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2.1 Etude des transitions de phases et analyses microstructurales

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Chapitre II - Vers l’élaboration de composites vitrocéramiques tellurites

III- 2.1 Etude des transitions de phases et analyses microstructurales

Le verre de composition molaire 75 TeO2 - 12,5 Bi2O3 - 12,5 Nb2O5 est élaboré par fusion des précurseurs TeO2 (99,99 % - Alfa Aesar), Nb2O5 (99,99 % - Sigma-Aldrich) et Bi2O3 (99,9 - Sigma-Aldrich) à 850°C pendant 1h dans un creuset en platine. Le mélange en fusion est trempé à l’air sur une plaque chauffante à 35°C, puis il est recuit mécaniquement à Tg-20°C pendant 3h avant d’être refroidi lentement (en 5h) vers la température ambiante.

Remarque : Des hétérogénéités ont parfois été observées dans quelques verres (2 - 3 verres) obtenus par trempe du mélange en fusion. Ces hétérogénéités visibles à l’œil nu les rendent partiellement opaques. Une observation au microscope optique montre que ces inclusions ont la forme d’octaèdres (Figure III-14) et la diffraction des rayons X montre que ces inclusions semblent correspondre à la phase anti-verre de composition Bi0,8Nb0,8Te2,4O8. Bien que rien ne l’indique clairement pour l’heure, la présence de ces inclusions pourrait en fait résulter d’une variation très localisée de la composition et/ou être reliée à la coulée du verre. Ainsi, une attention particulière a donc été portée sur la synthèse du verre parent afin de ne pas former ces inclusions sous forme d’octaèdres pour ne pas altérer les propriétés optiques.

Figure III - 14 : a) Inclusions observées en volume par microscopie optique et b) diffractogramme du verre 75 TeO2 - 12,5 Bi2O3 - 12,5 Nb2O5 présentant des inclusions.

Il est à noter que Gupta et al. ont également observé des sphérulites ayant une forme d’octaèdre (Figure III-15-d) dans des échantillons massifs (TBN) obtenus par trempe à l’air du mélange de précurseurs en fusion [5]. Les sphérulites en forme d’octaèdres observées par Gupta sont présentes dans le système 80 TeO2 - 10 Bi2O3 - 10 Nb2O5 et d’autres en forme de gouttelettes (Figure III-15-b et c) ont été observées dans les systèmes 90 TeO2 - 5 Bi2O3 - 5 Nb2O5 et 85 TeO2 – 7,5 Bi2O3 – 7,5 Nb2O5. Les auteurs ont associé les sphérulites à la phase anti-verre BiNbTe2O8. Contrairement à nos observations, Gupta et al. n’ont pas détecté de sphérulites dans le système 75 TeO2 – 12,5 Bi2O3 – 12,5 Nb2O5, même après recuit du verre à 360°C pendant 1h comme le montrent les micrographies optiques (Figure III-15 e et f).

Figure III - 15 : Micrographies optiques de la surface des échantillons de composition xNb2O5-xBi2O3-(100-2x)TeO2 avec x égal à b) 5 ; c) 7,5 ; d) 10 ; e) 12,5 et f) 12,5 après un recuit à

360°C pendant 1h [5].

Après élaboration du verre parent, nous nous sommes intéressés à la transition de phases verre/anti-verre.

B- Transition verre/anti-verre

La phase anti-verre est isostructurale à la phase β-Bi2Te4O11, avec le groupe d’espace Fm3̅m, un paramètre de maille a = 5,604 Å et Z = 4 atomes par maille. La structure est en fait de type fluorine et est donc composée d’un site cationique (4a) occupé de manière complètement désordonnée par Te/Bi/Nb et d’un site anionique (8c) occupé par l’oxygène (Figure III-16). En fait, la position de wyckoff (8c) n’est pas unique et une « multitude » de positions légèrement différentes existe, provoquant le désordre important sur le sous-réseau anionique (désordre mis en exergue en Figure III-4)).

129 Figure III - 16 : Vue en perspective de la phase idéale (sans désordre de position) Bi0,5Nb0,5Te3O8. Les spectres Raman du verre et de l’anti-verre sont présentés en Figure III-17. Le spectre Raman de l’anti-verre est très similaire à celui du verre. En effet, les bandes de l’anti-verre sont quasiment aussi larges que celles du verre, signe d’un désordre local sur les positions anioniques. Le verre et l’anti-verre ont donc des environnements à courte et à moyenne distance qui sont similaires. Malgré la présence de bandes larges en spectroscopie Raman, l’ordre à longue distance est tout de même préservé au niveau du sous-réseau cationique, comme en témoigne la présence de pics de Bragg observés sur les diagrammes de diffraction des rayons X (cf. Figure III-10).

