• Aucun résultat trouvé

2. Analyse de l’organisation des contenus

2.2 La mise en forme de thématique

2.2.2 Examen épistémologique

cercle pascalien187.

Il se trouve donc, dans l’œuvre de Zundel, de ces dialectiques classiques, reprises apparemment assez fidèlement et selon lesquelles la prééminence d’une mystique des mystères sur une morale du bien et des vertus a lieu de s’établir. Il y a en cause, aussi, l’achèvement même de la dialectique, en ce discours qu’elle constitue par delà ou en deçà de sa forme logique stricte – dans et par « du moral » comme « du mystique », semblerait-il.

Conclusions intérimaires

Cet examen méthodologique sommaire indique, à tout le moins, que l’œuvre de Maurice Zundel ne reprend pas des définitions toutes établies et ne reproduit pas purement ni simplement des manières classiques de définir les choses puis de les articuler ensemble. Il y a comme une résistance à se suffire d’une dialectique ne constituant qu’une démarche logico-thématique. Zundel thématise précisément autre chose, qui semble irréductible à la définition de la morale comme morale du bien et des vertus et de la mystique comme mystique des mystères. De même en est-il de leur rapport, point définissable parce que ne pouvant correspondre à une idée thématique.

2.2.2 Examen épistémologique

186

RC 173.176 ; RP 93-95 ; HJ 13 ; HEI 13.17 ; EI 14 ; JEA 10-13. 187

À savoir : « Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais trouvé ». Voir : CVH (« Le cercle de Pascal ») 51-62, en particulier : 62 ; LF 76 ; HPH 242 ; QHQD 220 ; DV 155 ; RP 44 ; « Le personnalisme de la foi » (1956), 136-143.

Quels concepts élémentaires l’œuvre de Zundel pourrait-elle reprendre pour mettre apparemment en place une thématique suivant la nature propre d’une morale du bien et des vertus et d’une mystique des mystères, spécifiquement chrétiennes ?

Ontologie \ relation ontologique

Γ Le concept d’être, avec ses degrés ou niveaux hiérarchisés jusqu’à Dieu, fait largement partie de la terminologie de Zundel188 ; ceux d’essence et de substance sont repris plus sporadiquement189. La notion de vérité, abondamment traitée dans son oeuvre190, implique de se placer « au point de vue de la pure Vérité191 » ; d’ailleurs, « penser, c’est peser, mais sub specie

aeternitatis [sous l’angle et au point de vue de l’éternité]192 ». Il tient que « la

188

« Le vide créateur » (1965), 5-6 ; HPH (« Matière et esprit ») 99-128 ; RP 131.288, sans plus relever ici d’autres occurrences, innombrables et constantes dans toute l’œuvre.

189

ITI 175-186 ; RP 119. 298 ; « L’essence de la liberté » (1944). Il n’est pas inutile de noter que Le mystère de la connaissance (1932), resté inédit, a un ton scolastique et une terminologie nettement substantialiste. Par ailleurs, la version finale du Poème de la sainte

liturgie abandonne beaucoup ce ton et cette terminologie qu’avait encore la première

version, partielle, de l’ouvrage. 190

En relevant seulement les occurrences générales : ALL (« La Crise de la Vérité ») 1-8 et (« Qu’est-ce que la Vérité ») 9-42 ; DV (« La quête de Vérité ») 31-38 et (« Qu’est-ce que la Vérité ») 69-82 ; OV (« Vérité Biologique ») 37-42, ainsi que (« Vérité Scientifique ») 43-56 et (« Vérité Absolue ») 57-60 ; HEI (« Vérité ») 90-98 ; « Vérité et liberté » (1965a) ; « Vérité et liberté » (1965b).

191

HPH 42-43. Cf. QHQD 233. 192

vérité est la droite notion de l’être193 » et que, toujours, l’« on connaît selon ce qu’on est194 ».

Zundel se réclame d’un certain réalisme195, en raison duquel le monde entier est, pour lui, symbole196 ; car « le réel passe infiniment le réel », comme « toute réalité est ‘par-delà’197 ». La sacramentalité est l’expression et la réalisationpar surcroît de signes sensibles élevés et élevant à une réalité spirituelle198.

Φ Selon Zundel, toutefois, l’être (et l’existence) est don, est amour, en fin de compte199 et une substance représente un carrefour, un centre, un nœud de relations200. Quant à la vérité, c’est, un peu étrangement, « l’intériorité de l’être

en l’intériorité du regard ; [ …] c’est la lumière que tu deviens, en accueillant

la Lumière qui vêt tout chose de beauté201. » La pensée est aussi dite consister

193

OV 37. 194

PV 22 ; DV 57 ; « Vérité et liberté » (1965a), 5 ; « Le triomphe de la vie » (1978), 14. 195

« Réalisme modéré » d’Aristote et de S. Thomas, affirme-t-il dans sa thèse doctorale qui conteste le nominalisme : L’influence du nominalisme…, 7. Cf. HPH 19 ; RP 156.359 ; CVH 52-53 ; MM (« Le réalisme mystique ») 127-139 ; « Le réalisme sacramentel de la liturgie » (1960) ; « Le réalisme évangélique de la liturgie » (1960).

