4 Les complexes incorporant le motif {Ni(µ-SR) 2 Ru(HMB)}
4.1.3 Caractérisation structurale
Plusieurs conditions de cristallisation du complexe [Ni(xbsms)Ru(HMB)Cl]+ (9+) ont été testées (solvant, température, métathèse du contre-anion à l‟aide de sels d‟argent) mais se sont avérées infructueuses.
Cependant, des monocristaux ont été obtenus par diffusion de diéthyléther dans une solution du complexe 10(OTf)2 obtenu par la voie 1 dans le dichlorométhane. La structure obtenue
(Figure 79) met en évidence la coordination d‟une molécule d‟acétonitrile introduite dans le milieu lors de la synthèse sur le ruthénium. Cette détermination cristallographique valide en partie la formule [Ni(xbsms)Ru(HMB)X]2+ (X = CH3CN, H2O) proposée pour le dication
102+. Ni Ru S1 C21 S2 N1 C22 Ni Ru S1 C21 S2 N1 C22
Figure 79 : structure cristallographique de l’ion complexe 102+
Lacomparaison des signaux des protons du ligand du nickel sur les des spectres RMN 1H des complexes 9(Cl), 9(NO3), 10(OTf)2 et 10(NO3)2 enregistrés dans le même solvant (CD2Cl2)
nous a permis de répartir ces composés en deux classes structurales distinctes. En particulier, le doublet le plus déblindé attribué aux protons benzyliques (axiaux ou équatoriaux) se situe à un déplacement chimique supérieur à 5 ppm pour les complexes 9(Cl) et 9(NO3), alors que
celui des complexes 10(OTf)2 et 10(NO3)2 est à un déplacement chimique inférieur à 5 ppm.
RMN du complexe 10(NO3)2 étant observés aux mêmes déplacements chimiques que ceux de
10(OTf)2, l‟environnement électronique et donc chimique des protons du ligand du nickel est
similaire dans ces deux composés. Nous supposons alors que le complexe 10(NO3)2 adopte la
même conformation trans et appartient à la même classe structurale.
Les complexes 9(Cl) et 9(NO3) en revanche, sont supposés adopter une autre conformation en
solution, d‟après les déplacements chimiques de leurs signaux RMN. Nous supposons qu‟il s‟agit d‟une conformation cis dans laquelle le ligand chlorure est du même côté que le cycle aromatique par rapport au plan NiS4 et pointe au dessus du nickel. Deux éléments confortent
cette hypothèse : (i) cette conformation est la plus courante lorsque les ligands monodentates sur le ruthénium sont de faible taille et elle a en particulier déjà été observée à l‟état solide pour le complexe de structure voisine [Ni(xbsms)Ru(p-cymène)Cl]+ (ii) des calculs de chimie théorique l ont été effectués sur les différentes conformations envisageables pour 9+. Trois structures possibles correspondant aux trois classes structurales décrites Figure 45 (page 73) ont été construites à partir de celles obtenues à l‟état solide pour les complexes [Ni(xbsms)Ru(p-cymène)Cl]+ et [Ni(xbsms)Ru(HMB)(NCCH3)](OTf)2. L‟optimisation de ces
trois constructions met en évidence une plus grande stabilité du complexe adoptant la conformation cis de la classe I par rapport aux structures de classe III (–5,6 kJ.mol–1, cette structure calculée étant métastable) et de classe II (–69,9 kJ.mol–1).
