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Instruments de politique publique en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre : transports urbains durables à Montréal et à Boston

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Academic year: 2021

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INSTRUMENTS DE POLITIQUE PUBLIQUE EN MATIERE DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE

Transports urbains durables à Montréal et à Boston

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en Science politique

pour l'obtention du grade de Maître es arts (M.A.)

DEPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2010

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inconditionnel et pour son amour de la langue française, ainsi qu'à mon père, Pierre Racicot, et à sa conjointe, Gisèle Groleau, pour leurs conseils avisés. Je pense également à mes sœurs Maryse et Laurence, qui sont ma plus grande source de motivation et de dépassement de soi. Sans vos encouragements, ce mémoire n'aurait pu voir le jour.

Un grand remerciement à mon directeur de recherche, M. Jean Mercier, qui a su me faire confiance en m'intégrant à l'équipe de recherche. Je remercie aussi tous les professeurs qui ont travaillé sur le projet de recherche sur les instruments de politique publique, M. Carrier, M. Crête et M. MacDonald, ainsi que tous mes collègues étudiants de l'équipe, Jérôme Couture, David Houle, Simon L'Allier, Gregory Le Laurent et Mauricio Vasquez-Gérin. Sans votre travail exceptionnel et vos réflexions passionnées, ce mémoire ne serait pas ce qu'il est.

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Résumé

La mise en œuvre des politiques de transports urbains durables, qui nécessite le déploiement d'une combinaison d'instruments d'action complémentaires, s'avère ardue dans bon nombre de pays industrialisés. Or, le corpus portant sur les instruments de politique publique est restreint et possède de grandes lacunes quant à l'explication du choix des instruments. Au moyen d'une étude comparée des interventions en matière de transport urbain dans les villes de Montréal et de Boston, cette recherche vise à déterminer la pertinence et la validité d'un modèle basé sur les asymétries d'information et de légitimité entre les gouvernements, d'une part, et les acteurs privés et non gouvernementaux, d'autre part, afin d'expliquer le choix des instruments de politique publique. Les résultats indiquent que si la mise en place d'une combinaison instruments davantage coercitifs et proactifs est effectuée par les gouvernements lorsque ces derniers sont insufflés d'une forte légitimité et d'un haut degré de détention du savoir, le poids de l'histoire et de la culture politique, ainsi que l'aménagement institutionnel métropolitain, influent aussi le choix de la combinaison d'instruments.

Note : La présente étude fait partie d'un projet de recherche plus large, intitulé «Choix et efficacité des instruments de politique publique pour réduire les gaz à effet de serre: les interventions de quatre juridictions de l'Amérique du Nord-Est», qui est le fruit d'une collaboration entre le Département de science politique et l'École supérieure d'ATDR, Aménagement, architecture et arts visuels de l'Université Laval, ainsi qu'avec Y Institute for environmental studies de l'Université de Toronto, et financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH). Ce mémoire fait état des résultats de la section de l'étude dédiée aux transports urbains, alors que deux autres secteurs sont étudiés par le projet de recherche plus large, soit le secteur des grandes industries émettrices de GES et celui des PME développant des technologies de réduction d'émissions.

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1. Introduction 1 2. Revue de la littérature 3

2.1 Étude des instruments de politique publique :

Définition conceptuelle et historique de la recherche 3

2.1 (a) Typologies et classifications 6 2.1 (b) Choix des instruments 6 2.1 .(c) Perspectives de recherche 8 2.2 Instruments de politique publique en matière environnementale 8

2.3 Transports urbains « durables » comme enjeux de politique publique 10 2.3 (a) Les instruments de politique publique en matière de transports

urbains durables 12

3. Cadre théorique 18 3.1 Spécification de la variable dépendante 18

3.2 Spécification des variables indépendantes 20 3.2 (a) Asymétrie de l'information 20 3.2 (b) Asymétrie de la légitimité 22 3.2 (c) Interactions entre variables dépendante et indépendantes 24

4. Stratégie de recherche 33 4.1 Objectifs de recherche 33 4.2 Cadre opératoire 33 4.3 Stratégie de vérification 38

4.3 (a) Étude de cas comparée : Montréal et Boston 38 4.3 (b) Procédure de collecte et d'analyse de données 40

4.4 Résultats anticipés 42 4.5 Portée théorique et limites de la recherche 42

5. Présentation des résultats 43 5.1 Schémas institutionnels 43

5.1 (a) Schéma institutionnel montréalais 44 5.1 (b) Schéma institutionnel bostonnais 48

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5.2 Évolution de la perception des acteurs relativement à l'information et à la

légitimité 50 5.3 Choix des instruments selon la ville 53

5.4 Niveau de coercition des instruments 56

6. Analyse des résultats 59 6.1 Facteur culturel 59 6.2 Facteur historique 60 6.3 Facteurs institutionnel et financier 65

7. Conclusion 68 Bibliographie 71

Annexe 1 : Formulaire de consentement 74

Annexe 2 : Protocole d'entrevue 77 Annexe 3 : Guide de codage 85 Annexe 4 : Rapport de codage 100

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Tableau 1 : Sommaire des instruments adoptés, des problèmes rencontrés

et des mesures suggérées par la CEMT 15 Tableau 2 : Exemples d'instruments spécifiques selon l'idéal-type d'action,

le niveau de coercition et le type d'instrument 34 Tableau 3 : Trois choix confondus par type d'instrument selon la ville (fréquence) 56

Tableau 4 : Indice de coercition selon la ville 57 Tableau 5 : Continuum de coercition selon la ville 57

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Figure 1 : Types d'instruments de politique publique selon un

continuum coercitif-libre 19 Figure 2 : Asymétrie de l'information et de légitimité sous une

perspective historique 26 Figure 3 : Asymétrie de l'information et de légitimité dans les sociétés modernes et

avancées 28 Figure 4 : Opérationnalisation de la variable «Information» 36

Figure 5 : Opérationnalisation de la variable « Légitimité » 37 Figure 6 : Schéma institutionnel de la gestion des transports à Montréal 47

Figure 7 : Schéma institutionnel de la gestion des transports à Boston 50 Figure 8 : Trajectoire de l'évolution des asymétries d'information et de légitimité

selon la juridiction (secteur des transports) 51 Figure 9 : Instruments dans le secteur du transport à Montréal

Premier choix (pourcentage) 53 Figure 10 : Instruments dans le secteur du transport à Boston

Premier choix (pourcentage) 54 Figure 11 : Choix de types d'instruments dans le secteur du transport à Montréal

Trois choix confondus (fréquence) 55 Figure 12 : Choix de types d'instruments dans le secteur du transport à Boston

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Transports urbains durables

à Montréal et à Boston

1. Introduction

Les instruments de politique publique peuvent s'avérer de puissants outils de changements à la disposition des gouvernements, afin de répondre aux problèmes posés par les enjeux de société contemporains, comme les changements climatiques et la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) provenant des transports urbains. Les gouvernements nationaux, sub-nationaux et locaux peuvent ainsi faire face à ces défis complexes en déployant des combinaisons d'instruments de politique publique novateurs, comme des restrictions d'accès au centre-ville, des subventions à l'achat de véhicules moins énergivores, ou l'adoption de nouvelles normes d'émissions. Or, la littérature sur les instruments de politiques publique est peu étayée à ce sujet, notamment en ce qui a trait notamment à la combinaison et aux facteurs intervenant lors du choix des instruments en matière de transports dits « durables ».

