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1.6. Complications : colonisation et infections respiratoires

1.6.3. Colonisation et infections fongiques

Jusqu’à présent, seules les infections bactériennes ont été mentionnées puisque ce sont les infections qui dominent dans le contexte mucoviscidosique. Cependant, dans un second temps, les patients peuvent développer des colonisations et/ou des infections fongiques. Seules les principales espèces fongiques isolées seront détaillées ici.

La clairance muco-ciliaire défectueuse empêche l’évacuation des spores inhalées qui seront piégées dans le mucus bronchique épais et visqueux. Un traitement antibiotique est instauré dès lors que le patient présente une infection, voire une colonisation bactérienne. Ainsi, les protéases libérées par ces micro-organismes fragilisent l’épithélium bronchique et le patient présentera un léger déficit immunitaire lié à la prise d’antibiotiques. L’inhalation de corticostéroïdes pour limiter l’inflammation chronique des voies aériennes favorise également le développement des espèces fongiques (Pihet et al., 2009 ; Van Grunderbeeck et al., 2010). Les infections fongiques sont donc généralement concomitantes aux infections bactériennes et/ou virales.

Actuellement, il n’existe aucune standardisation de la démarche diagnostique des infections fongiques pulmonaires. Les résultats sont donc difficilement comparables d’une étude à une autre (Borman

et al., 2010 ; Coron et al., 2018). Standardiser l’isolement et l’identification des espèces fongiques, via l’examen direct, l’utilisation de milieux standards et semi-sélectifs pour la culture et le diagnostic sérologique, permettrait de mieux appréhender l’épidémiologie de ces infections.

Certaines généralités ont tout de même été dressées. Chez les patients non greffés, certaines espèces seront uniquement responsables d’une colonisation asymptomatique des poumons des patients alors que d’autres espèces peuvent exercer leur pouvoir pathogène qui le plus souvent se manifeste sous la forme d’infections broncho-pulmonaires allergiques (IBPA) (eg. Aspergillus spp. (ABPA), Scedosporium spp. (SBPA)) (Figure 13) (Cimon et al., 2008 ; Gilligan, 2014). Chez les patients greffés, ces champignons peuvent être responsables d’infections disséminées qui peuvent être fatales.

a) Levures

Les levures du genre Candida, et plus particulièrement Candida spp., sont fréquemment isolées dans les crachats de poumons mucoviscidosiques. En effet, plusieurs études ont permis leur isolement chez 60% à 75% des patients inclus dans les études (Cimon et al., 2008 ; Lipuma, 2010). L’isolement de C.

albicans dans le crachat d’un patient est compliqué à interpréter puisque cette espèce est naturellement

retrouvée dans les flores commensales et notamment la flore oro-pharyngée (Lipuma, 2010). Chez le patient non greffé, elle est uniquement responsable de colonisation (Cimon et al., 2008). Les autres

espèces de Candida qui sont moins fréquemment isolées dans ce contexte sont C. glabrata, C. dubliniensis,

C. parapsilosis et C. tropicalis.

b) Champignons filamenteux

Aspergillus fumigatus

Il s’agit de l’espèce fongique filamenteuse la plus communément isolée dans les poumons des patients atteints de mucoviscidose. Elle est responsable de la colonisation des poumons chez 57% des patients en moyenne, ce qui en fait la première espèce fongique filamenteuse responsable de colonisation chronique dans la mucoviscidose (Pihet et al., 2009). A souligner qu’A. fumigatus est rarement isolé chez le jeune enfant (Pihet et al., 2009). En fonction des études, sa prévalence est estimée entre 6 et 60%. Ce pathogène peut être à l’origine de réactions allergiques inflammatoires aussi connues sous le nom d’ABPA et d’infections disséminées en particulier suite à la transplantation pulmonaire (Cimon et al., 2008 ; Pihet

et al., 2009 ; Lipuma, 2010).

En France, d’après les données du Registre Français de la Mucoviscidose de 2016, les infections aspergillaires sont présentes tout le long de la vie du patient mais leurs proportions restent inférieures à celles des infections aux SASMs et à P. aeruginosa. La proportion de patients présentant des infections aspergillaires ne cesse d’augmenter de 0 à 24 ans (moins de 10% à environ 40%) pour diminuer légèrement après 24 ans puisque chez les patients âgés de plus de 40 ans, Aspergillus spp. est isolé chez seulement 20% des patients (Figure 12) (Bellis et al., 2016).

