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Chapitre III : Optimisation de la fermentation sombre dans le but de créer un procédé à deux

3. Evaluation des conditions optimales pour la fermentation sombre

3.3. Résultats du plan d’expérience

3.3.5. Evaluation du biohythane théorique produit

La fermentation sombre permet de réaliser une première étape d'hydrolyse des substrats complexes en composés facilement dégradables. Ces composés tels que l’acétate, le propionate et le butyrate peuvent être utilisés pour produire du méthane dans un second réacteur. Dans le but de coupler un réacteur de fermentation à un réacteur de méthanisation, les équations de transformation du propionate et du butyrate en acétate

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puis en méthane ont été utilisées afin de connaitre la production théorique de méthane issu des coproduits de fermentation sombre (Equation 22, 23, 24 et 25).

+ é + + (∆ = , / ) (Equation 22)

+ é + + (∆ = , / ) (Equation 23)

é + + (∆ = − , / ) (Equation 24)

+ + ( = − . ) (Equation 25)

La Figure 35 présente la production d’hydrogène obtenue via le plan d’expérience et la production de méthane théorique calculé à partir des équations 22, 23, 24 et 25 pour toutes les expériences réalisées à 37 et 55°C après 7,5 jours de réaction.

La production de méthane théorique calculée montre une forte variabilité entre les conditions. Globalement, la production de méthane théorique est plus élevée à 37°C avec un

maximum de 141,2 mLCH4/gMV (siccité : 3 %, TAN : 1g/L, pH 6,5) tandis que la valeur

maximale à 55°C et plus faible et a été observée à 99,1 mLCH4/gMV (siccité : 11,5, TAN : 5

g/L et pH : 8). La production d’AGVs (pour une même durée de réaction) étant plus faible à une température de 55°C d’après la résolution du plan d’expérience, cela explique les valeurs inférieures de méthane théoriques obtenues à 55°C.

De plus, la siccité joue un rôle sur le méthane théorique produit grâce aux coproduits de fermentation sombre. En effet, d’après les résultats, une augmentation de la siccité va entrainer une baisse de la production de méthane théorique avec des valeurs de 118,6±28,4

de 95,4±18,0 et de 74,8±18,0 mLCH4/gMV pour les siccités de 3, 11,5 et 20% respectivement.

Cette observation est également en lien avec la résolution du plan d’expérience sur la production de métabolites qui a montré un impact négatif de l’augmentation de la siccité sur le rendement en métabolites.

Une autre étude réalisée et présentée en annexe (Annexe II) a mis en évidence que la production maximale de méthane à partir des déchets utilisés (FFOM reconstitué) était de

355,8±16,1 mLCH4/gMV ce qui met en évidence que 33, 27 et 22 % du potentiel méthane du

substrat se trouve sous forme de molécule facilement dégradable à la suite de l’étape de fermentation suivant les siccités de 3%, 11,5% et 20% respectivement.

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En moyenne, la proportion H2/(H2+CH4théorique) est comprise entre 13% (siccité : 3% et 11,5%,

TAN : 1 et 3 g/L, pH : 6,5) et 37 % (siccité : 20 %, TAN : 5g/L, pH 6,5) à la température de

37°C. A cette température, la moyenne de la proportion de H2/(H2+CH4théorique) a été

observée à 24±8 %. Alors qu’à une température de 55°C, le ratio a été observé entre 21 % (siccité : 11,5%, TAN : 5g/L, pH : 8) et 45 % (siccité : 20%, TAN : 3g/L, pH : 8) avec une moyenne de 36±10 % en lien avec la faible valeur de méthane théorique calculée.

D’après le calcul de la production de méthane théorique, l’amélioration de la production de métabolites à 37°C comparé à 55°C va permettre de produire rapidement une plus grande

quantité de méthane avec un ratio H2/(H2+CH4théorique) plus faible. La première dégradation

du substrat se produisant dans le réacteur de fermentation pourrait également permettre d’améliorer le procédé de méthanisation notamment au niveau de la vitesse de production de méthane. En effet, Liu et al. (2006) ont montré que le rendement en méthane était supérieur dans un procédé en deux étapes comparé à un procédé à une étape lorsque le temps de séjour dans le réacteur de méthanisation était fixé à 15 jours. Dans cette étude, le rendement en méthane était amélioré de 21% dans des conditions mésophiles en utilisant des déchets ménagers comme substrat [72]. Cette étude a mis en avant une meilleure efficacité de dégradation du substrat dans un procédé en deux étapes (86 %) comparé à un procédé unique de méthanisation (79,3 %), pour un temps de réaction donné. Nasr et al. (2012) ont également observé une augmentation de 18,5% du rendement global d’énergie avec un procédé de production de biohythane utilisant des résidus de distilleries comme substrat sous une température mésophile [168]. Cette amélioration est liée à augmentation de la vitesse de production de méthane et de dégradation de la matière organique

