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Le présent projet de recherche consiste en un test empirique du modèle des asymétries d'information et de légitimité, afin de le valider quant au choix des instruments en matière de transports urbains durables. Ces observations porteront sur les instruments de politique publique adoptés au Massachusetts et au Québec, par tout ordre de gouvernement (local, régional, sub-national ou national). Le Massachusetts et le Québec ont été sélectionnés comme couple de comparaison sur la base du fait que ces juridictions sont toutes deux membres de la Conférence des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l'Est du Canada (CGNA/PMEC). Cette organisation intergouvernementale, créée en 1973, regroupe six États américains et cinq provinces de l'Est canadien qui coopèrent sur différentes politiques publiques d'intérêt commun (Fanjoy, 1990). Les juridictions membres de cette conférence ont adopté, en 2001, le Plan d'action sur le changement climatique, qui se veut un « plan régional exhaustif et coordonné visant à réduire les gaz à effet de serre » (CGNA/PMEC, 2001 :2). Ce plan d'action, qui vise à réduire les niveaux d'émission de GES à ceux de 1990, et ce, dès 2010, a été identifié comme étant la plus ambitieuse initiative régionale de lutte aux changements climatiques en Amérique du Nord (Selin et VanDeveer, 2006 : 93). En 2008, dans le but de rencontrer les objectifs de réduction contenus dans le Plan d'action sur le changement climatique, la Conférence a adopté un plan d'action spécifiquement dédié aux transports, soit le Plan d'action visant les transports et la qualité de l'air (CGNA/PMEC, 2008). L'étude des instruments adoptés par les gouvernements à l'œuvre au Québec et au Massachusetts afin de rencontrer les objectifs de ce plan sera révélatrice de la réalité rencontrée par les juridictions du Nord-est de l'Amérique en ce qui a trait à mise en œuvre des politiques environnementales, en particulier quant à la question de la réduction des émissions de gaz à effet de serre en matière de transport.

Aux fins de la présente étude, les villes de Montréal et de Boston ont été choisies pour représenter respectivement la province de Québec et l'Etat du Massachusetts. Ces villes ont été choisies, d'une part, car elles sont la métropole de leur gouvernement sub- national et, d'autre part, sur la base de leur succès comparable en termes de transports

collectifs. En effet, la part modale des transports en commun représente environ 25% des déplacements dans la région métropolitaine de Montréal et 32% des déplacements dans la ville de Boston1 (Secrétariat aux enquêtes O-D métropolitaines, 2008 : 5 ; U.S. Census Bureau, 2006). En outre, les deux villes présentent maintes similitudes historiques, structurelles, économiques et culturelles qui les placent souvent en tandem, notamment pour la recherche universitaire et l'industrie du savoir. Centres maritimes et commerciaux historiques, Montréal et Boston ont été fondées il y a près de 400 ans, à douze ans d'intervalle. Villes universitaires, elles entretiennent aujourd'hui des liens institutionnels et commerciaux importants, notamment dans la recherche en science de la vie, en design, et dans les technologies d'information et de communication, ainsi que dans la science «verte», le design écologique et la technologie «verte» (Munroe-Blum, 2008 : 2-3). En termes d'infrastructures de transport urbain, les deux villes sont l'hôte des premiers réseaux de transports publics dans leur juridiction respective. Le gouvernement du Massachusetts s'est même inspiré de l'autoroute Métropolitaine de Montréal lorsqu'elle a entrepris d'enfouir ses deux artères principales au centre-ville, ouvrage connu aujourd'hui sous le nom de Big Dig2

L'analyse comparée des villes de Montréal et de Boston, deux cas similaires, semble toute désignée dans une situation où l'on doit contribuer au développement d'un modèle, appliqué à un objet de recherche émergent. En effet, les études de cas similaires permettraient de raffiner le modèle des asymétries en précisant les causes des variations des variables dépendante et indépendantes, ce qui ne serait pas possible avec une analyse strictement quantitative. Les observations du présent exercice porteront donc sur l'évolution du choix d'instruments dans les villes de Boston et de Montréal, au regard du modèle à deux variables, soit les asymétries d'information et de légitimité. Ainsi, l'hypothèse suivante est soumise au test empirique :

1 Notez que l'on compare ici les déplacements dans une région métropolitaine (Montréal), à ceux d'une ville

(Boston), ce qui pourrait expliquer la différence en termes de part modale. Lors de notre enquête, il a été impossible de trouver une mesure de part modale comparable entre les deux villes.