Ce mémoire vise à combler cette lacune à travers l'application d'un modèle explicatif du choix des instruments au cas des instruments adoptés à Montréal et à Boston en matière de transports urbains durables. Le choix de cette approche, basée sur le postulat que les instruments adoptés dépendent de la combinaison des asymétries d'information et de légitimité entre les gouvernements et les acteurs privés et non gouvernementaux, est particulièrement pertinente, car elle a été conceptualisée spécifiquement pour les instruments de politique publique en matière environnementale. Cette approche des asymétries d'information et de légitimité, appliquée au choix des instruments adoptés à Montréal et à Boston, peut révéler les défis qui se posent aux gouvernements nord-américains lorsque vient le temps de mettre en œuvre un plan visant à réduire les émissions de GES provenant d'un secteur en pleine expansion. Déterminer les facteurs intervenant lors du choix des instruments, l'objet du présent mémoire, peut contribuer à expliquer pourquoi il est si difficile de réduire les émissions de GES provenant des transports urbains en Amérique du Nord.

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environnementales en particulier, seront révisées, avant que ne soit précisé l'objet de recherche que sont les transports urbains dits « durables ». Par la suite, le cadre théorique sera exposé au moyen de la présentation du modèle des asymétries, plus particulièrement à la spécification des variables dépendante, soit le choix d'instruments, et indépendantes, soit l'asymétrie de l'information et l'asymétrie de légitimité. Dans la section suivante, la stratégie de vérification sera expliquée et les cas, présentés. Finalement, les résultats seront étayés, avant d'être analysés dans la dernière partie. Il sera démontré que les observations tendent à supporter le modèle selon lequel la mise en place d'une combinaison instruments davantage coercitifs, comme la restriction du nombre d'espaces de stationnements au centre-ville, est effectuée par les gouvernements lorsque ces derniers sont insufflés d'une forte légitimité, accompagnée d'un haut degré de détention du savoir. Cependant, le poids de l'histoire et l'aménagement institutionnel métropolitain influent aussi le choix de la combinaison d'instruments, appelant ainsi à un raffinement de la mesure de la légitimité gouvernementale comme facteur intervenant dans le choix des instruments.

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programme de recherche de manière conceptuelle et en retraçant l'évolution historique de la recherche à ce sujet, avant de se consacrer plus spécifiquement à deux grands pans de la recherche qui lui est consacrée, soit la typologie et la classification des instruments, ainsi que leur choix. Cette section sur la littérature ayant trait aux instruments en général se conclut par quelques réflexions sur les perspectives de recherche dans le domaine. Par la suite, la littérature plus spécifique aux instruments de politique publique en matière environnementale sera abordée, puis finalement, en guise d'introduction aux cas à l'étude, celle ayant trait aux transports urbains dits « durables ».

2.1 Etude des instruments de politique publique : Définition conceptuelle et historique de la recherche

Nous entendons par «instrument de politique publique» un moyen d'action par lequel un gouvernement «conduit des acteurs individuels et collectifs à prendre des décisions et à mener des actions qui sont compatibles avec les objectifs de la politique publique qu'il poursuit» (Varone, 2000 :168). Un instrument peut prendre la forme de loi, de règlement, de subvention, de taxe, de campagne de sensibilisation, de privatisation, etc. Sous une perspective sociologique, il s'agit d'un «dispositif à la fois technique et social qui organise des rapports sociaux spécifiques entre la puissance publique et ses destinataires en fonction des représentations et des significations dont il est porteur» (Lascoumes et Le Gales, 2004 :13). La perspective des instruments de politique publique, qui prend racine dans les processus décisionnels, ainsi que dans la formulation et la mise en œuvre de politiques publiques, place l'instrument au cœur de ses investigations, comparativement à celles qui font des politiques publiques et des programmes gouvernementaux le cœur de leur recherche (Eliadis et al., 2005 : 4).

L'étude des instruments de politique publique apporte trois innovations par rapport aux recherches traditionnelles sur la mise en œuvre et l'évaluation des politiques publiques, selon Frédéric Varone (2000 : 170). D'abord, les instruments constituent une

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des spécificités propres aux instruments. Ensuite, le choix des instruments implique un renversement de la variable à expliquer, ce qui permet une analyse transversale faisant état des facteurs explicatifs en amont et en aval de la phase de la formulation de la politique. Finalement, l'utilisation d'une unité d'analyse plus fine facilite le développement d'un design de recherche comparatif. Selon l'auteur, ces trois innovations que présentent les instruments en tant qu'objet d'étude, par rapport aux analyses classiques sur le cycle des politiques publiques, impliquent des changements théoriques et méthodologiques qui ouvrent la voie à des programmes de recherche tout à fait novateurs.

Historiquement, l'étude des instruments de politique publique a été négligée en science politique et en analyse des politiques. En effet, la question du choix des instruments et de leur mode opératoire était généralement présentée de manière fonctionnaliste, comme relevant de simples choix techniques basés sur l'efficience. Cette thématique était abordée de façon secondaire, marginale par rapport à d'autres variables, telles les politiques publiques, les institutions, les intérêts des acteurs ou leurs croyances. Ce n'est qu'en 1982 que la perspective qu'offrent les instruments sur les politiques et l'administration publique fut reconnue et mise en valeur, avec la parution de l'ouvrage intitulé The Choice of Governing Instrument (Trebilcock et al., 1982). Ce rapport de recherche, publié par le Conseil économique du Canada, fut inspiré par les observations antérieures de chercheurs émérites sur les actions gouvernementales, tels qu'Harold Lasswell, Murray Edelman et Theore Lowi, et posa les jalons de la perspective du choix des instruments de politique publique au Canada et dans le monde, marquant ainsi le début d'une nouvelle étape dans l'analyse des politiques publiques (Eliadis et al., 2005 :3).

Dans leur ouvrage collectif intitulé Desining Government : From Instruments to Governance (2005), publié dans le cadre du vingtième anniversaire de la publication de Michael Trebilcock et al. (1982), Pearl Eliadis, Margaret Hill et Michael Howlett retracent l'évolution des études scientifiques portant sur les instruments de politique publique. Ceux-ci distinguent deux courants de recherche, soit les études de première

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(Eliadis et al, 2005 : 4-5). Les premières études tentaient d'évaluer les instruments selon leurs mérites respectifs en s'attardant à l'efficience ou à l'efficacité technique des instruments « classiques » utilisés par l'État dans la prestation de services publics ou dans la gestion d'enjeux publics, comme la réglementation, la propriété publique et les subventions. Quant aux secondes, celles-ci se consacrent à une nouvelle génération d'instruments dits de « gouvernance » qui reflètent la volonté des gouvernements de vouloir gouverner de manière moins directe les différents réseaux d'acteurs publics et privés, les institutions, les idées, etc., d'où l'expression « steering, not rowing » (gouverner plutôt que ramer) (Gunningham, 2005 : 335). Cette nouvelle génération d'instruments, à laquelle s'attarde Lester M. Salamon dans son ouvrage, désormais classique The Tools of Government : A Guide to the New Governance (2002), marquent le passage d'une volonté d'adopter des instruments basés sur une relation hiérarchique, ou verticale, entre gouvernants et gouvernés, vers celle de recourir à des instruments plus indirects visant davantage à gérer les différents réseaux d'acteurs, lesquels sont basés sur une relation davantage horizontale (Salamon, 2002 : 12).

Ainsi, depuis les trois dernières décennies, on dénote un intérêt marqué et une évolution nette des études sur les instruments dans la littérature américaine et canadienne, qui prend désormais en compte certaines dimensions politiques des instruments, comme la volonté gouvernementale d'adopter des instruments de « gouvernance », symboles de l'importance accordée aux acteurs privés et non gouvernementaux dans la mise en œuvre des politiques publiques (Salamon, 2002 : 8). Les prochains paragraphes sont dédiés à deux grands pans de la recherche sur les instruments de politique publique, soit la typologie et la classification des instruments, ainsi que leur choix.