D’autres espèces appartenant au genre Aspergillus sont également isolées dans le contexte mucoviscidosique, mais à moindre échelle (A. flavus, A. niger, A. nidulans) (Cimon et al., 2008 ; Pihet et

al., 2009 ; Lipuma, 2010). A. terreus, bien que peu isolé (2 à 6% des patients) est la troisième espèce fongique filamenteuse responsable de colonisation pulmonaire. Elle peut également engendrer des ABPA.

Scedosporium spp.

Ce champignon peut entraîner une colonisation ou une infection (SBPA) dans les poumons des patients mucoviscidosiques non greffés (Cimon et al., 2008 ; Lipuma, 2010). Dans ce contexte,

Scedosporium apiospermum a été retrouvé chez 10% des patients mucoviscidosiques en Australie contre

8,6% dans une étude menée en France et 14% en Allemagne (Cimon et al., 2008 ; Lipuma, 2010). C’est actuellement le second champignon filamenteux capable de coloniser chroniquement les voies respiratoires des patients atteint de mucoviscidose (Pihet et al., 2009 ; Van Grunderbeeck et al., 2010).

Les infections pulmonaires à Scedosporium spp. dans le contexte mucoviscidosique seront plus détaillées dans la partie suivante (cf Analyse bibliographique, 2. Scedosporium spp.).

Lomentospora prolificans

L. prolificans est un champignon filamenteux qui a longtemps été considéré comme appartenant

au genre Scedosporium. Récemment, Ramirez-Garcia et al. (2018) ont totalement dissocié le genre

retrouvée chez 12% des patients atteints de mucoviscidose dans une étude qui incluait 162 patients (Lipuma, 2010).

Exophiala dermatitidis

E. dermatitidis est un champignon dimorphique puisqu’à 37°C il a l’aspect d’une levure noire alors

qu’à température ambiante il développe une morphologie mycélienne. Il est décrit dans les infections pulmonaires chez les patients atteints de mucoviscidose depuis les années 1990 et sa prévalence s’étend de 1% à 16% en Europe (Lipuma, 2010). Ce champignon peut entraîner essentiellement une colonisation ou une infection (pneumopathie) dans les poumons des patients mucoviscidosiques (Cimon et al., 2008 ;

Lipuma, 2010).

1.7. Conclusion

La mucoviscidose, bien que qualifiée de maladie rare, ne doit pas être sous-estimée dans la population mondiale. Grâce au dépistage néonatal et à la compréhension de la physiopathologie de la maladie, la prise en charge et la qualité de vie des patients se sont largement améliorées avec en parallèle une augmentation de l’espérance de vie des patients.

Les traitements à l’origine essentiellement symptomatiques s’accordent aujourd’hui à développer de nouvelles molécules pour traiter l’origine génique et protéique de la maladie (le gène CFTR et la protéine CFTR). Malgré des résultats prometteurs, de nombreuses années de recherche et de développement sont encore nécessaires afin de proposer un traitement curatif aux patients.

La mucoviscidose est caractérisée par une atteinte multi-viscérale mais elle touche plus particulièrement les poumons. Les voies respiratoires des patients sont malmenées par une inflammation chronique, une dégradation progressive de l’épithélium respiratoire, la production continue d’un mucus épais et visqueux empêchant la clairance muco-ciliaire de se réaliser, et enfin des infections en continu qui sont tout d’abord d’origine bactérienne puis fongique. Depuis quelques années, un champignon filamenteux émerge : S. apiospermum. Grâce à l’amélioration des techniques d’isolements et d’identification, ce champignon à croissance lente et peu sporulant est révélé au grand jour. Ainsi, il est le second champignon filamenteux, après A. fumigatus, responsable de la colonisation chronique des poumons des patients atteints de mucoviscidose.

C’est pourquoi le Groupe d’Etude des Interactions Hôte-Pathogène (GEIHP) EA3142, dans lequel je réalise ma thèse, mène ses recherches sur la compréhension de la pathogénicité de ce champignon mais aussi sur le développement de nouvelles méthodes diagnostiques et l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques. La prochaine sous-partie de l’analyse bibliographique s’intéresse à la biologie et à l’épidémiologie des espèces appartenant au genre Scedosporium.

Figure 14. Positionnement du genre Scedosporium au sein du règne fongique, d’après le JGI, Hongsanam et al. (2017) et Spatafora et al. (2017).

Figure 15. Schématisation des ascospores décrites chez les Microascaceae, d’après Pöggeler et al. (2006).

A. Cléistothèce. B. Périthèce.

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