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4.2. Evolution de l’occupation des sols : Flux de matière organique et désoxygénation

4.2.1 Evolution les taux d’oxygène au fond des lacs : Cas des lacs du Haut-Jura

a. Diminution du taux d’oxygène au fond des lacs : une conséquence de l’évolution du

carbone organique dissous

Dans les lacs, les taux d'oxygène dépendent de plusieurs phénomènes physiques, chimiques et

biologiques qui modifient la répertition verticale et la variabilité temporelle [Légaré,. 1998].

La saison estivale est marquée par un réchauffement des couches d'eau superficielles et une

stratification thermique de la colonne d'eau en trois strates. Dans ce cas, les eaux

superficielles sont souvent sursaturées en raison de l’activité photosynthétique, tandis que les

eaux profondes peuvent rentrer dans une phase d’anoxie sous l’effet de la consommation

d’oxygène durant la période de décomposition du carbone organique [Copin-Montégut,.

1996]. L’augmentation de la concentration en carbone organique, combinée à un important

stockage de la matière organique des sédiments et à la morphométrie, ont rendu les lacs du

Jura particulièrement sensibles au processus de déplétion de l'oxygène. Cette hypothèse a été

confirmée par l’évaluation de l’association entre les taux d’oxygène et de carbone organique à

l’hypolimnion (figure 4.31). Nos études menées sur les lacs du Jura ont démontré la forte

participation des composés organiques dans les processus de consommation d’oxygène et de

réduction du milieu.

A titre d’exemple, la figure 4.31 montre que la hausse des apports organiques au lac d’Ilay est

accompagnée par la nette baisse des taux d’oxygène au fond du lac. Une tendance positive

pour le taux de carbone organique et négative pour le taux d’oxygène est enregistrée. Laquelle

est confirmée par les mesures effectuées de 2003 jusqu’à 2013. En effet, les mesures

permanentes réalisées depuis août 2011 jusqu’au mois de mai 2013 affichent des baisses

sensibles pouvant atteindre 30% à 22 m de profondeur au lac d’Ilay.

Source : V-T Nghiem, 2013

Analyse et modélisation de la déplétion en oxygène des niveaux profonds des lacs et des rivières du

bassin versant de l’Ain : Impact du changement de l’occupation des sols et du changement climatique

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b. Evolution des teneurs en carbone organique au fond des lacs

Dans les bassins versants du Hérisson et de l’Ain, une partie des terres cultivées a

progressivement été envahie par la forêt en raison de l’exodu urban des treintes dernières

années. En conséquence, les apports de matière organique et de carbone organique provenant

des zones forestières, peuvent augmenter dans les lacs. Pour éclaircir ce point, une analyse

statistique de l’évolution des teneurs en carbone organique au fond des lacs a été réalisée pour

les trois lacs du Jura (Ilay, Bonlieu et Narlay). Elle permet de trouver un lien qualitatif et

quantitatif entre l’évolution des taux de carbone organique et les changements de l’occupation

du sol.

Les figures 4.32, 4.33 et 4.34 présentent les taux mensuels de carbone organique pour ces

trois lacs en utilisant deux scénarii de l’occupation des sols en 2020 et en 2030. La

concentration de carbone organique dissous (COD) correspondant à l’occupation du sol de

2010 est prise comme référence. Les écarts entre la référence et les scénarii de l’occupation

des sols, ont été calculés pour quantifier l’évolution de cette concentration. Globalement, les

teneurs en carbone enregistreront une augmentation en 2030.

Pour le lac d’Ilay, la figure 4.32 montre que les teneurs en carbone organique correspondant à

l’occupation des sols de 2020 et de 2030 augmenteront respectivement de 0.05 et de 0.15

mg/l, en moyenne, par rapport à l’occupation du sol de 2010. Elles augmenteront plus

importantes pour les mois de printemps car ces mois sont marqués par la fonte de neige et

l’augmentation des pluies qui provoquent des forts apports des matières organiques sur son

bassin versant. Les écarts maximaux de 0.13 mg/l (2020s-2010s) et de 0.31 mg/l

(2030s-2010s) sont enregistrés pour le mois d’avril (figure 4.31b).

Source : V-T Nghiem, 2013

Figure 4. 32 : Evolution des teneurs en carbone organique au fond du lac d’Ilay pour les

scénarii de l’occupation des sols

Dans le cas du lac de Bonlieu, la figure 4.33 montre une augmentation importante du taux de

carbone organique pour l’occupation des sols à l’horizon 2020 et 2030. Les écarts varient

entre 0.03 et 0.09mg/l pour le scénario de 2020, et entre 0.07 et 0.16 mg/l à l’horizon 2030

(figure 4.33b). L’augmentation du taux de carbone organique est assez élevée pour les mois

de mars et d’avril pour les deux scénarii de l’occupation des sols de 2020s et 2030s.