Figure III - 17 : Spectres Raman normalisés enregistrés pour le verre et l’anti-verre.

Afin d’observer la microstructure de l’anti-verre, une cartographie EBSD a été enregistrée (Figure III-18-a). Celle-ci met clairement en évidence la présence de grains submicroniques et de joints de grains au sein d’un tel échantillon. Cette observation est confirmée par une cartographie STEM (Scanning Transmission Electron Microscope) en mode HAADF (High Angle Annular Dark Field Imaging) (Figure III-18-b). La phase anti-verre est donc analogue à une phase céramique. La cartographie EBSD révèle par ailleurs la présence de zones sombres qui pourraient correspondre à de la phase vitreuse résiduelle présente aux joints de grains et/ou à de la porosité.

Figure III - 18 : a) Cartographie EBSD enregistrée sur l’anti-verre et b) cartographie en mode HAADF de l’anti-verre.

Ainsi, l’anti-verre, qui correspond au premier polymorphe de la phase Bi0,8Nb0,8Te2,4O8 rencontré lors de la montée en température, est microstructurée de la même manière qu’une céramique. Pour le polymorphe (rencontré à plus haute température), l’appellation « second polymorphe » a alors été retenue, à la place du simple terme « céramique », qui pouvait porter, d’une certaine façon, à confusion.

Il est alors nécessaire de mieux comprendre les transitions structurales opérant durant la transition de phase anti-verre/second polymorphe.

C- Transition anti-verre/second polymorphe

Un affinement par la méthode de Rietveld [37] a été réalisé au laboratoire CEMHTI d’Orléans afin de connaître de manière précise la structure du second polymorphe de composition chimique globale Bi0,8Nb0,8Te2,4O8. La méthode de Rietveld consiste à générer un diagramme de diffraction théorique à partir d’un modèle structural connu. Un affinement progressif des paramètres est effectué jusqu’à obtenir le meilleur accord possible entre les diffractogrammes mesuré et calculé. Les intensités, les formes et les positions des raies de diffraction doivent être les plus proches possibles du diffractogramme expérimental.

Les données structurales ont été à la fois collectées par diffraction sur poudre des rayons X et diffraction sur poudre des neutrons (NPD : Neutron Powder Diffraction). La diffraction des rayons X est sensible à la densité électronique des divers atomes. La diffraction des neutrons se base quant à elle sur l’interaction entre les neutrons et le noyau de chaque atome. La diffraction des neutrons peut donc être utilisée en complément de la diffraction des rayons X ; les neutrons ayant l’avantage d’être sensibles aux éléments de faible numéro atomique (Z) et offrant aussi la possibilité de distinguer sans ambiguïté deux éléments avec des Z adjacents.

Des diffractogrammes qualifiés de « haute définition » ont été enregistrés sur une plage angulaire en 2θ entre 10° et 110° pour les analyses par diffraction sur poudre des rayons X (Figure III-19-a) et entre 10° et 160° pour les analyses par diffraction sur poudre des neutrons (Figure III-19-b).

131 Figure III - 19 : Diffractogrammes expérimental et simulé obtenus par a) diffraction des rayons X et b)

diffraction des neutrons.

Les facteurs de reliabilité de l’affinement sont fournis en tableau III-3.

Tableau III - 3 : Facteurs de reliabilité de l’affinement du second polymorphe.

Rp Rwp G.O.F

Diffraction

des rayons X 8,82 % 8,34 % 2,47

Diffraction

des neutrons 10,9 % 11,5 % 6,62

Le second polymorphe, de même formule générale Bi0.8Nb0.8Te2.4O8 est une phase de type AB3O8, isostructurale à TiTe3O8 et SnTe3O8 [38]. La phase est de symétrie cubique et son groupe d’espace est Ia3̅ avec un paramètre de maille a = 11,197 Å.

