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CHAPITRE 1 ETAT DE L’ART

1.3 Caractérisation sensorielle du vêtement

1.3.2 Evaluation sensorielle : concepts de base

L’évaluation sensorielle se définit comme une discipline scientifique permettant de mesurer, d’analyser et d’interpréter les réactions des êtres humains aux caractéristiques des produits lorsque ces dernières sont perçues par les cinq sens, soit la vision, le toucher, l’odorat, le goût et l’ouïe [101, 102]. Elle peut être décrite de la manière suivante : dans des conditions prédéfinies, un groupe d'individus organisés évaluent les attributs sensoriels d'une collection de produits par rapport à une cible donnée [103].

Il s’agit d’un domaine multidisciplinaire qui nécessite des efforts communs des chercheurs, des ingénieurs et des gérants présentant différents contextes professionnels. Les expertises en psychologie, physiologie, sociologie, marketing, mécanique, informatique et analyse de données sont nécessaires pour développer des approches sensorielles [104].

Depuis les années 1950, l’évaluation sensorielle a été premièrement développée dans l’industrie agro-alimentaire puis étendue vers les autres secteurs comme les industries

cosmétique, chimique, automobile, sportive et textile [105, 106]. Les principaux objectifs de l’évaluation sensorielle se décrivent de la façon suivante :

- améliorer le contrôle qualité des produits pour lesquels une mesure instrumentale est délicate à interpréter par la perception humaine,

- suivre la production,

- développer de nouveaux produits,

- comprendre les préférences des consommateurs et caractériser le marché.

L'évaluation sensorielle est effectuée par un ou plusieurs panels sensoriels. Un panel est un groupe d'individus ciblés, appelés panélistes, pour évaluer une série d'échantillons représentatifs [107]. Lors d'une évaluation sensorielle, chaque individu ou panéliste est invité à quantifier « objectivement » un ensemble de descripteurs linguistiques par rapport à chaque échantillon sélectionné, par utilisation de ses connaissances générales ou professionnelles. Ce type d’évaluation se réalise sans jugement d’ordre personnel ou hédonique.

Dans une évaluation sensorielle, trois types d’épreuves sont souvent appliqués en fonction du niveau et l’objectif de l’expérience [108] (c.f. Figure 1-19).

- Les épreuves descriptives, consistant à mesurer l’intensité perçue pour chacun des descripteurs choisis, et à établir, à l’aide de l’ensemble des descripteurs quantifiés, le profil sensoriel du produit.

- Les épreuves discriminatives, visant à détecter la présence ou l’absence de différences sensorielles entre deux produits. On peut citer pour exemple l’essai triangulaire, l’essai par paire, le test duo-trio, le test « A » et non « A ».

- Les épreuves hédoniques, visant à évaluer le degré de plaisir procuré par un produit en déterminant le pourcentage de consommateurs lui donnant une réponse préférable.

Figure 1-19. Vue d’ensemble des différentes épreuves de la métrologie sensorielle en fonction de l’objectif

Lors de la conception d’un plan d’expériences approprié pour acquérir des données sensorielles, nous devons définir soigneusement une stratégie pertinente, incluant l’objectif de l'épreuve, la manière de poser des questions, et comment les résultats seront exploités [109] à la suite. La qualité des données acquises peut également être influencée par les éléments secondaires tels que la préparation des échantillons, le mode d’affichage des échantillons et la sélection de l’échelle de l'évaluation. Un plan d’expériences sensorielles optimisé doit permettre d’évaluer tous les échantillons dans les mêmes conditions avec un nombre de tests minimisé.

Dans une évaluation sensorielle, il est particulièrement important de suivre une méthode standardisée et systématique pour éliminer les incertitudes et les imprécisions causées par les facteurs humains, et acquérir des données sensorielles fiables. Certaines normes ont été définies afin de quantifier la qualité perçue des produits. Au niveau international, les normes ISO [110, 111] ont été proposées afin de donner les directives générales définissant le vocabulaire sensoriel normalisé, la sélection et l’entraînement des sujets et la procédure d’évaluation. En France, les normes en évaluation sensorielle ont été développées, gérées et adaptées par l’organisme AFNOR. Les directives générales pour réaliser des épreuves hédoniques de consommateurs ont été enregistrées sous AFNOR NF XP V09-500 :2000 [112]. Les méthodes générales d’évaluation sensorielle sont détaillées dans les livres classiques de Stone [102] et Dijksterhuis [101].

En s’appuyant sur l’évaluation sensorielle effectuée pour chaque sens, l’étude multi- sensorielle permet de fusionner toutes les données sensorielles concernées afin de caractériser la perception générale humaine ou d’étudier les interactions des sens dans un contexte spécifique [113]. L’évaluation multi-sensorielle a pour objectif de formaliser et de caractériser les concepts complexes orientés vers les consommateurs comme le confort, le style, le bien- être, la santé et le développement durable. De plus, l’évaluation multi-sensorielle peut aussi compenser les défauts d’un sens en renforçant les autres pour obtenir une satisfaction générale du produit. Les travaux existants sur l’étude multi-sensorielle comprennent essentiellement des approches psycho-cognitives, physiologiques et statistiques, visant à comprendre et à modéliser le mécanisme des corrélations et des interactions des sens [114, 115].

Après avoir acquis des données à partir d’une expérience d’évaluation sensorielle, les outils mathématiques et analytiques sont utilisés afin de modéliser et d'analyser ces données dans une contexte d’étude spécifique [116].

Classiquement, les outils d’analyse de données comprennent les statistiques telles que la régression linéaire [117], l’analyse en composantes principales (ACP) [118], l’analyse des

correspondances (AFC), l’analyse canonique généralisée (ACG) [119], l’analyse factorielle multiple [120], etc. Ces méthodes sont efficaces et largement utilisées, mais elles conduisent souvent à des pertes d’information pour les raisons suivantes :

- les relations par rapport à des données sensorielles sont souvent non linéaires ;

- les méthodes classiques sont plus performantes lorsque le nombre de données numériques augmentent ;

- il existe des incertitudes et des imprécisions sur les résultats en raison des facteurs humains sur les critères linguistiques utilisés ;

- Les méthodes classiques de calcul ne peuvent pas fournir, dans certains cas, une interprétation physique satisfaisante des résultats.

- Les méthodes classiques sont adaptées à des mesures quantitatives mais non qualitatives.

Dans cette situation, de nouvelles méthodes utilisant les techniques intelligentes ont montré leurs performances dans la modélisation et l’analyse de données sensorielles. Ces méthodes comprennent essentiellement la logique floue [121, 122], les réseaux de neurones artificiel[123], l'agrégation de données [124], les arbres de décision avec des algorithmes ID3 [125] et CART [126], les algorithmes génétiques (GA) [127], la classification ainsi que les méthodes hybrides de ces techniques [128].

Par rapport aux méthodes classiques, les techniques intelligentes sont plus efficaces, flexibles et interprétables pour résoudre des problèmes très complexes dans l'évaluation sensorielle. Dans la pratique, elles ont été appliquées dans de nombreux domaines tels que l’agro-alimentaire, l’automobile, la cosmétique et le textile [116, 129].