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4. Résultats et discussion

4.2. Comportement des polysaccharides du bois lors du traitement thermique

4.2.2. Analyse HPLC des monosaccharides constitutifs des polysaccharides du

4.2.2.4. Evolution de l’acidité du bois durant la pyrolyse douce

L’analyse HPLC de la composition des monosaccharides du bois en fonction du temps, a permis de mettre en évidence deux phases distinctes au cours du traitement thermique :

- dans un premier temps, on observe une dégradation rapide des hémicelluloses caractérisée par une diminution importante des taux des différents monosaccharides autres que le glucose allant jusqu’à la disparition totale de ces derniers. Pendant cette première phase, on observe une augmentation importante de la perte de masse totale de l’échantillon corrélée à la formation de nombreux produits de dégradation volatils.

- dans un deuxième temps, l’évolution de la perte de masse de l’échantillon est beaucoup moins prononcée, mais continue tout de même à augmenter progressivement. Durant cette phase, on observe une diminution de la quantité de glucose dosée en fonction du temps associée à la formation de produits de carbonisation dans le bois.

Durant ces deux phases, les propriétés macroscopiques du matériau vont subir des modifications importantes. La première phase, pendant laquelle, on observe une dégradation progressive des hémicelluloses, contribuant à l’augmentation de la durabilité du bois vis à vis des agents de pourritures, alors que la seconde phase pendant laquelle les principales modifications du matériau sont liées à la carbonisation du bois, vont avoir des effets néfastes en particulier vis à vis de ses propriétés mécaniques.

Une des caractéristiques des hémicelluloses est de posséder en plus des unités osidiques neutres telles que le xylose, le mannose, l’arabinose ou le galactose, des résidus d’acides uroniques tels que l’acide 4-O-methylétherglucuronique. La dégradation des hémicelluloses doit de ce fait, induire une diminution du taux d’acidité du bois due à la perte de ces unités acides. L’analyse des unités acides uroniques des hémicelluloses peut également être réalisée par HPLC, mais nécessite l’utilisation de colonnes différentes relativement onéreuses. C’est pourquoi, nous avons envisagé une méthode de dosage par pH-métrie basée sur la titration des fonctions acide carboxylique à la soude. Si l’on considère que la majeure partie des fonctions acide carboxylique du bois sont présentes sur les hémicelluloses, cette méthode devrait permettre de donner assez simplement une idée sur le niveau de dégradation de hémicelluloses. Parallèlement à la titration de l’acidité présente sur le bois, nous avons

également déterminé les taux des différents sucres neutres, et les taux d’holocellulose et de lignine de Klason. Les résultats sont rapportés dans le tableau 15.

Tableau 15 : Composition chimique et acidité des échantillons de hêtre traités à 250°C

Temps de traitement (heures) - - 30 min 1 h 5 h 7 h 15 h Pertes de masses(%) 0 0 20,3 21,6 24,7 25,7 27,9 Lignine de Klason (%) 23 22,3 30,7 32,6 37,6 38,6 46,1 Holocellulose(%) 77 77,6 69,2 67,3 62,3 61,3 53,9 Glucose + mannose (%) 47,5 49,0 45,1 44,7 41,7 39,3 32,6 Xylose(%) 15,1 15 11,6 9,9 3,7 0,4 0 Galactose(%) 2,2 2,8 1,7 1,2 1,1 0 0 Rhamnose(%) 1,4 1,1 0,9 0,8 0,1 0 0 Arabinose(%) 1,1 0 0,8 0,4 0,2 0 0 Monosaccharides non cellulosiques (%) 19,8 18,9 15 12,3 5,1 0,4 0 Monosaccharides totaux (%) 67,3 67,9 60,1 57 46,8 39,7 32,6 Volume de NaOH (mL)a 10,90 10,67 b 9,90 9,71 9,36 9,13 9,08 Acidité (méq./g de bois) 0,054 0,0448 0,014 0,0064 0 0 0 a

volume de NaOH 0,01N pour neutraliser 1ml de HCl 0,1N dans 25 mL d’eau distillée = 9,55 mL

b

sciure préalablement lavée à l’eau au soxhlet avant titration

Les mesures réalisées sur la sciure témoin préalablement extraite ou non à l’eau, montrent qu’une bonne partie de l’acidité mesurée est liée à des sites acides greffés sur le bois et non pas à des composés solubles dans l’eau. Le volume de soude nécessaire au titrage, diminue graduellement avec la sévérité du traitement et l’augmentation des pertes de masses, indiquant que la sciure devient progressivement moins acide. Des résultats similaires ont été décrits

(Yilgor et al. 2001; Kamdem et al. 2002). Après 7 heures de traitement, on observe une

disparition totale des monosaccharides constitutifs des hémicelluloses, correspondant à un taux d’acidité minimum qui ne varie pratiquement plus par la suite. Pendant les 7 premières heures du traitement, on observe par contre une diminution progressive du taux d’acidité corrélée à la diminution des hémicelluloses (figure 110).