2 C'est ce qu'a rapporté un répondant de Boston lors d'un l'entretien. Pour tous les éléments d'information et

Hypothèse

• Dans le domaine du transport urbain durable - un domaine d'une très grande complexité, présentant de fortes externalités et dont l'urgence d'agir en la matière se fait toujours davantage ressentir - le niveau d'asymétrie de légitimité est hautement en faveur des acteurs gouvernementaux, alors que le niveau d'asymétrie d'information n'est que faiblement en faveur des acteurs provenant de l'industrie et des organisations non gouvernementales, ce qui amène le gouvernement à utiliser un ensemble d'instruments très variés et à ultimement agir de manière proactive en adoptant des instruments davantage coercitifs, comme la réglementation unilatérale, la réglementation négociée, ou encore l'action directe.

4.3 (b) Procédure de collecte et d'analyse de données

La collecte de données s'appuie sur des sources primaires, soit treize (13) entretiens semi-directifs dans chaque cas, pour un total de vingt-six (26), ainsi que sur une littérature dite « grise » provenant des publications gouvernementales, comme des lois et des plans d'actions desquels découlent les instruments de politique publique. Les entretiens semi- directifs servent à recueillir les données des variables indépendantes, soit les asymétries d'information et de légitimité, ainsi que celles relatives à la variable dépendante, soit le niveau de coercition des instruments en matière de transport. Quant à la littérature « grise », nécessaire à la vérification et à l'approfondissement des informations fournies par les répondants, elle a principalement été retracée sur les sites web gouvernementaux, au moyen des instruments énumérés par les répondants lors des entretiens. Ces publications gouvernementales, dont certaines copies nous ont été directement fournies par les répondants, sont aussi utiles à la comparaison entre les deux juridictions.

La collecte de données, effectuée à Montréal et à Boston au cours de l'été 2008, consiste en treize entretiens semi-directifs, dans chacune des villes, avec les principaux intervenants en matière de transport, soit les dirigeants des autorités municipales, métropolitaines, et sub-étatiques en matière de transport et d'aménagement du territoire, des principales organisations non gouvernementales, des agences de transports et des usagers de

suivi de la page à laquelle ils se trouvent dans l'un des deux Cahier des transcriptions. Comme par exemple, dans ce cas-ci « (Transcription 22 : 155) ».

la route. Ceux-ci ont été sélectionnés en paire de comparaison, sur la base de leur mandat et de leur organisation, mais aussi en utilisant la méthode « boule de neige », car les répondants ont aussi été appelés à nous suggérer le nom de répondants qui pourraient être pertinents à l'enquête, maximisant ainsi les chances d'interroger tous les principaux intervenants. Ces derniers ont été interrogés sur le choix des instruments mis en œuvre en matière de transport durable, ainsi que sur leur perception sur la légitimité et l'information respectives en faveur des gouvernements et des acteurs non gouvernementaux.

Tel que mentionné précédemment, le protocole d'entrevue, disponible à l'Annexe 2, vise la mesure des variables dépendante et indépendantes. Les questions, au nombre de vingt-huit (28), portent sur les connaissances des répondants en ce qui a trait aux instruments adoptés, sur les interactions régulateur-régulé, ainsi que sur leurs perceptions quant à la légitimité et à l'information détenues par les différents acteurs, rendant ainsi possible une évaluation des niveaux d'asymétries d'information et de légitimité. Le protocole est composé de questions longues, de questions courtes, et de questions à choix multiples. Il a été conçu pour s'appliquer à trois secteurs d'activité, soit les transports urbains, ainsi que le secteur industriel et les petites et moyennes entreprises, soit les deux autres secteurs sur lesquels portent les observations du projet de recherche plus large. Ainsi, le protocole d'entrevue est standardisé pour trois secteurs d'activité et c'est la raison pour laquelle on retrouve souvent la mention « dans votre secteur d'activité (...) » au lieu de faire mention du secteur des transports urbains plus spécifiquement.

