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2. Le genre Scedosporium

2.1. Taxonomie et phylogénie

2.5.1. Examen mycologique

L’examen mycologique, qui repose dans un premier temps sur l’examen direct puis la culture, permet au biologiste aguerri en mycologie de s’orienter vers le diagnostic de scédosporiose (Walsh et al., 2004 ; Guarro et al., 2006 ; Cortez et al., 2008 ; Gilgado et al., 2008, 2010 ; Cimon et al., 2015).

a) Examen direct

Principe

L’examen direct du prélèvement permet d’observer au microscope des éléments fongiques permettant l’orientation du diagnostic vers une infection à Scedosporium spp. Lorsque le prélèvement est issu d’un mycétome sous-cutané, le biologiste recherchera des grains fongiques blanc-jaune. Dans tous les autres prélèvements (ex. biopsie de tissus, pus des lésions sous-cutanées, LBA) l’examen repose sur la recherche de filaments libres.

Aspect microscopique

En microscopie, différentes morphologies peuvent être observées chez Scedosporium spp. en fonction de l’âge de la culture au moment de l’observation.

La multiplication végétative du champignon, aussi appelée conidiogénèse ou reproduction asexuée, peut se réaliser selon deux schémas. Le mode thallique solitaire, aussi appelé mode thallique terminal, est le plus communément observé. Il s’agit d’éléments latéraux ou terminaux du filament qui s’individualisent en spores, aussi appelées aleuries ou conidies. Ainsi, chez les espèces Scedosporium des aleuries unicellulaires à base tronquée et paroi lisse se forment directement sur les filaments, ou hyphes, hyalins végétatifs septés ou à l’extrémité de fins conidiophores qui sont eux à angle droit par rapport au filament. La forme des conidies brunes à maturité est variable d’une espèce à une autre (5-6 µm de large sur 6-14 µm de long) (Tableau II). Lorsqu’il s’agit du second mode de conidiogénèse, le stade Graphium est décrit. Des cellules conidiogènes, ou annelides, regroupées en corémies (les conidiophores sont en amas, parallèles les uns aux autres) sont alors observées. Des conidies hyalines, unicellulaires, plus petites (2-3 µm de large sur 5-7 µm de long), plus fines et allongées sont présentes à leur extrémité (Figure 18). Le stade Graphium n’est pas décrit chez tous les Scedosporium spp. En effet, il a été observé chez des isolats de S. apiospermum mais jamais pour S. dehoogii par exemple (Gilgado et al., 2008).

Lorsque le champignon est plus âgé (au-delà de trois semaines de culture), la reproduction sexuée peut être observée. La forme sexuée, ou cléistothèce, se caractérise par une paroi fine, une coloration jaunâtre-brunâtre, une forme arrondie (140-180 µm de diamètre) qui renferme des asques octosporés sphériques à paroi très fine contenant plusieurs ascospores unicellulaires et ovoïdes à elliptiques et de couleur cuivrée (4-5 µm de large sur 7-9 µm de long) (Figure 18) (Tableau II). Cette structure est rarement observée en microscopie (Gilgado et al., 2008).

b) Cultures

Principe

Scedosporium spp. sont des champignons non exigeants et sont donc cultivables sur des milieux

utilisés en routine comme le milieu Sabouraud, les géloses au sang ou les géloses chocolat. Il est cependant important de garder à l’esprit quelques éléments clés concernant la croissance de ces espèces. Tout d’abord, la température optimale de croissance de ces champignons n’est pas de 37°C pour tous. D’autre part, l’examen macroscopique et microscopique des cultures fongiques demandent une expertise du biologiste. De plus, il est difficile de différencier deux espèces du genre Scedosporium seulement à partir de la culture fongique (même si des différences culturales, l’évaluation d’activités enzymatiques ou la consommation des carbohydrates permet de distinguer les espèces principales) (Horré et al., 2011 ; Kaur

et al., 2015). Enfin, les espèces du genre Scedosporium poussent lentement. C’est pourquoi l’utilisation de milieux semi-sélectifs est essentielle à l’isolement des espèces du genre Scedosporium, afin de ne pas sous-estimer l’occurrence de ces moisissures dans les infections fongiques (Rainer et al., 2008).

Les milieux semi-sélectifs sont particulièrement préconisés pour les échantillons polymicrobiens (Summerbell, 1993 ; Cimon et al., 2000 ; Horré et al., 2009 ; Horré et Marklein, 2009 ; Blyth et al., 2010a ; Shin et al., 2013 ; Sedlacek et al., 2015 ; Hong et al., 2017 ; Coron et al., 2018 ). Par exemple, dans les LBAs ou les sécrétions respiratoires de patients atteints de mucoviscidose, les Scedosporium spp. peuvent être en compétition avec des Aspergillus spp. ou des Candida spp. qui se développent rapidement sur les milieux de culture. Ainsi, l’addition de molécules inhibitrices dans le milieu de culture peut favoriser la croissance des Scedsoporium spp.

