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2.2 Le corollaire morphologique de ces observations : quantifier et caractériser l’évolution de la forme des surfaces bâties à l’échelle de la

2.2.4 Comparaison de l’évolution des tracés viaires, de l’évolution des îlots et des données de flu

2.2.4.2 Comparaison des données de flux et des îlots qui subissent des modifications

Nous avons montré plus haut que les îlots qui subissent une modification entre 1652 et 1836 ne sont pas répartis uniformément dans l’espace. La confrontation avec les données de flux permet- elle de mieux comprendre ces disparités ?

2.2.4.2.1 Premier croisement : localisation des rues formant la Croisée de Paris et évolution des îlots

Si les données manquent pour tenter de quantifier les déplacements des Hommes dans les rues parisiennes à la fin du Moyen Âge et à la période moderne, certaines nous permettent, indirectement d’en dessiner toutefois des tendances. Ainsi, la prise en charge complète du pavage d’une rue par le domaine de la ville (et donc son intégration à la Croisée de Paris) nous permet de pouvoir envisager son importance pour l’approvisionnement de la ville. La comparaison avec les îlots modifiés fait ressortir (Annexe 16) certaines tendances intéressantes.

Cette comparaison nous permet tout d’abord de constater que les rues formant la Croisée de Paris à la fin du XVe siècle ne sont concernées qu’en deux endroits par des modifications des tracés

viaires : sur le quai des Augustins au niveau de l’Institut de France, et dans la rue de l’Ecole Saint- Germain lors de la restructuration du Louvre. Ceci nous permet de dire que les tracés des rues, dont la bonne viabilité est considérée comme étant nécessaire au bon approvisionnement de la ville à la fin du XVe siècle, ne sont pas ceux qui subissent des modifications observées lors de nos précédentes

analyses.

On note que 44 des 57 tracés viaires qui ont fait l’objet entre 1424 et 1489 à au moins une occasion d’une prise en charge complète du pavage (achat des matières premières, livraison des pavés et pose de ceux-ci) pour une ou plusieurs de leurs sections, aboutit ou constitue l’un des côtés d’un des îlots qui ont subi une modification entre 1652 et 1836. Ils représentent donc 77 % du total des tracés. On trouve donc davantage d’îlots modifiés à proximité des rues formant la Croisée de Paris à la fin du XVe siècle qu’à proximité des autres voies. Il est possible de comparer la localisation

des îlots modifiés avec d’autres données permettant de commencer à appréhender l’importance des déplacements des Hommes dans les rues de la ville, comme par exemple les montants des fermes des chaussées.

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2.2.4.2.2 Deuxième croisement : localisation des rues formant la Croisée de Paris, montants des fermes des chaussées et évolution des îlots

La figure Annexe 17 est une carte qui compile les données que nous possédons concernant l’évolution des îlots entre 1652 et 1836, la localisation des rues qui forment la Croisée de Paris à la fin du XVe siècle ainsi que la part du pourcentage du montant total obtenu par l’affermage des chaussées

pour chacune des fermes en 1470/7183. La figure Annexe 18, propose elle de réaliser la même

comparaison mais cette fois-ci avec la part du pourcentage du montant total obtenu par l’affermage des chaussées pour chacune des fermes en 1637-163884.

On constate en premier lieu que les îlots qui se trouvent à proximité d’une porte d’entrée de la ville dont le péage est affermé ont tous subi des modifications entre 1652 et 1836. Le constat du caractère dissymétrique de la répartition dans l’espace parisien des îlots modifiés nous incite à comparer l’évolution de plusieurs variables afin de mieux cerner d’éventuelles absence ou présence de corrélations entre elles. Nous définissons quatre espaces (Annexe 19):

- zone 1 - le quart nord-ouest de la ville : limité à l’est par le binôme des rues Saint-Denis et Saint-Martin, au sud par la Seine et à l’ouest par l’enceinte de Charles V

- zone 2 - le quart nord-est de la ville : limité à l’ouest par le même binôme, par la Seine au sud et à l’est par l’enceinte de Charles V

- zone 3 - le quart sud-ouest de la ville : limité à l’est par le binôme des rues Saint-Michel et Saint-Jacques, au nord par la Seine et à l’ouest par l’enceinte de Philippe Auguste

- zone 4 - le quart sud-est de la ville : limité à l’ouest par le même binôme, au nord par la Seine et à l’est par l’enceinte de Philippe Auguste)

Nous comparons le total de la surface des îlots modifiés (pour approcher au mieux la longueur des tronçons viaires créés ou disparus entre 1652 et 1836), avec la surface de chacune des zones et avec la part en pourcentage du montant total des revenus issus de l’affermage des chaussées des portes en 1637-1638 qui permettent d’accéder aux espaces étudiés (l’affermage des binômes des portes Saint-Denis/Saint-Martin et Saint-Michel/Saint-Jacques est divisé en deux et réparti de manière égale entre les deux espaces dont les rues qui en sont issues forment la limite). Nous excluons de l’analyse les deux îles, faute de trouver un classement qui nous semble être pertinent. Les graphiques suivants permettent d’observer l’évolution de ces différentes variables selon la zone étudiée :

83 Beaucoup de portes étant fermées durant la première moitié du

XVe siècle, à cause du contexte militaire et

de la crise économique, nous avons choisi de représenter les données que nous possédons pour l’année 1470- 1471, pour laquelle nous savons que toutes les portes ont été affermées durant cette année.

