. Disposant assurément d’une marge

d’appréciation dans la régulation de sa compétence, le Conseil constitutionnel voit, depuis 1958, ses attributions strictement limitées par la Constitution, qui est ainsi à l’origine d’une stricte compétence d’attribution. Comme il le rappelle lui-même, la compétence du Conseil constitutionnel est strictement délimitée par la Constitution. Elle n'est susceptible d'être précisée et complétée par voie de loi organique que dans le respect des principes posés par le texte constitutionnel. Le Conseil constitutionnel ne saurait être appelé à se prononcer dans d'autres cas que ceux qui sont expressément prévus par la Constitution ou la loi organique439. Ces cas concernent les demandes tendant à la déclaration d’inconstitutionnalité des « textes de formes législatives » (article 37, alinéa 2 de la Constitution), d’une « proposition ou un 436 ZILLER (J.), « Le contrôle du pouvoir réglementaire en Europe », A.J.D.A., 1999, pp. 635-644 (p. 640).

437 Bien que « tant que la jurisprudence ne s’est pas prononcée, il est souvent hasardeux d’affirmer qu’un acte a ou n’a pas une nature réglementaire » (ODENT (R.), Contentieux administratif, t. 1, Dalloz, 2007, p. 251), tel serait probablement le cas, par exemple, d’un décret par lequel le Président de la République prononce la dissolution de l’Assemblée Nationale (C.E., 20 février 1989, Allain c/ Président de la

République, Rec. p. 60), du décret relatif aux forcés aériennes stratégiques ( C.E., 8 décembre 1995, Lavaurs et Association pour le désarmement nucléaire, Rec. p. 433), ainsi que de la décision d’engager

des forces militaires françaises en République fédérale de Yougoslavie, de même que les décisions subséquentes fixant les objectifs des frappes confiées aux appareils français, déterminant les moyens en aéronefs de combats affectés à ces tâches et répartissant l es moyens militaires entre les commandements de la marine, de l’armée de terre et de l’armée de l’air (C.E., 5 juillet 2000, Mégret et autre, Rec. p. 291).

438 Tel fut le cas, par exemple, des règlements d’administration publique et des décrets du chef de l’État en matière coloniale pris en l’application du sénatus-consulte du 3 mai 1854. Les premiers étaient initialement non susceptibles d’être déférés au Conseil d’État par la voie du recours pour excès de pouvoir (C.E., 20 décembre 1872, Fresneau, Rec. p. 747). À partir de là, le juge administratif vérifia leur légalité à propos des applications qui en étaient faites aux citoyens, à l’occasion de recours dirigés contre les mesures prises en exécution desdits règlements (C.E., 1er avril 1892, Commune de

Montreuil-sous-Bois, Rec. p. 328), avant d’admettre la recevabilité des recours directs dirigés contre eux (C.E., 6

décembre 1907, Compagnie du Nord, d’Orléans, du Midi, de l’Est et de l’Ouest , Rec. p. 913). Initialement irrecevables puisque pris dans l’exercice d’une délégation législative (C.E., 16 novembre 1894, Conseil général de la Nouvelle-Calédonie, Rec. p. 593), les recours dirigés contre les seconds furent finalement admis (C.E., 29 mai 1908, Gouverneur général de l’Afrique occidentale française,

lieutenant gouverneur du Sénégal, présidents du conseil général et de la commission coloniale du Sénégal, Rec. p. 576).

439 Voir, pour la première fois formulé ainsi, C.C., n° 2003 -469 DC, 26 mars 2003, Révision

116

amendement » (article 41), des « lois organiques », « propositions de loi mentionnées à l’article 11 » et « lois » (article 61), d’une « disposition législative » (article 61-1), d’une « loi promulguée » (article 74), ou encore d’une « loi du pays » (article 104 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie). Dès que l’objet de la demande qui lui est faite sort des « catégories normatives » établies par les textes habilitants440, le Conseil constitutionnel décide qu’il n’a pas compétence pour se prononcer sur elle. C’est ainsi que le Haut Conseil a déclaré qu’il ne lui appartenait pas de connaître de demandes tendant à la déclaration d’inconstitutionnalité de lois référendaires441, d’une loi promulguée442, ou encore d’une loi constitutionnelle443.

168. Si la compétence du Conseil constitutionnel est strictement délimitée par la

Constitution et les lois organiques prises sur son fondement, il n’a toutefois pas hésité, dans le silence des textes, à se reconnaître compétent pour contrôler des actes de l’exécutif détachables d’opérations de votation, sur lesquels le Conseil d’État se refusait à exercer tout contrôle444. Ce faisant, le Conseil constitutionnel n’hésite pas à se faire « juge administratif », en exerçant sur les actes en question un contrôle de légalité en lieu et place du Conseil d’État445.

Malgré tout, la compétence du juge constitutionnel demeure une compétence d’attribution strictement délimitée par les textes. À cet égard, sa situation contraste avec celle de son voisin au Palais-Royal, le juge administratif, qui, par une véritable « politique jurisprudentielle » de régulation de sa compétence, a contribué à ouvrir significativement le recours pour excès de pouvoir dirigé contre les actes réglementaires. Un tel contraste est également observable à propos de la recevabilité de la demande.

