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2.3 Applications du modèle thermodynamique à l’équilibre local

2.3.1 Etude du cas de référence de la thermite Al/CuO

La thermite Al/CuO, comme nous l’avons vu dans le chapitre 1, est la plus em- ployée dans les applications, et la plus étudiée au point de vue recherche. Par consé- quent, nous commençons par appliquer notre modèle à cette thermite, avant d’envi- sager d’autres compositions. Nous allons détailler toutes les transitions de phase que nous avons considérées dans le cas de la combustion d’une composition Al/CuO. Pour faire cette description, nous adoptons les notations suivantes :

— Al représente l’espèce chimique aluminium quelle que soit sa phase. — Al(s) représente l’aluminium en phase solide.

— Al(l) représente l’aluminium en phase liquide.

— Al(c) représente l’aluminium en phase condensée (soit liquide soit solide, sui-

vant la température).

— Al(g) représente l’aluminium en phase gazeuse.

— Al(l) ⇐⇒ Al(g) représente la réaction réversible d’évaporation de l’alumi-

nium.

— Al(c) + O2(g) ⇒ Al2O3(s) représente la réaction irréversible de condensation

Toutes les transitions de phases, ainsi que leurs températures et énergies d’ac- tivation sont résumées dans le Tableau 2.3. Ces valeurs sont tirées de la littéra- ture [81,90–93].

Tableau 2.3 – Transitions de phases, températures et énergies d’activation associées, pour la combustion d’Al/CuO.

Transition de phase Température Energie K kJ/mol Al(s)⇒ Al(l) 933 10,71 Al(l) ⇐⇒ Al(g) 2792 293,7 CuO(s) ⇐⇒ 12Cu2O(l)+14O2(g) 1300 135,4 Cu2O(s)⇒ Cu2O(l) 1517 65,6 Cu2O(l) ⇐⇒ 2Cu(l)+ 12O2(g) 2070 115,2 Cu(s)⇒ Cu(l) 1358 13,26 Cu(l) ⇐⇒ Cu(g) 2835 337,6 Al2O3(s) ⇒ Al2O3(l) 2315 118 Al2O3(s) ⇐⇒ Al2O(g)+ O2(g) 3250 1697,12

La température, la composition et la pression à l’équilibre peuvent maintenant être calculées pour chaque valeur d’avancement de réaction ε. Afin de pouvoir com- parer les valeurs obtenues par simulation à des résultats expérimentaux, nous faisons varier le taux de compaction, avec des %TMD de 50, 30 et 10 %, ce qui correspond aux expériences réalisées par Ludovic Glavier, dont les résultats sont présentés en Figure 1.3. Les pressions et températures obtenues lors des simulations en fonction de l’avancement de réaction sont présentées en Figure 2.2.

0 , 0 0 , 2 0 , 4 0 , 6 0 , 8 1 , 0 0 1 0 2 0 3 0 4 0 5 0 6 0 7 0 0 5 0 0 1 0 0 0 1 5 0 0 2 0 0 0 2 5 0 0 3 0 0 0 3 5 0 0 4 0 0 0 1 0 % T M D 3 0 % T M D 5 0 % T M D A v a n c e m e n t d e r é a c t i o n P re ss io n ( M P a) T em p er at u re ( K )

Figure 2.2 – Evolution de la pression totale et de la température avec l’avancement

de réaction ε. Le mélange Al/CuO est stoechiométrique pour trois %TMD, 50, 30

et 10 %TMD. Les courbes en lignes continues et symboles pleins représentent la pression, les courbes en tirets et symboles vides représentent la température.

2.3. Applications du modèle thermodynamique à l’équilibre local

On observe que jusqu’à un avancement de réaction ε = 0,4, les différences entre les pressions et les températures pour les trois %TMD étudiés sont très faibles. lorsque l’avancement de réaction dépasse ε = 0,4, les pressions et les températures se différencient : plus élevées à haut %TMD et plus faible à plus bas %TMD. De plus, la pression varie en fonction du %TMD.

A 10 %TMD, la pression augmente jusqu’à atteindre 11 MPa, à un avancement de ε = 0,6. Puis la pression diminue entre ε = 0,6 et ε = 0,8 où la pression est 8,9 MPa. Enfin la pression augmente juste avant la fin de la réaction, ε = 0,95, avant de chuter à 7,3 MPa à ε = 1.

