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Analyse énergétique de la modélisation des étapes du cycle catalytique

3 Comparaison à d‟autres systèmes Ni-Ru

3.4 Analyse énergétique de la modélisation des étapes du cycle catalytique

Pour conforter l‟analyse structurale du paragraphe précédent, nous avons également rassemblé dans les Tableau 19 et Tableau 20 les paramètres permettant de quantifier la réactivité des

intermédiaires hydrure des quatre systèmes, obtenus par la modélisation des systèmes selon les deux méthodes DFT différentes.

La densité de charge portée par le ligand hydrure est un paramètre important qui permet de déterminer la nucléophilie de ce dernier et donc potentiellement son aptitude à réagir avec un proton selon un mécanisme hétérolytique de production d‟hydrogène. Cependant ce paramètre varie peu lorsque l‟on change de système ou d‟état rédox : il n‟est donc pas possible d‟établir de corrélation entre ce paramètre et les propriétés catalytiques des différents composés.

Il n‟est pas non plus possible de corréler la thermodynamique de la première étape de protonation, conduisant à la formation de l‟intermédiaire hydrure avec les performances catalytiques. Cela n‟est pas surprenant : il s‟avère que cette réaction est thermodynamiquement possible dans tous les cas et nous avons vu dans le cas de 2+ que cette réaction n‟était pas cinétiquement déterminante, du moins pour la voie de production hétérolytique.

L‟analyse du profil énergétique du cycle catalytique, quant à elle, permet de mettre en évidence une relation directe entre la surtension observée et la variation d‟enthalpie libre de l‟étape hétérolytique de dégagement d‟hydrogène par protonation de l‟hydrure pontant sous sa forme réduite. En effet, il apparaît que plus cette étape est favorisée au niveau thermodynamique, plus la surtension observée est faible. Le même type de corrélation est observé si l‟on considère une étape de dégagement d‟hydrogène de nature homolytique. Cependant, à l‟exception de 2+

, cette voie apparaît hautement improbable car très endergonique.

B3LYP charges ESP

Variation d‟enthalpie libre de la réaction de production d‟H2 à partir de l‟hydrure

réduit (kJ.mol−1)

complexe surtension

(mV) hydrure

hydrure réduit

Variation d‟enthalpie libre de la réaction de protonation

conduisant à l‟hydrure pontant (kJ.mol−1)

voie hétérolytique voie homolytique

[Ni(xbsms)RuCpdmso]+

(2+) 660 −0,29 −0,40 − 6 – 43 8

[Ni(N2S2)Ru(HMB)(H2O)]2+

(112+) 790 −0,33 −0,30 − 102 – 34 76,7

[Ni(xbsms)Ru(HMB)Cl]+

(9+) 810 −0,25 −0,25 − 63 – 5 84,9

[Ni(xbsms)Ru(CO)2Cl2]

(ou1) 880 −0,28 −0,31 − 71 48 127,0

Tableau 19 : densité de charge portée par le ligand hydrure et énergies des étapes de dégagement d’hydrogène déterminées en utilisant la méthode DFT B3LYP/LACV3P**++ pour

BP86 charges ESP

Variation d‟enthalpie libre de la réaction de production d‟H2 à partir de l‟hydrure

réduit (kJ.mol−1)

complexe surtension

(mV) hydrure

hydrure réduit

Variation d‟enthalpie libre de la réaction de protonation

conduisant à l‟hydrure pontant (kJ.mol−1)

voie hétérolytique voie homolytique

[Ni(xbsms)RuCpdmso]+

(2+) 660 −0,21 −0,26 − 12 – 51 − 22

[Ni(N2S2)Ru(HMB)(H2O)]2+

(112+) 790 −0,28 −0,28 − 30 – 26 105

[Ni(xbsms)Ru(HMB)Cl]+

(9+) 810 −0,19 −0,23 − 93 2 125,9

[Ni(xbsms)RuCO2Cl2]

(ou1) 880 −0,21 −0,27 − 100 66 142,4

Tableau 20 : densité de charge portée par le ligand hydrure et énergies des étapes de dégagement d’hydrogène déterminées en utilisant la méthode DFT BP86/LACV3P**++ pour les

différents catalyseurs Ni-Ru étudiés

Dans le cas de ou1, aucune des deux voies de production d‟hydrogène ne semble possible, alors que la production d‟hydrogène a été observée expérimentalement. Rappelons ici que ces valeurs sont entachées de l‟incertitude inhérente aux calculs DFT (environ 4 unités de pKa ou 25 kJ.mol–1) ou encore de la variabilité de la méthode DFT employée. De plus, il est tout à fait possible que cette étape, peu favorable au niveau thermodynamique, soit déplacée par l‟étape de réduction, très favorable au potentiel d‟électrocatalyse, du composé [NiRu] qu‟elle produit (Figure 103). Enfin, même si nous avons systématiquement calculé et optimisé les structures des composés obtenus après chaque étape de protonation et de réduction, il ne faut pas exclure la possibilité d‟étapes réactionnelles impliquant un transfert couplé de proton et d‟électron dont la modélisation en chimie théorique est encore à développer dans le cadre de composés de coordination.

