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Chapitre I : Contexte et problématique biologique

2. Evaluation de la diversité microbienne

2.1. Nature de la diversité bactérienne

La microbiologie environnementale est la discipline permettant d‘étudier la composition et la physiologie des communautés microbiennes dans l‘environnement (écosystèmes terrestres, aquatiques, atmosphériques). La vie microbienne est présente dans tous les environnements même les plus extrêmes. Ils peuvent supporter une étendue de conditions physiques et chimiques qu'aucun autre organisme ne tolère (extrêmophiles) comme par exemple des températures au dessus de 100°C et des pH en dessous de 1 (Madigan et al., 1997 ; Fujiwara, 2002 ; Turner et al., 2007).

A l'opposé, on a trouvé en Antarctique des bactéries adaptées aux froids extrêmes, à la dessiccation et aux UV. On peut citer par exemple les communautés bactériennes qui poussent dans les particules minérales à 0°C dans les glaces permanentes des lacs antarctiques (Priscu et al, 1998).

Les microorganismes sont des acteurs clefs des grands cycles biogéochimiques et vivent en association avec de nombreux organismes dont l‘Homme. Seule une minorité d‘entre eux sont des pathogènes. Les capacités métaboliques des micro-organismes sont très diversifiées ce qui explique leur large utilisation en biotechnologies (production d‘antibiotiques, d‘acides, de protéines…). Dans l‘environnement ils participent à la résilience d‘environnements contaminés.

Leurs capacités de biodégradation sont donc utilisées dans des stratégies de bioremédiation de nombreux polluants dont les hydrocarbures, et les pesticides pour les plus connus. Les travaux de recherche menés depuis quelques décennies visent à caractériser les micro-organismes présents dans l‘environnement, mais une attention particulière est apportée à ceux qui ont des capacités métaboliques permettant la restauration des écosystèmes.

Les études phylogénétiques moléculaires ont montré que la diversité microbienne et présente dans les trois grands royaumes du monde vivant : les Archées, les Bactéries et les Eucaryotes (Figure 1: Arbre phylogénétique des microorganismes (Maeva Kojta).). L'importance des microorganismes dans l'équilibre écologique de notre planète a longtemps été sous-estimée jusqu‘à l‘avènement des approches de biologie moléculaire permettant de révéler l‘incroyable diversité microbienne (Hobbie et al, 1977).

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Figure 1: Arbre phylogénétique des microorganismes (Maeva Kojta).

L‘anomalie de comptage en relation avec le faible nombre des bactéries cultivés sur boites de Petri a révélé qu'une très faible proportion des bactéries pouvait être cultivée par les méthodes actuellement développées (Staley et Konopka, 1985). Ces expériences ont démontré que n'importe quel millilitre d'eau douce ou d'eau de mer contient à peu près 105 à 106 bactéries. Au niveau terrestre un gramme de sol renferme près d‘un milliard de bactéries. Même à plusieurs kilomètres sous terre des micro-organismes ont été découverts. Le nombre total de bactéries sur terre serait de l'ordre de 1030 selon certaines estimations. Les bactéries constituent sans doute près de la moitié du carbone organique sur terre et près de 90% de l'azote et du phosphore contenus dans les cellules vivantes (Whitman et al, 1998). Ils sont les acteurs principaux du recyclage de la matière organique et participent activement aux grands cycles biogéochimiques. De plus certains procaryotes, appartenant au royaume des Archées, sont responsables de la majeure partie des émissions de méthane qui entre dans l'atmosphère. Le méthane étant le second gaz à effet de serre derrière le CO2, ils contribuent au réchauffement climatique et à tous les problèmes environnementaux qui en découlent. Notons que les bactéries et les organites qui en dérivent (mitochondries et chloroplastes) sont les seuls à pouvoir extraire de l'énergie du rayonnement solaire (photosynthèse) et par oxydoréduction de la matière inorganique (lithotrophes). L‘évaluation de la diversité microbienne reste complexe (Willey et al, 2007). Plusieurs approches on tenté d‘effectuer cette évaluation (Smith et al., 2006) :

La diversité morphologique s‘attache à différencier les microbes suivant leur aspect externe (coques, bacilles, spirale, filament…). Leur dimension peut également varier de moins de 1 μm à plusieurs μm. Les cellules peuvent aussi être organisées suivant plusieurs modes d‘associations (isolés, en paires, en chaînettes, en grappes…). Plusieurs espèces

Mohieddine MISSAOUI Page 41 peuvent s‘associer pour former des matrices multi-espèces très structurées : les bio-films. Cette diversité morphologique ne permet pas de décrire la diversité microbienne.

La diversité structurale s‘attachera à mettre en évidence des structures particulières comme la paroi (coloration de Gram), les flagelles, les pilis, les fimbriae, les capsules ... Là encore cette diversité structurale n‘est pas suffisante pour rendre compte de la diversité totale du monde microbien.

La diversité métabolique repose sur la mise en évidence de capacités métaboliques particulières (type respiratoire, dégradation de molécules carbonés, dégradation de molécules azotées, systèmes de détoxication…). Même si ces approches sont plus discriminantes en combinant plusieurs caractères (galeries Api) avec la possibilité d‘utiliser des systèmes automatisés (Biolog par exemple) elles sont encore insuffisantes pour rendre compte de la diversité microbienne.