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Il existe un grand nombre de typologies et de modes de classification des instruments de politique publique. On distingue souvent les instruments selon le type de ressource engagée par le gouvernement, comme par exemple Chistopher Hood (1983), qui différencie quatre types d'instruments reposant respectivement sur les ressources informationnelle, légale, financière et organisationnelle de l'État. Quant à lui, Lester M. Salamon (2002:11-12), tel qu'évoqué précédemment, classe les instruments en deux catégories : d'une part, les instruments «directs» ou « verticaux », où le gouvernement effectue lui-même l'action ; comme la réglementation ou l'action directe ; et, d'autre part, les instruments «indirects» ou « horizontaux », où la mise en œuvre est largement laissée aux acteurs non étatiques, comme la manipulation des réseaux ou l'utilisation d'instruments dits «de marché». Pour sa part, Neil Carter (2001 : 285) distingue quatre types d'instruments, soit la réglementation, l'action volontaire, les dépenses gouvernementales et les instruments faisant appel aux mécanismes du marché. Mais c'est la classification de Vedung, surnommée « Carrots, sticks and sermons », exposée dans l'ouvrage du même nom (1998), qui se rapproche davantage d'un consensus en positionnant les instruments de politique sur un continuum «coercitif-libre», selon le degré d'utilisation de l'autorité étatique.

2.1(b) Choix des instruments

Quant au choix des instruments, il fait l'objet de peu d'études, comparativement à la thématique du choix des politiques publiques. Les dimensions politique, idéologique et sociologique des instruments sont parfois abordées, mais aucune théorie (ou modèle) du choix des instruments faisant consensus ne semble avoir été développée jusqu'à ce jour. Lester Salamon (2002), relie le thème de la gouvernance et de l'importance des tierces parties avec celui du choix des instruments de politique publique, en observant que :

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relationship with a host of third-party partoers (Salamon, 2002: 2-3).

Salamon tente de déterminer dans quelles circonstances un gouvernement va employer un instrument direct, comme la réglementation ou l'action directe, et dans quelles circonstances il va choisir un instrument indirect, comme la manipulation des réseaux ou l'utilisation d'instruments dits «de marché», où la mise en œuvre est largement laissée aux acteurs non étatiques. En ce sens, Jon Pierre et B. Guy Peters (2002) soulignent que dans les sociétés dites « modernes », bien que les gouvernements soient ultimement responsables, ils sont moins capables d'agir seuls, et suggèrent que cette nécessité de collaboration avec des tierces parties viendrait du fait que l'information pertinente soit distribuée et décentralisée dans ces pays. Cela ne serait pas étranger au déclin de la capacité de l'État régulateur à répondre à la complexification grandissante des problèmes sociaux, tel qu'exposé dans la littérature sur la loi reflexive (Gunningham, 2005 : 336) Dans le même ordre d'idées, Qingshu Xie (2002 : 61-62), identifie les conditions changeantes (en termes de cadre d'action), la complexification et la fragmentation de la vie communautaire, ainsi que l'accroissement des initiatives de développement économique entreprises par les gouvernements locaux comme facteurs pouvant expliquer le recours aux partenariats (financiers et/ou moraux) publics-privés.

Malgré ces avancées notables, aucune théorie (ou modèle) quant à la classification des instruments et l'explication de leur choix n'est aujourd'hui universellement acceptée. (Lascoumes et Le Gales, 2004 : 11-12 ; Vedung, 1998 : 50) Le manque de consensus auquel font face ces classifications s'explique généralement par le caractère multidimensionnel des instruments, par leur similitude (dans certains cas) et par le fait que les classifications servent parfois à expliquer le choix de instruments, ce qui complique considérablement leur description et leur assortiment. En outre, ces classifications font souvent appel à un seul champ d'étude, le plus souvent la science politique, l'analyse des politiques ou l'économie, ce qui rend son acceptation dépendante de l'affiliation professionnelle des évaluateurs (Mercier, 2007).

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2.1 (c) Perspectives de recherche

Michael Howlett, auteur canadien à l'origine de l'une des catégorisations des instruments les plus complexes, fait état, dans son ouvrage intitulé Designing Government : From Instruments to Governance (2005), de l'avenir de la recherche dans le domaine des instruments de politique publique. Ainsi, il identifie certaines pistes de recherches, notamment les combinaisons d'instruments dépendamment du contexte, leur combinaison (packaging) verticale, horizontale ou dans le temps ; les coûts administratifs reliés à l'utilisation d'instruments ; ainsi que l'étude du choix d'un instrument en particulier, dont les instruments de «nouvelle génération», tels que les instruments d'information et les techniques de gestion des réseaux. Quant à lui, Christopher Hood (2007 :129-139), dans son article portant sur le suivi de l'évolution de la question des instruments de politique publique depuis les vingt dernières années, conclut que le sujet devant être au centre des efforts de recherche est celui de la quête d'une classification parcimonieuse et exhaustive (ou générique), qui permette les comparaisons à travers le temps, l'espace et les champs de politique publique. Quant à l'efficacité et au coût des instruments, ces avenues de recherches sont, selon ce dernier, peu porteuses, puisqu'elles sont très variables et difficiles à mesurer et à comparer. À la lumière des nouvelles tendances en matière de choix d'instruments et des indications quant aux pistes de recherche prometteuses, les instruments de politique publique environnementales semblent particulièrement instructifs, car ceux-ci, de par leur caractère relativement récent, rencontrent plusieurs caractéristiques décrites précédemment.

2.2 Instruments de politique publique en matière environnementale Selon Neil Gunningham (2005 : 334), dans son article intitulé «Reconfiguring Environmental Regulation», l'intervention étatique en matière environnementale a traditionnellement tenté d'influencer directement les acteurs privés et non gouvernementaux en faisant appel, entre autres, à la réglementation obligatoire, aux entreprises publiques, aux subventions, etc. Or, le domaine environnemental ne faisant pas figure d'exception dans le domaine des politiques publiques, la dernière décennie a connu l'émergence d'une nouvelle tendance en matière d'instruments de politique

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gouvernements dans le domaine de l'environnement (Gunningham, 2005 : 335). Ainsi se sont vus privilégiés le financement des organisations non gouvernementales en environnement (ONGE), la création des commissions consultatives, la mise en place de partenariats combinant entreprises, gouvernements et ONGE, l'adoption des instruments d'autoréglementation des entreprises (accords volontaires), ou l'instauration d'instruments de marché, principalement les taxes basées sur l'usage (ou écotaxes), ainsi que les permis de polluer (quotas d'émission de GES). En outre, suite aux pressions grandissantes exercées par les ONGE, les consommateurs et la chaine de production pour des produits et services respectueux de l'environnement, les acteurs privés ont aussi volontairement entrepris de s'autoréguler, notamment avec l'adoption des normes de gestion environnementales et l'accréditation émise par Y International Standards Organization (ISO-14001) (Gunningham, 2005 : 334).

