• Aucun résultat trouvé

2.3.1 Présentation des sources utilisées pour les comparaisons de largeurs de rues

2.3.2.1 Evolution des largeurs d’après les permis d'encoignures

De l'édifice qui forme l'angle entre deux rues, dépend l'alignement des façades, la largeur de la rue et la perspective urbaine (Gallet-Guerne et Gerbaud, 1979, 7). L'encoignure d'un bâtiment est par ailleurs particulièrement fragile parce qu'elle est soumise aux aléas de la circulation. C'est sans doute pour toutes ces raisons qu'est mise en place très tôt la procédure de dépôt de demande de permis de construction ou reconstruction d'encoignures à Paris.

Cette procédure relevait des attributions de police exercées par la juridiction royale du Châtelet (Gallet-Guerne et Gerbaud, 1979, 7). Si peu de ces documents subsistent pour la période antérieure à 1688, les dossiers sont en revanche complets à partir de cette date et ont fait l'objet

186

d'un inventaire publié par les Archives Nationales (Gallet-Guerne et Gerbaud, 1979). La procédure était la suivante : le propriétaire qui souhaite construire ou reconstruire une jambe d'encoignure adresse sa requête au lieutenant général de police en indiquant les rues concernées. Si dans un premier temps c’est le propriétaire qui signe la requête, il est peu à peu remplacé au cours du XVIIIe

siècle par l'entrepreneur chargé des travaux. Le lieutenant général de police, le procureur du roi, un greffier ainsi que le commissaire général de la voierie se rendent alors sur les lieux, prennent des mesures, marquent des repères et décident d'accorder la permission ou non au requérant de réaliser les travaux. Le procès-verbal, rédigé à l'issue de cette visite indique au requérant les mesures qu'il doit respecter (distance entre deux encoignures et largeur du pan coupé). Une ordonnance est ensuite rédigée au nom du lieutenant général de police et signée par lui (Gallet-Guerne et Gerbaud, 1979, 8). Nous avons consulté l'ensemble des demandes de permis déposés pour les rues dont les différences de largeur mesurées entre le XVIe et le XVIIIe siècle nous paraissaient non négligeables.

A titre de comparaison et d'échantillon « témoin », nous avons consulté les permis d'alignement des encoignures déposés pour des rues dont nous ne constations aucune différence dans la mesure de la largeur entre le début du XVIe et la fin du XVIIIe siècle. Ainsi, deux demandes de

permis ont été déposées pour la rue Darnétal (aussi appelé Greneta), dont une déposée en 1732 qui concerne une encoignure à proximité de laquelle devait se trouver une chaîne. Il s'agit du dossier n°163-164 du carton Arch. Nat Y 9505B. Le procès-verbal de la visite indique que la distance entre les

deux encoignures est alors de 20 pieds, alors qu'elle est de 21 pieds au début du XVIe siècle, soit une

différence, à notre avis négligeable, de 30 cm. Le permis d'alignement de l'encoignure de la rue Darnétal confirme donc que la largeur de la rue n'a pas évolué dans cette section entre le début du

XVIe siècle et la fin du XVIIIe siècle.

Malheureusement, aucun permis d'alignement n'a été déposé pour les encoignures de la rue des haudriettes (1ère descente depuis la rue de la Mortellerie jusqu'au quai), la rue grillée (3ème descente depuis la rue de la Mortellerie jusqu'au quai) et sur les encoignures de la rue des Noyers avec la rue Saint-Jacques. Nous n'avons, pour lors, pas trouvé le moyen de comprendre l'évolution de la largeur de ces trois rues.

Les encoignures de la rue du Renard (ou Regnard) avec la rue Saint-Denis font, elles, l'objet de deux demandes d'alignements d'encoignures entre 1668 et 1789. La première est déposée en 1730 : c'est le dossier n°96-97 du carton Arch. Nat. Y 9505B. Le procès-verbal de la visite liée à cette

première demande, exige du requérant qu'il s'astreigne à reconstruire l'encoignure à 7,5 pieds de distance de l'encoignure de l'autre côté de la rue. Le procès-verbal de la visite des chaînes indiquait pour cette rue une largeur de 7,25 pieds : il apparaît donc qu'entre le début du XVIe siècle et le

187

demande d'encoignure est déposée pour la maison située à l'opposé. C'est le dossier n°153-154 du carton Arch. Nat. Y 9505B. Le procès-verbal de la visite liée à cette seconde demande, exige quant à

lui du requérant qu'il s'astreigne à reconstruire l'encoignure à neuf pieds de distance de celle située de l'autre côté de la rue, ce qui équivaut à 1,5 toises et donc à plus ou moins 2,9 m : une mesure qui se rapproche de beaucoup de celle que nous avons pu obtenir manuellement sur le plan de Verniquet (3,16 m). Nous considérons l'écart que l'on observe désormais entre ces deux dernières mesures comme négligeable. L'évolution de la largeur de la rue du Renard entre 1730 et 1732 doit probablement être imputée aux exigences posées par les personnes ayant participé à la visite du terrain et placées sous l'autorité du lieutenant général de police du Châtelet.

