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Etude 3 – Quelle est la part de l’implication du phénotype rétinien dans le phénotype visuel et global

3.5 Résultats

3.5.2 Etude du cerveau du modèle Crx-Cre/cOFF

Validation des aires cérébrales du modèle Crx-Cre/cOFF

Au niveau cérébral, l’objectif du modèle créé est de conserver l’expression du gène Fmr1 et de maintenir la quantité de protéine FMRP au niveau physiologique. Pour vérifier cela, de manière identique à la validation des rétines, j’ai réalisé une étude des quantités de transcrits du gène Fmr1 et de la protéine FMRP dans le cerveau entier d’animaux d’intérêt et de contrôles littermate, aux deux âges sélectionnés.

A P5, les cerveaux des animaux des trois groupes contrôles présentent des niveaux d’expression de

Fmr1 similaires (WT 100 ± 5,8 %, Crx-Cre 121,8 ± 10,2 %, cOFF 99,5 ± 9,9 %) (Figure 64A). Cependant,

contre toute attente, les cerveaux d’animaux d’intérêt présentent une diminution significative de leur expression de Fmr1 de 55% par rapport au groupe contrôle WT (Crx-Cre/cOFF 44,7 ± 2,1 %, p <0.0001) (Figure 64A). Un résultat identique est obtenu avec des animaux âgés de 25 jours (WT 100 ± 11,3 %, Crx-Cre 123,7 ± 28 %, cOFF 85,7 ± 8,8 %, Crx-Crx-Cre/cOFF 43,4 ± 9,2 %, p = 0.0195) (Figure 64B). Ainsi, le croisement des deux lignées induit une diminution de l’expression du gène Fmr1 de l’ordre de 50% dans les cerveaux de l’animal d’intérêt.

De manière logique, cette diminution de transcription du gène Fmr1 trouve ses conséquences au niveau protéique. En effet, à P5, les cerveaux des animaux d’intérêt présentent une diminution significative de leur quantité de protéine FMRP par rapport aux groupes contrôles, tandis que les animaux contrôles montrent des niveaux équivalents de protéine FMRP (WT 100 ± 7,3 %, Crx-Cre 140,2 ± 23,1 %, cOFF 99,5 ± 31,1 %, Crx-Cre/cOFF 39 ± 4,9 %, p = 0.0111) (Figure 65A). A cet âge, la diminution de la quantité cérébrale de FMRP est de l’ordre de 60% par rapport aux animaux WT. Un résultat identique est obtenu avec des animaux âgés de 25 jours (WT 100 ± 27,2 %, Crx-Cre 75,4 ± 10,3 %, cOFF 100 ± 15,4 %, Crx-Cre/cOFF 28,3 ± 7,7 %, p = 0.0165) (Figure 65B). A P25, les cerveaux des animaux d’intérêt contiennent 70% moins de protéine FMRP que ceux des animaux WT. Le croisement des deux lignées sélectionnées induit une diminution significative de la production de protéine FMRP dans le cerveau de l’animal d’intérêt.

Figure 64 : Transcription cérébrale de Fmr1 (A) à P5 et (B) à P25.

P5 : WT n=8, Cre n=6, cOFF n=4, Cre/cOFF n=9 ; P25 : WT n=4, Cre n=3, cOFF n=7, Crx-Cre/cOFF n=8. Résultats calculés par 2e-ΔCt et exprimés en pourcentage du groupe WT. Analyses statistiques par ANOVA une voie suivie d’une comparaison multiple de Tukey. *p<0.05, **p<0.01, ****p<0.0001.

Le modèle Crx-Cre/cOFF n’est donc pas validé au niveau cérébral : l’expression physiologique du gène Fmr1 n’est pas maintenue. Il ne correspond pas aux attentes d’un modèle FXS rétine-spécifique.

Afin de déterminer si la diminution de l’expression cérébrale du gène Fmr1 est la conséquence d’une recombinaison du gène dans les cellules cérébrales, ou est lié à l’absence de protéine FMRP au niveau rétinien, j’ai réalisé une analyse du génotype de cellules cérébrales. Cette analyse permet de déterminer si le matériel génétique des cellules étudiées contient la construction Fmr1 cOFF dans sa version recombinée. Seul le broyat de l’animal Crx-Cre/cOFF montrent la présence au niveau cérébral de la construction Fmr1 cOFF sous sa forme recombinée (Figure 66).

Figure 65 : Expression cérébrale de FMRP (A) à P5 et (B) à P25.

P5 : WT n=8, Cre n=14, cOFF n=4, Cre/cOFF n=12 ; P25 : WT n=3, Cre n=6, cOFF n=5, Crx-Cre/cOFF n=6. Résultats exprimés en pourcentage du groupe WT. Analyses statistiques pour P5 par Kruskal-Wallis suivi d’une comparaison multiple de Dunn. Analyses statistiques à P25 par ANOVA une voie suivie d’une comparaison multiple de Tukey. *p<0.05, **p<0.01 ****p<0.0001.

