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L’effet du bombardement ionique à faible énergie sur la topographie des surfaces

4.2 Evolution observée à l’échelle micrométrique

C’est à priori l’échelle qui nous intéresse le plus car la rugosité à l’échelle micrométrique est celle mesurée par les profilomètres classiques (optiques ou mécaniques) et dont on tiendra compte pour les applications optiques (proche UV, visible et IR). En outre, ces effets pourront souvent être directement observés par l’œil (diffusion de la lumière). Les observations expérimentales reportées dans ce chapitre sont souvent directement liées à des études menées dans le cadre de l’usinage ionique de surfaces optiques, comme c’est le cas pour le présent travail.

4.2.1 Etudes générales menées dans le cadre de l’usinage ionique McNeil et Herman [4.2] publient un des premiers articles donnant de manière systématique des mesures de rugosité rms mesurées en fonction de la profondeur érodée (jusqu’à ~ 0.5 µm) pour différents matériaux optiques : Cu, Mo, Si, Ni-P, ThF4, ZnS et différents verres (BK7, Dynasil et quartz – voir paragraphe sur les verres et Figure 4.1a). Les énergies étaient comprises entre 500 et 1500 eV, l’angle d’incidence était généralement 60° (des variations de l’angle entre 0 et 60° y sont commentées comme n’ayant pas un effet prononcé), la densité de courant comprise entre 0.5 et 1 mA/cm2, mais les conditions exactes pour chaque mesure ne sont pas précisées. Parmi les matériaux étudiés, le silicium, le Ni-P (electroless Ni), le BK7 et le quartz présentaient la plus faible augmentation de rugosité (<0.5 nm pour 300 nm érodés).

Egert [4.3] mesure l’évolution de la rugosité rms pour un grand nombre de matériaux optiques : substrats de miroir (silice fondue, Al, Cu électroformé, Ni-P, SiC CVD), matériaux infra-rouge (Si, Ge, sapphire, ZnS CVD) et dépôts métalliques (Al/SiO2, Cu/ SiO2, Au/O2, Au/Al). Il utilise un faisceau d’ions Ar de 500 eV, un courant total compris entre 4 et 30 mA

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et une distance échantillon – source ionique de 9 à 10 cm. Il classifie les matériaux dans 3 catégories en fonction de la vitesse d’augmentation de la rugosité rms par rapport à la profondeur érodée (I : <0.5 nm/µm, II : 0.5-5 nm/µm, III : > 5 nm/µm). Les résultats obtenus sont résumés au tableau. La catégorie I, qui reprend les matériaux présentant une faible augmentation de leur rugosité avec l’érosion ionique, comprend : la silice fondue, le Ni electroless, le SiC CVD, le silicium, le germanium, le sapphire et les dépôts or. Le type de défauts observés à la surface (dernière colonne du tableau) sont les creux, les particules, le relief en grain et les sillons. Les « fosses » sont des trous sphériques et isolés sur la surface qui sont observés sur des surfaces de différentes natures (SiO2, Ni-P, SiC CVD, …) et qui sont attribués à des dommages sous la surface (souvent introduits par le procédé de fabrication du verre et qui sont révélés par l’érosion ionique). Les particules sont des impuretés ou des phases différentes avec un rendement de pulvérisation différent qui produisent une dépression ou une protubérance sous bombardement ionique. Le relief en grain est dû aux différences de rendement de pulvérisation qui existent entre les différentes orientations des grains à la surface. L’importance du relief est proportionnelle à la dose ionique. Les sillons sont des griffes parallèles observées sur des échantillons préparés par tournage diamant.

Tableau 4.1 Résumé des mesures d’évolution de rugosité de différents matériaux optiques selon Egert [4.3].

4.2.2 Evolution observée sur quelques familles de matériaux 4.2.2.1 Les verres

Les verres ont été parmi les premiers matériaux à être étudiés au niveau de leur rugosité, comme en atteste les travaux de Perveyev dans les années 70 [4.4] ou de McNeil dans les années 80 (voir Figure 4.1a). Les verres sont réputés comme présentant peu d’évolution de leur rugosité sous érosion ionique en raison de leur structure amorphe. Aucune augmentation

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de la rugosité n’est observée sur la silice fondue (SiO2) par Egert, même pour des profondeurs d’érosion jusqu’à 23 µm [4.3].

4.2.2.2 Le dépôt chimique de nickel1

Toujours selon l’étude d‘Egert, la rugosité de dépôt chimique de nickel évolue peu avec l’érosion ionique (voir Figure 4.1b). Le fini de surface est conservé; seule l’apparition de

« fosses » est observée, comme sur d’autres matériaux.