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Source : V-T Nghiem, 2013

Figure 4. 33 : Evolution des taux de carbone organique au fond du lac de Bonlieu pour les

scénarii de l’occupation des sols

Comme dans le cas des lacs d’Ilay et de Bonlieu, la teneur en carbone organique au fond du

lac de Narlay correspondant à l’occupation des sols de 2020 et 2030, peut augmenter

sensiblement (figure 4.34), pour atteindre un maximum de 0.24 mg/l (figure 4.34b).

Source : V-T Nghiem, 2013

Figure 4. 34 : Evolution des taux de carbone organique au fond du lac de Narlay

c. Evolution des taux d’oxygène au fond des lacs

Les figures 4.35, 4.36 et 4.37 montrent l’évolution des taux d’oxygène au fond des lacs d’Ilay,

de Bonlieu et de Narlay (les taux correspondant à l’occupation du sol de 2010 ont été pris

comme données de référence).

Dans le cas du lac d’Ilay, la figure 4.35b montre que les écarts maximaux entre le taux

d’oxygène de référence (2010) et ceux qui correspondent à l’occupation des sols de 2020 et

2030, peuvent atteindre respectivement -0.7 mg/l et -1.2 mg/l. La diminution du taux

d’oxygène est plus forte pour deux périodes : juin-juillet (été) et octobre-novembre

(automne). Elles sont les périodes pendant lesquelles s’allonge la déplétion d’oxygène

(rectangles rouges). Pour ces périodes, la diminution du taux d’oxygène peut être causée par

l’augmentation de la décomposition des matières organiques pendant les mois d’été et

automne, où la température est assez élevée.

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Source : V-T Nghiem, 2013

Figure 4. 35 : Comparaison du taux d’oxygène au fond du lac d’Ilay pour les scénarii de

l’occupation des sols

Comme pour le cas du lac d’Ilay, les taux d’oxygène dissous au fond du lac de Bonlieu,

varient sensiblement selon les différents scénarios de l’occupation des sols (figures 4.36). Les

baisses correspondant à l’occupation des sols de 2020 et 2030 sont respectivement de -0.38 à

0.02 mg/l et de -0.6 à 0 mg/l (figure 4.36b). Le taux d’oxygène pendant la période estivale

pour l’occupation du sol de 2030 peut devenir nul.

Source : V-T Nghiem, 2013

Figure 4. 36 : Variation du taux d’oxygène au fond du lac de Bonlieu

Pour le lac de Narlay, les taux d’oxygène au fond du lac doivent également diminuer

fortement (figure 4.37). Ces diminutions sont en effet près de -0.4 mg/l et -0.8 mg/l pour

l’occupation des sols de 2020 et 2030 (figure 4.37b).

Source : V-T Nghiem, 2013

Figure 4. 37 : Comparaison du taux d’oxygène au fond du lac de Narlay pour les scénarii de

l’occupation des sols

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Concernant la durée de déplétion d’oxygène, le tableau 4.16 montre l’évolution du nombre de

jours de cette déplétion au fond de trois lacs du Jura. D’après ce tableau, la durée de déplétion

d’oxygène des lacs de Bonlieu, d’Ilay et de Narlay se trouve augmentée pour les cas de

l’occupation des sols de 2020 et 2030. Elle enregistre un allongement marquant des périodes

d’anoxie qui débutent en juin et se terminent vers la fin du mois d’octobre pour Ilay et Narlay,

et s’étalent de juin à août pour Bonlieu. Ces allongements réduisent fortement la capacité du

lac à régénérer son stock d’oxygène et provoquent la non-reconstitution des réserves. Ce

phénomène pourrait accentuer la déplétion dans le temps et l’étendre progressivement à

l’ensemble de la couche hypolimniotique. La durée de la déplétion de ces trois lacs peut

augmenter d’environ 6.4, 8.7 et 7.9 jours respectivement, et atteindre 34.4, 58.7 et 96.9

jours/année, pour l’occupation du sol de 2030.

Les résultats analysés ci-dessus montrent que le changement de l’occupation des sols à

l’horizon 2020 et 2030 a un impact significatif sur l’évolution des taux d’oxygène ainsi que

sur l’expansion de la durée de la déplétion d’oxygène au fond des lacs. Cela est dû à

l’augmentation des apports de matière organique d’origine exogène, depuis les versants et à

celle produite en interne. L’analyse prédictive basée sur l’occupation des sols de 2030

confirme l’évolution globale et l’accentuation du phénomène [Nghiem et al., 2013 ; Nedjai et

al,. 2013]. Les flux exogènes de matière organique accompagnés par une production interne

induisent une hausse de la consommation d’oxygène. Ce sont les lacs les plus profonds qui

accuseront la plus forte déplétion.

Tableau 4. 16 : Evolution du nombre du jour de déplétion d’oxygène au fond des lacs due au

changement de l’occupation des sols

Nom de lac Période de déplétion

d'Oxygène

Nombre du jour de déplétion d'oxygène

(jours/an)

2010s 2020s 2030s

Bonlieu Juillet et Août 25 29.8 31.4

Ilay d’Août à Octobre 50 56.6 58.7

Narlay d’Août à Novembre 89 95.8 96.9

Source : V-T Nghiem, 2013

4.2.2. Impact du changement de l’occupation des sols sur l’évolution des