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Etude 3 – Quelle est la part de l’implication du phénotype rétinien dans le phénotype visuel et global

3.5 Résultats

3.5.5 Etude du comportement du modèle Crx-Cre/cOFF

Malgré le fait que le modèle Crx-Cre/cOFF ne soit pas conforme à nos attentes de modèle « FXS rétine-spécifique », j’ai réalisé quelques études comportementales comme initialement prévu au début du projet. J’ai sélectionné 3 tests : un test de capacités visuelles, un test de cognition et un test illustrant un trouble neuro-associé, ici l’anxiété.

L’animal Crx-Cre/cOFF présente-t-il des anomalies visuelles ?

La capacité à comprendre les contrastes et le mouvement est évaluée grâce au test de l’optomètre. Ce test est le même que celui publié dans la précédente étude (Felgerolle et al., 2019), et confronte la souris à un stimulus fortement contrasté en mouvement lent dans son champ de vision. Le nombre de mouvements reflex de la tête, qui suivent le stimulus en mouvement, ainsi que le temps passé à effectuer ces mouvements, sont enregistrés. De ces données nous pouvons également déterminer le temps moyen d’un mouvement de suivi. Cette analyse et les conclusions que nous pouvons en tirer sur les compétences visuelles sont validées par nos pairs lors de notre précédente publication (Felgerolle et al., 2019).

Par rapport aux animaux des groupes contrôles, les animaux d’intérêt présentent une diminution significative du nombre de head-tracking effectués (WT 63 ± 4, Crx-Cre 54 ± 3, cOFF 53 ± 4, Crx-Cre/cOFF 43 ± 2, p = 0.002) (Figure 80A) associée à une diminution du temps global passé à effectuer ces mouvements de tête (WT 108,1 ± 7,9 s, Crx-Cre 99,4 ± 8,1 s, cOFF 97,1 ± 8,3 s, Crx-Cre/cOFF 73,8 ± 6 s, p = 0.0338) (Figure 80B). La diminution du nombre de mouvements effectués est de l’ordre de 33 % par rapport au groupe d’animaux WT. En revanche, aucune différence n’est obtenue entre les groupes en ce qui concerne le temps moyen d’un mouvement de head-tracking (WT 1,7 ± 0,1 s, Crx-Cre 1,8 ± 0,1 s, cOFF 1,9 ± 0,1 s, Crx-Cre/cOFF 1,7 ± 0,1 s, p > 0.999) (Figure 80C).

Figure 80 : Etude de la compréhension des contrastes et mouvements par le test de l’optomètre. (A) Nombre de head-trackings, (B) temps passé en head-tracking et (C) temps moyen d’un

mouvement de head-tracking.

WT n=6, Crx-Cre n=11, cOFF n=7, Crx-Cre/cOFF n=9. Analyses statistiques par ANOVA une voie suivie d’une comparaison multiple de Tukey. *p<0.05, **p<0.001.

Ces résultats suggèrent donc que les animaux Crx-Cre/cOFF présentent des difficultés dans la compréhension des mouvements et des contrastes. Il est intéressant de noter que la diminution obtenue est du même ordre, bien qu’un peu plus faible, que celle observée précédemment chez les souris

Fmr1 KO (Felgerolle et al., 2019).

L’animal Crx-Cre/cOFF présente-t-il des anomalies cognitives ?

Les capacités de mémorisation de l’animal modèle sont étudiées grâce au test du labyrinthe en Y. Ce test met la souris testée face à un environnement connu, car exploré précédemment, et un environnement inconnu. Le temps passé dans chacun de ces environnements, ou zones, est enregistré ainsi que les nombres d’entrées. Par la suite, un indice de préférence pour la nouveauté est calculé, représentant simplement le pourcentage de temps d’exploration passé dans la zone inconnue, ce qui indique si la souris a reconnu que cette zone ne lui est pas familière et a passé du temps à l’explorer plutôt que celle déjà connue.

Par rapport aux animaux des groupes contrôles, les animaux Crx-Cre/cOFF ne passent pas plus de temps dans le bras de départ (Figure 81A), mais passent significativement plus de temps dans la zone déjà connue (WT 4,7 ± 4,7 s, Crx-Cre 2,3 ± 1,5 s, cOFF 2,7 ± 2,0 s, Crx-Cre/cOFF 11,5 ± 3,5, p = 0.0164) (Figure 81B). Par conséquent, il n’est pas surprenant de constater que les animaux Crx-Cre/cOFF ont tendance à passer significativement moins de temps dans la zone inconnue (WT 75,7 ± 10,2 s, Crx-Cre 70 ± 12,2 s, cOFF 64,9 ± 8,9 s, Crx-Cre/cOFF 39,2 ± 4,7 s, p = 0.0195) (Figure 81C).

Figure 81 : Etude des capacités de mémorisation par le test du labyrinthe en Y. Temps passé dans (A) le bras de départ, (B) dans le bras connu et (C) le bras inconnu. WT n=7, Crx-Cre n=9, cOFF n=9, Crx-Cre/cOFF n=18. Analyses statistiques des données du bras de départ et du bras connu par Kruskal-Wallis suivi d’une comparaison multiple de Dunn. Analyses statistiques des données du bras inconnu par ANOVA une voie suivie d’une comparaison multiple de Tukey. *p<0.05.