En conclusion de cette étude, les complexes 9(Cl) et 9(NO3) appartiennent tous les deuxà la
classe structurale I. Les complexes 10(OTf)2 et 10(NO3)2 appartiennent quant à euxà la classe
III (Figure 80). [Ni(xbsms)Ru(HMB)Cl]+ (9+) - Classe I Ni Ru Cl ax eq HMB
[Ni(xbsms)Ru(HMB)X]2+ (102+) - Classe III X = H2O, CH3CN Ni Ru X ax eq HMB [Ni(xbsms)Ru(HMB)Cl]+ (9+) - Classe I Ni Ru Cl ax eq HMB Ni Ru Cl ax eq HMB
[Ni(xbsms)Ru(HMB)X]2+ (102+) - Classe III X = H2O, CH3CN Ni Ru X ax eq HMB Ni Ru X ax eq HMB
Figure 80 : structures proposées pour les ions complexes 9+ et 102+ (de par la symétrie Cs des
molécules, seule la moitié des atomes est représentée)
l
Calculs effectués au niveau DFT (B3LYP / LAV3P*) à l‟aide du programme Jaguar quantum chemistry (version 5.2) dans le cadre de l‟étude qui sera détaillée au Chapitre 3.
L‟étude de l‟influence de l‟arrangement structural de ces composés sur leur réactivité en catalyse de production d‟hydrogène sera abordée au Chapitre 3.
4.1.4 Propriétés électrocatalytiques
4.1.4.1 Caractérisation électrochimique
Les voltammogrammes cycliques des complexes dinucléaires 9(Cl) et 10(NO3)2 ont été
enregistrés sur électrode de carbone vitreux dans le DMF en présence de l‟électrolyte support n-Bu4NBF4 (Figure 81 et Figure 82).
Le voltammogramme cyclique du complexe 9(Cl) présente une vague anodique quasi- réversible ( Ep = 160 mV) à 0,59 V vs Ag/AgCl. En réduction, une première vague
irréversible est observée à −0,96 V vs Ag/AgCl. Elle est attribuée à la réduction du Ru(II) entraînant la décoordination du ligand chlorure (ce point sera confirmé dans le Chapitre 3). La vague anodique correspondante est observée sur le balayage retour à −0,31 V vs Ag/AgCl. Un second processus de réduction irréversible est observé à −1,16 V vs Ag/AgCl. L‟électrolyse complète d‟une quantité connue du complexe à −1,30 V vs Ag/AgCl a mis en évidence le caractère mono-électronique de chacune des deux vagues cathodiques successives observées.
Figure 81 : voltammogramme cyclique du complexe 9(Cl) (1,0 mmol.L−1) enregistré dans une solution de n-Bu4NBF4 dans le DMF(0,1 mmol.L−1) sur une électrode de carbone vitreux
à 100 mV.s−1
Le voltammogramme cyclique du complexe 10(NO3)2 présente une première vague
cathodique irréversible à −0,40 V vs Ag/AgCl. Elle est attribuée à une réduction du centre Ru(II). En accord avec la charge plus élevée de ce complexe dicationique, cette réduction s‟effectue à un potentiel plus positif que dans le cas du complexe 9(Cl) monocationique. La forme aplatie de cette vague fait penser à un processus de type CE qui implique une première
<=> 102+ + NO3−), suivie de l‟étape de transfert électronique. Il est cependant nécessaire de
mener plus de mesures électrochimiques pour valider cette attribution. La vague anodique correspondante est observée sur le balayage retour à −0,26 V vs Ag/AgCl. Une seconde vague irréversible est observée −0,95 V vs Ag/AgCl. Cette vague se situe au même potentiel que la première vague cathodique observée sur le voltammogramme de 9(Cl). Cependant, son intensité est trop forte pour correspondre à un produit contaminant. On peut alors attribuer cette vague à la réduction d‟une paire d‟ions non dissociée globalement monocationique {10(NO3)}+, qui se réduirait donc à un potentiel proche de celui de 9+. Un second processus
de réduction irréversible, situé cette fois de manière très cohérente au même potentiel que dans 9+ (qui a alors éliminé son ligand chlorure) et attribué à la réduction du Ni(II) en Ni(I) est observé à −1,16 V vs Ag/AgCl. Enfin, deux vagues anodiques aplaties sont observées à 0,19 et 0,52 V vs Ag/AgCl.