C'est ainsi qu'a vu le jour un système de «gouvernance» de l'environnement faisant appel, entre autres, à une approche moins coercitive et davantage «volontaire», dans lequel le gouvernement est appelé à développer un cadre d'action permettant aux individus et aux entreprises de décider de la manière dont ils allaient ajuster leurs activités afin de mettre en œuvre les directives gouvernementales (Andrews, 1998 ; Cashore, 2002 : 503 ; Gunningham, 2005 : 335). Comme le décrit Michael Howlett dans son chapitre intitulé «Gouvernance environnementale et gestion de réseaux : entre changement et stabilité » (2001 : 304-341) :

La gestion et la gouvernance modernes sont ainsi devenues moins une question de prestation de services et davantage une entreprise de gestion indirecte des réseaux, dans laquelle le gouvernement tente d'influencer les acteurs des réseaux, ou de modifier les réseaux, pour atteindre leurs buts. (Howlett, 2001 :304)

Ainsi, en gestion de l'environnement, comme pour plusieurs objets de politique publique, il semble que «coopération» et «partenariat» soient en train de devenir les nouveaux mots clés, remplaçant «réglementation» et «contrôle» (Harrison, 2001 : 211). L'établissement

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de ces nouveaux partenariats public-privé seraient vus comme une réponse institutionnelle pragmatique aux conditions changeantes des régions urbaines notamment, ainsi qu'à la complexité et à la fragmentation croissante de la vie communautaire. De plus, ce choix ne serait pas étranger aux coupures budgétaires et à la résurgence de l'idéologie du libre-marché depuis les années 80-90, laquelle prône une diminution du fardeau économique des entreprises lorsqu'elles doivent se conformer aux normes environnementales (Gunningham, 200 : 333). En outre, ils seraient aussi le corollaire de l'implication des gouvernements locaux dans le développement urbain, les gouvernements locaux était ici considérés comme une tierce partie (Xie, 2002 : 62).

Selon Gunningham (2005 : 335), beaucoup reste à faire dans l'étude des instruments de politique publique en matière environnementale, car on ne connait ni la direction précise, ni les résultats de cette reconfiguration de régulation qui fait place aux instruments de seconde génération. En outre, l'auteur ajoute que les chercheurs devraient s'attarder à tenter d'offrir une meilleure compréhension quant à la combinaison des différents types d'instruments et des différentes institutions selon divers problèmes environnementaux. En ce sens, les transports urbains dits « durables » comme enjeu de politique publique constitueraient un cas particulièrement porteur, car, de par sa complexité, celui-ci fait appel à une panoplie d'instruments tentant de réguler un très grand nombre d'acteurs et d'interactions, dont les instruments de gouvernance.

2.3 Transports urbains « durables » comme enjeux de politique publique

Le secteur des transports constitue un enjeu environnemental d'importance, et ce, particulièrement dans les pays industrialisés et nouvellement industrialisés. En effet, celui-ci occupe une place de premier plan dans les émissions totales de GES. Par exemple, celui-ci est le principal émetteur de GES au Québec, avant le secteur industriel et résidentiel, avec environ 39% du total, dont 80% accaparé par le transport sur route (Transports Québec, 2007). En guise de comparaison, les émissions provenant des transports occupent la seconde place aux États-Unis, à 32% des émissions totales, après la production d'énergie (EPA, 2010 :32). La différence entre les deux juridictions, en

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termes de sources d'émission, serait en bonne partie attribuable à la plus grande importance des combustibles fossiles dans la production d'électricité aux États-Unis (Arel-Bundock et Martin, 2008 :3). Compte tenu de l'importance du secteur des transports en termes d'émissions de GES, les autorités publiques nationales et locales des pays industrialisés et nouvellement industrialisés reconnaissent désormais les innombrables défis que pose la circulation croissante des biens et des marchandises, et c'est pourquoi bon nombre d'entre elles ont adopté des politiques de transport et de planification urbaine, en tentant de rendre la mobilité des personnes davantage « durable » (CEMT, 2002 ; Navarre, 2000). Nous observons donc un changement de paradigme, puisque nous sommes récemment passés d'une conception de la mobilité comme facteur de croissance économique et de bien-être (entre 1950 à 1980), à une conception de la mobilité qui devait être maîtrisée, car génératrice d'externalités sur l'environnement physique et le cadre de vie des citoyens (de 1980 à aujourd'hui) (Boillat etPini,2005:81).

Ainsi, le concept de développement durable, en tant qu'éthique du changement et principe d'action intégrant la croissance économique, la protection de l'environnement et l'équité sociale, est désormais au centre de la réflexion actuelle sur les transformations et l'avenir des villes. La métropolisation et l'urbanisation extensive, ainsi que les externalités environnementales négatives qu'elles engendrent, lancent de redoutables défis aux pouvoirs urbains et à l'action publique, et ce, tant du point de vue organisationnel que démocratique. Selon Antonio Da Cunha, dans l'ouvrage collectif intitulé Enjeux du développement urbain durable : Transformations urbaines, gestion des ressources et gouvernance (2005 : 9-10), le développement urbain durable peut se décliner en quatre objectifs concrets et apparemment consensuels, soit : la réduction de la consommation d'espace, la limitation des déplacements inutiles d'hommes et de marchandises, la maîtrise de la consommation énergétique et des pollutions, ainsi que l'amélioration de la qualité de vie urbaine. La dépendance automobile, qui détermine largement le bilan environnemental des villes par l'espace que nécessite son utilisation, par les formes d'occupation qu'elle favorise et par les pollutions qu'elle engendre, se situe à l'intersection de ces quatre objectifs et constitue donc un élément clé des politiques de développement urbain durable.

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Plus concrètement, la mobilité ne peut être durable que si le système de transport respecte, dans son fonctionnement, les limites écologiques, et ce, tout en assurant l'efficience des déplacements en termes économiques et l'équité sociale (Boillat et Pini, 2005 : 79). Cela implique notamment que le nombre de déplacements motorisés, la distance parcourue et la consommation des ressources pour ces déplacements soient minimisés. Or, dans les pays industrialisés qui sont sous le joug de l'automobile individuelle, ces trois indicateurs sont en constante croissance (Boillat et Pini, 200 : 79). En outre, pour atteindre les objectifs de mobilité durable, les gouvernements devront, plus généralement, tenter de réduire certaines externalités environnementales et spatiales négatives, d'une part, comme les pollutions, la consommation de sol, la dégradation de cadres de vie et de paysages, et, d'autre part, la consommation d'énergies non renouvelables (Boillat et Pini, 200 : 80). Tel que nous le verrons dans les prochains paragraphes, les instruments de mise en œuvre de ces objectifs font face à des défis structuraux d'envergure, dont l'aménagement actuel des villes et l'augmentation croissante de la mobilité individuelle, lesquels engendrent un arbitrage constant entre les préoccupations sociales, environnementales et économiques du développement durable (Boillat et Pini, 200:81-82).

2.3 (a) Instruments de politique publique en matière de transports urbains durables

Les gouvernements disposent d'instruments d'intervention nombreux et variés afin de mettre en œuvre les politiques de transports urbains durables qui visent à inciter, ou à contraindre, les individus et les organisations à entreprendre des actions allant vers une mobilité durable. Une manière courante de classifier les instruments en transports est celle de les distinguer selon leur effet sur l'offre ou sur la demande (Boillat et Pini, 2005 : 84). Ainsi, les premiers consistent à changer le comportement modal des usagers en modifiant l'offre de transports. Ceux-ci comprennent les investissements dans les infrastructures de transports publics et l'instauration de mesures de financement ou de restriction de l'offre, dont l'instauration de limites de stationnement. Quant aux seconds, ils tentent de modifier la demande de transports, et comprennent les mesures d'incitation, de promotion ou de sensibilisation à l'usage des différents moyens de transport, dont les

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subventions à l'achat de véhicules moins énergivores, la promotion de la mobilité douce (marche à pied et cyclisme), ou l'aménagement du territoire visant à contrôler la demande à la source. (Boillat et Pini, 2005 : 85) Cette tendance en vogue, qui consiste en la planification d'un urbanisme de proximité privilégiant la mixité des fonctions et des activités (logement, travail, achats et loisirs), est parfois appelée transit oriented development (développement orienté vers les transports publics), new urbanism (urbanisme nouveau), ou smart growth (croissance intelligente). Ces stratégies cherchant à coordonner urbanisation et transports font appel, à leur tour, à une combinaison d'instruments fiscaux, tarifaire, juridiques, réglementaires, normatifs, technologiques, informationnels, etc. (Da Cunha et a l , 2005 : 1-15, CEMT, 2002 : 58).

