• Aucun résultat trouvé

Etudes menées en laboratoire sur la corrosion du fer en milieu anoxique

Chapitre 1 Synthèse bibliographique

I.3. Systèmes formés dans les sols anoxiques

I.3.2. Etudes menées en laboratoire sur la corrosion du fer en milieu anoxique

Bien que peu d’études portent sur le comportement à très long terme des objets ferreux en milieu anoxique, des recherches ont été menées en laboratoire afin d’identifier les paramètres fondamentaux qui influencent les mécanismes de corrosion sur des durées plus courtes. L’essentiel de ces études étant menées dans le contexte du stockage des déchets radioactifs, les températures de travail varient entre la température ambiante et 90°C, température à laquelle les déchets vitrifiés seront introduits dans le conteneur.

En outre, comme évoqué précédemment, la nature des produits de corrosion varie selon celle de l’électrolyte. Dans ce contexte, il est possible de discriminer les études selon la température du milieu et l’électrolyte utilisé. Le Tableau I-3 présente une compilation des produits de corrosion formés selon la nature de l’environnement de corrosion.

a) Influence de la température

La caractérisation des produits de corrosion formés lors des premiers stades de la corrosion est fondée sur une étude électrochimique. A température ambiante, Bockris et al [79] stipulent qu’à pH 8, un oxyde bidimensionnel est formé. Ils proposent que son mécanisme de formation implique une étape d’échange durant laquelle le groupement hydroxyde se place sous la surface initiale métallique selon les étapes suivantes ((I-10) à (I-12)) :

− − + +OH FeOH e Fe (I-10) Fe Fe OH → (I-11) OH e Fe OH Fe+ + − → + − (I-12)

Burstein et Davies [80] ont montré l’existence du complexe Fe(OH)+. Bien que seul un film mince ait pu être observé dans leurs études, ils envisagent la possibilité qu’un film plus épais d’hydroxyde ferreux se développe, par précipitation de Fe(OH)2.

OH

OH OH

Une augmentation de la température peut provoquer la réaction de Schikkor selon laquelle l’hydroxyde ferreux se transforme en magnétite (I-13) :

2 4 3 2 2 4 4 ) ( 3Fe OH + H OFe O + H (I-13)

A 90°C, dans de nombreuses études, la principale phase formée est la magnétite [81-83] ou un mélange de magnétite et de maghémite [79, 84, 85]. La formation d’oxyde de fer est donc dépendante de la température. Dans ses travaux, Linnenbom [86] trouve que le principal produit de corrosion formé à 25°C est l’hydroxyde ferreux alors qu’à 60°C, il s’agit de magnétite.

b) Influence de la composition de l’électrolyte

En solution carbonatée, Davies et Burstein [87] postulent par voie d’exploration électrochimique, l’implication d’un anion complexé Fe(CO3)2-. Heuer et Stubins [27], dans leur

travaux évoquent l’existence d’un complexe carbonaté Fe(HCO3)2 formé en milieu acide. D’après

Valentini [88], l’incorporation d’espèces carbonatées dans le milieu électrolytique induit un changement de la structure du film formé lors des premiers stades de la corrosion. Pour l’auteur, un film de carbonate de fer est produit au dessus du film d’hydroxyde ferreux, formant ainsi une structure duplex. La croissance des produits de corrosion à travers le film d’hydroxyde implique la formation d’un film de carbonate poreux à la surface de ce film. Dans une solution insaturée en ions ferreux, cette couche externe se dissout continuellement.

Burstein et Davies [80] envisagent une compétition entre la formation d’un hydroxyde et d’un carbonate ferreux en surface de l’électrode. L’attaque du film d’hydroxyde par les carbonates entraîne sa rupture et son remplacement par un film de carbonate de fer. Valentini et al [88] vont plus loin dans cette même hypothèse. Ils proposent que la rupture du film d’hydroxyde par les ions bicarbonate induit la formation d’un film mixte d’hydroxyde et de carbonate ferreux, caractérisé par voie électrochimique.