Figure 82 : voltammogramme cyclique du complexe 10(NO3)2 (1,0 mmol.L−1) enregistré dans une solution de n-Bu4NBF4 dans le DMF(0,1 mmol.L−1) sur une électrode de carbone vitreux
à 100 mV.s−1
4.1.4.2 Production électrocatalytique d’hydrogène
En présence de quantités croissantes de triéthylammonium sous forme d‟un sel de chlorure (dans le cas du complexe 9(Cl)) ou de tétrafluoroborate (dans le cas du complexe sans ligand chlorure 10(NO3)2), une vague électrocatalytique se développe sur les voltammogrammes
cycliques (Figure 83 et Figure 84). Les potentiels d‟électrocatalyse pour les complexes 9(Cl) et 10(NO3)2 sont de –1,59 V et –1,58 V vs Ag/AgCl respectivement (les surtensions
fin de chapitre, Tableau 10 page 119). L‟ajout d‟acide ne modifie pas les autres vagues caractéristiques des complexes décrites au paragraphe précédent : il n‟y a donc pas protonation des complexes. En revanche, un nouveau processus, peut-être de nature catalytique, apparaît en oxydation à 0,95 V vs Ag/AgCl.
Figure 83 : voltammogrammes cycliques de 9(Cl) (1,0 mmol.L−1) en présence de plusieurs équivalents de l’acide Et3NHCl ( a) 0 éq ; b) 1 éq ; c) 1,5 éq; d) 3 éq ; e) 10 éq) enregistrés dans
une solution de n-Bu4NBF4 dans le DMF(0,1 mmol.L−1) sur une électrode de carbone vitreux à 100 mV.s−1
Figure 84 : voltammogrammes cycliques de 10(NO3)2 (1,0 mmol.L−1) en présence de plusieurs équivalents de l’acide Et3NHBF4 ( a) 0 éq ; b) 1 éq ; c) 1,5 éq; d) 3 éq ; e) 10 éq) enregistrés dans
une solution de n-Bu4NBF4 dans le DMF(0,1 mmol.L−1) sur une électrode de carbone vitreux à 100 mV.s−1
avons effectué une expérience d‟électrolyse à potentiel contrôlé couplée à la mesure du volume de gaz produit.
L‟électrolyse à –1,6 V vs Ag/AgCl de 14 µmol du complexe 9(Cl) dans le DMF sur nappe de mercure en présence de 700 µmol de Et3NHCl montre que 45,4 C sont consommés en 4 h
(Figure 85). Du gaz est prélevé au-dessus de la solution et analysé en chromatographie en phase gazeuse : le seul gaz détecté est H2. Au bout de 3 h 50 d‟électrolyse, un volume de 5,3
mL d‟hydrogène est dégagé. Au cours de cette expérience, 16,8 cycles catalytiques ont été effectués. On en déduit que 67% de l‟acide a été consommé avec un rendement faradique de 97%.
Figure 85 : électrolyse à –1,60 V vs Ag/AgCl d’une solution de Et3NHCl(0,1 mol.L–1) et n- Bu4NBF4 (0,1 mol.L–1) dans le DMF (7 mL) sur nappe de mercure (~1,23 cm2) en l’absence et en
présence de 9(Cl) (2 mmol.L–1). 1 turnover correspond à 2,7 C. Le volume d’hydrogène produit en fonction de la charge est représenté sur le graphe de droite.
L‟électrolyse à –1,6 V vs Ag/AgCl de 5 µmol du complexe 10(OTf)2 dans le DMF sur nappe
de mercure en présence de 500 µmol de Et3NHCl montre que 30,6 C sont consommés en 4 h
(Figure 86). Au cours de cette expérience, 63% de l‟acide a été consommé, soit 31,7 cycles catalytiques effectués. Là encore, le seul gaz détecté est H2.
Figure 86 : électrolyse à –1,60 V vs Ag/AgCl d’une solution de Et3NHCl(0,1 mol.L–1) et n- Bu4NBF4 (0,1 mol.L–1) dans le DMF (5 mL) sur nappe de mercure (~1,23 cm
2
) en l’absence et en présence de 10(OTf)2 (1 mmol.L–1). 1 turnover correspond à 0,965 C.