84 Etant donné que les deux années 1637-1638 et 1638-1639 présentent une hiérarchie des montants

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Figure 26. Graphique comparant la superficie des îlots modifiés entre 1652 et 1836, et la part en pourcentage du montant issu de l'affermage des chaussées en 1637-38 menant à chacune des quatre parties de la ville

Le graphique permet de repérer une co-évolution entre ces deux variables : la surface des îlots modifiés entre 1652 et 1836 décroit en même temps que la part en pourcentage du montant issu de l’affermage des chaussées qui donnent accès à la zone étudiée en 1637-1638. Cependant, plusieurs éléments nous empêchent d’en déduire, pour autant, que la surface des îlots modifiés peut être corrélée à l’affermage des chaussées. En effet, l’écart chronologique entre les deux séries étudiées est très important. Par ailleurs, nous savons que les montants tirés de l’affermage des chaussées ne reflète qu’une évocation de la prévision de trafic car d’autres droits d’entrée sont prélevés ailleurs qu’aux portes. Enfin, ces montants donnent un aperçu des flux terrestres mais pas du trafic issu de la circulation sur le fleuve qui est extrêmement conséquente85. Cette comparaison doit donc être prise

avec beaucoup de précautions mais, en l’absence d’autres données, mérite toutefois d’être conservée.

85 Il est difficile d’évaluer la part de l’approvisionnement en valeur des denrées alimentaires par les voies

terrestres ou fluviales pour le Moyen Âge. Pour la fin de la période moderne par contre (vers 1780), Reynald Abad évalue que 63 % de cet approvisionnement entre dans Paris par la route et 37 % par le fleuve (Abad, 2002, 817)

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Le graphique suivant nous fournit une confirmation du fait que les îlots modifiés ne sont pas répartis de manière régulière dans l’espace :

Figure 27. Graphique comparant la superficie des îlots modifiés entre 1652 et 1836, et la superficie des zones définies

Si les îlots modifiés étaient répartis régulièrement, leur surface évoluerait de la même manière que la superficie de la zone étudiée, ce qui n’est pas tout à fait le cas ici. En effet, même si la co-évolution ponctuelle des deux courbes entre la zone 2 et la zone 3 illustre le fait que plus la zone étudiée est petite et moins nombreux seront nécessairement les îlots modifiés, la comparaison entre ce qui est comparable (la zone 1 avec la zone 2, et la zone 3 avec la zone 4), montre bien que les surface d’îlots modifiés ne sont pas fonction de la superficie des zones étudiées.

Nous remarquons par ailleurs que le nombre et la surface des îlots sont du même ordre à proximité de plusieurs portes (Saint-Antoine, Saint-Victor, Saint-Jacques, ou encore Bordelles par exemple). Les montants tirés de l’affermage de ces chaussées sont par contre assez différents. Selon nous cela peut s’expliquer ou bien par le fait qu’entre 1637-1638 et le XVIIIe siècle la répartition du

trafic ait évolué entre les différentes portes86, et/ou bien que l’importance d’un flux (la proportion de

marchandises et d’hommes transitant par une porte) n’est pas le seul élément qui peut expliquer le rôle que peuvent avoir les flux de circulation pour l’évolution du tissu urbain examiné à échelle

86 Répartition qui s’était maintenue tout au long pour les 25 années de comptabilité dont nous possédons la

copie entre 1424 et 1489 : le revenu tiré de l’affermage des portes du Temple et Saint Antoine est, par exemple, toujours en moyenne deux fois supérieur à celui tiré de l’affermage des portes Saint Honoré et Montmartre. 0 50 100 150 200 250

zone 1 zone 2 zone 3 zone 4

Su pe rf ic ie (h

a) superficie des îlots

modifiés entre 1652 et 1836

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macroscopique, puisque ce n’est peut-être pas tant la circulation en elle-même qui est morphogène mais le besoin ou la possibilité que l’on en a de s’en approcher ou d’y avoir accès.

Afin de poursuivre la réflexion, il est possible de comparer l’ensemble des données déjà analysées avec celle d’un nouveau type : les dépenses de pavage réalisées par le domaine de la ville entre 1424 et 1489.

2.2.4.2.3 Troisième croisement : évolution des îlots, du montant des fermes et des dépenses de pavage

Nous produisons une carte (Annexe 20) qui compile les données précédemment présentées sur l’évolution des îlots entre 1652 et 1836, les données qui concernent le montant du revenu tiré de l’affermage des chaussées de la ville en 1637-1638, et les dépenses de pavage réalisées par le domaine de la Ville de Paris entre 1424 et 1489.