Figure 66 : Analyse génotypique de la recombinaison du gène Fmr1 cOFF.

Gel d’électrophorèse en agarose après PCR de génotypage. Pour chaque animal, la colonne de gauche (1) contient un échantillon de tissus dermique (contrôle négatif) et la colonne de droite (2) contient le broyat cérébral.

Ce résultat indique donc que la recombinaison du gène Fmr1 a eu lieu au niveau cérébral. En conclusion, au niveau cérébral, une partie au moins des cellules connait une mise en silence de ce gène. D’après les quantifications des ARNm Fmr1, le modèle Crx-Cre/cOFF connait une situation d’expression cérébrale globale de Fmr1 divisée par 2 par rapport à un animal contrôle. Ce modèle n’est donc pas conforme aux attentes d’un modèle FXS rétine spécifique. Toutefois, il représente une situation originale qui se révèle particulièrement intrigante et intéressante à étudier. En effet, le phénotype moléculaire et cellulaire cérébral a été étudié dans le cas d’individus « sains », i.e. avec une expression à 100% de FMRP, et dans le cas extrême opposé, en conditions FXS avec une absence totale de protéine FMRP. En revanche, la situation intermédiaire, avec une expression cérébrale de FMRP diminuée mais pas annulée n’est pas connue et étudiée. L’animal d’intérêt représente une opportunité d’étudier les conséquences moléculaires et cellulaires de la diminution de la quantité cérébrale de protéine FMRP.

Caractérisation moléculaire cérébrale du modèle Crx-Cre/cOFF

Face à la diminution inattendue du contenu cérébral de FMRP, l’objectif de la caractérisation moléculaire cérébrale est de dresser un état des lieux du contenu cérébral en protéines dont l’expression est connue pour être modifiée par l’absence de FMRP. Tout comme pour la caractérisation rétinienne, j’ai réalisé une étude des quantités de protéines mais également une étude des quantités de transcrits codants pour ces protéines, afin de s’assurer que les anomalies observées dans les quantités de protéines ne proviennent pas de défauts de transcription des gènes codants pour ces protéines. Mon choix s’est porté sur PSD95, protéine connue pour être dérégulée au niveau cérébral en cas d’absence de la protéine FMRP (Muddashetty et al., 2007; Zalfa et al., 2007; Westmark, 2013; Rossignol et al., 2014). Les cerveaux entiers sont étudiés aux mêmes âges que lors de l’étape de validation du modèle.

A P5, aucune différence n’est observée entre les contenus cérébraux d’ARNm de Psd95 des animaux contrôles et ceux des animaux d’intérêt (WT 100 ± 15,6 %, Crx-Cre 109,7 ± 24,4 %, cOFF 87,5 ± 19,3 %, Crx-Cre/cOFF 122,6 ± 15,6 %, p = 0.7428) (Figure 67A).

Figure 67 : Transcription cérébrale de Psd95 à (A) P5 et (B) à P25.

Psd95 P5 : WT n=6, Crx-Cre n=3, cOFF n=4, Crx-Cre/cOFF n=8 ; Psd95 P25 : WT n=4, Crx-Cre n=3, cOFF n=9, Crx-Cre/cOFF n=8. Résultats calculés par 2e-ΔCt et exprimés en pourcentage du groupe WT. Analyses statistiques par ANOVA une voie suivie d’une comparaison multiple de Tukey.

A P25, tous les groupes étudiés présentent des quantités cérébrales similaires d’ARNm de Psd95 (WT 100 ± 7,6 %, Crx-Cre 118 ± 17,4 %, cOFF 103,9 ± 11,3 %, Crx-Cre/cOFF 103,9 ± 12,5 %, p = 0.9971) (Figure 67B).

A P5, l’analyse par western blot des contenus protéiques des cerveaux des animaux contrôles et d’intérêt ne montre pas de différence dans les niveaux de PSD95 des différents groupes (WT 100 ± 8,7 %, Crx-Cre 75 ± 0,8 %, cOFF 94,6 ± 7,6 %, Crx-Cre/cOFF 108,5 ± 10,4 %, p = 0.863) (Figure 68A). Ce résultat se maintient à P25, les animaux Crx-Cre/cOFF ne montrant aucune différence dans leur contenu cérébral par rapport aux animaux contrôles (WT 100 ± 4,6 %, Crx-Cre 109,1 ± 18,6 %, cOFF 145,4 ± 24,8 %, Crx-Cre/cOFF 82,22 ± 13 %, p = 0.906) (Figure 68B).