Figure 110 : Corrélations entre la dégradation des hémicelluloses et l’indice d’acidité du bois de hêtre

La mesure du taux d’acidité du bois, semble être une mesure pertinente pour estimer le niveau de dégradation des hémicelluloses comparativement à la perte de masse du bois. Cette corrélation semble être liée, aux relations étroites existant entre l’acidité du bois et les motifs acides uroniques présents dans les hémicelluloses. La corrélation avec la perte de masse est moins bonne, du fait de la diversité des réactions de dégradations intervenant lors du traitement thermique, impliquant pas seulement les hémicelluloses mais aussi la cellulose, comme les réactions de carbonisation mises en évidence précédemment. A partir de 5 heures, le volume de soude nécessaire pour neutraliser l’acidité du bois, est inférieur à la quantité nécessaire pour neutraliser l’acide chlorhydrique utilisé pour effectuer le dosage en retour. Ces résultats indiquent clairement que le bois traité dans des conditions dures, acquiert un caractère basique après traitement thermique.

Dans le but de généraliser ces résultats, les expériences précédentes ont été reproduites sur du pin sylvestre. Les résultats obtenus sont rapportés dans le tableau 16.

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 0 2 4 6 8 10 12 14 16 temps (h) Perte de masse (%) Acidité x 1000 (méq/g) Xylose (%)

Monosaccharides non cellulosiques cellulosiques (%)

Tableau 16 : Composition chimique et acidité des échantillons de pin traités à 250°C Temps de traitement (heures) - - 0,5 1 5 7 15 Pertes de masses(%) 0 0 17,6 19,1 22,4 25,7 27 Lignine de Klason (%) 27,12 26,94 29,53 30,6 35,32 37,31 43,23 Holocellulose(%) 72,88 73,06 70,47 69,4 64,68 62,69 56,77 Glucose (%) 42,5 43,01 42,44 42,03 40,36 39,17 38 Mannose (%) 9,82 9,23 8,73 7,56 4,9 3,43 1,66 Xylose(%) 5,26 5,54 3,29 1,56 0,21 0 0 Galactose(%) 3,47 3,1 2,8 2,09 1,32 0 0 Rhamnose(%) 1,68 0,61 0,26 0,24 0 0 0 Arabinose(%) 0,48 0,58 0,22 0,18 0 0 0 Monosaccharides non cellulosiques (%) 20,71 19,06 15,3 11,63 6,43 3,43 1,66 Monosaccharides totaux (%) 63,21 62,07 57,74 53,66 46,79 42,6 39,66 Volume de NaOH (mL)a 11,6 11,03 b 10,98 10,58 10,21 10,03 10,00 Acidité (méq./g de bois) 0,082 0,0592 0,0572 0,0412 0,0264 0,0192 0,018 a

volume de NaOH 0,01N pour neutraliser 1ml de HCl 0,1N dans 25 ml d’eau distillée = 9,55mL

b

sciure préalablement lavée à l’eau au soxhlet avant titration

Dans le cas des bois de résineux, les hémicelluloses sont principalement constituées de galactoglucomannanes (20 à 25%) et d’arabinoglucuronoxylanes (5 à 10%). La quantité de mannose, est donc beaucoup plus importante que dans le cas du bois de hêtre permettant de doser ces dernières. L’acidité du bois de pin est supérieure à celle du hêtre, ce qui correspond à ce qui est généralement rapporté dans la littérature (Rowell et al. 2005). Les titrations réalisées sur la sciure lavée ou non à l’eau, indiquent à nouveau qu’une bonne partie de l’acidité est due à des fonctions acides liés au bois. De la même manière que précédemment, l’acidité du bois diminue avec l’intensité du traitement thermique. Cependant, contrairement au cas du hêtre, la valeur d’acidité finale reste légèrement supérieure à zéro. Cette différence de comportement, peut probablement s’expliquer par la présence d’autres composés possédant

des fonctions acides carboxyliques, comme les acides résiniques présents dans les bois de résineux. L’évolution des taux de monosaccharides non cellulosiques, et de l’acidité du bois sont présentés dans la figure 111.