440 FAVOREU (L.), GAÏA (P.), GHEVONTIAN (R.), MESTRE (J.-L.), PFERSMANN (O.), ROUX (A.), SCOFFONI (G.), Droit constitutionnel, 22e éd., Dalloz, 2019, pp. 74-75.

441 C.C., n° 62-20 DC, 6 novembre 1962, Loi relative à l’élection du Président de la République au

suffrage universel direct, adoptée par le référendum du 28 octobre 1962 , Rec. p. 27 ; C.C., n° 92-313

DC, 23 septembre 1992, Loi autorisant la ratification du traité sur l’Union européenne , Rec. p. 95. À noter que d’une décision à l’autre, le Conseil constitutionnel change de justification, substituant à « l’esprit de la Constitution qui a fait du Conseil constitutionnel un organe régulateur de l’activité des pouvoirs publics » (C.C., n° 62-20 DC, décision précitée), « l’équilibre des pouvoirs établi par la Constitution » (C.C., n° 92-313 DC, décision précitée).

442 C.C., n° 97-392 DC, 7 novembre 1997, Loi portant réforme du service national, Rec. p. 236.

443 C.C., n° 2003-469 DC, décision précitée, p. 294.

444 C.E., 3 juin 1981, Delmas et autres, Rec. p. 244. Il en va ainsi notamment du décret de convocation du corps électoral en vue de l’élection des députés (C.C., n° 81-1 ELEC, 11 juin 1981, Décision du 11 juin

1981 sur une requête de Monsieur François DELMAS, Rec. p. 97), ou encore du décret soumettant un

projet de loi au référendum (C.C., n° 2000-21 REF, 25 juillet 2000, Décision du 25 juillet 2000 sur une

requête présentée par Monsieur Stéphane HAUCHEMAILLE, Rec. p. 117).

445 DELVOLVÉ (P.), « Le Conseil constitutionnel, juge administratif », in GARBAR (C.-A.) (dir.), Les

mutations contemporaines du droit public : mélanges en l'honneur de Benoît Jeanneau , Dalloz, 2002, pp.

117 2 – La recevabilité de la demande

169. La recevabilité de la demande s’entend comme le « caractère reconnu à une demande

en justice lorsqu’elle mérite d’être examinée au fond »446. À l’instar de la compétence du juge, elle fait l’objet d’une véritable « politique jurisprudentielle » de régulation par le juge administratif. En revanche, elle est prédéterminée par la Constitution pour le juge constitutionnel. Cette différence a, notamment, conduit Alexandre Ciaudo à affirmer, dans sa thèse de doctorat, qu’en dépit de « leurs convergences les contentieux administratif et constitutionnel ne peuvent faire l’objet d’une étude commune à propos de l’irrecevabilité »447.

170. Les règles gouvernant la recevabilité du recours pour excès de pouvoir, qui sont

désormais cristallisées dans le C.J.A., ont été forgées par le juge administratif, auteur, ici aussi, d’une véritable « politique jurisprudentielle » en la matière, en particulier lorsque ledit recours est dirigé contre un acte réglementaire. Perceptible pour les différentes conditions de recevabilité du recours, une telle « politique » a, là encore, contribué à l’ouvrir significativement. Ainsi, l’exception de recours parallèle n’est plus susceptible de faire obstacle à un recours en annulation dirigé contre un acte réglementaire448. L’intérêt donnant qualité pour agir au requérant est apprécié largement en matière réglementaire449. Toutefois, cette appréciation s’inscrit toujours dans certaines limites, évitant à cette voie de droit de

446 CORNU (G.) (dir.), Vocabulaire juridique, 12e éd., P.U.F., 2017, p. 858. L’auteur précise qu’un tel caractère « naît lorsque les conditions de l’action étant réunies, la demande qui l’exerce ne se heurte à aucune fin de non-recevoir ».

447 CIAUDO (A.), L’irrecevabilité en contentieux administratif, L’Harmattan, 2009, p. 47.

448 C.E., Ass., 28 juin 1929, Sieur Trutié de Varreux et Chambre syndicale des propriétés immobilières

de la Ville de Paris, Rec. p. 635. Sur ce point, voir, notamment, TERCINET (J.), « Le retour de

l’exception de recours parallèle », R.F.D.A., 1993, pp. 705-720 (p. 706) : l’exception de recours parallèle n’est pas « normalement, opposée aux recours dirigés contre les actes réglementaires que seule l’annulation consécutive à un recours pour excès de pouvoir peut faire disparaître erga omnes », « ce qui n’est ni le cas du recours en interprétation ni de l’exception d’illégalité » ; NÉGRIN (J.-P.), « Aspects du régime contentieux des règlements administratifs en France », in État – loi – administration : mélanges

en l’honneur de Epanimondas P. Spiliotopoulos, Éditions Ant. N. Sakkoulas-Établissements Em.