Cependant, selon la Conférence européenne des ministres des transports (CEMT, 2002 :3) la mise en œuvre concrète de ces politiques de réduction de GES dans le domaine des transports urbains, qui requiert une panoplie de mesures intégrées et flexibles, s'avère ardue dans bon nombre de pays, dont ceux membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En effet, bien que ces pays fassent des progrès dans le développement de mesures visant à réduire la congestion automobile, l'étalement urbain et les externalités négatives des pratiques de déplacement urbains, de graves difficultés persistent quant à la mise en application et à l'évaluation de ces politiques (CEMT, 2002 : 3-4). Ces difficultés de mise en œuvre seraient dues au fait qu'il faille mettre au point une combinaison d'instruments d'action complémentaires propre à des stratégies plurisectorielles et intégrées qui se font sentir au-delà des juridictions géographiques des régions urbaines, soit au-delà du cadre municipal. En

effet, l'intégration des politiques de planification du transport et de l'aménagement foncier nécessite le déploiement d'un ensemble cohérent d'instruments clairs et ciblés, ce qui requiert une structure des cadres décisionnels publics rendant possible une coopération poussée en amont, entre institutions et secteurs, comme au niveau métropolitain, par exemple. (CEMT, 2002 : 57-58). En ce sens, on pourrait parler d'une gouvernance entre acteurs gouvernementaux, tellement les intervenants publics sont diversifiés en termes de responsabilités (transports, environnement, aménagement du territoire, santé publique) et de juridiction (local, régional, sub-national, national).

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De manière plus concrète, le Rapport final de la CEMT (2003), portant sur la mise en œuvre des politiques des transports urbains durables, identifie plusieurs initiatives actuelles adoptées par les gouvernements européens, ainsi que les problèmes de mise en œuvre fréquemment rencontrés. En outre, la Conférence recommande d'autres outils devant idéalement être adoptés. Voici un tableau récapitulatif inspiré du contenu du rapport :

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Tableau 1 : Sommaire des instruments adoptés, des problèmes rencontrés et des mesures suggérées par la CEMT

Instruments Adoptés Problèmes Rencontrés Mesures Suggérées Décentralisation et

relations entre les administrations nationales et locales

Absence de cadre d'action national en faveur du transport urbain durable

Etablir un cadre d'action national favorable Intégration de la planification des transports et de l'aménagement foncier Intégration et coordination insuffisantes des politiques

Améliorer la coordination et la coopération au niveau institutionnel

Consultation Inefficacité ou

contreproductivité des rôles et des procédures institutionnels

Encourager une

participation concrète du public, les partenariats et la communication

Qualité des transports publics

Résistance du public, des groupes de pression et des médias aux mesures proposées

Créer un cadre juridique et réglementaire favorable Gestion de la circulation Cadre juridique ou

réglementaire défavorable

Mettre en place une structure de tarification et un régime fiscal cohérent Tarification d'usage de

la voirie et de la congestion

Lacunes du dispositif de tarification/fiscalité

Rationaliser les flux de financement et

d'investissement Politiques relatives aux

changements climatiques

Flux de financements et d'investissements mal orientés

Améliorer la collecte de données, les activités de suivi et de recherche Objectifs des pouvoirs

publics Obstacles d'ordre analytique Insuffisance des données sur le plan quantitatif et qualitatif Une volonté politique mal assurée

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Ce tableau synthèse propose un bref aperçu des combinaisons d'instruments pouvant être adoptées et illustre que le courant des politiques et le courant des solutions doivent se rencontrer pour qu'il y ait avènement d'un système de gouvernance du transport urbain durable cohérent.

Compte tenu, d'une part, du changement de tendance quant aux choix d'instruments de politique publique en général (laquelle reste à démontrer dans le secteur des transports urbains durables) et, d'autre part, des difficultés encourues de la part des autorités gouvernementales lors de la mise en œuvre des politiques de mobilité durables, il peut sembler pertinent de s'interroger davantage sur les instruments utilisés en matière de transports urbains durables. Alors que les politiques de mobilité durable nécessitent le déploiement d'une panoplie d'instruments coordonnés à un niveau supérieur, les outils pouvant être utilisés, notamment le recours aux tierces parties, semblent plutôt décentralisés. Ces outils font-ils partie d'un plan coordonné d'actions complémentaires, lequel a été adopté par une autorité centralisée, ou bien sont-ils adoptés à l'emporte-pièce, en dernier recours, par des autorités municipales en perte de moyens ? Il serait donc intéressant d'en apprendre davantage sur la nature réelle des instruments utilisés par les gouvernements (de tous les paliers) cn matière de transports urbains durables, ainsi que sur les raisons qui motivent les gouvernements à choisir tel instrument plutôt que tel autre lorsqu'ils décident d'intervenir en la matière. Autrement dit, quels sont les types et les combinaisons d'instruments employés pour mettre en œuvre les politiques de transports urbains durables et quel(s) facteur (s) détermine(nt) ces choix ?

Lever le voile sur les instruments de politique publique fournira des données utiles aux praticiens quant aux moyens pouvant être employés lors de la mise en œuvre des politiques, ainsi que sur les opportunités et les difficultés auxquels ils pourraient faire face dans cette entreprise. D'un point de vue théorique, cette étude sera l'occasion de tester une première fois un récent modèle, élaboré dans un document de travail intitulé «Legitimacy and Information asymmetries : Explaining the Choice of Policy Instruments in Modern, Advanced Societies» (Mercier, 2007). Ce modèle des asymétries d'information et de légitimité postule que le choix des instruments soit déterminé, dans

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les sociétés modernes et avancées, par le niveau d'asymétrie d'information en faveur des acteurs provenant de l'industrie et des organisations non gouvernementales, ainsi que par le niveau d'asymétrie de légitimité en faveur des acteurs gouvernementaux. Les prochaines sections seront ainsi consacrées à la présentation de ce cadre théorique et de la stratégie de recherche employée, abordant plus spécifiquement les deux cas à l'étude, soit les instruments adoptés dans les villes de Montréal et Boston en matière de transports urbains durables.

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3. Cadre théorique

Au regard de la littérature portant sur les instruments de politique publique et compte tenu des besoins de la présente recherche qui se veut consacrée aux transports urbains durables, le cadre d'analyse proposé par le modèle des asymétries d'information et de légitimité semble particulièrement approprié. D'une part, ce modèle, qui propose à la fois une classification d'instruments et un modèle expliquant le choix d'instruments, prend en compte plusieurs éléments fondamentaux soulevés par les auteurs précédemment cités, dont la question du degré de coercition, de l'asymétrie de l'information, de la combinaison des instruments, ainsi que des instruments de gouvernance. De plus, il a été développé spécifiquement sur la base des instruments de politique environnementale, ce qui se rapproche davantage de notre objet de recherche, soit les instruments de politique en matière de transports urbains durables. Cette section est donc consacrée exclusivement à la présentation du modèle des asymétries, plus particulièrement à la spécification des variables dépendante, soit le choix d'instruments, et indépendantes, soit l'asymétrie de l'information et l'asymétrie de légitimité. L'interaction entre les deux variables sera finalement présentée, avant de faire place à la stratégie de recherche employée.