Ce phénomène s’illustre parfaitement lorsque la préférence à la nouveauté est calculée, et montre que par rapport aux animaux des groupes contrôles, les animaux Crx-Cre/cOFF présentent une diminution significative du pourcentage de temps passé à explorer la zone qui leur est inconnue (WT 86,2 ± 8,9 %, Crx-Cre 85,6 ± 5,6 %, cOFF 83,7 ± 6,4 %, Crx-Cre/cOFF 61,5 ± 3,5 %, p = 0.018) (Figure 82A). Ce résultat est obtenu sans qu’aucune différence ne soit observée en ce qui concerne la locomotion des animaux, aucune différence n’étant relevée entre les différents groupes en ce qui concerne la distance parcourue lors de cette phase du test (WT 3190 ± 232,1 cm, Crx-Cre 3499 ± 501 cm, cOFF 3665 ± 404 cm, Crx-Cre/cOFF 4394 ± 354 cm, p = 0.201) (Figure 82B).

Ces résultats suggèrent donc que les animaux Crx-Cre/cOFF présentent une altération de leurs capacités cognitives, illustrées ici par des difficultés de mémorisation.

L’animal Crx-Cre/cOFF présente-t-il une anomalie de l’anxiété ?

Le comportement des animaux face à une situation anxiogène est étudiée grâce au test de la croix surélevée. Dans cette situation, l’animal est libre de se déplacer vers une zone « anxiogène » car à découvert et avec un précipice environnant, i.e. les bras ouverts, ou de se déplacer vers une zone « rassurante », i.e. les bras fermés. De plus, les extrémités des bras ouverts sont considérées comme des zones de risque maximal. Le temps passé dans chacun de ces environnements, ou zones, est enregistré ainsi que les nombres d’entrées.

Figure 82 : Etude des capacités de mémorisation par le test du labyrinthe en Y. (A) Pourcentage du temps total passé dans le bras inconnu. (B) Distance parcourue au

cours du test.

WT n=7, Crx-Cre n=9, cOFF n=9, Crx-Cre/cOFF n=18. Pourcentage du temps total passé dans le bras inconnu calculé de la manière suivante : 100x(temps bras inconnu)/(temps bras connu + bras inconnu + bras de départ). Analyses statistiques par ANOVA une voie suivie d’une comparaison multiple de Tukey. *p<0.05.

Aucune différence n’est enregistrée entre les différents groupes d’animaux en ce qui concerne le nombre d’entrées dans les bras fermés (WT 16 ± 2, Crx-Cre 15 ± 1, cOFF 16 ± 2, Crx-Cre/cOFF 18 ± 1, p >0.9999) ou dans les bras ouverts (WT 15 ± 1, Crx-Cre 17 ± 2, cOFF 14 ± 2, Crx-Cre/cOFF 22 ± 3, p = 0.1611), et ceci est associé à un temps passé dans les bras fermés (WT 173,6 ± 13,7 s, Crx-Cre 185,4 ± 11 s, cOFF 180,6 ± 15,3 s, Crx-Cre/cOFF 148,7 ± 12,2 s, p = 0.5724) comme dans les bras ouverts (WT 63,1 ± 8,6 s, Crx-Cre 54,4 ± 7,7 s, cOFF 47,3 ± 11,1 s, Crx-Cre/cOFF 67,5 ± 6 s, p = 0.9794) similaires entre les différents génotypes (Figures 83A, B et C). Par conséquent aucune différence n’est observée non plus en ce qui concerne les zones de risques, que ce soit dans le nombre de fois où les souris se sont aventurées dans ces zones (WT 1,9 ± 0,4, Crx-Cre 4 ± 0,6, cOFF 2 ± 0,4, Crx-Cre/cOFF 2,7 ± 0,6, p > 0.9999) ou dans le temps que les souris y ont passé (WT 4,7 ± 2,5 s, Crx-Cre 8,8 ± 2,6 s, cOFF 4,8 ± 2,3 s, Crx-Cre/cOFF 6,4 ± 1,5 s, p > 0.9999) (Figures 83A, B et C). Enfin, ce comportement est associé à une distance parcourue similaire entre les animaux des différents génotypes (Figure 83D).

Ces résultats suggèrent donc que les animaux Crx-Cre/cOFF ne présentent pas d’anomalie de l’anxiété.

Il aurait été intéressant d’évaluer les composantes sociales du comportement des animaux Crx-Cre/cOFF afin de compléter le tableau des investigations en lien avec le phénotype comportemental

Figure 83 : Etude de l’état d’anxiété par le test de la croix surélevée.

Temps passé (A) dans les bras fermés, (B) dans les bras ouverts et (C) dans les zones de risque.

(D) Distance parcourue au cours du test. WT n=10, Crx-Cre n=13, cOFF n=10, Crx-Cre/cOFF

n=24. Analyses statistiques des nombres d’entrées par Kruskal-Wallis suivi d’une comparaison multiple de Dunn. Analyses statistiques des temps et distance par ANOVA une voie suivie d’une comparaison multiple de Tukey.

connu chez la souris Fmr1 KO. Cependant, les résultats ici obtenus lors de l’étude comportementale des animaux Crx-Cre/cOFF suggèrent que ces animaux ne présentent pas de phénotype d’anxiété, ni d’hyperactivité. En revanche, ils semblent souffrir d’un déficit de mémoire. Ce résultat questionne sur les capacités cognitives d’une manière générale de cette lignée murine, qu’il serait intéressant d’investiguer plus en profondeur, avec d’autres tests cognitifs tels que ceux présentés lors de la description comportementale du modèle Fmr1 KO (partie 2 de l’Introduction). Par-dessus tout, il est très intéressant de constater que les animaux présentent des difficultés de perception des contrastes et des mouvements. Ce résultat suggère que les animaux Crx-Cre/cOFF ont bel et bien des altérations visuelles. Il serait alors intéressant de poursuivre la caractérisation du phénotype visuel de ces animaux, telle que réalisée dans l’étude précédente, avec des tests permettant d’évaluer la capacité de compréhension de la profondeur et de la perspective, mais aussi d’approfondir les connaissances quant à la discrimination des contrastes (Felgerolle et al., 2019).