La structure du second polymorphe est composée de deux sites cationiques (A : 8a et B : 24d) et de deux sites anioniques (O1 : 48e et O2 : 16c). L’affinement de la structure montre qu’il y a une occupation mixte Bi/Nb sur le site 8a et Bi/Te sur le site 24d (Figure III-20). La formule générale de la phase peut alors s’écrire :

(Bi0.2Nb0.8) (Bi0.6Te2.4) O8 A B3 O8

Chaque octaèdre [AO6] est relié à six disphénoïdes [BO4] et ces derniers sont reliés à deux octaèdres [AO6] et deux disphénoïdes [BO4] (les éléments Te et Bi possèdent tous deux une paire électronique libre).

Figure III - 20 : Structure du second polymorphe cubique de formule Bi0,8Nb0,8Te2,4O8 avec visualisation du site octaédrique A occupé par Bi et Nb et du site disphénoïde B occupé par Bi et Te.

Les spectres Raman de l’anti-verre et du second polymorphe sont présentés en Figure III-21.

Un affinement très net des bandes Raman, notamment à bas nombre d’onde, s’opère lors du passage de l’anti-verre vers le second polymorphe, correspondant à la mise en ordre partielle des cations (cf. Figure III-20). Ceci étant, les bandes demeurent tout de même relativement larges, synonyme de la persistance d’un désordre, notamment sur le sous-réseau anionique.

Figure III - 21 : Spectres Raman normalisés enregistrés pour l’anti-verre et le second polymorphe.

Une cartographie EBSD (Figure III-22) mesurée sur le second polymorphe met en évidence la présence de grains micrométriques et submicroniques et de joints de grains. La cartographie révèle également la présence de zones sombres localisées aux joints de grains qui ont également été observées dans le cas de l’anti-verre. Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées pour expliquer la nature de ces zones.

133 Figure III - 22 : Cartographie EBSD enregistrée sur le second polymorphe.

Une des hypothèses possibles serait d’associer ces zones à la phase anti-verre résiduelle.

Or, nous avons montré précédemment que la signature de la phase anti-verre en EBSD est similaire à celle d’une céramique, et qu’elle présente donc des grains et des joints de grains.

La phase anti-verre ne peut donc pas correspondre aux zones sombres.

Il serait aussi possible d’associer ces zones à de la phase vitreuse résiduelle. Ceci étant, cette hypothèse est encore moins crédible, car pour obtenir le second polymorphe, le verre est chauffé et se transforme dans un premier temps en anti-verre, avant de se transformer une seconde fois.

Afin de déterminer la nature de ces zones sombres, le second polymorphe a été observée au MET (Figure III-23). Les clichés de MET révèlent la présence de nanoporosités (dizaines de nm). En fait, par EBSD, il est possible que les zones sombres observées correspondent à de la nanoporosité qui se serait simplement « regroupée », constituant alors des pores de taille plus importante (porosité submicronique). Les rangées atomiques entourant les pores sont clairement visibles sur la Figure III-23-b.

Figure III - 23 : Micrographies du second polymorphe obtenues par Microscopie Electronique en Transmission (MET).

Ce résultat est en outre corroboré par les mesures de densité. En effet, la densité du matériau passe de 5,97 (verre) à 6,24 (second polymorphe), soit une augmentation de 4,5%.

On peut donc imaginer qu’il y a, au sein du second polymorphe, coexistence de zones plus denses et de porosités. La densité de l’anti-verre est de 6,17 (augmentation de 3% par

rapport au verre parent), on peut donc suggérer que la nanoporosité apparaît même, peut-être, dès la phase anti-verre.

En résumé, le passage du verre à l’anti-verre se traduit donc par de grandes modifications structurales. Ainsi, pour l’anti-verre, on a une distribution statistique du tellure, du niobium et du bismuth sur la position cationique (Figure III-24). Le sous-réseau anionique est en revanche très désordonné avec une « multitude » de positions légèrement différentes pour les atomes d’oxygène. Le passage de la phase anti-verre au second polymorphe se traduit, quant à elle, par une mise en ordre partielle des positions cationiques (Figure III-24), avec deux sites cationiques (ordonnancement chimique). Egalement, il y a toujours persistance d’un certain désordre (moindre) sur le sous-réseau anionique.

Figure III - 24 : Schéma résumant les modifications structurelles (uniquement pour les cations) se produisant lors des transitions de phase verre/anti-verre et anti-verre/second polymorphe.

En parallèle de cette étude structurale conduite sur le système TBN, nous avons entrepris le dopage de céramiques tellurites par des ions de terres rares (Nd3+) dans le but d’en faire un matériau optiquement actif à travers l’obtention d’une émission laser.

III-2.2 Elaboration et caractérisation des céramiques transparentes dopées

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