3.1 Spécification de la variable dépendante

La théorie des asymétries reprend un élément structurel de la typologie des instruments des Carrots, sticks and sermons, élaborée par Evert Vedung (1998 : 30), soit que les instruments sont définis en terme du niveau de coercition utilisé par l'autorité gouvernementale. Ainsi, les instruments peuvent êtres situés sur un continuum coercitif-libre (cf. Figure 1), allant de l'instrument le moins coercitif, soit l'autorégulation pure (lorsque les autorités gouvernementales n'agissent tout simplement pas), à l'instrument le plus coercitif, soit l'action gouvernementale directe (lorsque les autorités gouvernementales entreprennent elles-mêmes les actions qu'elles désirent voir réalisées). Ainsi, nos observations porteront plus précisément sur la dimension coercitive de la variable dépendante, soit le choix des instruments.

(26)

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6. Manipulation des Normes et des Réseaux 5. Accords Volontaires 4. Dissémination de l'Information/ Promotion de Comportements 3. Collecte d'Information/ Financement de la Recherche/ Détection 2. Autorégulation Supervisée par le Gouvernement Autorégulation Pure r» o o c± *M J U -o XU • — 'o.

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3.2 Spécification des variables indépendantes

Le modèle des asymétries, présenté par l'équipe de recherche (Mercier, 2007), suggère donc que dans les société modernes, le choix des instruments soit déterminé par le niveau d'asymétrie d'information, le plus souvent en faveur des acteurs provenant de l'industrie et des organisations non gouvernementales, ainsi que par le niveau d'asymétrie de légitimité, le plus souvent en faveur des acteurs gouvernementaux. Il se base sur le postulat voulant que dans l'échange entre l'entreprise et le gouvernement, l'avantage de l'information aille généralement à l'entreprise, alors que l'avantage de la légitimité aille généralement au gouvernement. Pour être en mesure d'agir de manière efficace en choisissant l'instrument adéquat à une situation particulière, le gouvernement a besoin de toute l'information dont il puisse disposer ; et dans l'éventualité où cet instrument se veut être davantage direct et coercitif, les gouvernements ont besoin, cette fois, d'une légitimité plus forte. Les deux acteurs se trouveraient ainsi en situation de forte dépendance bilatérale, ce qui les inciterait à entreprendre un processus de négociation qui mènerait éventuellement le gouvernement à choisir certains instruments plutôt que d'autres.

3.2 (a) Asymétrie de l'information

La variable «information» est souvent présentée de manière asymétrique dans la littérature portant sur le choix des instruments et sur l'institutionnalisme économique (Mercier, 2007 : 7 ; Salamon, 2002 : 13). L'asymétrie d'information est observable lors d'un échange entre un principal et un agent, lorsqu'un des deux participants, habituellement l'agent, dispose d'informations que l'autre ne possède pas (Scott, 2003 :

165). Bien que la théorie du principal-agent soit habituellement utilisée dans le cas des rapports entre employeur et employés ou élu et électeur, elle est utilisée ici de manière quelque peu novatrice en s'appliquant aux relations gouvernement-acteur privé (firme privée, ONG ou citoyens). En matière de politique environnementale, par exemple, il est reconnu que l'asymétrie de l'information est en faveur du pollueur. Dans ce cas, le seul moyen dont dispose le gouvernement afin de contourner ce désavantage est d'acquérir l'information au sujet de la performance des agents, mais cela implique des coûts (Carter,

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2001 : 13 ; 289-290). Cependant, la légitimité que possède le gouvernement lui donne suffisamment d'autorité pour au moins débuter le processus de collecte d'information.

Habituellement, dans le cas des politiques environnementales, l'information clef dont disposent l'industrie et les acteurs privés est celle dont le gouvernement a besoin dans le but de réduire la pollution et ainsi produire un service de «protection environnementale». Ces éléments d'information prennent différentes formes, notamment:

a) L'information relative aux données techniques à propos de la production, notamment les meilleures pratiques et les technologies disponibles, ainsi que les intrants nécessaires en termes de matériaux, de ressources énergétiques, et autres intrants ;

b) L'information à propos du suivi des agents polluants émis, ou les externalités négatives, et comment ceux-ci se mélangent aux autres sources de pollution ;

c) L'information concernant les politiques internes aux entreprises et les différents scénarios financiers, dont les plans de marketing, les coûts d'abattement et ses plans à long terme, incluant ses plans de délocalisation éventuelle ; et

d) La manière dont les parties concernées par les mesures mises en œuvre y réagiront.

Exception faite de l'information relative à la manière dont certains polluants interagissent dans un contexte naturel (soit le cas b), l'industrie et les acteurs non gouvernementaux possèdent, la plupart du temps, un avantage sur le gouvernement au regard de chacune de ces catégories d'information, selon ce que le modèle suppose (Mercier, 2007 : 8).

Bien que le niveau d'asymétrie soit l'élément fondamental de ce schéma de classification, le type d'information sur lequel se base l'asymétrie est aussi pertinent, car cela affecte l'étendue, la portée, et donc l'intensité de l'asymétrie. Par exemple, si l'information dont dispose le gouvernement en ce qui a trait aux technologies de

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réduction des émissions polluantes est presque équivalente à celle dont dispose l'industrie à ce sujet, la possibilité qu'il impose l'utilisation de certaines technologies est plus grande. Inversement, si le gouvernement se situe loin derrière l'industrie en ce qui concerne l'information dont il dispose quant aux procédés de production de cette dernière (soit parce qu'ils sont complexes, soit parce qu'ils changent constamment), mais qu'il est moins désavantagé quant aux connaissances à propos de la mesure des niveaux d'émission de pollution, alors il pourra imposer certains niveaux d'émissions, laissant à l'industrie le soin de trouver la manière dont elle atteindra les cibles de réduction. Cette situation ouvre la porte à l'instauration d'instruments de marché, une des possibilités qui s'offre au gouvernement lorsqu'il rencontre ce type d'asymétrie de l'information. (Mercier, 2007 : 9)

3.2 (b) Asymétrie de la légitimité

Telle que conceptualisée originellement par Max Weber, la légitimité est l'une des caractéristiques propres à l'État. Au cours de la deuxième moitié du vingtième siècle, l'État a su s'imposer comme primus inter pares, notamment grâce à son pouvoir de coercition légitime (Streeck et Schmitter, 1985 : 20 ; Dimaggio et Powell, 1983 : 147). Bien qu'elle soit davantage abstraite et subjective que celle de l'information, la notion de légitimité est aussi importante et contribue, à sa manière, à une meilleure compréhension du choix des instruments de politique publique. En effet, le lien entre les instruments de politique publique et la légitimité a déjà été analysé par Lascoumes et Le Gales (2007) et Howlett (2005). Dans le cas du modèle des asymétries, la variable « légitimité » n'est pas abordée de manière dichotomique (existante ou non), telle qu'elle puisse l'être en science politique ou en sociologie, mais plutôt de manière variable et attachée à différents acteurs. L'asymétrie de légitimité entre le gouvernement et les acteurs privés et non gouvernementaux contribuera à déterminer le niveau de coercition des instruments qui pourront être adoptés par les gouvernements. Plus l'asymétrie de légitimité est en faveur du gouvernement, plus il sera en mesure d'adopter des mesures coercitives, et vice versa. Les acteurs privés et non gouvernementaux n'ayant pas intérêt à internaliser, de leur propre chef, les coûts environnementaux qu'engendrent leurs activités, les autorités gouvernementales doivent éventuellement adopter des mesures coercitives en matière

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environnementale s'ils veulent réguler efficacement ce secteur ; les mesures volontaires ne suffisent pas à influencer les acteurs.

Il existe plusieurs angles d'approche théoriques afin d'aborder la légitimité (pragmatique, morale, cognitive, entre autres, voir Cashore [2002]), mais c'est de l'institutionnalisme sociologique d'où provient la définition adoptée par le modèle que nous utilisons. Ainsi, tel que défini par Mark Suchman (1995 : 574) :

Legitimacy is a generalized perception or the assumption that the actions of an entity are desirable, proper, or appropriate within some socially constructed system of norms, values, beliefs, and definitions.