Le contenu des entretiens semi-directifs a fait l'objet d'une analyse quantitative à l'hiver 2010, au moyen du logiciel SPSS, jumelée à une analyse discursive qui a permis d'apporter les explications nécessaires aux résultats quantitatifs. Bien que le protocole d'entrevue ait été à l'origine conçu pour une analyse strictement qualitative, il a été jugé pertinent de transformer certaines réponses en termes quantitatifs, de manière à pouvoir en retirer quelques statistiques. Ainsi, un guide de codage (voir Annexe 3) a été produit par les membres de l'équipe de recherche. Celui-ci a été raffiné à plusieurs reprises, de manière à assurer un maximum de fiabilité inter-codeur (voir le Rapport de codage à l'Annexe 4). Lorsque les indices de fiabilité furent optimisés, chaque entrevue a été codée par deux codeurs, qui procédaient par la suite à un arbitrage pour déterminer le code pertinent lorsque ceux-ci avaient codé une réponse différemment.

4.4 Résultats anticipés

Les résultats de recherche permettront d'évaluer dans quelle mesure le choix des instruments de politique publique est éclairé par les éléments d'information et de légitimité. En outre, tel qu'énoncé précédemment, nous prévoyons que les villes à l'étude soient l'hôte d'un ensemble d'instruments très variés et qu'elles agissent de manière proactive en adoptant des instruments davantage coercitifs, comme la réglementation unilatérale, la réglementation négociée ou encore l'action directe. Nous nous attendons donc à ce que les villes de Montréal et de Boston adoptent des instruments similaires en matière de développement urbain durable.

4.5 Portée théorique et limites de la recherche

Si les résultats vont dans le sens prédit par le modèle utilisé, alors ils permettront de poursuivre sa validation. Dans ce cas, on y aura ajouté des éléments empiriques ; autrement, ils permettront peut-être d'y apporter des ajustements. D'une manière ou d'une autre, cette recherche contribuera à approfondir les connaissances au sujet des instruments en matière de transport urbain durable dans deux juridictions de l'Amérique du Nord-est.

Tout projet de recherche étant imparfait, le nôtre rencontre certaines limites. Outre quelques questions non quantifiées ou quantifiables3, il fut parfois difficile de circonscrire ou de déterminer la combinaison d'instruments effectivement mis en œuvre. De plus, les questions du protocole d'entrevue quant à l'information et à la légitimité, constituent une mesure subjective. En outre, lorsque les répondants furent interrogés sur l'évolution de certaines variables dans le temps, aucune échelle temporelle ne leur a été suggérée, rendant plus ardues les comparaisons entre les réponses des intervenants.

5. Présentation des résultats

La présentation des résultats d'analyse débute par une description des schémas institutionnels propres à Montréal et à Boston, de manière à pouvoir contextualiser les données d'ordre quantitatif. Par la suite, les résultats des variables indépendantes seront exposés, en déterminant la perception des répondants quant à l'évolution de l'information et de la légitimité. Ces variables indépendantes seront ensuite comparées au choix des instruments et à leur niveau de coercition. Finalement, une section entièrement consacrée à l'analyse des résultats suit cette présentation.

5.1 Schémas institutionnels

De manière à bien comprendre le contexte politique dans lequel s'opère le choix des instruments, il convient de débuter cette présentation des résultats par une description du schéma institutionnel propre à chacune des villes. L'état des lieux de la gestion des transports à Montréal et à Boston fut d'ailleurs l'objet de la cinquième question du protocole d'entrevue, alors que les répondants étaient appelés à répondre à la question suivante :

S.A.-2 Pourriez-vous me décrire qui sont les acteurs principaux de ce secteur, tant publics que privés ou autres, leur influence et le type de relations qu 'ils ont entre eux? Par exemple, sont-ils nombreux et très différents entre eux, ou, encore, s'agit-il de grands groupes assez homogènes qui ont des intérêts similaires ? Ou encore, le

secteur public est-il influent ? (Protocole d'entrevue, Annexe 2:79)

Ainsi, les prochains paragraphes seront dédiés à la présentation des réseaux d'acteurs et des schémas institutionnels de chacune des villes, en portant une attention particulière à la nature et au mandat des acteurs. Les données furent tirées des réponses à la question ci- dessus et validées au besoin par des informations tirées des sites institutionnels mentionnés par les répondants.

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