Figure 111 : Corrélations entre la dégradation des hémicelluloses et l’indice d’acidité du bois de pin

Les mêmes conclusions que celles formulées à partir des résultats obtenus dans le cas du hêtre peuvent être faites. On observe une bonne corrélation entre la diminution du taux d’acidité du bois, et la disparition des différents monosaccharides constitutifs des hémicelluloses. Pendant les premières heures de traitement, on observe une diminution du taux d’acidité du bois associée à un forte diminution des taux des différents monosaccharides non cellulosiques. Après 7 heures de traitement, les hémicelluloses sont pratiquement totalement dégradées, alors que l’acidité du bois tend à se stabiliser.

La mesure du taux d’acidité du bois constitue donc une méthode indirecte intéressante, permettant d’évaluer la dégradation des hémicelluloses. La facilité de mise en œuvre de cette mesure, et le coût relativement faible des équipements qu’elle implique, constitue

0 10 20 30 40 50 60 70 0 2 4 6 8 10 12 14 16 temps (h) Perte de masse (%) Acidité x 1000 (méq/g) Xylose (%)

incontestablement un point fort de cette technique. Il serait toutefois nécessaire d’affiner ces résultats en effectuant des expérimentations supplémentaires.

4.2.3. Conclusions

De nombreux travaux ont déjà été effectués sur les changements chimiques intervenant durant la pyrolyse douce du bois de feuillus (Thermo Wood Handbook 2003 ; Wikberg et Maunu 2004).

Généralement, les changements physiques intervenant durant le traitement thermique du bois sont la diminution de la variation dimensionnelle et le gonflement, une augmentation de la durabilité vis à vis des champignons et une diminution des propriétés mécaniques. Les modifications chimiques attribuées au traitement thermique du bois à haute température, sont la diminution de la quantité des polysaccharides amorphes, la condensation et la déméthoxylation de la lignine.

La dégradation des hémicelluloses en composés volatiles, et la thermo réticulation de la lignine font partie de grandes modifications habituellement décrites à nos températures d’étude (240°C et 250°C). Les travaux que je viens de présenter dans cette partie de notre étude, ont clairement permis de démontrer la formation de matière carbonée dans la structure

du bois de hêtre traité à 240°C durant 21 heures. Les spectres RMN13C de la fraction

d’holocellulose traité thermiquement, montre l’apparition de nouveaux signaux dans les zones de 35 ppm et 125 à 135 ppm dues à la formation de charbon, ou de précurseurs de formation

du charbon. Ces apparitions de signaux dans la fraction d’holocellulose traité thermiquement,

s’opposent à ce qui est habituellement décrit dans la littérature à savoir que, les signaux apparaissant dans ces zones après traitement thermique sont dues respectivement à la formation de ponts méthylènes et à la thermo réticulation de la lignine.

La détermination de la quantité de lignine de Klason, et les dosages HPLC des différents

monosaccharides contenus dans l’hydrolysat acide, viennent appuyer les analyses RMN13C

des échantillons traités thermiquement. Ces différentes proportions (monosaccharides et lignine de Klason) indiquent que l’évolution de la composition chimique du bois traité thermiquement, ne peut s’expliquer par la seule dégradation des hémicelluloses en composés volatiles, mais par un début de formation simultanée de charbon. Sur la base de ces résultats et de ceux obtenus précédemment par Nguila et al. (2006), on peut dire que la formation de charbon, ou de précurseurs entrant dans la formation de charbon comme le levoglucosane et le lévomannosane commence à des températures comprises entre 200°C et 240 °C. En

conclusion de ce travail, nous dirons que même si la formation de charbon durant la pyrolyse du bois à hautes températures de 300°C à 450 °C a fait l’œuvre de nombreuses études, cette formation durant le traitement thermique par pyrolyse ménagée n’est pas clairement

démontrée. Les modifications apparaissant sur les signaux RMN13C, dues à la formation de

charbon, sont habituellement interprétées comme dues à la thermo réticulation de la lignine. Ces affirmations doivent maintenant être reconsidérées aux vues de ces résultats. Aussi, la matière carbonée formée durant cette pyrolyse ménagère pourrait être à l’origine de nombreuses et nouvelles propriétés de ce matériau comme sa durabilité.