Un travail ciblé sur l’évolution de l’état de surface de dépôt chimique de nickel a été publié par M. Ghigo et co. [4.5]. Leur but était d’évaluer la faisabilité de la correction de forme par faisceau d’ions de mandrins en aluminium avec un dépôt chimique de nickel utilisés pour la production de miroirs à rayons X. Ils ont utilisés pour leur étude une source ionique identique à la nôtre (source de type Kaufman de 3 cm de Ion Tech Inc.) avec un faisceau argon de 500 eV (courant de faisceau : 65 mA, distance de travail : 200 mm). Leurs échantillons étaient constitués de disques d’aluminium 6061 avec un dépôt chimique de nickel de 200 µm. Ils ont constatés l’apparition d’anneaux d’une taille d’environ 60 microns et dont la profondeur augmentait avec le temps d’érosion (~25 nm après ~2.3 µm érodés). Le facteur déterminant pour l’apparition de tels défauts semblait être la qualité de la surface d’aluminium avant le dépôt du nickel. Ils ont en effet pris deux échantillons d’aluminium, un poli à 12 nm rms (S1) et l’autre à 1 nm rms (S2). Les deux reçurent ensuite un dépôt de nickel de 200 µm. La croissance du nickel était différente sur les échantillons, celui non poli montrant des structures de la taille des anneaux observés précédemment (60 µm), l’autre ayant une structure plus lisse. Ils furent ensuite tous deux polis avec le même grain jusqu’à 0.9 nm rms. Après érosion ionique de ~2.3 µm, S1 présentait à nouveau des structures du type observées après dépôt du nickel et sa rugosité était montée à 2.4 nm rms alors que S2 ne présentait pas de structures particulières et sa rugosité était stable (1.0 nm rms).

La rugosité du dépôt chimique de nickel semble donc stable vis-à-vis de la pulvérisation ionique à condition que le dépôt de nickel soit effectué sur un substrat de bonne qualité.

(a) (b)

Figure 4.1. Variation de la rugosité rms pour (a) les « verres » [4.2] et (b) de la silice fondue et du dépôt chimique de nickel [4.3].

4.2.2.3 Les métaux

Les métaux subissent une augmentation importante de leur rugosité en raison de leur structure cristallographique où les grains d’orientation différente présentent une vitesse d’érosion différente. Le bombardement ionique engendre donc l’apparition d’une structure en grains, d’autan plus marquée que la dose ionique (ou la profondeur érodée) est importante.

1electroless nickel en anglais

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Figure 4.2. Variation de la rugosité rms pour l’aluminiun et le cuivre [4.3].

4.2.2.4 Les couches minces

Egert a réalisé des mesures de rugosité sur des couches minces pour différents matériaux en fonction de l’épaisseur de la couche [4.6]. L’usinage sur une couche mince déposée sur le substrat plutôt que directement dans le substrat est une technique intéressante dans le cas où le substrat est un matériau pour lequel la rugosité augmente fortement avec l’érosion ionique.

On constate à la Figure 4.3 que l’or et le silicium sont d’excellents candidats pour cette technique. En effet, les films de silicium et d’or inférieur à 2.5 µm ne montraient pas d’augmentation significative de leur rugosité.

Figure 4.3. Rugosité maximum observée en fonction de l’épaisseur du dépôt pour l’aluminium, le cuivre, l’or et le silicium [4.6].

4.2.2.5 Le carbure de silicium

Il est intéressant de se pencher sur le cas du SiC CVD pour lequel les vitesses d’évolution de rugosité présentaient des différences selon la méthode de polissage utilisée pour préparer l’échantillon (« rectification de précision2 », « rectification douce3 » et « polissage »).

L’échantillon préparé par « rectification douce » présentait la plus faible augmentation de rugosité alors que celui préparé par « polissage » voyait sa rugosité évoluer peu jusque 1 micron, puis augmenter fortement au-delà (voir Figure 4.4). Les mesures effectuées par

2precision grinding

3ductile grinding

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microscopie électronique à balayage ne permirent pas de détecter une évolution type relief en grain, malgré la nature polycristalline du SiC CVD. Ceci est supposé être probablement dû à un phénomène d’amorphisation de la couche près de la surface soumise au bombardement ionique.

(a) (b)

Figure 4.4 Evolution du SiC CVD (a) rugueux préparé par rectification douce et de précision, (b) poli préparé par rectification douce et par polissage [4.3].

Fawcett, Drueding et Bifano [4.8] ont étudié l’évolution d’échantillons en SiC CVD préparés par rectification douce et polissage. Ils montrent également l’importance de la méthode de préparation du SiC CVD sur l’évolution de la rugosité : ceux présentant des dommages sous la surface verront leur rugosité augmenter fortement en raison de l’apparition de cavités hémisphériques. Ils montrent par ailleurs que des échantillons préparés par rectification douce ne présentent pas d’augmentation de rugosité même jusqu’à 5 µm de profondeur érodée.