III- Mise en évidence des interactions entre stress et nutrition
3.1. Etudes des liens entre stress et comportement alimentaire chez l’homme 39
III- Mise en évidence des interactions entre stress et nutrition
Dans cette partie, nous nous intéressons aux relations bidirectionnelles qui existent
entre le stress et nutrition, en particulier le lien entre stress et nourritures palatables.
3.1. Etudes des liens entre stress et comportement alimentaire chez l’homme
3.1.1. Modifications du comportement alimentaire par le stress
Une revue de Macht (Macht, 2008) rassemblant les résultats de 36 études
expérimentales portant sur l’humeur et le comportement alimentaire, conduites entre
1968 et 2002 rapporte que 43% des résultats indiquent une augmentation de l’appétit
ou de la consommation alimentaire en réponse à un affect négatif, 39% indiquent une
diminution et 26% aucune modification.
Une étude menée dans une cohorte de 179 étudiants en période d’examen n’a montré
aucun lien entre le comportement alimentaire et le stress auto-perçu dans l’ensemble de
la population. En revanche, il a été mis en évidence que les étudiants présentant une
anxiété importante et un faible soutien social, rapportent aussi une augmentation de la
consommation d’aliments riches en lipides pendant leur période d’examen par rapport à
leur consommation habituelle (Pollard et al., 1995). Une étude similaire a montré que
42% des participants avouent manger plus et 39% rapportent une diminution de leur
consommation alimentaire lors des périodes stressantes (Oliver et Wardle, 1999).
Wallis et Hetherington ont montré qu’environ la moitié des participants avouent qu’ils
mangeaient plus de biscuits ou chocolat quand ils se sentaient stressés (Wallis and
Hetherington, 2004). Ces résultats concordent avec une étude précédente mettant en
évidence une augmentation de la consommation de sucreries sous stress. Cependant,
celle-ci ne concernait que les participantes qui présentaient une augmentation
importante de cortisol au stress (Epel et al., 2000). Des résultats similaires ont été
retrouvés dans une étude mettant en évidence que l’augmentation de la fréquence de
grignotage liée au stress n’était observable que chez des sujets « high cortisol reactors »
(Newman et al., 2007). Une faible proportion de sujets indique manger plus de fruit et
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légumes sous stress (Kandiah et al., 2006; Laitinen et al., 2002; Oliver et Wardle, 1999).
La conclusion des auteurs était que le stress induisait des comportements alimentaires
malsains.
De manière intéressante, les résultats de ces études ont aussi montré que les relations
entre le stress et le grignotage étaient plus importantes chez les femmes (Cleobury et
Tapper, 2014), les « mangeurs émotionnels ». Le terme de « mangeur émotionnel» réfère
à un individu qui augmente sa consommation alimentaire en réponse à un affect négatif
(Greeno et Wing, 1994; van Strien et Ouwens, 2003).
En résumé, chez l’homme, les liens entre stress et comportement alimentaire sont
complexes et soumis à de fortes variations inter-individuelles en fonction du
genre, ou des traits de personnalité. Cependant, il semble clair que le stress
influence le comportement alimentaire, et entraine notamment une
consommation d’aliments palatables.
3.1.2. Modulations des effets du stress par la nutrition
De nombreuses études ont pu mettre en évidence que le stress ou un affect
négatif étaient associés à une augmentation de la fréquence de grignotage. Il a été
proposé que le grignotage permettrait d’éloigner son attention de l’expérience
stressante et représenterait un mécanisme d’adaptation et de régulation émotionnelle
(Macht et al., 2005; Macht et Simons, 2000).
Par ailleurs, la consommation d’un repas pauvre en glucides et riche en protéines
améliore l’humeur de sujets exposés à un stress incontrôlable de laboratoire, mais
seulement chez les sujets considérés comme « sensibles » au stress. Cependant, aucun
effet n’est non plus observé quand le repas est constitué d’aliments riches en glucides et
pauvres en protéines. Par ailleurs, il n’y a pas d’effet de l’ingestion du repas chez les
sujets « résistants » au stress (Markus et al., 2000).
Des résultats similaires ont été observés chez des femmes soumises à un stress
psychologique en laboratoire. Après une tâche de calcul mental suivie d’une
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présentation orale de 5min, il était demandé aux participantes d’évaluer leurs émotions
négatives engendrées par ce stress. En fonction des résultats à ce test de sensibilité au
stress, elles étaient ensuite subdivisées en 2 catégories, « low » vs « high » stress. Le
groupe des « high-stress », donc les plus sensibles au stress, un indice de masse
corporelle et un tour de taille plus importants et est aussi caractérisé par une fréquente
importante de grignotage dans des situations de stress. De manière intéressante, ces
participantes « high stress » présentent une atténuation de la libération de cortisol en
réponse au stress aigu de laboratoire (Tomiyama et al., 2011).
Dans une étude récente, les auteurs se sont intéressés à l’impact du stress chronique et
de la réactivité à un stress aigu sur la prise alimentaire chez des femmes d’âge moyen.
Ces femmes étaient exposées à une tâche de « trier social stress », pour laquelle les
expérimentateurs leurs indiquaient qu’elles avaient 5 min pour préparer une
présentation orale. Les participantes témoins étaient, quant à elles, soumises à une tache
n’induisant aucun stress. Après la tâche, les participantes avaient un accès à un buffet
composé de divers aliments comme des cookies, du gâteau au chocolat, etc. En parallèle,
les taux salivaires étaient collectés lors de la pré-visite et le jour du stress. Il a alors été
montré que des femmes qui rapportent un niveau important de stress chronique et
présentant une faible réactivité cortisolémique à un stress aigu de laboratoire
consomment significativement plus de chocolat et de gâteaux au cours de la pré-visite et
le jour du stress (Tryon et al., 2013a; Tryon et al., 2013b).
Les mécanismes sous tendant cette augmentation de la consommation d’aliments
palatables sous stress sont encore peu connus. Cependant, certains suggèrent l’action
concomitante des glucocorticoïdes, de l’insuline et du tissu adipeux dans la régulation de
la consommation d’aliments palatables et dans la modulation de l’axe corticotrope
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Dans le document
Impact d’un régime maternel hyperlipidique et d’un stress précoce sur la programmation du phénotype adulte
(Page 41-44)