A 30 %TMD, la pression augmente jusqu’à un maximum de 31 MPa à un avan- cement de ε = 0,75. Puis elle diminue jusqu’à la fin de la réaction où la pression est 20 MPa.

Finalement à 50 %TMD, la pression augmente jusqu’à un maximum de 62 MPa à un avancement de ε = 0,8. Puis elle diminue jusqu’à la fin de la réaction, pour finalement augmenter à 35,9 MPa à ε = 1.

Dans la première phase de la réaction (ε = 0,4) où l’effet du %TMD sur la pres- sion et la température n’est pas notable, la capacité thermique du système Cv(T ) émane majoritairement du mélange de nanoparticules, la capacité thermique de l’air étant négligeable. De plus, la chaleur produite par unité de matière de mélange Q(ε) est la même quel que soit le %TMD. La variation de température avec le %TMD est donc uniquement liée à la quantité de chaleur consommée par les réactions d’éva- poration. Cependant, la température atteinte à ε = 0,4, environ 1650 K, n’est pas suffisante pour évaporer ou décomposer une part significative de la phase condensée et donc pour avoir un impact visible sur les valeurs de température et de pression. Les quantités de toutes les espèces considérées pour un avancement de ε = 0,4 sont données dans le Tableau 2.4, pour les trois %TMD étudiés. On peut voir dans un premier temps que 4 % au maximum de l’oxyde de cuivre est décomposé et que moins de 1 % des autres espèces de la phase condensée est décomposé ou évaporé.

Cependant, on peut aussi remarquer que les quantités d’aluminium, de cuivre et d’oxygène dans la phase gazeuse sont trois fois plus importantes à 30 %TMD qu’à 10 %TMD et huit fois plus importantes à 50 %TMD. Cette variation est principalement liée au fait que le volume disponible pour la phase gazeuse diminue linéairement avec le %TMD. Pour une valeur de pression partielle donnée, la quantité de matière en phase gazeuse, issue de la loi des gaz parfaits ci =

PiVgaz

RT , est d’autant plus grande que

le %TMD est faible. Ainsi, l’énergie consommée hvap(T ) pour atteindre une pression

partielle P i est d’autant plus grande que le %TMD est petit, augmentant ainsi la chaleur consommée et diminuant la température finale du système lorsque le %TMD diminue. Ce qui explique les différences de températures, pour un avancement de réaction ε = 0,4, entre les simulations réalisées à différents %TMD.

Tableau 2.4 – Température T enK et composition relative en mol par mol de mélange

Al/CuO pour un avancement de réaction ε= 0,4, et pour des %TMD de 10, 30 et

50 %TMD. %TMD 10 30 50 T (K) 1652 1671,9 1676,6 Al(c) 2,40 × 10−1 2,40 × 10−1 2,40 × 10−1 Cu(c) 2,40 × 10−1 2,40 × 10−1 2,40 × 10−1 CuO(c) 3,44 × 10−1 3,56 × 10−1 3,58 × 10−1 Cu2O(c) 7,68 × 10−3 2,17 × 10−3 9,00 × 10−4 Al2O3(c) 1,60 × 10−1 1,60 × 10−1 1,60 × 10−1 Al(g) 5,48 × 10−8 1,78 × 10−8 7,62 × 10−9 Cu(g) 1,96 × 10−4 5,45 × 10−5 2,24 × 10−5 O2(g) 3,91 × 10−3 1,10 × 10−3 4,57 × 10−4 Al2O(g) 1,11 × 10−30 1,22 × 10−30 6,90 × 10−31

Quand l’avancement de la réaction augmente, l’impact de ces différences de quantités de matières évaporées sur la pression devient notable, tant et si bien qu’à partir d’un avancement de ε = 0,65, la pression diminue pour un %TMD de 10 mais augmente pour des %TMD de 30 et 50. En effet à 10 %TMD la pression at- teint tout d’abord un maximum local à un avancement (ε = 0,6) pour diminuer ensuite car la totalité du CuO(c) est décomposée. A plus haute compaction (30 et 50

%TMD), le CuO(c) n’est totalement décomposé qu’à des avancements de réaction

plus importants (ε = 0,75 et de ε = 0,8 respectivement).