Comme nous le disions plus haut, on note que 77 % du total des tracés composant la Croisée de Paris aboutit ou constitue l’un des côtés d’un des îlots qui ont subi une modification entre 1652 et 1836. Parmi les voies qui ont le plus fait l’objet de réfections de pavage entre 1424 et 1489, seules quatre ne bordent pas l’un des îlots modifiés entre 1652 et 1836. Ce sont en revanche sept des voies qui font le moins l’objet de réfections de pavage qui ne bordent pas l’un de ces îlots. On trouve donc davantage d’îlots modifiés à proximité des voies principales de la Croisée qu’ailleurs.

Par ailleurs, la figure Annexe 21 nous permet de constater que, bien que l’affermage des chaussées Saint-Honoré et Saint-Antoine fournisse des montants tout à fait différents au domaine de la Ville entre 1470/1471 (9,4 % contre 17,9 % du revenu global), les dépenses de pavage réalisées entre 1424 et 1489 dans les rues permettant de parvenir aux portes sont du même ordre : ce sont 351,5 toises qui ont été repavées entre ces deux dates dans la rue Saint-Honoré en 9 chantiers, et ce sont 436,8 toises qui ont été repavées dans la rue du Pont Perrin (la rue menant à la porte Saint- Antoine) en six chantiers. Les opérations de repavage sont donc plus nombreuses dans la rue Saint- Honoré que dans la rue du Pont Perrin mais la surface pavée totale est moindre. Cela rappelle le cas de la rue Saint-Denis que nous évoquions plus haut87. Comment expliquer que les montants tirés de

l’affermage des chaussées des portes Saint-Honoré et Saint-Antoine soient différents mais que les dépenses de pavage affectant les axes qui y mènent soient du même ordre ?

L’importance des dépenses de pavage signifie que la chaussée s’abîme et que l’on souhaite remédier à cette situation. Plusieurs facteurs peuvent être à l’origine de l’usure d’une chaussée : une

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circulation dense, la circulation de pondéreux, des problèmes techniques liés à la structure de la chaussée, ou encore le caractère symbolique de certains axes entraîne parfois des réfections fréquentes. Le montant pour lequel est affermé la chaussée est directement lié au montant que le fermier espère pouvoir obtenir par la taxation des marchandises qui empruntent la voie, sachant que la taxation varie en fonction des types de produits. Un montant de ferme élevé signifie que le nombre de marchandises et d’hommes qui transitent par la voie est élevé et/ou que des marchandises fortement taxées empruntent fréquemment ladite voie. Les indicateurs « dépenses de pavage » et « fermes des chaussées » montrent que vraisemblablement, les deux axes « rue Saint- Honoré » et « rue du Pont Perrin » sont deux axes très fréquentés à la fin du XVe siècle, mais que les

marchandises qui transitent par les portes ne sont peut-être pas tout à fait du même type. L’implantation en masse au XVe siècle d’artisans travaillant de grandes pièces, comme les

hûchiers (les fabricants de meubles) près du cimetière Saint-Jean et de la rue Saint-Antoine par exemple (Favier, 1997, 625), la moindre densité de commerce de détail dans cette partie de la ville (davantage concentrée dans la partie ouest de la rive droite), ainsi que la présence de davantage de ports spécialisés dans le déchargement du bois, du blé, du vin (des pondéreux) entre le port de Grève et la porte Saint Antoine par rapport à l’ouest du pont au Change, nous font penser que davantage de matières premières et/ou production de gros volumes pourraient avoir transité à la fin de la période médiévale par les portes Saint-Antoine et du Temple. Par ailleurs, les travaux de Jean-Pierre Gély sur l’approvisionnement en matériaux de construction des chantiers parisiens au Moyen Âge montrent comment la partie est de la ville reçoit davantage de ces matériaux à cause des nombreuses ressources situées en amont de Paris (Gély, 2012, 75). Ces différences sont peut-être à l’origine des écarts entre les montants perçus par les fermiers des portes Saint-Honoré et Saint Antoine, bien qu’en l’absence de toute comptabilité de péage ou même de tarifs d’octroi nous ne pouvons affirmer que les deux phénomènes puissent être liés.

Toutefois, si ces présomptions de singularité fonctionnelle se confirmaient, alors cette dernière pourrait peut-être figurer au nombre des éléments permettant d’expliquer le fait que moins d’îlots soient modifiés entre 1652 et 1836 à l’est de la rue Saint-Martin comparativement à l’ouest : moins propices aux achats opportunistes, parce que moins consacrés à la fonction commerciale contrairement à l’ouest de la rive droite, ces quartiers n’engagent pas à la densification viaire.

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2.3 Evolutions morphologiques du réseau viaire parisien entre le

XVe

et le

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