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Rappel anatomique

ABORD DU PLANCHER DE L’ORBITE

C. LIPOME ORBITAIRE : [66]

IV. EXAMEN ANATOMOPATHOLOGIQUE

L’examen anatomopathologique est l’examen clé pour le diagnostique de certitude du syringome chondroïde de l’orbite. L’aspect clinique et neuroradiologique ne sont pas spécifiques.

Le syringome chondroïde bénin fait partie des tumeurs dont le tableau morphologique est caractérisé par la présence de cartilage, d'os ou de dépôts calciques [67]. Avant d'aborder l'étude analytique de cet ensemble lésionnel, il est indispensable de rappeler brièvement l'histogénèse des phénomènes de surcharge calcique, de chondrogénèse et d'ostéogénèse.

A.

HISTOGENESE :

[67-68]

En général, les principales difficultés rencontrées avec ces tumeurs sont premièrement d’affirmer qu'il s'agit d'une tumeur des tissus mous et non d'une tumeur osseuse, deuxièmement de déterminer si la présence de cartilage, os ou calcifications constitue un caractère spécifique ou important orientant vers un type tumoral particulier ,comme pour le syringome chondroïde. Dans ce cas cet aspect sera un bon fil conducteur pour arriver à un diagnostic précis, et déterminer le caractère bénin ou malin de la lésion.

L’histogénèse des phénomènes de surcharge calcique, de chondrogénèse et d'ostéogénèse se fait comme suit :

• Les dépôts calciques tissulaires nécessitent le passage d'une phase d'ions calcium et phosphate solubles à une phase cristalline de phosphates tricalciques (ou hydroxyapatite). Ces cristaux doivent se fixer sur une trame organique. On

- les calcifications "métastatiques" ont pour substratum commun l'hypercalcémie, par destruction osseuse excessive, par hyper-absorption intestinale, ou par excès d'apport. Elles atteignent principalement la paroi des vaisseaux sanguins et le rein.

- les calcifications "dystrophiques" sont liées à des lésions tissulaires, localisées ou diffuses. Les formes localisées correspondent à des dépôts sur des foyers de nécrose ou d'altérations tissulaires : stéatonécrose, nécrose tuberculeuse ou parasitaire, hématome. Dans ce cadre s'inscrivent les calcifications rencontrées dans les tumeurs. Les formes diffuses surviennent dans le cadre d'atteintes primitives ou secondaires de la trame collagène telles que polyarthrite rhumatoïde ou artériosclérose.

- les calcifications "idiopathiques" telles que la calcinose tumorale.

• La production d'os ou de cartilage est à l'inverse un phénomène actif qui survient quand des cellules mésenchymateuses se différencient pour produire une matrice, sous l'action d'un signal interne ou externe [68]. La différenciation chondroïde est principalement sous la dépendance de la cytochalasine B et se traduit par la production de collagène de type II, spécifique des cellules cartilagineuses. Quant à la morphogénèse osseuse, elle relève de deux mécanismes : soit l'ossification enchondrale dans laquelle les ostéoblastes transforment le cartilage par production de substance ostéoïde, soit l'ossification de membrane, directe à partir du tissu fibreux.

Les lésions bénignes caractérisées par des phénomènes de surcharge ou de métaplasie, sont toutes des lésions rares, si bien que l'argument de fréquence intervient peu dans la discussion diagnostique, le syringome chondroïde bénin fait partie de ces lésions.

B. Anatomopathologie :

[1,3,34,70,33,37,72,64,43]