Afin d’y voir plus clair, nous avons tracé l’évolution de la composition et des pressions partielles de chacun des gaz en fonction de l’avancement de réaction pour le taux de compaction de 10 %TMD, qui présente le profil le plus notable, avec la présence d’un maximum de pression à quasi complétion de la réaction de combustion (voir la Figure 2.3).

On observe (Figure 2.3) qu’à partir d’un avancement de réaction de 0,4 la quan- tité de CuO(c) dans la composition décroit fortement et la pression d’oxygène aug-

mente conjointement. Ce qui correspond, comme évoqué précédemment, à la décom- position rapide du CuO(c), libérant de l’oxygène. Puis à un avancement de 0,6, la

totalité du CuO(c) est décomposée, la pression d’oxygène atteint alors un maximum

local de 10,7 MPa. Au delà, la pression partielle d’oxygène chute linéairement, car celui ci est consommé par oxydation de l’aluminium, et que la pression partielle d’oxygène en présence de Cu2O(c) reste faible. On remarque aussi que la pression

partielle d’Al(g) due à l’évaporation de l’aluminium liquide augmente avec l’avance-

ment de réaction. Cependant, la valeur atteinte n’est pas suffisamment importante pour impacter de manière significative la pression totale. Il en va de même pour l’évaporation du cuivre. Cette dernière devient toutefois significative à partir d’un avancement de 0,8. Pour un avancement de réaction de 1, la pression partielle d’alu- minium devient nulle car le système ne contient plus d’aluminium (Equation 2.4). Par ailleurs, la réaction de décomposition de l’alumine que nous avons considérée

2.3. Applications du modèle thermodynamique à l’équilibre local 0 , 0 0 , 2 0 , 4 0 , 6 0 , 8 1 , 0 0 2 4 6 8 1 0 1 2 P re ss io n ( M P a) A v a n c e m e n t d e r é a c t i o n O 2 ( g ) A l( g ) A l2O ( g ) C u ( g ) 0 , 0 0 , 2 0 , 4 0 , 6 0 , 8 1 , 0 0 , 0 0 , 1 0 , 2 0 , 3 0 , 4 0 , 5 0 , 6 C o m p o si ti o n ( m o l) A v a n c e m e n t d e r é a c t i o n A l( c ) C u ( c ) C u O ( c ) C u 2 O ( c ) A l2O 3 ( c ) O 2 ( g )

Figure 2.3 – Evolution des pressions partielles d’Al(g), O2(g) et Al2O(g) (à gauche)

et de la composition par mole de thermite (à droite), en fonction de l’avancement de réaction ε, lors de la réaction d’un mélange stoechiométrique d’aluminium et d’oxyde de cuivre à 10 %TMD.

n’implique pas la formation d’aluminium en phase gazeuse (Tableau 2.3). Enfin la pression partielle d’Al2O(g) devient largement significative à compter d’un avance-

ment de 0,9. Les températures d’évaporation de l’aluminium, du cuivre et de l’alu- mine étant très élevées, 2792 K, 2835 K et 3250 K, ces réactions n’ont lieu de manière notable qu’en fin de réaction, lorsque la température du système devient suffisam- ment élevée. Dans ce contexte, les évaporations d’alumine et de cuivre contribuent significativement à la génération de pression lorsque la réaction est proche de son achèvement.

Les mêmes phénomènes sont à l’origine de l’évolution de la pression en fonction de l’avancement de réaction, à 30 et 50 %TMD. Dans un premier temps la pression augmente car la décomposition du CuO(c) libère de l’oxygène dans la phase gazeuse,

puis, une fois le CuO(c) décomposé, la quantité d’oxygène dans la phase gazeuse,

et donc la pression, diminue. En fin de réaction, les pressions partielles de Cu(g)

et Al2O(g) augmentent, augmentant ou au moins stabilisant le niveau de pression

totale.

La pression totale est donc gouvernée par deux processus distincts lors de la com- bustion d’une thermite Al/CuO. A température modérée, la pression est gouvernée par le dégagement d’oxygène par décomposition du CuO(c). Puis, lorsque la réaction

de combustion avance, avec augmentation de la température du système, les effets des évaporations d’aluminium, et de cuivre, ainsi que la décomposition de l’alu- mine deviennent significatifs. La combinaison de ces différentes réactions explique l’évolution complexe de la pression avec l’avancement de réaction.