La légitimité est donc un «composite» de plusieurs éléments, dont l'idéologie, la culture, le pouvoir relatif, le mandat ou la juridiction (institutional appropriateness) et le niveau de danger que l'instrument doit contribuer à neutraliser. Concrètement, cela s'observe de deux manières : d'une part, par les perceptions des gouvernements, ainsi que des acteurs privés et non gouvernementaux et, d'autre part, par le pouvoir d'action institutionnel dont bénéficie l'autorité publique responsable de l'élaboration des politiques, lequel peut être mesuré par le niveau de centralisation, l'ampleur du mandat et le pourcentage du budget national qui lui est alloué.

La légitimité et l'information appartiennent à deux horizons temporels différents : alors que l'information est rattachée à une situation particulière, à une asymétrie spécifique, la légitimité tient de la stabilité, du long terme, tel un capital accumulé (Scott, 2001 : 59; Mercier, 2007:12), quoiqu'elle puisse aussi être rattachée à un domaine d'action ou un horizon temporel particulier. En outre, si la légitimité est l'«as» dans les mains du gouvernement, elle doit aussi être utilisée avec précaution et parcimonie, car l'utilisation de la contrainte minimale nécessaire est toujours préférable lorsqu'il est question d'intervention gouvernementale (Vedung, 1998 : 41).

L'asymétrie de légitimité apparaît donc, en partie, une notion davantage subjective que l'asymétrie de l'information. Elle peut varier aussi bien historiquement (habituellement, les externalités augmentent la légitimité de l'action gouvernementale) que culturellement (dans les pays Scandinaves, par exemple, ont est plus facilement

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convaincu de la légitimité de l'action gouvernementale qu'en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, entre autres). Cependant, le niveau de légitimité possède aussi un côté très objectif, en ce sens que le mandat, la juridiction, les ressources et le budget alloué à une entité gouvernementale apparaissent comme des éléments assez objectifs. On peut penser que lorsque les gouvernements évaluent les possibilités d'utilisation des instruments, le degré de légitimité qu'ils possèdent, et surtout celui qu'ils posséderont après l'intervention, éclipse probablement, la plupart du temps, plusieurs autres considérations. Si l'asymétrie de l'information oriente le choix des gouvernements en identifiant ce qu'ils peuvent faire, les conditions reliées à la légitimité déterminent ce qui est acceptable de

faire, selon les circonstances. (Mercier, 2007 : 13)

Tel que suggéré précédemment, ni la légitimité, ni l'information ne sont détenues exclusivement par les gouvernements, dans le premier cas, ou les entreprises et les organisations non gouvernementales, dans le second. L'industrie peut augmenter sa légitimité et le gouvernement, dans certaines circonstances, possède autant de connaissances que les acteurs non gouvernementaux et les entreprises. Néanmoins, dans la plupart des cas, le modèle postule que le gouvernement détient l'avantage de la légitimité, alors que les acteurs non gouvernementaux et les entreprises détiennent une certaine quantité d'information que le gouvernement ne possède pas, ne serait-ce que la manière dont ils réagiront aux différents instruments. (Mercier, 2007 : 14)

3.2 (c) Interactions entre variables dépendante et indépendantes

Tel qu'énoncé précédemment, le modèle des asymétries suggère que le choix des instruments de politique publique est déterminé en fonction de deux variables structurelles, soit l'information et la légitimité, qui peuvent être présentées comme étant des éléments asymétriques placés sur un continuum. Ainsi, l'information peut varier, à un extrême, à une asymétrie de l'information en faveur des acteurs privés et non gouvernementaux (cf. haut de la Figure 2), et, à l'autre extrême du continuum, à une asymétrie de l'information en faveur des acteurs gouvernementaux (cf. bas de la Figure 2). De la même façon, la légitimité peut varier, à un extrême, à une légitimité en faveur des acteurs privés et non gouvernementaux (cf. gauche de la Figure 2), et, à l'autre

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extrême du continuum, à une asymétrie de légitimité en faveur du gouvernement (cf. droite de la Figure 2).

Ces deux asymétries se combinent en un ensemble matriciel pour caractériser quatre différents types de sociétés, tel que l'illustre la Figure 2. Selon ce modèle, la configuration plus fréquente des sociétés modernes et avancées est une combinaison de l'asymétrie de l'information en faveur des acteurs privés et non gouvernementaux et de l'asymétrie de la légitimité en faveur des gouvernements. Puisque cette étude porte sur le choix des instruments dans les sociétés modernes et avancées, les trois autres cas théoriques et historiques ne sont pas considérés par la figure suivante (soit la Figure 3).

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Figure 2 : Asymétrie de l'information et de légitimité sous une perspective historique

Asymétrie de l'information en faveur des acteurs privés et non gouvernent ntaux

"Laissez- Sociétés modernes et Faire" avancées Asymétrie de la légitimité en f*"» v*»II i* sirjoc ^ Asymétrie de la h légitimité en I d V c U i U c s ^ acteurs privés et non faveur du gouvernement gouvernementaux Gouvernement inhibé Holistique Planification/ Gouvernement totalitaire Asymétrie de l'information en faveur du gouvernement Source : (Mercier, 2007 : 39)

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Quatre familles d'instruments

Trois des quatre possibilités présentes dans la Figure 2 ayant été éliminées dans la Figure 3 (ici-bas), nous nous retrouvons donc avec quatre nouveaux quadrants configurés de la même manière que la Figure 2. Ces quadrants représentent donc quatre catégories de base des instruments de politique publique rattachés à quatre idéaux-types, soit : «Autorégulation», «Action limitée», «Gouvernance» et «Gouvernement proactif». Tous les instruments de politique publique rattachés aux quatre idéaux-types peuvent être identifiés selon l'intersection particulière entre ces deux variables, et chaque idéal-type représente un niveau distinct de coercition.

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Figure 3 : Asymétrie de l'information et de légitimité dans les sociétés modernes et avancées

Asymétrie de l'information en faveur des acteurs privés et non

gouvernementaux

-cœrcmr ^ r é g u l a t i o n 1 " Gouvernance

+ Coercitif

Autorégulation

pure Manipulation des normes et des réseaux \ Autorégulation supervisée par le gouvernement Activation de différents types d'instruments financiers/économiques Asymétrie de la \ légitimité en faveur du Accords gouvernement Action limitée Gouvernement proactif

Information (collecte et dissémination) Réglementation négociée Recherche Réglementation unilatérale "Détection" - Coercitif Action gouvernementale directe ++ Coercitif Source : (Mercier, 2007)

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Autorégulation. Il y a autorégulation lorsque la planification et la mise en œuvre des politiques sont essentiellement laissées aux acteurs non gouvernementaux et aux entreprises. Cet état de fait se produit lorsque l'asymétrie de l'information est fortement en faveur de l'entreprise et les acteurs non gouvernementaux, alors que le gouvernement ne détient pas encore suffisamment de légitimité pour agir. Dans ce cas, le gouvernement ne se situe pas dans une position suffisante, tant du point de vue des connaissances que du point de vue de la légitimité, pour diriger fermement la société civile. La plupart des politiques débutent par une forme d'autorégulation, pour ensuite y rester ou se déplacer vers d'autres quadrants. Dans le cas de politiques complexes, comme la réduction les émissions de GES, l'autorégulation est souvent suivie d'une cueillette d'informations. Si le gouvernement désire agir de manière plus forte, il doit soit augmenter sa légitimité, soit l'information qu'il détient. (Mercier, 2007 : 22)

On distingue trois types d'instruments d'autorégulation, soit :

a) L'autorégulation pure, où les entreprises décident d'agir ou non, de façon totalement libre et unilatérale, comme, par exemple, l'adoption de standards internationaux de type ISO;

b) L'autorégulation supervisée par le gouvernement, lorsque les entreprises décident d'agir par elles-mêmes, et entre elles, mais assistées dans leurs décisions par le gouvernement qui intervient d'une façon non coercitive, comme, par exemple, le cas d'une industrie qui tente de s'autoréguler en faisant appel au gouvernement afin que ce dernier précise les paramètres d'un champ d'intervention; et

c) Les accords volontaires, où les entreprises, séparément ou en association, signent volontairement des ententes avec un niveau de gouvernement, avec les conséquences que cela implique.