Ainsi, l’animal Crx-Cre/cOFF ne présente pas l’anomalie moléculaire marqueur de l’absence de la protéine FMRP, caractéristique de la condition du FXS au niveau cérébral. Tout comme pour la rétine, il est aisé d’imaginer que les autres protéines décrites pour être dérégulées au niveau cérébral chez l’animal Fmr1 KO ne le sont pas ici, chez cet animal. Je pense notamment à Kcnma1, mGluR5 ou encore Synaptotagmine. En extrapolant, il est fort probable que l’ensemble des protéines dérégulées en absence de FMRP, i.e. virtuellement toutes les protéines dont la traduction est régulée d’une manière ou une autre par FMRP, connait lui aussi des niveaux physiologiques dans le cerveau des animaux Crx-Cre/cOFF. Quoi qu’il en soit, de manière très factuelle, la protéine marqueur du phénotype moléculaire cérébral du FXS ne connait pas d’altération de son contenu cérébral, et souligne que le cerveau des animaux Crx-Cre/cOFF ne présente pas les anomalies moléculaires cohérentes avec une altération de la disponibilité de FMRP.

Le cerveau des animaux Crx-Cre/cOFF ne présente pas de dérégulation en protéines comparable à celles observées chez l’animal Fmr1 KO. D’un point de vue moléculaire, le cerveau de ces animaux n’est pas « de type Fmr1 KO ».

Figure 68 : Expression cérébrale de PSD95 (A) à P5 et (B) à P25.

P5 : WT n=8, Crx-Cre n=14, cOFF n=4, Crx-Cre/cOFF n=12 ; P25 : WT n=9, Crx-Cre n=10, cOFF n=8, Crx-Cre/cOFF n=8. Résultats exprimés en pourcentage du groupe WT. Analyses statistiques à P5 par ANOVA une voie suivie d’une comparaison multiple de Tukey.

Caractérisation cellulaire cérébrale du modèle Crx-Cre/cOFF

En cas d’absence totale de protéine FMRP au niveau cérébral, le phénotype cellulaire s’illustre par une immaturité neuronale caractérisé par des épines dendritiques présentant une morphologie immature et présentent en plus grand nombre (Irwin et al., 2000; Greenough et al., 2001; Nimchinsky et al., 2001; Galvez and Greenough, 2005). Afin de déterminer si l’animal Crx-Cre/cOFF, dont le contenu cérébral de FMRP est diminué de moitié, présente ce phénotype d’immaturité neuronale, j’ai réalisé des cultures de neurones corticaux des animaux et étudié la densité et la longueur des épines dendritiques de ces neurones. Par rapport aux neurones des groupes contrôles, les neurones des animaux d’intérêt ne présentent pas d’anomalie morphologique globale, ni de densité (Cre 0.207 ± 0.055 /µm, Crx-Cre/cOFF 0.160 ± 0.006 /µm, p = 0.8) et de longueur de leurs épines dendritiques (Crx-Cre 1.117 ± 0.062 µm, Crx-Cre/cOFF 1.104 ± 0.027 µm, p = 0.8) (Figure 69).

Figure 69 : Etude du phénotype neuronal de la lignée. (A) Exemples de dendrites neuronales (en vert). (B) Densité des épines dendritiques et (C) longueur moyenne des

épines dendritiques.

Marquage membranaire par DiI de neurones maintenus en culture in vitro. Barre d’échelle 5 µm. Mesure et comptage des épines dendritiques réalisés grâce au logiciel ImageJ Fiji. Cre n=2, Crx-Cre/cOFF n=3. Pour chaque animal, entre 15 et 30 dendrites ont été étudiées. Analyses statistiques par test de Mann-Whitney.

Ainsi, la diminution de moitié du contenu cérébral global d’FMRP n’affecte pas ici les neurones corticaux des animaux Crx-Cre/cOFF. Ces animaux ne présentent pas le phénotype neuronal « de type Fmr1 KO » caractérisé par un aspect grêle des dendrites neuronales.

En résumé, l’animal Crx-Cre/cOFF présente une absence de l’expression du gène Fmr1 dans ses rétines, associés à une absence de phénotype rétinien une fois l’âge adulte atteint, et une diminution de l’expression du gène Fmr1 associé à un phénotype moléculaire cérébral de dérégulation de contenus protéiques. Les résultats suggèrent que la diminution de l’expression de FMRP au niveau cérébral est due à une recombinaison de la construction Fmr1 cOFF, au moins dans une partie des cellules cérébrales.

L’ensemble des résultats obtenus soulève donc la question de la maitrise de la recombinaison induite par le Tg(Crx-Cre) : la recombinaison rétinienne est-elle totale ? Quel est le schéma de recombinaison induit au niveau cérébral ? La suite de l’étude proposée ici s’intéresse donc à l’étude de la recombinaison induite par le Tg(Crx-Cre), en particulier au niveau cérébral, où cette recombinaison n’était pas attendue. Pour apporter des éléments de réponse, la lignée Tg(Crx-Cre) est croisée avec une lignée reportrice afin de révéler les cellules, les tissus, les organes, subissant une recombinaison génétique par action de la Cre recombinase.