(3,88±0,26 mLCH4/heure et 333 mLCH4/gCODdégradé) comparé à un méthaniseur classique

(2,82±0,16 mLCH4/heure et 268 mLCH4/gCODdégradé) pour un temps de réaction de 104 jours.

En conclusion, ces auteurs ont montré que 1 L de résidu de distillation dans un réacteur de méthanisation de type continu produisait 38,5 L de méthane alors que la même quantité de substrat dans un réacteur à deux étapes pouvait produire 19,5 L d’hydrogène et 38,7 L de méthane.

Dans notre étude, une siccité fixée à 11,5 % permettrait ainsi de produire théoriquement

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correspond à environ 27 % du potentiel méthane de la fraction fermentescible des ordures ménagères issu du MODECOM de Trifyl.

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Figure 35 : Production de biohythane à partir de l'hydrogène mesuré expérimentalement et du méthane théorique calculé à la suite des métabolites produits pour les différentes conditions opératoires à 37 et 55°C

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3.4. Conclusion

Le plan d’expérience utilisé a mis en évidence que le procédé de fermentation sombre utilisant les ressources de Trifyl à savoir le lixiviat et des déchets reconstitués issus du MODECOM caractérisant la FFOM collecté par Trifyl présentait une grande robustesse. En effet, les conditions opératoires telles que le pH initial et la température (dans les gammes testées) n’ont pas eu d’impact significatif sur le rendement en hydrogène. De plus, le lixiviat de Trifyl possède une concentration en azote ammoniacal de 4,0±0,8 g/L qui se situe dans la plage de fonctionnement optimale. Seule la siccité a été identifiée comme un paramètre impactant fortement le rendement en hydrogène : ce paramètre est donc à prendre en compte pour la réalisation d’un procédé de fermentation sombre. En effet, pour permettre une production optimale d’hydrogène, la siccité doit être aux alentours de 11,5 %. Une siccité supérieure peut être appliquée (jusqu’à 20%), en fonction de contraintes industrielles, mais avec une baisse moyenne de rendement de près de 27%.

Enfin, concernant la température de réaction, bien que le rendement en hydrogène soit proche pour des températures de 37 et 55°C, plusieurs différences peuvent être soulignées :

1) L’analyse microbiologique montre qu’une majorité de Clostridiales a été observée

dans les deux températures ce qui met en évidence que les conditions opératoires fixées créent un environnement favorable pour le développement de bactéries productrices d’hydrogènes.

2) Une absence de traitement sur le lixiviat en amont de la fermentation peut

engendrer le développement des archées méthanogènes. La production de méthane liée à la croissance d’archées méthanogènes peut altérer le rendement en hydrogène. La présence de méthane est principalement observée à 55°C qui présente de fortes probabilités d’apparition pour des temps de réaction très courts (jusqu’à seulement 1,90 jour). Pour limiter ce phénomène, il est donc plus intéressant d’opérer la fermentation à 37°C. De plus, cette observation met en évidence l’importance d’un traitement sur l’inoculum afin de sélectionner les microorganismes sporulants et éliminer les archées méthanogènes.

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3) Concernant le rendement en AGVs, celui-ci est favorisé à faible siccité et à

température de 37°C. En effet, une nette diminution du rendement de production d’AGVs a été observée lorsque la température de 55°C était appliquée ce qui met en évidence que le lixiviat utilisé est sensible à la température de fermentation. Dans l’optique de créer un procédé à deux étapes pour la production de biohythane, un rendement élevé en composés plus facilement dégradables (AGVs) permettant d’améliorer l’efficacité dans le réacteur de méthanisation doit également être pris en. La température de 37°C est donc également à privilégier.