Différents milieux semi-sélectifs envers les espèces du genre Scedosporium sont décrits dans la littérature :

i) la gélose Sabouraud additionnée d’antibiotiques et notamment de cycloheximide qui inhibe la croissance d’A. fumigatus, un champignon à croissance rapide qui envahit rapidement le milieu gélosé (Cimon et al., 2000),

ii) la gélose au dichloran-rose Bengale additionnée de chloramphénicol et de bénomyl (DRBC-bénomyl) (King et al., 1979 ; Sumerbell, 1993). Le dichloran, le rose Bengale et le chloramphénicol ralentissent la croissance bactérienne. Le rose Bengale permet également une meilleure observation des levures en leur conférant une coloration rose sur ce milieu. Le bénomyl inhibe la croissance d’un certain nombre de champignons filamenteux permettant ainsi à Scedosporium spp. de se développer. Le tergitol est un composé qui lui inhibe la croissance des Mucorales,

iii) le milieu SceSel+ contient deux molécules dont l’activité antifongique se complète (le bénomyl et le dichloran) mais qui ne présentent pas d’action délétère pour la croissance des espèces du genre

Scedosporium (Summerbell, 1993 ; Rainer et al., 2008) ainsi que des antibiotiques pour limiter la

croissance bactérienne (Rainer et al., 2008). Ce milieu a été testé sur des souches environnementales (Rainer et al., 2008) et cliniques (Horré et al., 2009 ; Horré et Marklein, 2009 ; Blyth et al., 2010a ; Sedlacek et al., 2015),

Figure 19. Aspect macroscopique et microscopique de 5 espèces du genre Scedosporium.

Les cultures ont été réalisées sur le milieu YPDA (pour Yeast Peptone Dextrose Agar) pendant 7 jours à 25°C. Les observations microscopiques ont été observées à l’objectif x40 après coloration du mycélium au bleu lactique. A. S. apiospermum 23580. B. S. aurantiacum IHEM 23680. C. S. boydii 23574. D. S. dehoogii 120008799. E. S. minutisporum 23833.

iv) le milieu Scedo-Select III (Pham et al., 2015) se compose du 4-hydroxy-benzoate comme source de carbone, de sulfate d’ammonium et de deux molécules sélectives, le dichloran et le bénomyl. Ce milieu présente une meilleure sensibilité et sélection des espèces Scedosporium que le milieu SceSel+. Cependant ce milieu a uniquement été testé sur des souches environnementales.

Récemment, un protocole standardisé de détection des principaux champignons responsables de la colonisation des poumons des patients atteints de mucoviscidose a été proposé par le projet

« MucoFong ». Il est préconisé de mettre en culture deux milieux standards permettant la croissance de nombreux Aspergillus spp. et levures. Puis, en parallèle, deux milieux semi-sélectifs permettant aux

Scedosporium spp. et E. dermatitidis à croissance lente de se développer. De plus, il est conseillé de

prolonger la culture jusqu’à 2 semaines (Coron et al., 2018). Cependant, ces différents milieux ne sont pas commercialisés.

Concernant les prélèvements de liquide céphalo-rachidien, le biologiste doit être très prudent car il se peut que Scedosporium spp. pousse au bout de plusieurs semaines voire ne pousse pas du tout (Shih et Lee, 1984 ; Yoo et al., 1985 ; Albernaz et al., 1996).

Aspect macroscopique

Les champignons du genre Scedosporium sont non exigeants donc capables de se développer sans difficulté sur les milieux de croissance utilisés usuellement pour la culture fongique, tels que le milieu Yeast

Peptone Dextrose Agar (YPDA) ou Potato Dextrose Agar (PDA). Cependant la croissance est lente, non

extensive (3 à 4 cm de diamètre) et le champignon développe des colonies caractéristiques en seulement 4 à 5 jours de culture. De plus, la température optimale de croissance de ces espèces est de 37°C à l’exception de S. dehoogii pour lequel la croissance est optimale à 25°C. Cependant, ils sont thermotolérants puisqu’ils peuvent croître jusqu’à des températures avoisinant 40°C, voire 45°C pour S.

aurantiacum (Tableau II).

Au recto, les colonies sont cotonneuses, laineuses, blanchâtres au début de la croissance des moisissures puis elles deviennent grises à noires ou brunes en vieillissant. Ce phénomène s’explique par la production d’organes de fructification, les spores, qui produisent un pigment coloré, la mélanine. Il est rapporté que la capacité de sporulation de Scedosporium spp. peut diminuer avec le nombre de repiquages. Au verso, une coloration foncée est généralement visible. A l’exception de S. aurantiacum qui produit un pigment jaune-orangé (Figure 19).

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