En 1961, Hirsch et Helwig [3] ont introduit le terme syringome chondroïde pour décrire une tumeur mixte de la peau originaire des glandes sudoripares montrant des degrés variables de tissus mésenchymateux et épithélial [70,71]. Bien que l’histogénèse de ce type de tumeur soit controversée, il est bien documenté que le tissu mésenchymateux dans le syringome chondroïde peut montrer une différenciation mucoïde, cartilagineuse ou ostéoïde et que le tissu épithélial peut présenter une différentiation eccrine ou apocrine [70,71]. Alors qu’un syringome chondroïde débutant peut revêtir la forme d’une masse nodulaire non ulcéreuse d’évolution lente dans le derme ou le tissu sous-cutané [34], le syringome chondroïde malin peut se développer rapidement et réapparaître localement ou métastaser [70-72]. Au contraire des formes malignes qui peuvent atteindre une taille importante, les syringomes chondroïdes bénins sont généralement des lésions de petite taille ne mesurant pas plus de 3 cm de diamètre plus précisement entre 0,5 et 3cm [33,37]. De plus grosses tumeurs ont été rapportées de façon sporadique [34,43] ; toutefois, cela ne constitue pas un phénomène attendu des formes bénignes de syringome chondroïde. Le cas de syringome chondroïde bénin rapporté Y. Kakitsubata et al., en 2009 mesurant 11 cm représente, à notre connaissance, la plus grosse tumeur de ce type rapportée à ce jour. La grande majorité des syringomes chondroïdes apparaît dans les régions de la face et du cou (80 %), [34] avec pour site de prédilection le nez, la lèvre supérieure et les sourcils. [33], d’autre localisations ont été rapporté comme le cuir chevelu, la main, le pied, le front, la région de l’abdomen, le pénis, la

Histologiquement [73] c'est une lésion dermique et/ou hypodermique, lobulée, symétrique, assez bien limitée , faite de tubes anastomosés d’allure eccrine, voire de kystes, et d'amas épithéliaux pleins. Un stroma myxoïde ou chondroïde est indispensable au diagnostic. Les tubes et kystes sont tapissés d’une couche interne de cellules cubiques, et d’une couche externe de cellules aplaties. On peut observer focalement : dans la lumière des structures tubulaires un matériel PAS-positif et diastase résistant, une décapitation d’allure apocrine, une différenciation malpighienne, des enroulements cellulaires comme dans un méningiome, des foyers de cellules claires comme dans un hidradénome à cellules claires, des plages momifiés comme dans un pilomatricome, un stroma hyalinisé, ou dans le stroma des cellules en bague à chaton à contenu lipidique . Une forme rare de syringome chondroïde, faite de petits tubes isolés prolongés d’une travée en virgule rappelle un syringome. Elle s’en distingue par le revêtement unicellulaire aplati des tubes, et par son stroma myxoïde.

Hirsch et Helwig ont également proposé cinq critères pour le diagnostic du syringome chondroïde: [74]

1) Nids de cellules cubiques ou polygonales.

2) Structures tubuloalvéolaires bordées par deux ou plusieurs couches de cellules cubiques.

3) Structures canalaires composées d’une ou de double assise cellulaires cubiques.

4) Kystes de kératine par endroit.

5) Matrice myxoïde changeant de couleur à l’hématoxyline et l’éosine. On peut trouver les cinq critères ou seulement certains.

Fig.81 : Syringome chondroide de la face [33]

a : coloration hématoxyline éosine (HE) × 40

b : coloration HE×100 : travées épithéliales avec stroma myxoïde et cartilagineux, bleuté, à différenciation focalement chondroïde, sans atypies nucléocytoplasmiques.

L’immunohistochimie [73] n’est pas indispensable au diagnostic, mais elle est d’une aide précieuse car il existe une positivité pour les marqueurs épithéliaux (cytokératines, ACE et EMA) des structures épithéliales et une positivité pour la vimentine, la protéine S100, l’actine musculaire lisse (30% des cas) et la calponine des cellules myoépithéliales. La GFAP est positive dans la moitié des cas, la desmine dans 15% des cas seulement. [75,76]

Fig.82 : Image en Microscopie-Optique montrant l’expression de l’EMA aux bords des tubules, ces tubules sont entourées de cellules plasmocytaires ne présentant

pas une expression pour EMA. ( EMA x 400) [45]

Fig.83 : Image en Micrscopie-Optique montrant l’expression de la Proteine S-100

Fig.84 : quelques exemples de differentes localisations du S.C et leurs aspects.

