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Evaluer la production des services domestiques

119. Il est possible de calculer concrètement la valeur de la production domestique en France, en Finlande et aux États-Unis. L’approche choisie ici est simple37 : la valeur de la production des services domestiques est calculée d’après leurs coûts38. Deux éléments de base sont pris en considération, la valeur du facteur travail et la valeur des services en capital tirés des biens durables. Dans ce qui suit, nous supposerons également que le volume de la production domestique varie avec le volume des intrants travail et capital. Cette hypothèse présuppose qu’il n’y a pas d’évolution de productivité dans la production des services domestiques. Bon nombre des remarques faites précédemment en rapport avec la mesure de la valeur des services fournis par l’État s’applique ici aussi, autrement dit notre méthode de quantification des valeurs et volumes de la production domestique est basée sur les intrants.

120. La valeur du travail est estimée en multipliant le salaire horaire net d’impôts et de cotisations sociales d’un employé de maison généraliste par le nombre d’heures consacrées au travail domestique. La méthodologie a ici son importance et les résultats peuvent varier sensiblement, en particulier selon les hypothèses choisies pour la valorisation du travail39. Les données concernant le salaire des employés de maison sont tirées de la publication conjointe Eurostat-OCDE 2005 sur les parités de pouvoir d’achat. Cette valeur n’est cependant disponible que pour une seule année alors que, dans le but recherché, nous avons dû élaborer une série chronologique. Nous avons utilisé à cet effet l’évolution du salaire horaire pour le secteur « Autres activités de services collectifs, sociaux et personnels » de chaque pays, en prenant pour hypothèse que les salaires des employés de maison ont évolué au même rythme que ceux du secteur connexe40. De ce fait, la valeur de la production domestique augmentera si ces taux de rémunération augmentent et/ou si le nombre d’heures consacré au travail domestique augmente. La valeur de la production domestique augmentera également si le prix et/ou la quantité des services en capital tirés des biens durables augmente.

121. La quantité du facteur travail est représentée par le temps consacré au travail domestique. Comme indiqué plus haut, des incertitudes subsistent quant à son évolution ; par

37. Pour des études plus élaborées et plus ciblées, concernant par exemple la garde des enfants, cf. Folbre et Jayoung (2008).

38. Schreyer et Diewert (2009) montrent que ce choix implique soit que les ménages sont limités dans leur possibilité de fournir des heures supplémentaires au marché du travail soit qu’ils choisissent de s’engager dans une production pour leur propre compte parce que le bénéfice net retiré du temps passé en tâches domestiques est positif. Une autre solution possible consisterait à donner à la production domestique une valeur marchande dans le cas où un produit équivalent existe sur le marché. Cependant, cette solution, qui complique les choses, n’a pas été retenue ici. Pour une analyse récente comprenant des indications sur l’impact quantitatif de ce choix méthodologique, cf. Fraumeni (2008).

39. Landefeld, Fraumeni et Vojtech (2009) présentent d’autres estimations de la valeur de la production domestique pour les États-Unis. Leur estimation de la production domestique pour 2004, qui exclut les services de biens durables et le logement occupé par le propriétaire et qui fait intervenir un taux salarial d’aide ménagère pour évaluer le temps consacré à la production domestique, atteint 19 % du PIB mesuré de manière classique. Notre propre estimation, qui exclut les services de biens durables pour les États-Unis, s’élève à 22 % du PIB mesuré de façon traditionnelle.

40. Il n’existe pas de forte justification empirique à l’appui de ce choix. Si l’évolution des salaires à l’échelle nationale est utilisée pour élaborer une série chronologique, les chiffres qui en résultent sont totalement différents parce que les salaires à l’échelle nationale augmentent généralement plus rapidement que les salaires du secteur des activités de services collectifs, sociaux et personnels. Les estimations qui en résultent sur la valeur de la production domestique sont directement affectées par ce choix.

ailleurs, il n’existe pas d’enquêtes chronologiquement homogènes sur l’utilisation du temps.

Nous nous basons donc sur deux hypothèses : une variante A, dans laquelle le temps consacré par jour et par personne au travail domestique reste constant, et une variante B dans laquelle le temps consacré au travail domestique évolue au même rythme que le temps consacré au travail rémunéré (ce qui implique une diminution dans tous les pays). Le principal argument en faveur de la variante A réside dans sa simplicité ; faute de meilleures informations sur l’évolution du travail domestique, nous l’avons supposé inchangé. La variante B présuppose que le travail domestique n’est pas un substitut au travail rémunéré et que travail et loisirs agissent comme substituts. D’autres hypothèses pourraient être faites mais les incertitudes ne pourraient être levées que par des observations cohérentes de l’utilisation du temps.