Action limitée. On observe les instruments d'action limitée lorsque ni le gouvernement, ni l'entreprise et des acteurs non gouvernementaux ne disposent d'un avantage appréciable en termes d'information et/ou de légitimité. L'«Action limitée» ne signifie

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pas que le gouvernement n'agit pas, mais cela signifie qu'aucune action n'affecte directement et vigoureusement les entreprises, les ONG ou les citoyens (Mercier, 2007 : 22). Il s'agit d'une situation où les gouvernements n'ont pas encore décidé d'agir, ne considèrent pas qu'il y a un problème ou, plus fréquemment, cherchent à en apprendre plus sur une situation environnementale, avant d'intervenir. Dans ce cas, il y a trois possibilités d'action, légèrement différentes les unes des autres :

a) Le gouvernement cherche à collecter de l'information, et/ou à faire ou à financer de la recherche.

b) Le gouvernement cherche à disséminer de l'information, ou à promouvoir des comportements à travers la société, les entreprises et les autres organisations.

c) Le gouvernement cherche à « détecter » ce qui se passe par des études sur le terrain et par des analyses d'échantillons.

Gouvernance. Toujours selon la théorie générale des asymétries, les instruments de la gouvernance s'opèrent lorsqu'il y a une forte asymétrie d'information en faveur de l'entreprise et des acteurs non gouvernementaux, alors que le gouvernement détient néanmoins un fort avantage de légitimité. Dans ce cas, les gouvernements interviennent, mais de façon indirecte, sur les acteurs, leurs normes ou leurs situations économiques. On distingue donc quatre types d'instruments de gouvernance, soit :

a) «Manipulation des normes et des réseaux», lorsque le gouvernement intervient en organisant des tables rondes, des réseaux, et/ou en nommant des acteurs sociaux à des positions clés ; ou lorsqu'il intervient en proposant ou en supportant des normes qui préexistent à son action ;

b) «Instruments économiques incitatifs», lorsque le gouvernement intervient à travers des incitatifs comme des dépenses, des subventions, des allégements fiscaux ou d'autres mesures d'aide et de soutien financier ; c) «Instruments économiques punitifs», lorsque le gouvernement intervient à

travers des mesures quelque peu «punitives», comme des taxes fixes sur des procédés, des technologies ou des activités ; et

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d) «Instruments de marché», lorsque le gouvernement intervient à travers des mesures économiques, dites « de marché », c'est-à-dire des mesures financières qui imposent des coûts financiers, mais dont le montant final dépend des décisions de l'organisation, ou de l'entreprise, comme dans le cas des écotaxes et des droits d'émission.

Tel qu'énoncé précédemment, l'occurrence de la gouvernance est une caractéristique particulière des sociétés modernes et avancées, où le gouvernement est toujours responsable, mais moins capable d'agir seul. Les institutions et les gouvernements doivent donc s'adapter de manière à accroître les échanges avec leur environnement ; s'ensuit un type de politique basé sur des instruments faisant appel à l'interactivité, l'horizontalité, la latéralité, les réseaux et les échanges. (Mercier, 2007 : 33)

Gouvernement proactif. Les gouvernements décident d'adopter des mesures proactives lorsqu'ils détiennent un certain l'avantage à la fois sur l'information et la légitimité, vis-à-vis l'industrie et les organisations non gouvernementales. Les gouvernements proactifs disposent de trois types d'instruments, soit :

a) La réglementation négociée, où le gouvernement met en œuvre une réglementation, mais seulement après en avoir discuté avec les entreprises et les organisations, comme, par exemple, la détermination de niveaux d'intensité d'émissions de GES pour les grandes entreprises;

b) La réglementation unilatérale, lorsque le gouvernement adopte et met en œuvre une réglementation à partir de sa propre initiative, de sa propre autorité, comme, par exemple, l'interdiction de l'accès au centre-ville à certains types de véhicules; et

c) L'action gouvernementale directe, lorsque le gouvernement décide d'intervenir en réalisant lui-même ce qu'il veut voir réalisé, comme, par exemple, la modification de l'offre de service en matière de transport en commun.

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L'action directe et la réglementation unilatérale sont les cas les plus extrêmes d'une forte légitimité et de fortes connaissances gouvernementales : le cas classique et historique de la bureaucratie wébérienne. Dans le cas du gouvernement proactif et celui des instruments plus coercitifs en particulier, une forte légitimité peut avoir été acquise lors d'une situation grave ou présentant un danger immédiat. Or, si le gouvernement désire maintenir un niveau élevé de légitimité, le gouvernement doit se garder d'intervenir de manière trop coercitive, car contrairement à la persuasion, la punition est coûteuse en termes de légitimité. Ainsi, bien que le gouvernement puisse être en position d'agir unilatéralement, il pourra hésiter à intervenir afin d'«économiser» la légitimité qu'il détient pour d'autres enjeux plus importants, lorsque la légitimité du gouvernement est cruciale. Dans ce cas, le gouvernement pourra combiner des instruments proactifs avec certains instruments moins coercitifs. (Mercier, 2007 : 29)

Les variables dépendante et indépendantes étant désormais spécifiées et mises en relation, il serait pertinent de présenter la stratégie de recherche, dont notamment les objectifs poursuivis, le cadre opératoire, la stratégie de vérification, ainsi que la portée théorique et les limites du cadre de recherche.

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4. Stratégie de recherche

4.1 Objectifs de recherche

Tel qu'évoqué précédemment, la présente recherche tente de faire avancer nos connaissances sur le choix des instruments de politique publique au moyen du modèle des asymétries de l'information et de la légitimité (Mercier, 2007), qui postule que dans les sociétés modernes et avancées, le choix des instruments soit déterminé par le niveau d'asymétrie d'information le plus souvent en faveur des acteurs provenant de l'industrie et des organisations non gouvernementales, ainsi que par le niveau d'asymétrie de légitimité le plus souvent en faveur des acteurs gouvernementaux. Or, la présente recherche consiste en un test empirique de ce modèle. C'est donc notamment ce à quoi cette étude est dédiée, c'est-à-dire un test empirique du modèle des asymétries dans un champ d'intervention spécifique, soit les transports urbains durables. Par la même occasion, nous serons en mesure de caractériser l'action gouvernementale en la matière, comparativement aux autres champs de politique environnementale. En outre, lever le voile sur les facteurs intervenant lors du choix des instruments de politique en matière de transports urbains durables permettra notamment d'expliquer l'adoption de ceux-ci.

4.2 Cadre opératoire

Les instruments de politique publique, ainsi que les asymétries de l'information et de légitimité, peuvent être appliqués de manière spécifique au domaine des transports urbains durables. D'abord, en matière d'instruments, le tableau ci-dessous classe des exemples communs d'instruments adoptés en matière de transports urbains durables dans les pays membres de la CEMT ou de l'OCDE, selon la typologie élaborée par l'équipe de recherche (Mercier, 2007), soit selon l'idéal-type d'action, leur niveau de coercition, ainsi que leur type.

(41)

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Figure 2 : Asymétrie de l'information et de légitimité sous une perspective  historique
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