A : S.C duconduit auditif externe [77] B : S.C du canthus médial [39] C et D : S.C du petit orteil [84] E : S.C de la paupière inférieure [37] F : S.C de la face[33]

Il est important d’éliminer le rare syringome chondroïde malin par l’absence d’asymétrie, de limites infiltrantes, d’atypies, de mitoses et de nécrose. Il siègerait plutôt aux extrémités. En présence de signes histologiques de malignité, certains proposent plutôt le diagnostic de la tumeur mixte atypique dans la mesure où certains cas n’ont pas été suivis de métastases prouvées. Une tumeur mixte du lobe palpébral de la glande lacrymale à la paupière supérieure vers le canthus externe, ou du lobe superficiel de la parotide, est suceptible de récidiver. Elle est indistinguable histologiquement d’une tumeur mixte cutanée. On recherchera une atteinte du lobe lacrymal intraorbitaire, plus souvent atteint. La coexistence d’une différenciation folliculosébacée ferait discuter une tumeur annexielle combinée, des formes bénignes sans récidive [76,78] et des formes malignes ont été rapportées. Si un carcinome basocellulaire peut montrer un stroma mucineux et des tubes d’allure eccrine, la présence de mitoses de nécroses et d’espaces de rétraction autour des structures épithéliales permet de redresser le diagnostic. Enfin si un hidradénome nodulaire peut présenter des tubes des kystes et des amas plein comme une tumeur mixte cutanée son stroma n’est ni myxoïde ni chondroïde, mais classiquement hyalinisé.

Dans notre cas l’examen macroscopique a trouvé une masse bien encapsulée de couleur « brun roux » mesurant 2 x 3 x 1,5 cm (figure 85). Pas de zone d’hémorragie ni de nécrose, l’examen microscopique (figure86) objective une tumeur nodulaire à double composante, épithéliale et conjonctive à différentiation adipocytaire et chondromyxoïde. Le contingent épithélial est constitué de glandes dont l’aspect histologique permet d’individualiser le type

apocrine qui est le plus commun et qui est fait de glandes tubulaires, bordées d’une double assise de cellules cuboïdes ou aplaties.

Le contingent mésenchymateux correspondait à une matrice myxoïde, cartilagineuse et adipeuse, bleutée, à différenciation focalement chondroïde.

Fig.85 : Examen macroscopique montrant une masse encapsulée « brun roux » mesurant 2 x 3x 1,5

cm, sans zone d’hemorragie ni de nécrose. ( notre cas)

FIG.86 : Examen microscopique de la piece operatoire montre une proliferation encapsulee

Kitazawa T, et al. en 1999, dans son article a mentionné le résultat anatomopathologique de la lésion, macroscopiquement la taille de la tumeur orbitaire est de: 2,3 x 6,7 x 1,5 cm (Figure 87), histologiquement (Figure 88) il s’agissait d’une structure épithéliale faite de cellules cubiques et squameuses dans un stroma chondroïde basophile, ces cellules présente un immuno-marquage pour la S-100 et la CK-22.

FIG.87 : Pièce opératoire mesurant 2,3 x 6,7 x 1,5 cm après exérèse totale. [7]

FIG.88 :Examen microscopique de la piece operatoire montre des cellules cubiques et squameuses

Dans leur nature, les tumeurs de l’orbite dérivent de différentes structures intraorbitaires. L’étude histologique, complétée chaque fois que nécessaire par l’étude immunohistochimique est jugée nécessaire pour confirmer le diagnostique. Quoi que exceptionnel, le diagnostique de S.C a été confirmé dans les deux cas de littérature [7,8] par l’étude histologique accouplée à l’immuno-histochimie, effectuées respectivement dans notre cas sur la pièce opératoire après exérèse totale de la tumeur et pour le cas de Kitazawa T et al. [7] sur biopsie complétée par l’examen histologique de la pièce opératoire.

L’examen anatomopathologique constitue ainsi l’examen clé pour confirmer le diagnostique de S.C orbitaire , comme il l’est pour les autres processus intra-orbitaires.

V. TRAITEMENT

Le traitement du syringome chondroïde de l’orbite est avant tout chirurgical, celui-ci étant généralement suffisant puisqu’il s’agit d’une tumeur habituellement bénigne d’évolution lente.

A. BUTS :

Les tumeurs orbitaires représentent un réel défi pour le praticien vu les variétés des manifestations cliniques et la diversité des structures du contenu orbitaire, ce qui rend le diagnostique aux stades préopératoire difficile. Le but de traitement rejoint celui des masses intra-orbitaires et peut se résumer dans les points suivants:

 Eradiquer la tumeur.

 Améliorer ou préserver le pronostic fonctionnel (visuel et oculomoteur).  Eviter les complications opératoires et la récidive.

 Diagnostique histologique de certitude.

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