D’après cette étude, les conditions idéales pour optimiser un procédé de fermentation sombre, en utilisant les ressources de Trifyl (lixiviat et FFOM reconstitués) sont donc une température de 37°C avec une siccité aux alentours de 11,5 %. De plus, une variation du pH initial dans une gamme de 5 à 8 n’a pas d’impact significatif sur rendement en hydrogène. Enfin, d’après les caractéristiques du lixiviat, l’azote ammoniacal présent dans le lixiviat initial se situe proche de la concentration propice à une forte production d’hydrogène.

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4. Modification de la composition du substrat sur la fermentation

sombre

Outre les paramètres précédemment étudiés, la composition du déchet peut également impacter la production d’hydrogène. D’après la reconstitution de la fraction fermentescible des ordures ménagères, 44% de cette ressource correspond à des déchets alimentaires et 56% à des déchets de type papiers, cartons et déchets de jardin. Or, les déchets alimentaires sont caractérisés par un fort potentiel de production d’hydrogène. En effet, les déchets alimentaires sont globalement composés d’éléments relativement faciles d’accès pour les microorganismes. En effet, d’après la littérature, ce type de déchets tels que la salade, le chou, les carottes, les pommes de terre ou le riz, présentent des potentiels hydrogène élevés

(50, 62, 71, 106 et 134 mlH2/gMV respectivement) [55]. Globalement, une étude a montré

que le potentiel hydrogène augmentait en suivant l’ordre: déchets alimentaires > déchets agricoles > déchets d’élevage [57].

Les déchets de type papiers, cartons et déchets de jardin sont caractérisés comme des substrats plus complexes composés notamment d’éléments de type lignocellulose. Les composés contenant une forte proportion en matière lignocellulosique (par exemple, les végétaux, le bois, la paille) sont régulièrement cités comme produisant une faible quantité d’hydrogène car ils possèdent une structure limitant l’accessibilité de la cellulose et de l’hémicellulose pour les microorganismes [54]. Par exemple, il a été référencé un faible potentiel hydrogène pour la paille de blé, de maïs ou de l’herbe (1-68, 3-57 et 6-16

mLH2/gMV respectivement). Ces déchets à faible potentiel en hydrogène, dont la

composition est proche de celle du papier et du carton utilisés dans cette étude, peuvent néanmoins faire dans notre cas l’objet d’autres valorisations comme la valorisation de matière (recyclage) ou énergétique par voie thermique (CSR, incinération…).

L’objectif de cette étude sera donc d’étudier l’impact d’une modification de la composition du substrat sur le rendement en hydrogène et notamment les composés de type papiers, cartons et déchets de jardin afin d’étudier la pertinence de la présence de ce type de déchets dans un réacteur de fermentation.

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4.1. Déroulement de l’étude

Lors de cette étude, des tests ont été effectués dans des réacteurs fermés de type batch de volume total de 500 mL. Une série de 64 réacteurs a été opérée lors de cette étude. La température a été fixée à 37°C, sans régulation du pH et le lixiviat a été préalablement traité thermiquement (90°C pendant 30 min) pour éviter le développement des microorganismes

consommateurs d’hydrogène. Comme expliqué dans le Chapitre 2 « Matériel et Méthodes »

et afin d’étudier l’effet des déchets de types papiers, cartons et déchets de jardin (appelés dans la suite du document déchets « PCJ »), différentes quantités en PCJ ont été introduites dans chaque réacteur (0, 8,9, 17,7, 26,2, 35,0 et 43,8 g). Ces quantités correspondent à une proportion de 0%, 21%, 35%, 44%, 51% et 56% de PCJ dans la fraction fermentescible des ordures ménagères. Les tests à 56% de déchets PCJ correspondent aux proportions réelles utilisées lors de la reconstitution de la fraction fermentescible des ordures ménagères issues du MODECOM de Trifyl. Un blanc, composé uniquement de déchets PCJ, a été réalisé pour évaluer le potentiel hydrogène de celui-ci. La siccité dans les réacteurs a été fixée à 15% : bien que d’après l’étude précédente, la siccité optimale a été observée à 11,5%, un compromis a été effectué entre les conditions réalisables à l’échelle industrielle et les conditions optimales. En effet, une faible siccité entraine un coût supplémentaire du procédé. La siccité de 15% a donc été fixé car cette valeur reste proche de la condition optimale et permet de s’orienter vers un réacteur type voie solide (ou semi-solide).

Une mesure de la conductivité et du pH, ainsi qu’une analyse des métabolites ont été effectuées avant et à la fin de chaque expérimentation. La production d’hydrogène a été suivie par micro-GC toutes les 4 heures.

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