Par ailleurs, il apparaît que la présence d’une concentration élevée d’ions carbonate/ bicarbonate induit une inhibition de la formation de magnétite au détriment de celle de carbonate de fer [89]. Simpson et al [90] estiment que la sidérite est formée à un pH faible, pour une température inférieure à 50°C et un potentiel compris entre -0,7 et -0,5 V/ECS. Lee et al [91] rapportent la formation d’une sidérite poreuse en milieu riche en carbonate, identifiée en couplant des analyses électrochimiques à une caractérisation in situ par spectrométrie Raman.

entre 1 et 10-3 moles.L-1 d’ions bicarbonate sur une durée comprise entre une heure et 30 jours. Ils mettent en évidence la formation de composés carbonatés par spectrométrie infrarouge : pour une teneur initiale d’1 mole.L-1 de [HCO3-], le principal produit de corrosion est la sidérite. Pour des

concentrations moindres en espèces carbonatées, un hydroxyde ferrique amorphe carbonaté, de la magnétite, des rouilles vertes carbonatées et de la lépidocrocite ont également été identifiés. La formation des composés ferriques est expliquée par les auteurs, par une transformation de phase suite à la remise à l’air du système ; en solution, il se formerait un précipité carbonaté de formule Fe(II)(OH-)n(HCO3

-

/CO3 2-

)m et de structure proche d’un gel.

Ces études permettent d’identifier les espèces susceptibles de se former par la corrosion du fer en milieu anoxique. Cependant, les conditions de corrosion des objets présentent l’inconvénient d’être éloignées de celles du milieu naturel d’enfouissement. Ainsi, d’autres travaux ont été effectués en milieu plus proche des conditions de stockage, contenant à la fois une eau de composition proche de celle du site et de l’argile.

Dans son étude menée à 90°C en milieu représentatif de l’eau du site de Bure, Bataillon [84] identifie une structure duplex de la couche de produits de corrosion. Après 328 heures à 90°C dans un mélange anaérobie constitué d’argile et d’une eau granitique, un oxyde de fer composé d’un mélange de magnétite et de maghémite et présentant une épaisseur d’environ un micromètre a été identifié à l’interface métallique. Dans la zone la plus externe, la couche de produits de corrosion est composée de sidérite.

Dans les travaux de Taniguchi réalisés sur une durée de quatre ans [50], sont étudiés les produits de corrosion du fer formés dans un milieu anoxique contenant de l’eau de mer synthétique et un matériau argileux compact (bentonite seule ou mélange sable/bentonite) à 50 ou 80°C. L’analyse des phases par diffraction des rayons X révèle un mélange de sidérite et d’hydroxycarbonate de fer. De plus, l’analyse en spectrométrie dispersive en énergie montre que ces deux carbonates de fer sont calciés. La présence de produits de corrosion carbonatés sur des échantillons en contact avec de l’argile type bentonite a également été observée lors d’études réalisées dans le contexte de stockage de déchets radioactifs en France et au Japon [48, 50, 93]. Bien que ces travaux permettent d’identifier clairement les phases formées par corrosion des objets, ils ne rendent pas compte de l’agencement de ces phases au sein de la couche de produits de corrosion.

Schlegel et al [94] ont réalisé une étude à l’échelle microscopique de l’interface entre le métal et l’argile sur un échantillon de fer corrodé pendant 8 mois sous une pression de 50 bars en milieu synthétique de composition identique à celle du site expérimental de Bure. L’analyse des produits de corrosion formés dans la couche de produits denses, effectuée à l’aide de techniques microfaisceaux

(spectroscopie dispersive en énergie, microspectrométrie Raman et microfluorescence X) révèle la présence de magnétite et de quelques zones de goethite. En outre, dans le milieu transformé, le fer se trouve essentiellement sous forme de sidérite. En faisant l’hypothèse que la corrosion du fer est totalement retenue dans la CPD ou dans le MT, les auteurs calculent une épaisseur corrodée de 19±9 micromètres formée en 8 mois.

En milieu aqueux, plusieurs phases sont donc susceptibles de se former (Tableau I-3). Ces dernières sont corrélées à la composition de l’électrolyte, notamment la teneur en espèces carbonatées et à la température du milieu.

Tableau I-3 : Bilan des produits de corrosion formés sur des alliages ferreux Paramètres

environnementaux Produits de corrosion Références

Eau pure Fe(OH)2 [79]

Eau pure

Elévation de température Fe3O4, α-Fe2O3 [79, 81-83, 85, 86] Eau carbonatée FeCO3 / Fe(OH)2 [88, 90, 91]

Eau carbonatée Elévation de température

FeCO3, Fe(OH)n(HCO3/CO3)m

[92] Eau de site + argile Fe3O4, Fe2O3, FeCO3,

Fe2(OH)2CO3, α-FeOOH

[50, 84, 94]