122. La valeur des services en capital se mesure en élaborant un stock de biens durables et en le multipliant par un prix imputé des services en capital pour les biens durables41. L’intrant en volume des services en capital tirés des biens durables est représenté par le stock net de biens durables. L’annexe A fournit davantage de détails sur les méthodes utilisées pour calculer les services en travail et en capital ainsi que sur les résultats.

123. Une hypothèse implicite majeure dans la mesure du volume de la production domestique sur la base du volume des intrants travail ou capital est qu’il n’y a pas de croissance de la productivité plurifactorielle. Une croissance de la productivité plurifactorielle impliquerait que le travail et le capital domestiques sont associés plus efficacement dans la production de services domestiques. Il convient néanmoins d’observer que la productivité du travail peut évoluer si l’on utilise plus ou moins de services rendus par les biens durables par unité d’intrant travail. L’annexe A présente donc deux variantes, l’une sans croissance de la productivité plurifactorielle et l’autre avec une croissance de la productivité plurifactorielle supposée de 0,5 % par an.

124. La valeur des services domestiques présentée ici est une première approximation.

Conformément à de précédentes études, les imputations pour la production de services par les ménages pour leur propre compte sont une question à ne pas négliger. Selon les différentes hypothèses retenues, la production domestique représente l’équivalent d’environ 35 % du PIB de la France calculé selon les méthodes traditionnelles (moyenne 1995-2006), d’environ 32 % en Finlande et de 30 % aux États-Unis42. La valeur de la production domestique se compose de la valeur du travail domestique (22 % environ du PIB entre 1995 et 2006 aux États-Unis,

41. Les services de logement que les ménages qui possèdent leur propre logement se fournissent à eux-mêmes sont déjà comptabilisés dans les calculs de revenus de la comptabilité nationale. Pour éviter tout cumul, ils ne sont pas pris en compte ici. On observera toutefois que la valeur du travail domestique tel qu’il est présenté ici ne recouvre pas de manière complète la production de services par les ménages pour leur propre compte.

42. Il n’existe pas d’observations annuelles pour les enquêtes sur l’utilisation du temps. Nous avons créé une série de ce type en utilisant des informations sur le nombre d’heures effectivement ouvrées par an (sur le marché du travail), sur la base des enquêtes de main-d’œuvre. La tendance en heures par personne a été utilisée pour en extrapoler rétrospectivement les heures consacrées au travail rémunéré telles qu’elles sont fournies par les études ATUS et HETUS sur l’utilisation du temps. Le temps consacré aux activités personnelles a été maintenu constant.

Étant donné les observations annuelles du temps consacré à autre chose qu’au travail rémunéré et aux activités personnelles, la distinction a été faite entre les variantes A (le temps consacré au travail domestique reste constant) et B (le temps consacré au travail domestique évolue au même rythme que le temps consacré au travail rémunéré).

Pour chaque variante, le temps résiduel a été affecté aux activités restantes dans les mêmes proportions que celles observées ces dernières années dans les enquêtes ATUS et HETUS sur l’utilisation du temps.

30 % environ en France et 29 % en Finlande) et de la valeur des services en capital fournis par les biens durables43.

125. Une partie du temps consacré par les ménages au travail non rémunéré est occupé à produire des biens pour leur propre compte, comme faire pousser des légumes et effectuer des activités de construction ou de réparation dans leur propre logement. Comme les valeurs de production de ces activités sont déjà intégrées dans la comptabilité nationale, notre évaluation comporte une part de double comptabilisation. Pour les trois pays considérés, cependant, l’importance de cette distorsion est probablement faible. Il peut en aller autrement pour les pays en développement, où la production agricole assurée par les ménages pour leur propre consommation peut être un élément plus important.