196

PSL 226 ; HPH 50 ; DV 26 ; RP 227. 197

OV 26. 198

RP 152-153 ; QHQD 128 ; PSL 29.369 et, globalement, (« Au berceau du symbolisme ») 360-370 ; CVH 142-143 ; « Le réalisme sacramentel de la liturgie » (1960).

199

HPH 86, RP 51 ; QHQD 86 ; ITI 28 ; MM 108.115. 200

ITI 182-183. 201

en une pesée de lumière202. Nominalisme et réalisme sont récusés par ailleurs, parce qu’ils entretiennent justement, chacun à leur façon, un dédoublement dans la connaissance – matérialisée, chosifiée – du monde ; il s’agirait bien plutôt de spiritualité du connaître203 ou de sens de la contemplation ayant en vue une « intelligibilité de l’univers, dans lequel, même si rien ne se répétait identique, le principe d’identité garderait toute sa valeur, en tant qu’expression de l’exigence intelligible où l’éternelle cohérence et l’immuable transparence de la Pensée Créatrice ne laisserait pas de nous intimer Son indéfectible Présence204 ». Du reste, le symbolisme de l’être n’a rien d’allégorique205 et maintient précisément hors de toute logique abstraite et sans vie aucune206 ; ce symbolisme concerne ce que Zundel appelle l’« être relatif [fait de] relations métaphysiques qui l’ouvrent à d’innombrables correspondances» et qui diffère de l’« être absolu [c’est-à-dire] l’être considéré, abstraction faite de tout rapport, à l’intérieur de ses propres limites et, pour ainsi dire, horizontalement : au niveau déterminé qu’il occupe dans la hiérarchie des essences207 ». Connaître selon ce qu’on est renvoie plutôt à l’engagement existentiel ou à quelque changement de niveau d’être208.

202 ITI 57 ; ALL 27.42 ; DV 58. 203 OV 20-21. 204

ALL : note corrective (« additions ») de la page 76, ajoutée en fin de volume ; dans cette citation. Cf. ALL 74-83, mais en particulier 74-76 ; HPH 131-132 ; RP 93 ; L’influence du

nominalisme sur la pensée chrétienne (1927) ; « L’expansion démographique et le contrôle

des naissances » (1965), 1. 205 PSL 187. 206 HEI 41. 207 HPH 112. Cf. ITI 74.93. 208

Même très sommairement abordée, l’épistémologie zundélienne s’écarte donc assez vite de ce qui relève d’une conception statique de l’être et de la connaissance qui en découle. C’est pourquoi, en définitive, cette œuvre ne suffit pas à rendre compte d’une morale tenant à des vertus (et donc aussi des biens) établies ou à établir dans (pareille vision de) l’être et d’une mystique tenant à des mystères posés ou cachés dans (pareille vision de) l’être ; leur dit rapport fixe et linéaire ne tient guère, lui non plus, dans cette considération nettement plus dynamique et relative de l’« ontologique ».

Conclusions intérimaires

J’ai procédé, dans l’œuvre zundélienne, à un double examen : celui des contenus (thématiques), eu égard à une mystique des mystères et à une morale du bien et des vertus (1), et celui de l’organisation des contenus (thématiques) ayant trait au rapport entre une mystique des mystères chrétiens et une morale du bien et des vertus chrétiennes (2.1). Si le premier examen restait non convaincant, le second avait plus clairement révélé que le rapport entre l’une et l’autre ne s’avérait pas rigoureusement consister en une prééminence principielle de la mystique sur la morale, marquant une spécificité pour cette dernière. Une bonne partie de mon hypothèse de travail s’en trouvait invalidée.

Pour vérifier de quoi retourne cette situation imprévue et quelque peu contradictoire, mais surtout pour commencer à réfléchir sur mon geste interprétatif, j’ai entrepris de considérer autrement l’organisation des contenus (thématiques) dans cette œuvre, à savoir d’un point de vue plus théorique puis pratique (2.2). Il ressort que l’œuvre de Maurice Zundel ne consiste pas davantage en une thématisation, en une stricte forme de thématique et cela, tant au plan méthodologique qu’épistémologique. Pas de thématique telle que puisse y être présenté un rapport fixe et linéaire entre une morale spécifiée et

une mystique principielle, conformément à l’être même des choses et donc à un ordre cosmologique éternel. Pas de thématique de ce genre, conformément à un ordre onto-métaphysique que des domaines de savoir fixes et spécifiques (quant à un certain « objet formel ») peuvent chaque fois définir, précisément.

Si cet examen méthodologique et épistémologique rend possible une vue un peu plus critique sur mon geste interprétatif, il ne me permet pas encore de rendre compte de l’échec même de ma lecture de l’œuvre zundélienne. Il m’importe donc de faire un bilan plus profond de ma tentative d’interprétation de cette œuvre, de manière à réfléchir sur mes possibilités même d’interpréter cette œuvre en fonction du questionnement qui est actuellement le mien.

Documents relatifs