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Evolution des propriétés le long de la fibre

Le cas litigieux des fibres à allure singulière

Il faut également remarquer qu’il peut exister des allures de courbes de tractions singulières qui présentent une partie convexe de la courbe après les environs de la limite élastique, en début de plasticité, voir figure 3.15(c). Les courbes typiques se retrouvent quasi systématiquement dans la littérature [Mort 75] [Duna 95]

[Part 96] [Zhan 07]. Cependant, ce type d’allure particulier peut être exceptionnellement retrouvé sans avoir

pour autant été ni décrit ni justifié. Notamment, Pérez-Rigueiro observe ces deux types d’allure [Prez 98] mais constate également que le comportement du fil est le résultat de la somme du comportement des brins disposés en parallèles [Prez 00b], ce qui pourrait justifier que ce type d’allure survient par un non alignement des deux brins, mais cette hypothèse ne semble pas possible du fait de la production simultanée des brins. Une possibilité

dans ce sens serait que l’un des deux brins soit endommagé voir sectionné, et que le grès permette une reprise d’effort en court de traction.

Une autre proposition a récemment été abordée justifiant les variations d’allure par une hydratation dégres- sive du matériau par vieillissement. Le cas atypique se retrouverait plus fréquemment pour des cocons frais et disparaitrait par vieillissement ou par un procédé tel que le dévidage ou le mouillage. Ce comportement serait donc induit par de l’eau liée intimement à la matière et non libre dans le matériau [Jauz 09].

Cependant, cette allure s’assimile également, parfois, à des fibres pré-contraintes, cas visible sur la figure 3.16 qui montre l’évolution du comportement de fibres de soie sous un chargement cyclique. Une partie re- lèverait donc d’une erreur de manipulation, ce qui justifierait la rareté de ces spécimens qui ne se retrouvent que pour les fibres extraites manuellement de cocons (pas observé pour le fil standard) avec pour les 3 cocons observés, 131 fibres testées, et 11 fibres présentant cette allure, soit 7%. Le fait que ces fibres soient générale- ment consécutives et que leur déformation à rupture est systématiquement inférieure à la moyenne renforcent cette hypothèse même si aucune étude statistique n’a été menée durant ce travail à ce sujet. Il faut cependant relativiser cette remarque puisque parfois, c’est tout un segment qui présente cette particularité, il se pourrait donc que des phénomènes microstructuraux soient bien à l’origine de ce comportement particulier du début de plasticité.

Faute d’une compréhension superficielle de ces observations et du risque du facteur extérieur dû au mani- pulateur, ces fibres sont considérées comme aberrantes dans cette étude et seront négligées.

Evolution du comportement due à un historique de contrainte

L’évolution du comportement sous sollicitation cyclique a été observé pour évaluer l’impact d’une pré- contrainte involontaire lors de la préparation des échantillons, voir figure3.16. Les fibres subissant une pré- contrainte au delà de leur limite d’élasticité présentent un comportement différent jusqu’au maximum de contrainte vu historiquement, la fibre de soie n’est donc pas purement élastique. De plus, au delà de ce maxi- mum, les fibres ont un comportement similaire à celui d’une fibre non cyclée. On observe également une boucle d’hystérésis lors de la décharge - recharge, témoin de la dissipation énergétique du matériau. Cette dissipation évolue en fonction du nombre de cycle vers une stabilisation. Il y a donc un adoucissement cyclique associé à un comportement mécanique indépendant de l’historique une fois le maximum de cet historique dépassé.

Une particularité est observable juste une fois dépassé le maximum de contrainte historique. L’allure de la courbe ne suit pas parfaitement l’évolution obtenue à partir d’une traction monotone. En effet, les contraintes surpassent la courbe théorique sur une courte déformation. Ceci pourrait être une représentation des phéno- mènes de frottement à l’échelle moléculaire justifiant la différence entre des mécanismes continus d’une traction monotone et des mécanismes de plasticité étant déclenchés au delà du maximum historique. Ce phénomène n’a pas été étudié et ne peut donc pas être expliqué plus en détail pour l’instant.

0 25 50 75 0 0,1 0,2 0,3 Déformation For ce ( mN )

FIG. 3.16 – Courbe de traction cyclique d’une fibre de soie de Bombyx mori, flèche : sur-contrainte vraisembla- blement due aux frottements moléculaires

Importance de la variabilité

Pour finir, il est important de noter un facteur primordial dans l’étude du comportement mécanique de la fibre de soie : l’importance prépondérante de la variabilité. En effet, comme beaucoup de fibres naturelles, la soie est sujette à une importante variabilité. Ceci peut s’expliquer par le nombre de facteurs innombrables mis en jeu par la production d’un polymère par un organisme vivant. Il en résulte une variabilité le long de la fibre à l’intérieur d’un même cocon et une variabilité entre cocons produits, chacun, par un ver différent, même si les races ainsi que les conditions d’élevage sont parfaitement identiques.

Le tableau3.4montre les variations de propriétés pour trois cocons décreusés, pour la pente initiale (Pentei),

la force à rupture (Fr) et la déformation à rupture (�r). Il n’a pas été obtenu de valeurs en contraintes car seules

les sections du cocon Co3 ont été observées. On peut constater que les caractéristiques de chaque cocon sont significativement différentes. L’écart type d’une soie théorique regroupant l’ensemble des valeurs atteint alors, par exemple pour la mesure de la pente initiale, 1,1N pour une moyenne à 2,4N, la variabilité altère donc près de 50% de la valeur moyenne.

Cocon Pentei(N) Fr(mN) �r

Co1 1,3 (0,2) 69,7 (14,2) 0,26 (0,06)

Co2 2,6 (0,5) 120,8 (16,9) 0,22 (0,05) Co3 3,4 (0,4) 139,4 (32,9) 0,28 (0,08)