Bruylant, 1998, pp. 267-310 (p. 294). Tel n’est pas le cas, non plus, du recours en appréciation de légalité.

449 LONG (M.), WEIL (P.), BRAIBANT (G.), DELVOLVÉ (P.), GENEVOIS (B.), obser vations sous C.E., 29 mars 1901, Sieurs Casanova, Canazzi et autres, G.A.J.A., 22e éd., Dalloz, 2019, pp. 52-58 (p. 57) : « en matière réglementaire, le Conseil d’État admet plus facilement l’existence d’un intérêt suffisamment direct et suffisamment certain ». Voir les exemples cités : C.E., Sect., 14 février 1958,

Sieur Abisset, Rec. p. 98 ; C.E., Sect., 28 mai 1971, Damasio, Rec. p. 391 ; C.E., Ass., 4 octobre 1974, Dame David, Rec. p. 464 ; C.E., 13 janvier 1975, Sieur Da Silva et Confédération française démocratique du travail, Rec. p. 16 ; C.E., 3 octobre 2016, M. Pradel, Rec. Tables pp. 615 et 964.

118

tendre vers une action populaire450. De même, la capacité de l’acte administratif querellé à « faire grief » est de plus en plus largement admise, notamment s’agissant des actes de portée générale. Tel est, tout d’abord, le cas, depuis 1954451, de la circulaire réglementaire, celle qui fixe « une règle nouvelle entachée d’incompétence »452. Tel est également le cas, depuis 2002, de la circulaire interprétative impérative, qui est illégale si elle « méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu’elle entendait expliciter », ou si elle « réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure »453. Tel est, ensuite, le cas des avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation dans l’exercice des missions dont elles sont investies, notamment lorsqu'ils revêtent « le caractère de dispositions générales et impératives »454, ou « lorsqu'ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent »455. Sous cette dernière condition, tel est aussi le cas des lignes directrices par lesquelles les autorités de régulation définissent, le cas échéant, les conditions dans lesquelles elles entendent mettre en œuvre les prérogatives dont elles sont investies456. Tel est, enfin, le cas de mesures de portée générale, qui, jadis, constituaient de simples mesures d’ordre intérieur457.

171. Là encore, le constat est inverse pour le juge constitutionnel. Notamment relatives à

l’acte attaqué, aux formalités de la saisine, aux requérants ou encore aux moyens invoqués, les conditions de recevabilité des voies de droit ouvertes devant le Conseil constitutionnel, juge de la loi, sont fixées par la Constitution. Si l’une d’entre elles n’est pas respectée, le Conseil constitutionnel décide que la demande qui lui est présentée n’est pas recevable458.

450 CHENOT (B.), conclusions sur C.E., 10 février 1950, Sieur Gicquel, Rec. pp. 100-104 (pp. 101-102) : « la jurisprudence, tout en étendant la notion d’intérêt à des catégories toujours plus vastes de requérants et en passant du plan communal au plan départemental ou colonial […] continue à exiger que l’intérêt du requérant s’inscrive dans un cadre limite ». Voir, par exemple, C.E., 13 octobre 2016, Association des

contribuables repentis, Rec. Tables pp. 714 et 866.

451 C.E., Ass., 29 janvier 1954, Institution Notre-Dame du Kreisker, Rec. p. 65.

452 C.E., Sect., 18 décembre 2002, Mme Duvignères, Rec. p. 463 (p. 464).

453 Arrêt précité. Une décision rendue récemment par le Conseil d’État tend cependant à remettre en cause la justiciabilité de la troisième catégorie de circulaires impératives illégales au sens de la jurisprudence Mme Duvignères (C.E., 17 mai 2017, M. Lacquemant, Rec. p. 418).

454 Voir, pour la première fois, C.E., 11 octobre 2012, Société ITM entreprises, Rec. p. 359 (p. 360) ; C.E., 11 octobre 2012, Société Casino Guichard-Perrachon, Rec. p. 361 (p. 362).

455 Voir, pour la première fois, C.E., Ass., 21 mars 2016, Société Fairvesta International GmbH et

autres, Rec. p. 76 (p. 78) ; C.E., Ass., 21 mars 2016, Société NC Numéricable, Rec. p. 88 (pp. 90-91).

456 Voir, pour la première fois, C.E., 13 décembre 2017, Société Bouygues Telecom et autres, Rec. p. 356 (p. 359).

457 Voir, notamment, C.E., 2 novembre 1992, Kherouaa et Mme Kachour et Balo et Mme Kizic, Rec. p. 389 ; C.E., Sect., 10 février 1995, Riehl, Rec. p. 66 ; C.E., Sect., 10 février 1995, Commune de

Coudekerque-Branche c/ Devos, Rec. p. 67 ; C.E., 10 mars 1995, Epoux Aoukili, Rec. p. 122.

119

172. Le cas le plus courant d’irrecevabilité en contentieux constitutionnel des lois se

produit lorsque les formalités de la saisine ont été méconnues. Ainsi, le Conseil

Documents relatifs