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Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons combiné études électrochimiques et théoriques pour déterminer le mécanisme de production d‟hydrogène catalysée par les complexes bio-inspirés Ni-Ru. La modélisation théorique du cycle catalytique a systématiquement confirmé la proposition de mécanisme établie à partir de l‟analyse des voltammogrammes cycliques. La comparaison de quatre systèmes différents, renfermant des ligands variés sur le nickel et le ruthénium permet d‟arriver à la conclusion que le mécanisme le plus probable implique un intermédiaire hydrure, de structure pontante Ni(µ-H)Ru dont l‟activation réductrice permet la protonation et le dégagement d‟hydrogène par voie hétérolytique.

Ces conclusions sont intéressantes à plus d‟un titre. Si nous avions montré au Chapitre 2 que les complexes Ni-Ru, modèles structuraux de la structure des hydrogénases NiFe, étaient aussi des modèles fonctionnels de ces enzymes, le passage par un intermédiaire catalytique hydrure de structure pontante, proche de celle caractérisée dans l‟état catalytiquement actif Ni-C de l‟enzyme, établit de manière définitive leur pertinence en tant que composés bio- inspirés. Ceci est d‟autant plus vrai que la production d‟hydrogène se produit de manière hétérolytique, autre caractéristique fonctionnelle des hydrogénases. Enfin, même si Ogo et coll. ont décrit en 2007,114 la préparation d‟un dérivé hydrure pontant, l‟implication de ce composé dans un mécanisme catalytique de production d‟hydrogène reste à démontrer.

La caractérisation expérimentale de tels composés hydrures n‟a malheureusement pas encore abouti mais cette approche mérite d‟être approfondie afin de pouvoir confronter, pour ces systèmes, les résultats théoriques obtenus avec des données expérimentales. Nous avons récemment observé que la réaction de l‟hydrure de tributylétain Bu3Sn–H avec 2+ dans le

dichlorométhane conduisait à la formation d‟une espèce stable, définie, présentant en RMN

1

H un signal fortement blindé ( = –6.9 ppm dans CD2Cl2), signature spectroscopique d‟un

hydrure métallique. La caractérisation de cette espèce est actuellement en cours au laboratoire.

Des composés modèles incorporant des

métaux de la première série de transition : les

complexes Ni-Mn et Ni-Fe

1

Introduction

Les complexes dinucléaires Ni-Ru dont les propriétés et mécanismes catalytiques ont été étudiés et présentés dans les deux chapitres précédents se sont révélés être de bons modèles fonctionnels du site actif des hydrogénases NiFe. Certaines modifications de la sphère de coordination des deux ions métalliques Ni2+ et Ru2+ ont permis d‟améliorer les performances de ces catalyseurs bio-inspirés pour l‟électroproduction d‟hydrogène.

Cependant, le ruthénium qu‟ils incorporent reste un métal noble, même s‟il est beaucoup moins rare et cher que le platine. La communauté scientifique cherche ainsi à restreindre son utilisation, notamment en ce qui concerne son utilisation comme photosensibilisateur dans les cellules photovoltaïques dites de Grätzel,158, 159 dans les systèmes de photoproduction d‟hydrogène160

ou plus généralement en catalyse organométallique.161 Dans cette optique, l‟élaboration de modèles des hydrogénases NiFe n‟incorporant que des métaux de la première série de transition est un objectif de premier ordre. Le manganèse et le fer sont des éléments plus abondants que le ruthénium et leur prix bien moins élevé.p En termes de propriétés électroniques, l‟ion Mn(I) est isoélectronique des ions Fe(II) et Ru(II). Les complexes qu‟ils forment ont donc des réactivités similaires.162 Ainsi, Rauchfuss et coll. ont étudié les dérivés [M(CN)3(CO)3]n– où M = Ru (n=1), Mn (n=2), comme analogues du motif {Fe(CO)(CN)2}

présent au site actif de l‟hydrogénase NiFe.163

L‟incorporation de métaux de la première série de transition dans les complexes synthétisés peut également permettre d‟améliorer l‟activité catalytique potentielle de ces composés par rapport à la série Ni-Ru dans la mesure où les hydrures correspondants sont plus reactifs.130, 164 Enfin, de tels composés seront évidemment

plus pertinents en tant que modèles biomimétiques et les conclusions de l‟étude de leur mécanisme catalytique de production d‟hydrogène pourront être encore plus directement transposées à la réactivité des enzymes natives.

Nous décrirons dans ce chapitre la synthèse et la caractérisation de deux complexes Ni-Mn et Ni-Fe dont nous avons pu démontrer les propriétés catalytiques en production d‟hydrogène.

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Un composé Ni-Mn comme modèle structural et fonctionnel

des hydrogénases NiFe

2.1 Synthèse

Le complexe [Ni(xbsms)Mn(CO)3(H2O)]+ (13+) a été précédemment obtenu au laboratoire et

en faible quantité via la réaction de [Ni(xbsms)] avec un adduit protéique de formule [Lysozyme{Mn(CO)3(OH2)2}(OTf)].165 Afin de disposer de plus grandes quantités de ce

composé, une nouvelle voie de synthèse a été mise en œuvre : le composé 13(Br) peut être obtenu avec un bon rendement par réaction des complexes [Ni(xbsms)] et [Mn(CO)5Br] dans

le diéthyléther à température ambiante (Figure 105). Ce composé présente des caractéristiques spectroscopiques identiques à celles du produit initialement caractérisé.q

Figure 105 : synthèse du complexe dinucléaire Ni-Mn 13(Br)