Il existe un permis d’encoignure pour la rue des Trois chandeliers. La demande est faite en 1768 et concernait une maison sise rue de la Huchette qui faisait l’encoignure de ladite rue. Il s’agit du dossier n°241-242 du carton Arch. Nat. Y 9507A. Le procès-verbal de la visite liée à cette demande,

exige du requérant qu'il s'astreigne à reconstruire l'encoignure à cinq pieds de distance de l'encoignure de l'autre côté de la rue. Le procès-verbal de la visite des chaînes indiquait pour cette rue une largeur de 6 pieds : la largeur de la rue n’évolue donc presque pas entre le début du XVIe

siècle et 1768. C’est donc entre 1768 et 1791 que la rue est élargie d’environ 1,6 à 3,8 m. Nous ne sommes pas en capacité d’expliquer cette évolution.

Deux permis d’encoignure ont été délivrés pour le nord de la rue des Bourdonnais. Le premier est délivré en 1727. Il s’agit du dossier n°329 du carton Y 9505A. Etonnamment, ce dossier

donne des prescriptions au propriétaire de la maison concernée à propos de la largeur du pan coupé, mais pas de la distance à respecter vis-à-vis de la maison opposée. Le second est délivré en 1744. Il s’agit du dossier n°199-200 du carton Arch. Nat. Y 9506A. Le procès-verbal de la visite liée à cette

demande, exige du requérant qu'il s'astreigne à reconstruire l'encoignure de manière à ce que l’entrée de la rue des Bourdonnais mesure « dix huit pieds moins un pouce de largeur », soit environ 5,8 m. Le procès-verbal de la visite des chaînes indiquait pour cette rue une largeur de 9 pieds. La largeur de la rue a donc augmenté entre 1507 et 1744, pour à nouveau rediminuer entre 1744 et 1791 puisque que le plan de Verniquet indique que la rue devait mesurer plutôt 4,5 m de large à ce moment-là. La matérialité du carrefour des rues Saint-Honoré et des Bourdonnais semble donc évoluer au cours du temps, sans que nous puissions l’expliquer.

Enfin un seul permis d’encoignure a été délivré pour l’encoignure de la rue du Haut Moulin avec la rue de Glatigny. Il l’a été en 1761. Il s’agit du dossier n°2 du carton Arch. Nat. Y 9507A. Le

procès-verbal de la visite liée à cette demande, exige du requérant qu'il s'astreigne à reconstruire l'encoignure à huit pieds et neuf pouces de distance de l'encoignure de l'autre côté de la rue, soit 2,84 m. Le plan Verniquet indique que la rue mesure environ 3,4 m en 1791. La différence entre les deux mesures est, il nous semble négligeable. Ces deux mesures restent en revanche très éloignées

188

de celle indiquée par le procès-verbal de visite des chaînes de 1507. Plusieurs possibilités d’analyse sont possibles : soit la rue est devenue plus étroite entre 1507 et 1761, soit l’implantation de la chaîne a été mal localisée. En effet, l’absence des rues du « fer a molin » ou du « haut moulin » dans l’inventaire des rues que publient Gilles Corrozet en 1532 et Jacques du Breul en 1639 nous fait douter de la localisation de cette rue à la largeur pourtant importante : une rue aussi importante aurait dû figurer dans ces inventaires. Par ailleurs, on remarque que la mention de la rue du Fer a molin arrive avant celle de la rue de Glatigny dans le procès-verbal de visite des chaînes, ce qui trouble la cohérence du parcours du sergent quartenier : on s’attendrait à la voir apparaître avant étant donné que le sergent visite les chaînes en venant du parvis de la cathédrale. Enfin, dans le procès-verbal, la rue Fer a molin n’est pas décrite comme aboutissant à la rue de Glatigny, ce qui est pourtant toujours le cas pour la rue du Haut moulin. Mises bout à bout, ces éléments nous amènent à penser qu’il n’est pas impossible que la rue ait été mal localisée, sans pouvoir pour autant être en mesure d’avancer une autre hypothèse de localisation de cette rue.

Cependant, nous pouvons noter que si les largeurs évoluent pour ces quatre rues, elles le font dans des proportions plutôt modestes, ce qui n’a sûrement pas dû entraîner de bouleversements du point de vue de la gestion de la circulation dans ces rues et à leur approche. Seule la rue Saint-Jean de Latran a subi une modification importante, puisque c’est en partie sur cette rue que fut implantée la place de Cambrai au commencement du XVIIe siècle, (elle-même

transformée en place Marcellin-Berthelot en 1855) (Hillairet, 1997, 99), ce qui explique le très grand écart (huit mètres) entre la longueur de la chaîne destinée à barrer la rue au début du XVIe siècle et la

largeur de la rue mesurable sur le plan de Verniquet. Cette première comparaison des données tirées du procès-verbal de la visite des chaînes et du plan Verniquet tend donc à montrer que la largeur des rues étudiées a été très peu modifiée, voire dans la majorité des cas, ne l’a pas été entre le XVIe et le

XVIIIe siècle.

Outline

Documents relatifs