126. Dans une perspective d’évaluation des niveaux de vie, il est également intéressant de savoir dans quelle mesure une évaluation plus étendue de la production domestique modifie celle des revenus et de la consommation. À cet effet, des mesures réelles effectuées dans le temps et comparées à des données internationales sont des indicateurs révélateurs. Le tableau 1.9 compare la croissance des revenus réels au cours de la dernière décennie. Le fait de prendre en compte la production domestique abaisse significativement les taux de croissance mesurés du revenu réel dans les trois pays. La structure générale de la croissance de chaque pays n’en est pas notablement modifiée ni la structure relative de la croissance entre pays. Les différences sont toutefois plus importantes lorsque l’on compare des niveaux de revenu pour différents pays, comme le montre le tableau 1.10. Les premières lignes de ce tableau fournissent une comparaison basée sur le revenu disponible ajusté réel (c’est-à-dire sur un agrégat de comptabilité nationale existant), les troisième et la quatrième lignes comparent les revenus réels y compris la production domestique. Du fait que la production domestique est plus importante en France et en Finlande qu’aux États-Unis, cette nouvelle mesure réduit l’écart des revenus des ménages par habitant entre les deux pays d’Europe et les États-Unis.

127. Il convient de redire que de nombreuses hypothèses interviennent dans les comparaisons présentées ici. Les chiffres qui en résultent ne reposent donc pas sur une base très solide, compte tenu de l’absence de données objectives dans plusieurs étapes du calcul. Il faut donc faire preuve d’un grand discernement pour éviter de surinterpréter les résultats. Cela ne devrait pas empêcher les services officiels de statistiques d’évaluer régulièrement la valeur totale de la production domestique. Des comptes satellites sur les activités domestiques permettraient de compenser la qualité médiocre des données et la faible fréquence de ces estimations.

43. Sur de longues périodes, les biens durables importent peu puisque nous incluons la valeur de ces biens dans le PIB et que, pendant leur durée de vie, leur valeur (actualisée) est égale à la valeur des services fournis.

Tableau 1.9. Revenu réel des ménages tenant compte de la production domestique, 1995-2006 Évolution annuelle en pourcentage

Source: OECD estimates.

[Légende :]

France Etats-Unis Finlande Revenu disponible ajusté réel*

Revenu disponible ajusté réel* tenant compte de la production domestique **

*Pour les ménages privés et les organismes à but non lucratif fournissant des services aux ménages, déduction faite de la dépréciation.

**Le revenu issu de la production domestique est égal à la valeur des intrants travail et capital estimés utilisés par les ménages pour produire des services pour leur propre compte (exception faite du logement occupé par le propriétaire) ; corrigé au moyen de l’indice des prix pour la consommation individuelle réelle compte tenu de la production domestique.

Source : Estimations OCDE.

Tableau 1.10 Revenu réel des ménages tenant compte de la production domestique, 2005

Source: OECD estimates.

[Légende :]

France Etats-Unis Finlande

Revenu disponible ajusté réel* par habitant (en dollars U.S. par habitant)

Revenu disponible ajusté réel * par habitant tenant compte de la production domestique ** (en dollars U.S. par habitant

*Pour les ménages privés et les organismes à but non lucratif fournissant des services aux ménages, déduction faite de la dépréciation et converti à l’aide des PPA applicables à la consommation individuelle réelle.

**Le revenu issu de la production domestique est égal à la valeur des intrants travail et capital estimés utilisés par les ménages pour produire des services pour leur propre compte (exception faite du logement occupé par le propriétaire) ; converti à l’aide des PPA applicables à la consommation individuelle réelle avec correction pour tenir compte de la production domestique.

Source : Estimations OCDE.

France United States Finland

Real adjusted disposable income* 2 .2 % 3 .1 % 2 .5 %

1 .9 % 2 .9 % 2 .2 %

*For private households and non-profit institutions serving households; net of depreciation.

**'Income from household production' equals the value of the estimed labour and capital inputs used by households to produce own-account services (except owner occupied housing); deflated with price index for actual individual consumption corrected for household production Real adjusted disposable income*, corrected for household

production**

France United States Finland

USD per capita 25378 32110 21771

USA=100 79 100 68

USD per capita 35037 41904 29208

USA=100 84 100 70

*For private households and non-profit institutions serving households; net of depreciation, converted with PPPs for actual individual consumption

**'Income from household production' equals the value of the estimed labour and capital inputs used by households to produce own-account services (except owner occupied housing); converted with PPPs for actual individual consumption corrected for household production

Real adjusted disposable income* per capita, corrected for household production**

Real adjusted disposable income* per capita