• Aucun résultat trouvé

2.2 Caractérisation structurale et spectroscopique

2.2.3 Etude de la dynamique moléculaire du complexe

en solution

Une étude RMN 1H en température a permis de mettre en évidence la non-rigidité stéréochimique du composé 3(PF6). Des calculs théoriques effectués en collaboration avec

l‟équipe de Martin Field du Laboratoire de Dynamique Moléculaire de l‟IBS de Grenoble, ont par la suite permis d‟identifier les isomères en présence.

A température ambiante, le spectre RMN 1H de 3(PF6) dans le DMSO-d6 présente deux jeux

distincts des signaux décrits ci-dessus, traduisant la présence de deux isomères en solution (Figure 47). Deux singulets correspondant aux cinq protons équivalents du ligand Cp– sont observés et tous les protons du ligand xbsms2– du nickel sont différenciés. Les deux singulets attribués aux protons des groupements méthyle (b) sont dédoublés. Les quatre doublets

correspondant aux protons benzyliques (a) et méthyléniques (c) ont leur base élargie, ce qui traduit un début de coalescence de ces signaux.

a a c d a b b c c (DMSO) (HOD) (DCM) d d a a c b b a a c d a b b c c (DMSO) (HOD) (DCM) d d a a c b b

Figure 47 : spectre RMN 1H de 3(PF6) (300 MHz, DMSO-d6, T=25°C)

Une étude en température a été menée. La Figure 48 montre l‟évolution de la partie du spectre correspondant aux protons du ligand Cp–. A 25°C, deux singulets ayant des intensités relatives 1 / 0,60 sont observés aux déplacements = 5,39 et 5,29 ppm, traduisant la présence de deux isomères en solution.

En augmentant la température, la coalescence des deux signaux est observée vers 95°C. A T = 125°C, les deux formes sont en équilibre rapide et le signal observé est un signal moyen. Le phénomène est réversible si l‟on redescend en température. A partir des valeurs de la température de coalescence (Tcoal = 368 K), de la différence des fréquences de résonnance des

deux espèces à TA ( = 33,6 Hz (0,112 ppm)) et des équations cinétiques appliquées aux réactions d‟échanges observées en RMN, une enthalpie d‟activation de 78 kJ.mol–1 a pu être déterminée pour l‟interconversion entre les deux isomères.134

Figure 48 : évolution du spectre RMN 1H (région du signal du Cp–) de 3(PF6) avec la température (300 MHz, DMSO-d6)

Nous avons ensuite cherché à déterminer les structures respectives de ces deux isomères, à l‟aide de calculs théoriques DFT. Nous avons supposé que la structure observée à l‟état solide était l‟une des deux espèces présentes en solution. Afin de déterminer la structure de l‟autre forme, nous avons envisagé plusieurs isomères possibles (Figure 49) correspondant aux différentes classes structurales déjà observées (Figure 45) auxquelles nous avons ajouté une quatrième classe. Dans cette dernière classe (classe IV), (i) le motif organométallique à base de ruthénium et le cycle aromatique du ligand xbsms2– sont en configuration cis par rapport au plan NiS4 ; (ii) le ligand monodentate du ruthénium pointe dans une direction opposée au

nickel. Comme nous ne connaissons aucun représentant de la classe IV, deux constructions ont été réalisées, correspondant aux isomères C et D. La structure initiale de l‟isomère C a été obtenue à partir de la structure déterminée à l‟état solide par diffraction des rayons X. L‟angle dièdre a été artificiellement ouvert d‟une cinquantaine de degrés. L‟optimisation de la structure de l‟isomère C dans le DMF a cependant convergé vers une structure de classe III, similaire à la structure obtenue à l‟état solide et d‟énergie comparable. Un second isomère (D) a alors été construit, après une étude sur des modèles moléculaires de paillasse, à partir de la structure initiale de l‟isomère C mais en inversant la configuration des atomes de soufre des ligands thiolate.

La structure observée à l‟état solide est de classe III. Les isomères A, B et D appartiennent aux classes structurales I, II et IV respectivement (Figure 45). Le passage d‟un isomère à l‟autre n‟implique pas de rupture des ponts thiolate entre le nickel et le ruthénium. Il se fait par inversion successive des configurations des deux atomes de soufre des fonctions thioéther (passage de l‟isomère de classe III à A) ou thiolate (passage des isomères A à B et de l‟isomère D à l‟isomère de classe III).