La diversité génétique s‘attachera à décrire des différences de séquences de gènes jouant le rôle de biomarqueurs. Le gène codant pour la petite sous unité de l‘ARN ribosomique est très largement utilisé en microbiologie comme nous le décrirons dans le chapitre suivant.

2.2. Méthodes d’évaluation de la diversité

Whitman et al., (1998) ont estimé que l‘ensemble des procaryotes pourraient représenter jusqu‘à 6 1030 cellules au niveau des écosystèmes terrestres et aquatiques faisant d‘eux la plus importante biomasse portée par la Terre. En outre, ces microorganismes présentent une grande diversité (Curtis et Sloan, 2004) et une flexibilité métabolique et morphologique leur permettant de s‘adapter à de nombreuses niches écologiques et aux variations environnementales naturelles ou accidentelles. Ces caractéristiques font qu‘il est difficile de les étudier dans leurs milieux naturels. Cependant, leurs rôles dans le fonctionnement des écosystèmes et leur intérêt grandissant en biotechnologie nécessitent une meilleure connaissance de ces organismes.

Jusqu'à récemment, la mise en culture était une étape obligatoire dans l‘identification et dans l‘étude des microorganismes. Or, des travaux récents ont montré que seule une minorité de bactéries pouvait être isolée par les techniques de culture utilisées classiquement c'est-à-dire par les techniques d‘enrichissement (Torsvik et Øvreås, 2002). Afin d‘éliminer ce biais, il est alors apparu nécessaire aux microbiologistes de développer de nouvelles technologies leur permettant d‘accéder à la majorité non cultivée des communautés bactériennes. Deux voies principales ont été empruntées afin d‘atteindre cet objectif. La première a porté sur l‘amélioration des techniques culturales avec le développement de nouveaux milieux de cultures et outils culturaux

Mohieddine MISSAOUI Page 42 (Ferrari et al., 2005 ; Joseph et al., 2003). Cependant, même si ces nouvelles techniques représentent un réel potentiel et une avancée considérable, elles s‘avèrent encore inadaptées pour appréhender la totalité de la biodiversité des écosystèmes. La seconde a porté sur l‘utilisation des approches moléculaires basées notamment sur l‘analyse des séquences nucléiques des microorganismes. De plus, avec le développement de techniques moléculaires dites à haut-débit, la microbiologie exploratoire a pris un nouvel essor.

Durant la dernière décennie, l‘utilisation de ces nouvelles techniques a connu un essor considérable, représentant une alternative puissante à l‘identification des microorganismes par des approches culturales (Amann et al., 1995). Ces approches moléculaires incluent des techniques de réassociation d‘ADN, d‘hybridations ADN-ADN, de clonage-séquençage et d‘empreintes génétiques comme par exemple la Denaturing Gradient Gel Electrophoresis (DGGE), la Temperature Gradient Gel Electrophoresis (TGGE), la Ribosomal Intergenic Spacer Analysis (RISA) et la Denaturing High-performance Liquid Chromatography (DHPLC)

(Kirk et al., 2004 ; Nocker et al., 2007). Récemment, des techniques dites de métagénomique et de métatranscriptomique ont été développées afin d‘accéder à l‘immense réservoir génétique que forme l‘ensemble des génomes et des transcriptomes de tous les microorganismes présents au niveau des environnements complexes. Ces méta « omics » peuvent permettre la découverte de nouveaux microorganismes et de nouvelles fonctions métaboliques grâce à la prise en considération globale de l‘information génétique et non plus simplement de celle des biomarqueurs (Venter et al., 2004). Toutes ces techniques ont permis de faire des avancées considérables dans l‘identification de la diversité phylogénétique et métabolique des communautés microbiennes présentes au niveau des écosystèmes. Actuellement, un des derniers défis que se sont lancés les microbiologistes consiste à établir un lien entre diversité et fonction afin d‘accéder à l‘écophysiologie des microorganismes. Afin d‘atteindre cet objectif, différentes techniques, basées sur l‘incorporation de marqueurs radioactifs (MAR-FISH, Isotope Array) ou isotopiques (Stable Isotope Probing) au niveau des macromolécules, ont été développées (Wagner et al., 2006).

Les biopuces ADN appliquées à l‘étude des communautés microbiennes (DeSantis et al., 2007 ; Moisander et al., 2006 ; Peplies et al., 2006 ; Sanguin et al., 2006), est une autre approche représente un potentiel considérable car elle permet la détection simultanée de milliers d‘espèces microbiennes en une seule manipulation (Wagner et al., 2007). Ainsi, l‘utilisation de cet outil à haut débit pourrait permettre d‘accéder à l‘extraordinaire diversité microbienne d‘environnements complexes et, plus précisément, d‘étudier la dynamique des communautés bactériennes et de

Mohieddine MISSAOUI Page 43 mieux comprendre les mécanismes d‘adaptation régissant le fonctionnement d‘écosystèmes sains ou anthropisés.

Depuis le début des années 80, des efforts à l‘échelle mondiale ont été entrepris pour sauvegarder les informations génomiques concernant tous les êtres vivants de notre planète. Une collaboration internationale des bases de données de séquences nucléiques a ainsi vu le jour en 1986.

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