Figure 49 : chemins possibles d’isomérisation entre les structures A-D calculées des conformères du complexe 3+. Encadré : profil énergétique de l’interconversion entre les deux espèces en

solution.

Les structures schématisées sur la Figure 49 sont des structures calculées et optimisées au niveau DFT (voir Partie Expérimentale). Les énergies de ces quatre isomères sont également indiquées sur la figure. L‟isomère D possède une énergie élevée par rapport à l‟isomère de classe III caractérisé à l‟état solide. En revanche, les énergies des isomères A (classe I) et B (classe II) sont voisines de celle de l‟isomère de classe III. L‟isomère A est plus stable que l‟isomère B et peut être obtenu à partir de la structure obtenue à l‟état solide par une seule inversion de configuration de deux soufres. Le passage à l‟isomère B à partir de la structure obtenue à l‟état solide nécessite d‟inverser les configurations des thioéthers puis des thiolates pontants. A partir de ces observations, nous proposons que la solution de DMSO contienne l‟isomère le plus stable comme espèce majoritaire (isomère A) en équilibre avec la structure déterminée à l‟état solide.

La recherche de la structure de l‟état de transition intermédiaire entre ces deux formes a été effectuée. Celui-ci est plus haut en énergie que la structure caractérisée à l‟état solide (+28

asymétrique : la configuration d‟un seul des deux atomes de soufre des fonctions thioéthers est inversée (encadré de la Figure 49). La différence de 35 kJ.mol–1 entre la valeur calculée et la valeur déterminée expérimentalement pour la barrière énergétique est incluse dans la barre d‟erreur attendue pour l‟estimation de ce de type de grandeur par les méthodes DFT utilisées.135

Afin de confirmer les observations ci-dessus, nous avons également calculé les fréquences de vibration du ligand carbonyle dans les différents isomères. La bande de vibration de l‟isomère A (2015 cm–1) est plus basse que celle de l‟isomère de classe III (2019 cm–1), mais le faible écart d‟environ 4 cm–1entre ces deux fréquences ne peut pas être résolu par des mesures infrarouge en solution. Néanmoins, cet écart témoigne d‟une rétrodonation électronique du métal vers le ligand CO plus importante dans le cas de l‟isomère A et donc d‟une densité électronique accrue sur le ruthénium. Cette observation peut être mise en parallèle avec l‟observation en RMN 1H d‟un signal plus déblindé attribué au ligand Cp

de l‟isomère A majoritaire ( = 5,39 ppm) comparé à celui de l‟isomère caractérisé à l‟état solide minoritaire ( = 5,29 ppm).

De tels réarrangements conformationnels, déjà connus pour les complexes de nickel tétramines macrocycliques,136 ont également été décrits pour des complexes de nickel tétrathioéthers macrocycliques par l‟équipe de Rorabacher (Figure 50).137 Le complexe ro1 possède deux conformères stables cis (F-I) et trans (F-II). Dans l‟état de transition entre ces deux formes, un des quatre atomes de soufre a sa configuration inversée.

ro1

da3 ro1

da3

Figure 50 : équilibres conformationnels impliquant des inversions de configurations d’atomes de soufre

Par ailleurs, Darensbourg et coll. ont décrit la synthèse et la dynamique moléculaire en solution (RMN 13C en température du ligand CO) du complexe dinucléaire da3 (Figure 50).138 Ce composé possède le même type de motif papillon {Ni(RS2)W} que les complexes Ni-Ru

l‟atome de tungstène rend possible la fluxionalité de la molécule en solution : la permutation des deux ligands carbonyles axiaux s‟effectue avec une barrière d‟activation de 65 kJ.mol–1. Ce processus est attribué à une double inversion des configurations des thiolates pontants entre les deux unités {NiN2S2} et {W(CO)4}, mécanisme similaire à celui que nous avons mis

en évidence pour expliquer la non-rigidité stéréochimique de 3+ (dans notre cas, il s‟agit d‟une double inversion des configurations des thioéthers).